Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c JN, 2023 TSS 212

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Isabelle Thiffault
Partie défenderesse : J. N.
Représentant : P. N.

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 10 octobre 2022 (GE-22-2680)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 25 janvier 2023
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Représentant de la défenderesse
Date de la décision : Le 27 février 2023
Numéro de dossier : AD-22-817

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Décision

[1] L’appel est accueilli en partie. La division générale a commis une erreur de droit et a fondé sa décision sur une erreur de fait importante. L’affaire est renvoyée à la division générale pour qu’elle réexamine la question de la disponibilité de la prestataire pour la période commençant le 6 janvier 2022.

Aperçu

[2] L’intimée, J. N. (prestataire), a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi le 15 août 2021. Dans son formulaire de demande, elle a déclaré qu’elle serait inscrite à un programme universitaire à temps plein du 8 septembre 2021 au 20 avril 2022.

[3] Le 6 mai 2022, la prestataire a rempli un questionnaire de formation. Elle y a indiqué qu’elle était inscrite à un cours à temps plein du 6 janvier au 5 mai 2022 et que son inscription n’avait pas été approuvée par une autorité désignée. Elle a déclaré qu’elle était disponible pour travailler et qu’elle avait essayé de trouver un emploi. Selon la prestataire, si elle avait trouvé un emploi à temps plein, elle l’aurait accepté pourvu qu’elle puisse terminer son cours avant de commencer à travailler.

[4] La prestataire a communiqué avec la Commission de l’assurance-emploi du Canada pour lui dire qu’elle était également inscrite à un cours du 9 mai au 13 août 2022. Ce cours était de 15 heures par semaine et la prestataire a déclaré qu’elle quitterait le programme s’il entrait en conflit avec un emploi à temps plein.

[5] La Commission a décidé que la prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations à compter du 6 janvier 2022 parce qu’elle suivait un cours de sa propre initiative et qu’elle n’avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler. Après révision, la Commission a confirmé que la prestataire était inadmissible aux prestations, mais elle a modifié la date de début au 9 août 2021.

[6] La prestataire a porté la décision de la Commission en appel à la division générale du Tribunal. La division générale a accueilli l’appel de la prestataire. Elle a conclu que la prestataire croyait que la Commission avait approuvé sa formation parce que cette dernière lui avait versé des prestations. La division générale a conclu que la prestataire avait réfuté la présomption selon laquelle elle n’était pas disponible pour travailler à compter du 9 août 2021.

[7] La Commission fait maintenant appel de la décision de la division générale à la division d’appel du Tribunal. Elle soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

[8] La division générale a commis une erreur de droit en concluant d’une part que la prestataire avait réfuté la présomption selon laquelle elle n’était pas disponible pour travailler, et d’autre part en omettant d’évaluer sa disponibilité. La division générale a également fondé sa décision sur une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu que la prestataire croyait que sa formation avait été approuvée par la Commission.

[9] Je conclus que le dossier est incomplet et je renvoie l’affaire à la division générale pour qu’elle réexamine la disponibilité de la prestataire pendant qu’elle suivait une formation à temps plein pour la période commençant le 6 janvier 2022.

Questions préliminaires

[10] La Commission l’a d’abord déclarée inadmissible pour la période commençant le 6 janvier 2022. Après révision, elle a modifié la période d’inadmissibilité pour qu’elle commence le 9 août 2021.

[11] La Commission affirme qu’elle n’avait pas le pouvoir de terminer une révision de la disponibilité de la prestataire pour la période du 9 août 2021 au 5 janvier 2022, parce qu’il n’y avait pas de décision initiale d’inadmissibilité pour cette période.

[12] Dans ses observations, la Commission a concédé son appel pour la période du 9 août 2021 au 5 janvier 2022. J’accepte les observations de la Commission. Je conclus que la période d’inadmissibilité en cause commence le 6 janvier 2022.

