Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1709

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (446650) datée du 11 janvier 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 1er juin 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 14 juin 2022
Numéro de dossier : GE-22-759

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire travaillait comme conducteur. L’employeur l’a congédié parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination contre la COVID-19. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[4] La Commission a décidé que le prestataire n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi parce qu’il avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduiteNote de bas de page 3.

[5] Le prestataire n’est pas d’accord parce que la politique de l’employeur n’est pas la loi. Il fait valoir que la politique viole ses droits fondamentaux, la Charte canadienne des droits et libertés (Charte) et le Code de Nuremberg sur les exigences en matière de vaccinationNote de bas de page 4. De plus, il affirme qu’il n’a jamais reçu d’avertissement pour sa conduite et qu’il n’a pas eu l’occasion de corriger le problèmeNote de bas de page 5.

Question en litige

[6] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] La loi prévoit qu’une personne qui perd son emploi en raison d’une inconduite est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 6.

[8] Pour décider si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pour quelle raison le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois vérifier si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[9] Le prestataire a dit qu’il a commencé à travailler en juin 2018 et qu’il travaillait comme conducteur. Il a déclaré avoir été congédié de son emploi le 17 septembre 2021 parce qu’il n’avait pas démontré qu’il avait été vacciné contre la COVID-19. Il a dû rendre ses clés à l’employeur.

[10] Je conclus que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a été congédié le 17 septembre 2021 parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Cela concorde avec le témoignage du prestataire, la discussion de l’employeur avec la Commission, la lettre de congédiement au dossier et le relevé d’emploi qui montre qu’il a été congédiéNote de bas de page 7.

Quelle était la politique de l’employeur?

[11] Le prestataire a déclaré que son employeur avait une politique qui exigeait que les membres du personnel aient reçu deux vaccins contre la COVID-19. Il a examiné la politique et la date limite provisoire était juin ou juillet 2021. La date limite ferme pour se faire vacciner était le 17 septembre 2021.

[12] L’employeur a dit à la Commission que les employés avaient plus de 3 mois pour obtenir le premier vaccinNote de bas de page 8.

[13] Je remarque qu’il n’y a aucune copie de la politique au dossier fourni par la Commission et que le prestataire a dit qu’il n’en avait pas non plus une copie à l’heure actuelle. Le prestataire a demandé à l’employeur de lui fournir une copie de la politique ainsi que d’autres documents.

La politique a-t-elle été communiquée au prestataire?

[14] Le prestataire convient que la politique lui a été communiquée entre mars 2021 et mai 2021. Il se souvenait d’avoir reçu un courriel envoyé à tous les membres du personnel au sujet de l’exigence de vaccination contre la COVID-19.

[15] Le prestataire a informé sa superviseure de ses préoccupations au moins à deux reprises. Elle lui a d’abord dit de ne pas s’en inquiéter, puis elle a dit plus tard que le conseil d’administration n’était pas disposé à lui offrir des mesures d’adaptation en lui permettant de se tester ou d’utiliser son propre véhicule.

Quelles étaient les conséquences du non-respect de la politique?

[16] Le prestataire a dit qu’il s’attendait à ce que l’employeur lui offre des mesures d’adaptation parce qu’il ne voulait pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles. Il a toutefois admis qu’il savait qu’il était possible qu’il soit congédié.

[17] L’employeur a dit à la Commission qu’il avait des politiques strictes et que les membres du personnel savaient qu’ils seraient congédiésNote de bas de page 9.

Y a-t-il une raison pour laquelle le prestataire ne pouvait pas se conformer à la politique?

[18] L’employeur a dit à la Commission que le prestataire n’avait pas d’exemption pour la vaccination contre la COVID-19Note de bas de page 10.

[19] Le prestataire a dit à la Commission qu’il n’avait aucun problème de santé ni aucune raison religieuse de ne pas se faire vaccinerNote de bas de page 11.

[20] À l’audience, le prestataire a expliqué qu’il ne savait pas qu’il pouvait demander une exemption parce que sa superviseure ne le lui avait pas dit.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[21] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 12. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 13.

[22] Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire, qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 14.

[23] Il y a inconduite si la partie prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 15.

[24] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 16.

[25] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes.

[26] Premièrement, je conclus que le prestataire a volontairement et consciemment choisi de ne pas se conformer à la politique. Celle-ci a été communiquée au prestataire quelques mois à l’avance et il avait assez de temps pour s’y conformer. Il a délibérément choisi de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles, ce qui a entraîné la perte de son emploi. Comme je l’ai mentionné plus haut, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable pour qu’il y ait inconduiteNote de bas de page 17.

