Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : JJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 194

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : J. J.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 14 décembre 2022
(GE-22-2487)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 22 février 2023
Numéro de dossier : AD-23-66

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a été suspendue et congédiée parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption.La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a décidé que la prestataire avait été congédiée en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. La prestataire a porté la décision de révision en appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue et congédiée suite à son refus de se conformer à la politique de l’employeur. La division générale a jugé que la prestataire savait que l’employeur était susceptible de la suspendre et de la congédier dans ces circonstances. Elle a conclu que la prestataire avait été suspendue et congédiée en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Elle soutient que son employeur a ajouté unilatéralement de nouvelles conditions à son contrat de travail. Elle dit que l’employeur l’a congédiée de manière déguisée après 20 ans de loyaux services en la mettant en congé sans son consentement. Elle affirme que l’employeur a violé ses droits fondamentaux et constitutionnels. Elle ajoute qu’il est injuste de congédier des personnes parce qu’elles ne sont pas vaccinées.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est une première étape que la prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont elle devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est possible de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, pour accorder la permission d’en appeler, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] La prestataire soutient que son employeur a ajouté unilatéralement de nouvelles conditions à son contrat de travail. Elle dit que l’employeur l’a congédiée de manière déguisée après 20 ans de loyaux services en la mettant en congé sans son consentement. Elle affirme que l’employeur a violé ses droits fondamentaux et constitutionnels. Elle dit qu’il est injuste de congédier des personnes parce qu’elles ne sont pas vaccinées.

[13] La division générale devait décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas nécessairement que le comportement fautif résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, les actes reprochés doivent avoir été délibérés, ou, à tout le moins, d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé d’ignorer les répercussions qu’ils auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si celui-ci s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de telle sorte que son congédiement était injustifié. Son rôle est plutôt de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiement Note de bas de page 1.

[16] Après avoir examiné la preuve, la division générale a conclu que la prestataire a été congédiée parce qu’elle a refusé de suivre la politique de vaccination de l’employeur. Elle a été informée de la politique et on lui a donné le temps de s’y conformer. On ne lui a pas accordé d’exemption. Le refus de la prestataire était intentionnel. C’était un refus délibéré. C’est la cause directe de son congédiement.

[17] La division générale a conclu que la prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pourrait entraîner son congédiement.

[18] La division générale a jugé que la preuve prépondérante démontrait que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi qu’une violation délibérée d’une politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2. On considère également comme une inconduite au sens de la Loi le fait de ne pas observer une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une industrieNote de bas de page 3.

[20] Personne ne conteste le fait qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés dans leur milieu de travail. Dans la présente affaire, le médecin hygiéniste en chef a rendu obligatoire la mise en place d’une politique de vaccination dans les hôpitaux. L’employeur de la prestataire était donc tenu par la loi de se conformer à la directive no 6. La politique de vaccination de l’employeur était en vigueur lorsque la prestataire a été congédiéeNote de bas de page 4.

[21] Le Tribunal n’a pas compétence pour décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[22] La prestataire soutient que la division générale a refusé d’exercer sa compétence sur les questions de savoir si l’employeur a violé son contrat de travail et si la politique de l’employeur portait atteinte à ses droits fondamentaux et constitutionnels.

[23] Les questions de savoir si l’employeur a congédié la prestataire de manière déguisée et si la politique portait atteinte à ses droits fondamentaux et constitutionnels relèvent d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que la prestataire demandeNote de bas de page 5.

[24] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’une partie prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[25] La prestataire a fait valoir que le fait de refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Elle a affirmé qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. La prestataire s’est sentie discriminée en raison de son choix médical personnel. Elle a soutenu qu’elle était maître de sa propre intégrité physique et qu’on avait porté atteinte aux droits qui lui étaient garantis par le droit canadien et internationalNote de bas de page 6.

[26] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé par la loi à trancher ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, la prestataire avait manqué à ses obligations envers celui-ci et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7. La Cour a déclaré qu’il existe d’autres moyens par lesquels les demandes de la prestataire peuvent progresser adéquatement dans le cadre du système juridique.

[27] Dans l’affaire Paradis susmentionnée, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite parce que la politique de l’employeur portait atteinte aux droits qui lui étaient garantis par l’Alberta Human Rights Act. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[28] La Cour fédérale a déclaré que pour sanctionner le comportement d’un employeur, une partie prestataire a d’autres recours qui permettent d’éviter que le régime d’assurance-emploi fasse les frais du comportement en cause.

[29] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de telle sorte que son congédiement était injustifié. Son rôle est plutôt de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiement.

[30] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que la prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur mise en place en réponse à la situation exceptionnelle créée par la pandémie, ce qui a entraîné son congédiement.

[31] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait commis une erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[32] Je suis tout à fait conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre instance si une violation est établieNote de bas de page 9. Cela ne change rien au fait que la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[33] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[34] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.