Questions en litige

[13] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’évaluer la disponibilité de la prestataire?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait démontré qu’il existait des circonstances exceptionnelles pour réfuter la présomption de non-disponibilité?
  3. c) La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu que la prestataire croyait suivre un cours de formation recommandé et approuvé?
  4. d) Dans l’affirmative, comment l’erreur devrait-elle être corrigée?

Analyse

[14] Je peux intervenir dans la présente affaire seulement si la division générale a commis une erreur pertinente. Je dois donc vérifier si la division générale a fait l’une des choses suivantesNote de bas de page 1 :

  • elle n’a pas offert une procédure équitable;
  • elle n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  • elle a mal interprété ou mal appliqué la loi;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

La division générale a commis des erreurs de droit et une erreur de fait importante

La décision de la division générale

[15] Dans sa décision, la division générale a énoncé les principes juridiques qui s’appliquent à l’évaluation de la disponibilité d’une partie prestataire pendant qu’elle est inscrite à un cours à temps pleinNote de bas de page 2. Elle a énoncé les facteurs à prendre en considération qui peuvent être pertinents pour la présente décisionNote de bas de page 3.

[16] La division générale a souligné qu’il existe une présomption selon laquelle une personne inscrite à un cours à temps plein n’est pas disponible pour travaillerNote de bas de page 4. Cette présomption peut être réfutée. La division générale a déclaré que la prestataire doit démontrer que son intention principale est d’accepter un emploi convenable, comme en témoignent ses démarches de recherche d’emploi. La division générale a déclaré que la prestataire doit démontrer que le cours est d’importance secondaire et ne constitue pas un obstacle à la recherche et à l’acceptation d’un emploi convenableNote de bas de page 5.

[17] La division générale n’a pas appliqué ces facteurs et n’a pas examiné si la prestataire avait réfuté la présomption de non-disponibilité. Elle a conclu que la prestataire n’avait pas reçu l’approbation d’une autorité désignée pour suivre son programme d’étudesNote de bas de page 6. Toutefois, elle a conclu que la prestataire avait reçu l’approbation tacite de la Commission parce que sa demande de prestations avait été acceptée et qu’elle avait reçu des prestationsNote de bas de page 7.

[18] Comme la prestataire croyait avoir l’approbation de la Commission pour suivre son cours, elle n’a pas effectué une recherche d’emploi exhaustive. La division générale a conclu qu’il s’agissait d’une hypothèse raisonnableNote de bas de page 8.

[19] La division générale a conclu que la prestataire croyait que la Commission avait approuvé son programme et qu’elle n’avait donc pas besoin de démontrer un désir sincère de retourner sur le marché du travailNote de bas de page 9. La division générale n’a pas tenu compte des autres facteurs servant à déterminer la disponibilité, par exemple : la question de savoir si la prestataire faisait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver du travail et la question de savoir si elle établissait des conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. La division générale a cerné ces facteurs comme des questions en litige dans sa décision, mais elle a simplement énoncé sous elles [traduction] : « Ce n’est pas pertinent étant donné ce qui précèdeNote de bas de page 10 ».

[20] La division générale a ensuite conclu qu’elle appuyait les efforts déployés par la prestataire pour terminer ses études et trouver un emploi convenable. Elle a conclu qu’elle avait présenté des éléments de preuve démontrant qu’il existait des « circonstances exceptionnelles », lesquelles réfuteraient la présomption de non-disponibilité d’une personne suivant un cours à temps pleinNote de bas de page 11. La division générale n’a pas expliqué en quoi consistent ces circonstances exceptionnelles.

Appel de la Commission

[21] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a accepté l’avis de la prestataire; d’ailleurs, cela allait à l’encontre de ce qui se trouvait dans le dossier. Elle soutient que la division générale a commis une erreur de droit en omettant de faire référence à l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi et de l’appliquer. Ce faisant, la Commission soutient que la division générale a ignoré que la prestataire est tenue de démontrer sa disponibilité et que sa disponibilité peut être vérifiée à tout moment après le versement des prestations.