[27] Deuxièmement, je conclus que le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il serait congédié s’il ne respectait pas la politique de vaccination de l’employeur au plus tard le 17 septembre 2022.

[28] Le prestataire a reçu une copie de la politique dans son courriel de travail et l’a examinée. Bien que la politique ne soit pas incluse dans le dossier, elle a probablement abordé les conséquences de la non-conformité, plus précisément le congédiement. Je me fie également à la discussion que l’employeur a eue avec la Commission pour confirmer que les membres du personnel savaient qu’ils seraient congédiés s’ils ne respectaient pas la politiqueNote de bas de page 18.

[29] Je n’ai pas été convaincue par l’argument du prestataire selon lequel il n’a pas reçu d’avertissement ni eu l’occasion de corriger sa conduite parce qu’il a eu plusieurs mois pour se conformer à la politique. Le prestataire a dit que la date limite provisoire pour s’y conformer était juin ou juillet 2021 et que la date limite ferme pour se faire vacciner était le 17 septembre 2021. À tout moment, il aurait pu se conformer à la politique avant la date limite. 

[30] Troisièmement, le prestataire aurait pu demander une exemption de la politique à l’employeur, mais il ne l’a pas fait. Il a dit à la Commission qu’il n’avait aucun problème de santé ni aucune raison religieuse de ne pas se faire vaccinerNote de bas de page 19. Par conséquent, je conclus qu’il n’a pas prouvé qu’il était exempté de la politique.

[31] Enfin, je reconnais que le prestataire a le pouvoir de décider s’il veut se faire vacciner. Je reconnais également que l’employeur a le pouvoir de gérer ses activités quotidiennes, ce qui peut inclure l’élaboration de politiques en milieu de travail.

[32] L’objet de la Loi sur l’assurance-emploi est d’indemniser les personnes dont l’emploi a pris fin involontairement et qui sont sans emploi. La perte d’emploi qui est assurée doit être involontaireNote de bas de page 20. Il ne s’agit pas d’un droit automatique, même si une partie prestataire a cotisé à l’assurance-emploi.

[33] Dans la présente affaire, le prestataire n’a pas été congédié involontairement parce que c’est son non-respect de la politique de l’employeur qui a mené à son congédiement. Selon mes conclusions précédentes, je juge que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Qu’en est-il des autres arguments du prestataire?

[34] Le prestataire a soulevé plusieurs autres arguments, dont certains des suivants :

  1. a) Le vaccin est dangereux et il n’a pas fait ses preuves.
  2. b) Le prestataire dit avoir déposé des accusations criminelles contre son employeur.
  3. c) Il dit que ses droits fondamentaux ont été violés.
  4. d) Ses droits garantis par la Charte ont été violés parce que les vaccins ne sont pas obligatoires.
  5. e) Son employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation.
  6. f) Son contrat d’employeur n’exige pas la vaccination, etc.

[35] Je reconnais que le prestataire est en désaccord avec la politique de l’employeur pour de nombreuses raisons. Il estime avoir été traité injustement par l’employeur et qu’il aurait pu bénéficier de mesures d’adaptation.

[36] Toutefois, je n’ai pas le pouvoir de décider si l’employeur a porté atteinte à ses droits en tant qu’employé lorsqu’il l’a congédié, ou s’il aurait pu lui offrir d’autres mesures d’adaptation.

[37] La Cour a déclaré que les tribunaux doivent se concentrer sur la conduite de la partie prestataire, et non sur celle de l’employeur. La question n’est pas de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant la partie prestataire de sorte que cela constituerait un congédiement injuste, mais si la partie prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné la perte de son emploiNote de bas de page 21.

[38] De plus, la Cour a déclaré que le rôle des tribunaux n’est pas d’établir si un congédiement par l’employeur était justifié ou s’il s’agissait de la sanction appropriéeNote de bas de page 22.

[39] Je dois déterminer si la conduite du prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 23. Compte tenu des faits de la présente affaire, j’ai décidé que la conduite du prestataire constitue bel et bien une inconduite délibérée.

[40] Le recours du prestataire contre son employeur consiste à poursuivre ses demandes devant les tribunaux, ou tout autre tribunal qui peut traiter de ces questions particulières. Je remarque que le prestataire a déjà mentionné qu’il a porté des accusations criminelles contre son employeur.

Conclusion

[41] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[42] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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