Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 264

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : M. H.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 3 janvier 2023
(GE-22-2845)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 13 mars 2023
Numéro de dossier : AD-23-89

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. On lui a refusé une exemption fondée sur ses croyances religieuses. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a décidé que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après une révision qui s’est avérée défavorable, le prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi après avoir refusé de respecter la politique de l’employeur une fois que sa demande d’exemption fondée sur ses croyances religieuses avait été rejetée. Elle a conclu que le prestataire savait que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire cherche à obtenir la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Il soutient que la division générale a refusé d’exercer sa compétence lorsqu’elle a déclaré qu’elle n’avait pas le pouvoir de protéger ses droits de la personne et ses droits constitutionnels. Le prestataire affirme qu’il a exercé ses droits selon sa foi et sa religion.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social établit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs susceptibles de révision sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale était inéquitable d’une certaine façon.
  2. 2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher ou a décidé d’une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. Il s’agit d’une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui qu’il devra assumer lors de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande permission de faire appel, la partie prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur susceptible de révision. Autrement dit, elle doit soutenir qu’une erreur susceptible de révision a été commise et peut permettre à l’appel d’être accueilli.

[11] Ainsi, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel se rattachent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés ci-dessus et qu’au moins un des motifs confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient que la division générale a refusé d’exercer sa compétence lorsqu’elle a dit qu’elle n’avait pas le pouvoir de protéger ses droits de la personne et ses droits constitutionnels. Le prestataire affirme avoir exercé ses droits selon sa foi et sa religion.

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite ne signifie pas que la conduite doit nécessairement découler d’une mauvaise intention; il suffit que l’inconduite soit consciente, délibérée ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale est de décider si le prestataire était coupable de l’inconduite, et si celle-ci a mené à la suspension, non pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni d’établir si l’employeur est coupable d’inconduite lui-même puisqu’il a suspendu le prestataire de sorte que la suspension serait injustifiéeNote de bas de page 1.

[16] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi parce qu’il avait refusé de respecter la politique. Il avait été informé de la politique de l’employeur et on lui a donné le temps de s’y conformer.  Il n’a pas obtenu d’exemption fondée sur ses croyances religieuses. Le prestataire a choisi de refuser; ce refus était délibéré. Il s’agissait de la cause directe de sa suspension. La division générale a conclu que le prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait mener à sa suspension.

[17] La division générale a conclu, à partir de la preuve prépondérante, que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[18] Il est bien établi qu’une violation délibérée d’une politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[19] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés sur leur lieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les recommandations du médecin hygiéniste en chef de Toronto pour mettre en œuvre sa politique de protection de la santé du personnel et du public pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspendu.

[20] Le prestataire soutient que la division générale a refusé d’exercer sa compétence sur les questions de savoir si l’employeur a omis de lui offrir des mesures d’adaptation et si la politique de l’employeur violait ses droits, étant donné qu’il avait prouvé que sa demande d’exemption était fondée sur ses croyances religieuses.

[21] La question de savoir si l’employeur a violé les droits de la personne et les droits constitutionnels du prestataire ou s’il aurait dû accepter sa demande d’exemption fondée sur ses croyances religieuses relève d’une autre instance. Ce Tribunal n’est pas la tribune appropriée par laquelle le prestataire peut obtenir la réparation qu’il rechercheNote de bas de page 3.

[22] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’une partie prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[23] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, selon la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers l’employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.Note de bas de page 4. La Cour a déclaré qu’il existe d’autres façons dont les demandes du prestataire peuvent progresser adéquatement au sein du système juridique.

[24] Dans la récente affaire Paradis, on a refusé les prestations d’assurance-emploi au prestataire en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite parce que la politique de l’employeur violait ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act [loi de l’Alberta sur les droits de la personne]. La Cour fédérale a conclu qu’il s’agissait d’une question relevant d’une autre tribune.

[25] La Cour fédérale a déclaré qu’il existe des recours disponibles pour qu’une personne sanctionne le comportement d’un employeur sans que les coûts de ce comportement soient transférés au régime d’assurance-emploi.

[26] Dans la décision Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur de fournir des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite liés à l’assurance-emploi.

[27] La preuve prépondérante présentée à la division générale démontre que le prestataire a choisi délibérément pour des raisons personnelles de ne pas respecter la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension de son travail.

[28] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait commis une erreur susceptible de révision lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 5.

[29] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si l’existence d’une violation est établieNote de bas de page 6. Cela ne change rien au fait que selon la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[30] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a relevé aucune erreur susceptible de révision, comme une faute de compétence ou la possibilité que la division générale ait omis d’observer un principe de justice naturelle. Il n’a pas relevé d’erreurs de droit ou de conclusions de fait erronées, que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance pour rendre sa décision.

[31] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[32] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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