Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 217

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : S. M.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 21 novembre 2022 (GE-22-2294)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 28 février 2023
Numéro de dossier : AD-22-958

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle ne pouvait donc pas lui verser des prestations. La prestataire a porté la décision découlant de la révision en appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait perdu son emploi à la suite de son refus de se conformer à la politique de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. La division générale a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il était probable que l’employeur la congédie dans ces circonstances. La division générale a jugé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. La prestataire soutient que les renseignements figurant sur son relevé d’emploi sont inexacts et ont été modifiés par Service Canada.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social établit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs susceptibles de révision sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une certaine façon.
  2. 2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher; ou encore, elle s’est prononcée sur une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. C’est une étape que la partie prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui qu’elle devra assumer lors de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur susceptible de révision. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est possible de soutenir qu’il y a eu une erreur susceptible de révision pouvant faire en sorte que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés ci-dessus et qu’au moins un de ces motifs donne à l’appel une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] La prestataire soutient que les renseignements figurant sur son relevé d’emploi sont inexacts et ont été modifiés par Service Canada. Elle ne comprend pas pourquoi on lui refuse des prestations d’assurance-emploi après que l’employeur l’a congédiée sans motif et lui a versé une indemnité de départ.

[13] La division générale devait décider si la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite ne signifie pas que l’écart de conduite doit nécessairement découler d’une mauvaise intention; il suffit que l’inconduite soit consciente, délibérée ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale est de décider si la prestataire était coupable de l’inconduite qui a mené à sa suspension, non pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de décider si l’employeur est lui-même coupable d’inconduite puisqu’il a suspendu la prestataire, de sorte que la suspension serait injustifiée Note de bas de page 1.

[16] D’après la preuve, la division générale a conclu que la prestataire a été congédiée parce qu’elle avait refusé de respecter la politique. Elle avait été informée de la politique de l’employeur et on lui a donné le temps de s’y conformer. Elle n’a pas obtenu d’exemption. La prestataire a choisi de refuser; ce refus était délibéré. Il s’agissait de la cause directe de son congédiement.

[17] La division générale a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner son congédiement.

[18] La division générale a conclu, à partir de la preuve prépondérante, que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2. On considère également comme une inconduite au sens de la Loi le fait de ne pas respecter une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une industrieNote de bas de page 3.

[20] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de son personnel sur le lieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les recommandations de Santé publique Ontario pour mettre en œuvre sa politique de protection de la santé de tout le personnel pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque la prestataire a été congédiéeNote de bas de page 4.

[21] La prestataire soutient que les renseignements figurant sur son relevé d’emploi sont inexacts et ont été modifiés par Service Canada. Elle ne comprend pas pourquoi on lui refuse des prestations d’assurance-emploi après que l’employeur l’a congédiée sans motif et lui a versé une indemnité de départ.

[22] Je ne vois aucune erreur susceptible de révision parce qu’il appartenait à la division générale de vérifier et d’interpréter les faits de la présente affaire et de faire sa propre évaluation de la question de l’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[23] La preuve montre que l’employeur a émis un premier relevé d’emploi indiquant que la prestataire a été congédiée. L’employeur a déclaré que la prestataire avait été congédiée parce qu’elle avait refusé de se conformer à sa politiqueNote de bas de page 5. La prestataire a confirmé cette version des faits dans sa demande de prestations d’assurance-emploi et lors d’entrevues avec la CommissionNote de bas de page 6. Rien dans le règlement avec son employeur ne change la nature de l’inconduite ayant initialement mené à son congédiement. Je remarque que le versement de la somme reçue par la prestataire est réputé avoir été effectué sans reconnaissance de responsabilité de la part de l’employeurNote de bas de page 7.

[24] La question de savoir si l’employeur aurait dû offrir des mesures d’adaptation à la prestataire relève d’une autre instance. Ce Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que la prestataire demandeNote de bas de page 8.

[25] Dans l’affaire Cecchetto qui a eu lieu récemment, la Cour fédérale a tranché un cas d’inconduite portant sur le refus du prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[26] Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a affirmé qu’aucune preuve ne démontrait que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire s’est senti discriminé en raison de son choix médical personnel. Le prestataire a soutenu qu’il a le droit de contrôler sa propre intégrité corporelle et que ses droits ont été violés aux termes du droit canadien et du droit internationalNote de bas de page 9.

[27] La Cour fédérale a confirmé la décision rendue par la division d’appel : selon la loi, ce Tribunal n’est pas autorisé à trancher ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas respecter la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers son employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 10. La Cour a déclaré qu’il existe d’autres moyens qui permettraient aux demandes du prestataire de progresser adéquatement dans le système juridique.

[28] Dans la décision Paradis mentionnée précédemment, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu inconduite parce que la politique de l’employeur violait ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act [loi de l’Alberta sur les droits de la personne]. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[29] La Cour fédérale a déclaré qu’une partie prestataire a, pour sanctionner le comportement d’un employeur, d’autres recours permettant d’éviter que le régime d’assurance-emploi en fasse les frais.

[30] Dans la décision Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur de fournir des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite liés à l’assurance-emploi.

[31] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur était coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de sorte que son congédiement était injustifié, mais plutôt de décider si la prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a mené à son congédiement.

[32] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que la prestataire a choisi délibérément pour des raisons personnelles de ne pas respecter la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné son congédiement.

[33] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait commis une erreur susceptible de révision lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 11.

[34] Après l’examen du dossier d’appel, de la décision de la division générale et des arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[35] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

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