Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1677

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (473128) datée du 27 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Kristen Thompson
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 17 novembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 21 novembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2294

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a perdu son emploi. Son employeur affirme qu’elle a été congédiée parce qu’elle a agi contre sa politique de vaccination : elle ne s’est pas fait vacciner.

[4] Bien que la prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé, elle affirme qu’agir contre la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] La prestataire affirme qu’elle aurait dû être exemptée de la politique en raison de préoccupations médicales ou à cause de sa religion. Elle dit qu’elle prenait d’autres précautions, y compris le port du masque, le dépistage et les tests. Elle affirme qu’elle n’avait presque aucun contact avec des personnes vulnérables. Selon elle, la politique ne faisait pas partie de son contrat de travail.

Question en litige

[7] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir des prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique si son employeur l’a congédiée ou suspendueNote de bas de page 2.

[9] Pour décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider de la raison pour laquelle la prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[10] J’estime que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle a agi contre la politique de vaccination de son employeur.

[11] La prestataire ne conteste pas que cela s’est passé.

[12] La Commission affirme que l’employeur a le droit de gérer ses activités quotidiennes, ce qui comprend la mise en œuvre de politiques. Elle dit que lorsque l’employeur a mis en place la politique de vaccination, celle-ci est devenue une condition d’emploi de la prestataire. La Commission affirme que le geste commis par la prestataire, contrevenant ainsi à la politique, était conscient, délibéré et intentionnel. Selon la Commission, la prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle pouvait être suspendue ou congédiée si elle ne se conformait pas à la politique.

[13] Je conclus qu’il ne fait aucun doute que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle a agi contre la politique de vaccination de son employeur.

La raison du congédiement de la prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[14] Selon la loi, la raison du congédiement de la prestataire est une inconduite.

[15] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Par contre, la jurisprudence (l’ensemble des décisions que les tribunaux ont rendues) aide à décider si le congédiement de la prestataire est le résultat d’une inconduite au sens de la Loi. La jurisprudence établit le critère juridique lié à l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en compte quand on examine la question de l’inconduite.

[16] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 5.

[17] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 6.

[18] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 7. Je dois plutôt me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait, puis voir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[19] Je peux trancher seulement les questions auxquelles la Loi sur l’assurance-emploi s’applique. Mon rôle n’est pas de décider si des lois offrent d’autres options à la prestataire. Je n’ai pas à décider si son employeur l’a injustement congédiée ou aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 9. Je peux évaluer une seule chose : si ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[20] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 10.

[21] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique de vaccination.
  • L’employeur a clairement informé la prestataire de ses attentes concernant la vaccination.
  • L’employeur a écrit à la prestataire et lui a parlé à plusieurs reprises pour lui communiquer ce à quoi il s’attendait.
  • La prestataire savait ou aurait dû savoir ce qui se passerait si elle ne respectait pas la politique.

[22] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu inconduite parce qu’elle aurait dû être exemptée de la politique en raison de préoccupations médicales ou à cause de sa religion. Elle dit qu’elle prenait d’autres précautions. Elle affirme qu’elle n’avait presque aucun contact avec des personnes vulnérables. Selon elle, la politique ne faisait pas partie de son contrat de travail.

[23] La politique de vaccination de l’employeur prévoit ce qui suit :

  • Les membres du personnel devaient avoir reçu deux doses de vaccin contre la COVID-19 en date du 15 octobre 2021.
  • Les personnes qui ne se conformaient pas seraient placées en congé sans solde pendant deux semaines.
  • On mettrait fin à l’emploi des personnes qui n’étaient toujours pas vaccinées après le congé sans solde.
  • Il y a une exemption à la politique pour cause médicaleNote de bas de page 11.

[24] La prestataire affirme que les conversations avec son employeur au sujet de la vaccination ont commencé en mars 2021. Elle dit avoir parlé plusieurs fois à la direction. Elle affirme avoir reçu la politique le 30 août 2021.

[25] La prestataire affirme ne pas s’être conformée à la politique; elle ne s’est pas fait vacciner. Elle dit qu’elle avait de vives inquiétudes à ce sujet. Elle affirme qu’elle connaissait des personnes ayant eu des effets indésirables après avoir été vaccinées. Elle dit avoir tenté de le faire, mais avoir fait une crise de panique.

[26] La prestataire affirme avoir parlé à sa ou son médecin de la possibilité de se faire vacciner. Elle dit qu’on lui a répondu qu’elle devrait pouvoir recevoir le vaccin. Elle affirme qu’elle n’a pas demandé d’exemption médicale à son employeur.

[27] La prestataire affirme que son employeur n’a pas accepté les exemptions religieuses. Son chef religieux lui a remis une lettreNote de bas de page 12. Elle affirme cependant qu’elle ne l’a pas fournie à son employeur.

[28] La prestataire affirme qu’au début de la pandémie, elle travaillait de la maison parce qu’elle n’était pas une travailleuse essentielle. Elle dit que lorsqu’elle est retournée en milieu de travail, elle a pris des mesures de sécurité. Elle affirme que lorsque la politique a été adoptée, la possibilité de porter le masque, de faire du dépistage et d’effectuer des tests a disparu, et qu’elle n’était pas autorisée à travailler de la maison.

[29] La prestataire a reçu une lettre de son employeur datée du 6 octobre 2021. La lettre indique qu’elle a dit à l’employeur qu’elle ne se ferait pas vacciner. Le document précise que la prestataire serait placée en congé sans solde à compter du 15 octobre 2021 et qu’elle serait congédiée en date du 29 octobre 2021.

[30] La prestataire affirme que son employeur lui a accordé un congé payé à compter du 15 octobre 2021. Elle dit que son employeur lui a dit, au moment de sa suspension, qu’elle pouvait reprendre son emploi si elle se faisait vacciner pendant la fin de semaine. Elle affirme avoir été congédiée en date du 29 octobre 2021. Elle dit que son employeur lui a versé une indemnité de départ.

[31] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique de vaccination selon laquelle les membres du personnel devaient être vaccinés, sans quoi ils risquaient d’être congédiés.
  • L’employeur a clairement informé la prestataire de ses attentes envers ses employés concernant la vaccination.
  • L’employeur a parlé à la prestataire pour lui faire part de ses attentes, lui a fourni la politique écrite et lui a écrit concernant la politique et ses conséquences.
  • La prestataire savait ou aurait dû savoir quelles étaient les conséquences du non-respect de la politique de vaccination de l’employeur.

Somme toute, la prestataire a-t-elle donc son emploi en raison d’une inconduite?

[32] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[33] En effet, les actions de la prestataire ont mené à son congédiement. Elle a agi délibérément. Elle savait que son refus de se faire vacciner allait probablement lui faire perdre son emploi.

Conclusion

[34] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[35] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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