Assurance-emploi (AE)

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Citation : ER c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 320

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : E. R.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du
25 janvier 2023 (GE-22-2916)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 21 mars 2023
Numéro de dossier : AD-23-134

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a été suspendu parce qu’il a refusé de respecter la politique de vaccination contre la COVID-19 (politique) adoptée par l’employeur. Il n’a pas obtenu d’exemption médicale. Le prestataire a ensuite présenté une demande de prestations régulières d'assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que le prestataire a été suspendu en raison de son inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Le prestataire a demandé la révision de la décision. La Commission a maintenu sa décision initiale. Le prestataire a interjeté appel devant la division générale.

[4] La division générale a déterminé que le prestataire a refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Elle a conclu que le prestataire savait ou devait savoir que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances et que son refus était volontaire, conscient et délibéré. La division générale a conclu que le prestataire a été suspendu en raison de son inconduite.

[5] Le prestataire demande à la division d’appel la permission d’en appeler de la décision de la division générale. Il soutient que la division générale a ignoré le fait qu’il ne rencontrait pas tous les critères essentiel et nécessaire à la vaccination. Il ne pouvait aller à l’encontre de la décision du corps médical. Le prestataire soutient qu’il a été suspendu afin de protéger les personnes âgées tout en respectant le travailleur. Il ne s’agit donc pas d’une mesure punitive. Il soutient ne pas avoir perdu son emploi pour inconduite au sens de la loi.

[6] Je dois décider si on peut soutenir que la division générale a commis une erreur révisable qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[7] Je refuse la permission d’en appeler puisqu’aucun des moyens d’appel soulevés par le prestataire ne confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Est-ce que le prestataire soulève, dans ses moyens d’appel, une erreur révisable qu’aurait commise la division générale et qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, spécifie les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont que :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une certaine façon.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question sans pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a commis une erreur de droit dans sa décision.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l'affaire. C'est une première étape que le prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui auquel il devra rencontrer à l'audience de l'appel sur le fond. À l’étape de la demande permission d’en appeler, le prestataire n’a pas à prouver sa thèse mais il doit établir que son appel a une chance raisonnable de succès. En d’autres mots, il doit établir que l’on peut soutenir qu’il y a eu erreur révisable sur laquelle l’appel peut réussir.

[11] La permission d’en appeler sera en effet accordée si je suis convaincu qu’au moins l’un des moyens d’appel soulevé par le prestataire confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Est-ce que le prestataire soulève, dans ses moyens d’appel, une erreur révisable qu’aurait commise la division générale et qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès?

[12] Le prestataire soutient que la division générale a ignoré le fait qu’il ne rencontrait pas tous les critères essentiel et nécessaire à la vaccination. Il ne pouvait aller à l’encontre de la décision du corps médical. Le prestataire soutient qu’il a été suspendu afin de protéger les personnes âgées tout en respectant le travailleur. Il ne s’agit donc pas d’une mesure punitive. Il soutient ne pas avoir perdu son emploi pour inconduite au sens de la loi.

[13] La division générale devait décider si le prestataire a été suspendu en raison de son inconduite.

[14] La notion d’inconduite ne prévoit pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de sorte que sa suspension serait injustifiée, mais bien de savoir si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension.

[16] La division générale a déterminé que le prestataire a été suspendu parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de l’employeur en réponse à la pandémie.

[17] Le prestataire a été informé de la politique mise en place par l’employeur pour protéger la santé et la sécurité de tout le personnel et de sa clientèle et a eu le temps de s’y conformer. La division générale a déterminé que le prestataire a volontairement refusé de suivre la politique et qu’il n’a pas obtenu une exemption médicale. C’est ce qui a directement entraîné sa suspension.

[18] La division générale a déterminé que le prestataire savait ou devait savoir que son refus de se conformer à la politique pourrait mener à sa suspension.

[19] La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[20] Il est bien établi que le non-respect délibéré de la politique d’un employeur est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).Note de bas de page 1 Le non-respect d'une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une industrie est également considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l'AE.Note de bas de page 2

[21] Il n’est pas vraiment contesté qu'un employeur a l'obligation légale de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés sur leur lieu de travail. Dans le cas présent, l'employeur a suivi les directives du Gouvernement du Québec afin de mettre en œuvre sa politique de protection de la santé de son personnel et de sa clientèle pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque la prestataire a été suspendu.Note de bas de page 3

[22] La Cour fédérale a récemment rendu une décision dans Cecchetto concernant l'inconduite et le refus d'un prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l'employeur.Note de bas de page 4

[23] Le prestataire a fait valoir qu'il n'a pas été prouvé que le vaccin était sûr et efficace. Il s'est senti discriminé en raison de son choix médical personnel. Le prestataire a soutenu qu'il a le droit de contrôler sa propre intégrité corporelle et que ses droits ont été violés en vertu du droit canadien et international.

