Assurance-emploi (AE)

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Citation : ER c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 319

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : E. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (513562) datée du 22 août 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Manon Sauvé
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 12 janvier 2023
Personne présente à l’audience : L’appelant
Date de la décision : Le 25 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-2916

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire travaille à titre de concierge dans une résidence privée pour personnes âgées.

[4] En raison de la pandémie de la COVID-19, le gouvernement du Québec adopte des mesures dont un décret concernant les personnes qui travaillent dans le milieu de la santé. Elles doivent se faire vacciner ou tester.

[5] Le 8 novembre 2021, le prestataire est suspendu, sans solde, de son emploi, parce qu’il a refusé de se faire vacciner et de passer des tests de dépistage 3 fois par semaine.

[6] Le 9 novembre 2020, le prestataire présente une demande pour recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[7] Après enquête auprès du prestataire et de l’employeur, la Commission refuse de lui verser des prestations d’assurance-emploi, parce qu’il a été suspendu en raison de son inconduite. Il savait ou aurait dû savoir qu’il serait suspendu en ne respectant pas la politique de vaccination.

[8] Le prestataire n’est pas d’accord avec la Commission. L’employeur et le gouvernement ne peuvent pas l’obliger à recevoir un vaccin. Cela va à l’encontre de ses droits. Il s’agit d’une question médicale entre lui et un membre du personnel de la santé. De plus, l’employeur a changé ses conditions de travail. Ce n’est pas raisonnable de sa part. Ce n’est pas de l’inconduite au sens de la Loi.

Question en litige

[9] Le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite ?

Analyse

[10] Pour décider si le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison le prestataire a été suspendu de son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi ?

[11] Je retiens que le prestataire travaille à titre de concierge dans une résidence pour personnes âgées.

[12] Afin de contrer la pandémie de la COVID-19 et de protéger la population, dont les personnes vulnérables, le gouvernement du Québec a adopté une politique de vaccination.

[13] Les personnes travaillant dans le milieu de santé devaient soit se faire vacciner ou se faire tester trois fois par semaine, afin de pouvoir continuer de travailler.

[14] Le prestataire a refusé de suivre la politique du gouvernement qui s’appliquait à son milieu de travail. Il a donc été suspendu par son employeur.

[15] Je suis d’avis que le prestataire a été suspendu pour cette raison.

La raison de la suspension du prestataire est-elle une inconduite selon la loi ?

[16] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 2. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 3. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupableNote de bas de page 4.

[17] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu pour cette raisonNote de bas de page 5.

[18] La Commission doit prouver que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 6.

[19] Selon la Commission, le refus du prestataire de se soumettre à la politique de vaccination de son employeur constitue de l’inconduite. Il savait ou devait savoir qu’il serait suspendu en ne se conformant pas à la politique.

[20] La politique de l’employeur était raisonnable dans les circonstances de la pandémie mondiale de la COVID-19. Elle visait à protéger les résidents et les employés.

[21] Selon le prestataire, la Commission n’a pas démontré que la politique de l’employeur était raisonnable. L’employeur a modifié ses conditions de travail, sans avoir son consentement.

[22] De plus, le prestataire soulève plusieurs arguments pour démontrer qu’il ne s’agit pas d’un geste d’inconduite :

  • La politique de l’employeur est illégale et ne respecte pas la Charte canadienne des droits et libertés
  • Le Code civil protège son intégrité et son consentement
  • C’est l’infirmière qui a refusé de lui administrer son vaccin ou un test de dépistage à la suite d’un échange confidentiel. Il ne remplissait pas les critères prévus dans le code de déontologie.

[23] Je vais commencer par disposer de certains arguments du prestataire avant de décider si son refus de se conformer à la Politique de vaccination de son employeur constitue une inconduite.

[24] Concernant la légalité de la politique de son employeur, la confidentialité des informations médicales, ses droits en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que l’absence d’obligation vaccinale dans son contrat de travail ; le Tribunal n’a pas le pouvoir de trancher ces questions. Il existe des instances spécialisées pour ces enjeuxNote de bas de page 7.

[25] Également, je n’ai pas à décider si la politique de l’employeur est justifiée ou raisonnable. Ce n’est pas le comportement de l’employeur que je dois analyser, mais le geste du prestataireNote de bas de page 8. Toutefois, il est vrai que je dois tenir compte du contexteNote de bas de page 9.

[26] Dans l’arrêt NelsonNote de bas de page 10, la Cour a effectivement tenu compte du contexte. Ainsi, la prestataire travaille à titre de réceptionniste pour une Première nation. Elle vit également dans la réserve. L’employeur a adopté une politique visant à interdire la consommation d’alcool au travail et dans la réserve, afin de traiter le problème de consommation d’alcool et de drogue de la population. La prestataire a consommé de l’alcool à son domicile. Elle a été congédiée. En fait, la Première nation avait intérêt à maintenir sa crédibilité et donner l’exemple dans la lutte contre les problèmes de consommation.

[27] La Cour d’appel fédérale a également rappelé qu’il importe peu que la politique ne soit pas stipulée dans le contrat de travail, il peut s’agir d’une condition morale, ou matérielle explicite ou impliciteNote de bas de page 11.

[28] Qui plus est, la Cour d’appel fédérale a statué que les tribunaux doivent mettre l’accent sur la conduite du prestataire, et non sur celle de l’employeur. La question n’est pas de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de sorte que ce congédiement serait injustifié, mais bien de savoir si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné la perte de son emploiNote de bas de page 12.

[29] Toujours dans l’arrêt NelsonNote de bas de page 13, la Cour d’appel fédérale réitérait qu’il faut appliquer une appréciation objective comme l’exige la Loi. En effet, « il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié ».

[30] Dans la présente affaire, le gouvernement du Québec a adopté des mesures pour protéger la population ainsi que le personnel et les usagers du milieu de la santé. Le prestataire était visé par la politique de vaccination à titre de travailleur dans le milieu du réseau de la santé. Il a été informé de la politique et des conséquences en cas de refus.

[31] Il a choisi de ne pas se faire vacciner ni de se faire tester pour des raisons personnelles. Je constate qu’il n’a pas fourni d’exemption médicale ni religieuse. Il savait ou devait savoir qu’il serait suspendu pour cette raison.

[32] Je suis d’avis que l’inconduite peut prendre différentes formes dont le non-respect d’une politique de vaccination qui est une condition essentielle au maintien en emploiNote de bas de page 14. Ce qui est le cas de la prestataire.

[33] Je ne retiens pas ses arguments et les documents qu’il a soumis au Tribunal. Certains de ses arguments ne relèvent pas de mon champ de compétence comme je l’ai souligné. Alors que d’autres arguments et documents ne sont pas pertinents pour déterminer si le prestataire a commis un geste d’inconduite.

[34] Ainsi, que l’infirmière ait refusé de le vacciner ou de lui passer un test de dépistage à la suite des réponses qu’il a fournies ne modifie pas le résultat. Le prestataire a refusé de se faire vacciner. Il pouvait être exempté de l’obligation vaccinale en produisant un billet médical. Ce qu’il n’a pas fait. En agissant ainsi, il n’a pas respecté la politique de son employeur et il connaissait les conséquences.

[35] Je suis donc d’avis que la Commission a démontré que le prestataire a été suspendu en raison de son inconduite.

Alors, le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite ?

[36] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[37] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[38] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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