Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 170

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : A. K.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 9 décembre 2022
(GE-22-2635)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 17 février 2023
Numéro de dossier : AD-23-45

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a décidé que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, de sorte qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations. Elle a également jugé que le prestataire n’était pas disponible pour travailler à compter du 1er février 2022. Après une révision infructueuse, le prestataire a fait appel auprès de la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Elle a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Elle a également conclu qu’il n’était pas disponible pour travailler à compter du 1er février 2022.

[5] Le prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Il soutient que la politique d’un employeur n’a pas préséance sur la loi et les droits humains et constitutionnels. Il avait droit à un consentement éclairé. Le prestataire soutient qu’il ne pouvait pas postuler pour les concurrents de l’employeur et compromettre sa pension en allant à l’encontre d’une clause de non-concurrence.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse d’accorder la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès? 

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou bien, elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, on peut soutenir qu’il y a eu une erreur révisable qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés plus haut et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès. 

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient que la politique d’un employeur n’a pas préséance sur la loi et les droits humains et constitutionnels. Il avait droit à un consentement éclairé. Le prestataire soutient qu’il ne pouvait pas postuler pour les concurrents de l’employeur et compromettre sa pension en allant à l’encontre d’une clause de non-concurrence.

Inconduite

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée, mais plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension Note de bas de page 1.

[16] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu parce qu’il avait refusé de se conformer à la politique. Il avait été informé de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. Le prestataire a refusé intentionnellement; ce refus était délibéré. C’était la cause directe de sa suspension. La division générale a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pourrait entraîner sa suspension. La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[17] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2. On considère également comme une inconduite au sens de cette même loi le fait de ne pas observer une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une industrieNote de bas de page 3.

[18] Le fait qu’un employeur ait l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de son personnel sur son lieu de travail n’est pas vraiment contesté. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les lignes directrices du gouvernement fédéral à l’intention des fournisseurs de services de télécommunications et les recommandations de la santé publique pour mettre en œuvre sa politique visant à protéger la santé de tout le personnel pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspendu.

[19] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas évalué l’efficacité et le caractère raisonnable de la politique de l’employeur. Il soutient qu’il avait des préoccupations légitimes en matière de sécurité, de droit et de morale.

[20] Le Tribunal n’a pas la compétence de décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[21] Le prestataire soutient que la division générale a refusé d’exercer sa compétence sur les questions de savoir si l’employeur a violé sa convention collective et si la politique de l’employeur a violé ses droits humains et constitutionnels.

[22] La question de savoir si l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation, si la politique de l’employeur violait ses droits au titre de la convention collective ou si la politique violait ses droits humains et constitutionnels, relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas la tribune appropriée par laquelle le prestataire peut obtenir la réparation qu’il demandeNote de bas de page 4.

[23] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’une partie prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a soutenu qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire s’est senti discriminé en raison de son choix médical personnel. Il a fait valoir qu’il a le droit de contrôler son intégrité corporelle et que ses droits ont été violés au regard du droit canadien et du droit internationalNote de bas de page 5.

[24] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, conformément à la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 6. La Cour a déclaré qu’il existe d’autres moyens plus adéquats pour faire progresser les demandes du prestataire dans le cadre du système juridique.

[25] Dans l’affaire Paradis précédente, le prestataire s’était vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur violait ses droits aux termes de l’Alberta Human Rights Act [loi sur les droits de la personne de l’Alberta]. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[26] La Cour fédérale a déclaré qu’il existait des recours permettant à une partie prestataire de sanctionner le comportement d’un employeur, autres que le transfert des coûts de ce comportement au programme d’assurance-emploi.

[27] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur de fournir des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite en assurance-emploi.

[28] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée, mais plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension.

[29] La preuve prépondérante devant la division générale démontre que le prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie et que cela a entraîné sa suspension.

[30] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7.

[31] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établieNote de bas de page 8. Cela ne change rien au fait qu’au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite.

[32] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès sur la question de l’inconduite. 

Disponibilité

[33] La division générale a établi que le prestataire voulait retourner travailler et qu’il avait fait des efforts suffisants pour trouver un emploi. Toutefois, elle a jugé que le prestataire avait établi des conditions personnelles qui limitaient indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. La division générale a conclu que le prestataire n’était pas disponible pour travailler au sens de la loi.

[34] Pour être considérée comme disponible pour travailler, une partie prestataire doit démontrer qu’elle est capable de travailler, disponible pour le faire et incapable d’obtenir un emploi convenable.

[35] La disponibilité doit être déterminée en analysant trois facteurs :

  1. (1) le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable est offert;
  2. (2) l’expression de ce désir par des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. (3) ne pas établir de conditions personnelles qui pourraient limiter indûment les chances de retourner sur le marché du travail.

[36] De plus, la disponibilité est déterminée pour chaque jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel le prestataire peut prouver qu’il était capable de travailler et disponible pour le faire, et incapable d’obtenir un emploi convenable.

[37] La division générale a conclu que le choix du prestataire de ne pas accepter un travail qui pourrait l’empêcher de reprendre son emploi et son incapacité à accepter un emploi auprès d’employeurs qui avaient une politique de vaccination constituaient des obstacles qui ne lui permettaient pas de postuler pour des emplois convenables et d’accepter de tels emplois.

[38] Le prestataire a admis devant la division générale qu’il n’était pas prêt à risquer son emploi actuel (dont il a été suspendu) en acceptant un emploi chez un concurrent. De plus, il a dit à un employeur que s’il obtenait l’emploi, il pourrait devoir le quitter sous peu s’il était rappelé à son travail. Compte tenu de ces limitations, le prestataire a indûment limité ses chances de retourner sur le marché du travail.

[39] La preuve appuie la conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.

[40] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire, je conclus que la division générale a examiné la preuve dont elle disposait et qu’elle a correctement établi que le prestataire n’était pas disponible pour travailler au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès sur la question de la disponibilité. 

Conclusion

[41] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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