Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : BM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 315

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : B. M.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 21 novembre 2022
(GE-22-2813)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 20 mars 2023
Numéro de dossier : AD-22-962

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a été suspendu de son emploi parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. Il a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a décidé que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après le rejet de sa demande de révision, le prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Elle a estimé qu’il aurait dû savoir que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel.Il soutient qu’une politique d’un employeur n’a pas préséance sur la loi et les droits fondamentaux et constitutionnels. Il avait droit au consentement éclairé et à la vie privée. Le prestataire affirme que la convention collective ne permet pas à l’employeur de demander des renseignements médicaux privés ou d’imposer des vaccins obligatoires. Il réitère qu’il était certain que l’employeur bluffait parce qu’il ne cessait de modifier les dates limites pour se conformer à la politique.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, il doit démontrer qu’il est possible de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, pour accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient qu’une politique d’un employeur n’a pas préséance sur la loi et les droits fondamentaux et constitutionnels. Il avait droit au consentement éclairé et à la vie privée. Le prestataire affirme que la convention collective ne permet pas à l’employeur de demander des renseignements médicaux privés ou d’imposer des vaccins obligatoires. Il réitère qu’il était certain que l’employeur bluffait parce qu’il ne cessait de modifier les dates limites pour se conformer à la politique.

[13] Il est bien établi qu’un appel à la division d’appel n’est pas une nouvelle audience où une partie peut présenter de nouveaux éléments de preuve. Pour trancher la demande de permission de faire appel du prestataire, je dois m’appuyer sur la preuve qui a été présentée à la division générale Note de bas de page 1.

[14] La division générale devait décider si le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[15] La notion d’inconduite n’implique pas nécessairement que le comportement fautif résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, les actes reprochés doivent avoir été délibérés, ou, à tout le moins, d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions qu’ils auraient sur son rendement.

[16] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir celui-ci s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension Note de bas de page 2.

[17] Après avoir examiné la preuve, la division générale a conclu que le prestataire a été suspendu parce qu’il a refusé de suivre la politique de l’employeur. Il a été informé de la politique et on lui a donné le temps de s’y conformer. Son refus était intentionnel. C’était un refus délibéré. C’est la cause directe de sa suspension.

[18] La division générale a estimé que le prestataire aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension.

[19] La division générale a conclu que la preuve prépondérante démontrait que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[20] Il est bien établi qu’une violation délibérée d’une politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3. Le non-respect d’une politique approuvée par un gouvernement ou une industrie est aussi considéré comme une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 4.

[21] Personne ne conteste le fait qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés dans leur milieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les recommandations du gouvernement fédéral en mettant en œuvre sa politique pour protéger la santé de tous les employés pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspenduNote de bas de page 5.

[22] Il n’appartient pas au Tribunal de décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[23] Le prestataire soutient que la division générale a refusé d’exercer sa compétence sur les questions de savoir si l’employeur a violé sa convention collective et si sa politique de vaccination a violé ses droits fondamentaux et constitutionnels.

[24] La question de savoir si l’employeur a violé les droits du prestataire aux termes de la convention collective ou si la politique a violé ses droits fondamentaux et constitutionnels relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que le prestataire demandeNote de bas de page 6.

[25] La Cour fédérale a rendu une décision récemment dans l’affaire Cecchetto concernant la question de l’inconduite et le refus d’une partie prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.

[26] Le prestataire a fait valoir que le fait de refuser de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a affirmé qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire s’est senti discriminé en raison de son choix médical personnel. Il a soutenu qu’il était maître de sa propre intégrité physique et qu’on avait porté atteinte aux droits qui lui étaient garantis par le droit canadien et internationalNote de bas de page 7.

[27] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé par la loi à trancher ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers ce dernier et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.La Cour a déclaré qu’il existe d’autres moyens par lesquels les demandes du prestataire peuvent progresser adéquatement dans le cadre du système juridique.

[28] Dans l’affaire Paradis susmentionnée, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite parce que la politique de l’employeur violait ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Acts. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[29] La Cour fédérale a déclaré que pour sanctionner le comportement d’un employeur, une partie prestataire a d’autres recours qui permettent d’éviter que le régime d’assurance-emploi fasse les frais du comportement en cause.

[30] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension.

[31] Même si l’employeur a repoussé la date limite pour se conformer à sa politique de vaccination, le prestataire avait déjà pris la décision de ne pas la suivre. Comme l’a conclu la division générale, le prestataire aurait dû savoir que sa décision pouvait entraîner sa suspension.

[32] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que le prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur mise en place en réponse à la situation exceptionnelle créée par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension.

[33] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait commis une erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 9.

[34] Je suis tout à fait conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établieNote de bas de page 10. Cela ne change rien au fait que la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[35] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a relevé aucune erreur révisable de la part de la division générale comme une erreur de compétence ou un manquement à un principe de justice naturelle. Il n’a pas non plus cerné d’erreur de droit que la division générale aurait commise ni de conclusion de fait erronée qu’elle aurait tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision sur la question de l’inconduite.

[36] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[37] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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