[22] La Commission soutient également que les motifs de la division générale ne sont pas suffisants d’un point de vue fonctionnel. Elle affirme que les motifs ne fournissent pas un raisonnement intrinsèquement cohérent qui justifie ses conclusions, comme l’exige la jurisprudence. 

[23] La prestataire soutient que la division générale n’a pas commis d’erreur. Son représentant affirme qu’elle pensait qu’on finançait ses études universitaires; elle croyait qu’elle était obligée de rester aux études, non pas chercher du travail.

[24] Le représentant de la prestataire soutient également que ses cours de janvier à mai 2022 étaient offerts en ligne et qu’elle aurait été disponible et prête à travailler pendant cette période.

[25] Je conclus que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante lorsqu’elle a décidé que la prestataire croyait que son programme d’études avait été approuvé par la Commission. La division générale n’a pas fait référence à la preuve au dossier montrant que la prestataire savait qu’elle n’avait pas reçu l’approbation pour suivre le cours et avait décidé de sa propre initiative de le suivreNote de bas de page 12. La division générale n’a pas à faire référence à tous les éléments de preuve, mais elle doit examiner les éléments de preuve qui contredisent ses conclusions.

[26] Je conclus également que la division générale a commis une erreur de droit en omettant d’appliquer le critère de disponibilité. C’était une erreur de droit que de présumer que tous les éléments du critère devenaient non-pertinents du moment que la prestataire croyait que sa formation avait été approuvée. La division générale a conclu que la prestataire avait réfuté la présomption de non-disponibilité, pourtant elle n’a pas fourni les motifs appuyant cette conclusion. Elle n’a pas examiné et appliqué les facteurs qui s’appliquent habituellement à l’examen de la question de savoir si la présomption a été réfutée.

[27] Ayant conclu que la division générale a commis une erreur, je n’ai pas besoin d’examiner les autres arguments soulevés par la Commission.

Corriger l’erreur

[28] Pour corriger l’erreur de la division générale, je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre ou je peux renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamenNote de bas de page 13. La Commission soutient que l’affaire devrait être renvoyée à la division générale pour une nouvelle audience parce que la division générale n’a pas évalué la disponibilité de la prestataire.

[29] Je suis d’accord. Je conclus que le dossier est incomplet parce que la division générale n’a pas analysé la disponibilité de la prestataire pendant qu’elle suivait une formation à temps plein. Le dossier contient des éléments de preuve montrant que le cours de la prestataire était disponible en ligne et qu’elle avait dit à la Commission qu’elle abandonnerait ses études si elle trouvait un emploi à temps plein. La prestataire a également fait référence à des activités de recherche d’emploi qui n’ont pas été examinées et dont on n’a pas discuté à la division générale.

[30] J’ai écouté l’audience de la division générale. On a posé très peu de questions à la prestataire concernant la possibilité de réfuter la présomption de non-disponibilité. Elle a également fourni très peu d’éléments de preuve concernant ses démarches pour trouver un emploi convenable ou la question de savoir si elle avait établi des conditions personnelles qui limitaient indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[31] La division générale a commis une erreur de droit en omettant d’évaluer la disponibilité de la prestataire et en fondant sa décision sur une erreur de fait importante. Le dossier est incomplet. L’affaire est renvoyée à la division générale pour qu’une nouvelle audience soit tenue afin de déterminer la disponibilité de la prestataire pendant qu’elle suivait un cours de formation à temps plein pour la période commençant le 6 janvier 2022.

Conclusion

[32] L’appel est accueilli en partie. L’affaire est renvoyée à la division générale pour qu’une nouvelle audience ait lieu afin de déterminer la disponibilité de la prestataire pendant qu’elle suivait un cours de formation à temps plein pour la période commençant le 6 janvier 2022.

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