[24] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d'appel selon laquelle, en vertu de la loi, le Tribunal n'est pas autorisé à traiter de ces questions. La Cour a convenu qu'en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l'employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations et perdu son emploi en raison d'une inconduite en vertu de la Loi sur l'AE. La Cour fédérale a déclaré qu'il existe d'autres moyens juridiques par lesquels les réclamations du prestataire peuvent se faire entendre.

[25] Dans l’affaire Paradis, le prestataire a demandé le contrôle judiciaire d’une décision de la division d’appel du Tribunal lui refusant la permission d’en appeler. Il a fait valoir qu’il n’y avait pas eu d’inconduite puisque la politique de l’employeur en matière de drogues et d’alcool contrevenait à l’Alberta Human Rights Act.

[26] La Cour fédérale a confirmé qu’il en revenait à une autre instance de régler cette question. Elle a souligné qu’il existe d’autres recours disponibles pour sanctionner le comportement d'un employeur que par le truchement du programme d’assurance-emploi.Note de bas de page 5

[27] La preuve prépondérante devant la division générale démontre que la politique de l'employeur s'appliquait au prestataire. Il a refusé de se conformer à la politique. Il savait ou devait savoir que l'employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances et son refus était volontaire, conscient et délibéré.

[28] La prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l'employeur en réponse aux circonstances uniques créées par la pandémie et cela a entraîné la suspension de son emploi.

[29] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu'elle a tranché la question de l'inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d'appel fédérale, qui a défini l'inconduite en vertu de la Loi sur l'AE.Note de bas de page 6

[30] La prestataire soutient que la division générale a ignoré le fait qu’il ne rencontrait pas tous les critères essentiel et nécessaire à la vaccination. Il ne pouvait aller à l’encontre de la décision du corps médical.

[31] La preuve devant la division générale démontre que le 8 novembre 2021, le prestataire a quitté les lieux de son travail lorsque son employeur lui a demandé de faire des tests.

[32] En date du 13 juin 2022, lors d’une entrevue par la Commission, le prestataire a déclaré que la vaccination et les tests étaient des méthodes invasives pour sa santé physique. Il a donc fait le choix personnel de ne pas se conformer aux mesures sanitaires. Il a décidé d’attendre que les lois changent afin de retourner au travail.Note de bas de page 7

[33] Lors d’une entrevue par la Commission tenue le 13 juin 2022, l'employeur a déclaré avoir avisé le prestataire à plusieurs reprises au mois d'octobre et novembre 2021, de son obligation de se faire vacciner ou de passer les tests. Il indique que le prestataire n’a jamais passé de test de dépistage depuis l’entrée en vigueur de l’arrêté ministériel.Note de bas de page 8

[34] Au soutien de sa demande de révision déposée le 23 juin 2022, le prestataire indique qu’il n’a pas consenti à l’obligation de faire des tests de dépistage lors de son embauche. Cette obligation ne faisait pas partie de son contrat d’emploi mais a plutôt été imposée par le Gouvernement du Québec. Il indique ne pas avoir commis d’inconduite au sens de la loi.Note de bas de page 9

[35] Le 22 août 2022, lors d’une autre entrevue tenue par la Commission, le prestataire a déclaré qu'il ne s'est pas conformé à la politique de l’employeur parce qu’il n’a jamais été mentionné lors de son embauche qu’il devrait être vacciné afin de conserver son emploi. Il a déclaré qu'il n'aurait pas travailler pour cet employeur si on lui avait dit qu'il devrait être vacciné. Il a répété qu’il était invasif de lui imposer des tests trois fois par semaine.Note de bas de page 10

[36] Au soutien de son avis d’appel devant la division générale, le prestataire soutient que si son droit à l’inviolabilité avait été respecté, il n’aurait pas été suspendu et aurait eu droit à ses prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 11

[37] Je constate que le prestataire ne mentionne aucunement lors des entrevues par la Commission, dans ses communications écrites avec la Commission, et dans son avis d’appel à la division générale, qu’une infirmière a refusé de lui donner le vaccin ou de lui passer un test de dépistage à la suite des réponses qu’il a fournis. Il réitère plutôt, à chaque occasion, avoir fait un choix personnel de ne pas suivre les mesures sanitaires car il considérait les mesures intrusives. Je suis d’avis que la preuve prépondérante soutient la conclusion de la division générale que le prestataire a fait le choix personnel de ne pas suivre la politique de l’employeur.

[38] Je suis pleinement conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établie.Note de bas de page 12 Cela ne change rien au fait qu'en vertu de la Loi sur l'AE, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été suspendu en raison de son inconduite.

[39] Après examen du dossier d’appel, de la décision de la division générale et des arguments au soutien de la demande de permission d’en appeler, je suis d’avis que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Le prestataire ne soulève aucune question dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision contestée.

Conclusion

[40] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

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