Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : FB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 190

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : F. B.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 11 décembre 2022 (GE-22-2667)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 22 février 2023
Numéro de dossier : AD-23-65

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19. L’employeur ne lui a pas accordé d’exemption. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission de l’assurance-emploi) a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, de sorte qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations. Le prestataire a fait appel de la décision découlant de la révision auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[4] La division générale a établi que le prestataire avait perdu son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Celui-ci ne lui a pas accordé d’exemption. Selon la division générale, le prestataire savait que l’employeur allait probablement le congédier dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire avait été congédié en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel.Il affirme qu’il a le droit de contrôler ce qui arrive à son corps et qu’aucune loi n’exige que quiconque soit vacciné. Il soutient que l’exercice de ce droit ne permet pas de conclure à une inconduite. Le prestataire dit qu’il n’y a aucune obligation résultant expressément ou implicitement des modalités de son contrat de travail qui l’oblige à se faire vacciner. Il est d’avis que l’employeur a imposé unilatéralement une nouvelle condition d’emploi essentielle sans son consentement.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social établit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Il s’agit des erreurs révisables suivantes :

  1. 1. Le processus de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a décidé d’une question qui dépassait sa compétence.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape qui vient avant l’examen sur le fond. C’est une première étape que la partie prestataire doit franchir, où la barre est moins haute que durant l’appel sur le fond. Lors de la demande de permission de faire appel, la partie prestataire n’a pas à prouver ce qu’elle avance. Elle doit plutôt montrer que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, elle doit établir qu’une erreur susceptible de révision a été commise et peut permettre à l’appel d’être accueilli.

[11] Alors, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés ci-dessus et qu’au moins un de ces motifs a une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire affirme qu’il a le droit de contrôler ce qui arrive à son corps et qu’aucune loi n’exige que quiconque soit vacciné. Il soutient que l’exercice de ce droit ne permet pas de conclure à une inconduite. Le prestataire dit qu’il n’y a aucune obligation résultant expressément ou implicitement des modalités de son contrat de travail qui l’oblige à se faire vacciner. Il est d’avis que l’employeur a imposé unilatéralement une nouvelle condition d’emploi essentielle sans son consentement.

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite ne signifie pas nécessairement que le comportement fautif découle d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit être délibéré ou, du moins, d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a délibérément décidé d’ignorer les répercussions de cet acte sur son travail.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger la sévérité de la sanction imposée par un employeur ni de savoir s’il a mal agi en suspendant ou en congédiant une partie prestataire, de sorte que la suspension ou le congédiement serait injustifié. Son rôle est plutôt de décider si la partie prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension ou son congédiement Note de bas de page 1.

[16] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire avait été congédié parce qu’il avait refusé de suivre la politique qui s’appliquait à tout le personnel, y compris aux personnes qui télétravaillaient à domicile. Il avait été informé de la politique de l’employeur et aurait eu le temps de s’y conformer. Il n’a pas été exempté. Le refus du prestataire était intentionnel. Il a agi de façon délibérée. C’est la cause directe de son congédiement.

[17] La division générale a considéré que le prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pourrait entraîner son congédiement.

[18] La division générale a conclu, à partir de la preuve prépondérante, que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[19] Selon un principe bien établi, une violation délibérée de la politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2. On considère aussi que le non-respect d’une politique approuvée par un gouvernement ou une entreprise est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[20] On s’entend pour dire qu’un employeur doit prendre toutes les précautions raisonnables pour veiller à la santé et la sécurité de son personnel au travail. Dans la présente affaire, le gouvernement du Canada a mis en œuvre sa politique applicable à l’administration publique centrale pour préserver la santé de tout le personnel pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspenduNote de bas de page 4.

[21] Il n’appartient pas au Tribunal de décider s’il était raisonnable pour l’employeur d’étendre la protection contre la COVID-19 aux personnes qui travaillaient à domicile pendant la pandémie.

[22] Il revient à une autre instance de décider si l’employeur aurait dû accorder des mesures d’adaptation au prestataire ou si la politique violait les droits de la personne et les droits constitutionnels. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que le prestataire rechercheNote de bas de page 5.

[23] La Cour fédérale a récemment tranché l’affaire Cecchetto concernant une inconduite et le refus du prestataire de suivre la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19.

[24] Le prestataire dans cette affaire a fait valoir que le refus de se soumettre à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a soutenu que rien ne prouvait que le vaccin était sûr et efficace. Le prestataire s’est senti discriminé en raison de son choix médical personnel. Il a affirmé qu’il avait le droit de préserver sa propre intégrité physique et que ses droits avaient été violés selon la loi canadienne et internationaleNote de bas de page 6.

[25] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas légalement autorisé à traiter ce genre de questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique vaccinale de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers son employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7. La Cour a précisé qu’il existe d’autres façons de faire avancer adéquatement les revendications du prestataire dans le système judiciaire.

[26] Dans l’affaire Paradis tranchée il y a quelques années, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait eu aucune inconduite de sa part parce que la politique de son employeur avait violé ses droits au titre de la loi albertaine sur les droits de la personne (Alberta Human Rights Act). La Cour fédérale a établi que la question relevait d’une autre instance.

[27] La Cour fédérale a déclaré qu’il existe d’autres recours pour sanctionner le comportement d’un employeur, qui permettent d’éviter que le programme d’assurance-emploi fasse les frais du comportement incriminé.

[28] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur d’accorder des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les affaires d’inconduite en assurance-emploi.

[29] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur a mal agi en suspendant ou en congédiant une partie prestataire, de sorte que la suspension ou le congédiement serait injustifié. Son rôle est plutôt de décider si la partie prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension ou son congédiement.

[30] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que le prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique que son employeur avait établie en réponse aux circonstances pandémiques exceptionnelles. C’est ce qui a entraîné sa suspension.

[31] Je ne vois pas comment la division générale aurait pu commettre une erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[32] Je suis tout à fait conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance si une violation est établieNote de bas de page 9. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[33] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[34] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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