Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 265

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (489056) datée du 6 juillet 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Suzanne Graves
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 16 décembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 3 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-2845

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

[3] Je n’ai pas le pouvoir de décider si l’employeur du prestataire a porté atteinte à ses droits au titre de la Déclaration canadienne des droits, de la Loi canadienne sur les droits de la personne ou de toute autre loi protégeant les droits et libertés. Différents tribunaux appliquent ces lois.

Aperçu

[4] Le prestataire a été suspendu de son emploi. Son employeur a dit à la Commission qu’on l’avait placé en congé sans solde parce qu’il avait agi contre sa politique de vaccination : il ne s’était pas fait vacciner.

[5] Bien que le prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé, il affirme qu’agir contre la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite. Il soutient que l’employeur aurait dû l’exempter de son exigence de vaccination parce que cela allait à l’encontre de sa religion.

[6] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[7] Le prestataire porte la décision de la Commission en appel au Tribunal de la sécurité sociale.

Question que je dois examiner en premier

L’employeur n’est pas mis en cause dans l’appel

[8] Il arrive parfois que le Tribunal envoie à l’ancien employeur d’une partie prestataire une lettre dans laquelle il demande s’il souhaite être mis en cause dans l’appel. Dans la présente affaire, le Tribunal a envoyé une lettre à l’employeurNote de bas de page 2. Celui-ci n’y a pas répondu. Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas ajouter l’employeur comme mis en cause dans le présent appel, car rien dans le dossier ne me laisse croire que ma décision imposerait des obligations juridiques à l’employeur.

Question en litige

[9] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] Au Canada, il existe un certain nombre de lois qui protègent les droits d’une personne, comme le droit à la vie privée ou le droit à l’égalité (non-discrimination). Il y a notamment la Déclaration canadienne des droits et un certain nombre d’autres lois qui protègent les droits et libertés.

[11] Le Tribunal n’est pas autorisé à examiner si une mesure prise par un employeur enfreint les droits d’un prestataire ni à rendre des décisions fondées sur la Charte canadienne des droits, la Loi canadienne sur les droits de la personne ou toute loi provinciale qui protège les droits et libertés.

[12] Cette question ne relève pas de ma compétence. Une personne doit s’adresser à un autre tribunal ou à une autre cour pour régler cette question. Le rôle du Tribunal est de décider si une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[13] La loi prévoit qu’une partie prestataire ne peut pas obtenir des prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison de son inconduite. Cela s’applique si son employeur l’a congédié ou suspendueNote de bas de page 3.

[14] Pour décider si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi?

[15] J’estime que le prestataire a été placé en congé sans solde de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique d’immunisation contre la COVID-19 de son employeur.

[16] Le prestataire ne conteste pas qu’il a perdu son emploi parce que son employeur exigeait que les membres de son personnel soient vaccinés au plus tard le 1er novembre 2021 et qu’il n’a pas confirmé qu’il était vacciné à cette date.

[17] Le prestataire affirme qu’il ne pouvait pas se faire vacciner parce que cela allait à l’encontre de sa religion. Il a demandé une exemption, comme l’autorise expressément la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur, mais celui-ci a refusé de l’exempterNote de bas de page 4.

[18] Je conclus que la raison pour laquelle le prestataire a perdu son emploi était sa non-conformité à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.

La raison pour laquelle le prestataire a été suspendu de son emploi est-elle une inconduite selon la loi?

[19] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 6. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 7.

[20] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 8.

[21] La Commission doit prouver que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 9.

L’argument du prestataire

[22] Le prestataire soutient qu’il a perdu son emploi sans qu’il en soit responsable et qu’il n’a pas été suspendu en raison d’une inconduite. Il affirme que la politique de vaccination de l’employeur prévoyait expressément une exemption et que son employeur est tenu de respecter ses politiques sur les mesures d’adaptation. Il soutient que ses gestes n’étaient pas délibérés. Il ne pouvait pas se faire vacciner parce que cela allait à l’encontre de sa foi; il a donc demandé une exemption. Le prestataire a déclaré qu’il s’attendait à ce que son employeur lui accorde une exemption de l’obligation de se faire vacciner.

[23] Le prestataire affirme que sa demande de mesures d’adaptation a été rejetée à tortNote de bas de page 10. Il fait valoir qu’il est un employé estimé et dévoué depuis près de 12 ans et qu’il n’a jamais été accusé d’inconduite. Son employeur savait qu’il vivait selon sa foi et qu’il ne pouvait pas se faire vacciner pour des raisons religieuses. Il dit avoir présenté tous les documents requis de son église pour appuyer sa demande d’exemption.

L’argument de la Commission

[24] La Commission affirme que l’employeur du prestataire l’a placé en congé obligatoire parce qu’il a refusé de se conformer à sa politique de vaccination, ce qui était une exigence de son emploi. Elle fait valoir que l’employeur a communiqué la politique sur la vaccination obligatoire à tous les membres du personnel et que le prestataire savait que le fait de ne pas s’y conformer pouvait entraîner la perte de son emploi.

[25] La politique de l’employeur exigeait que les membres du personnel de l’organisation soient entièrement vaccinés contre la COVID-19 au plus tard le 1er novembre 2021. Le prestataire a demandé une exemption fondée sur la croyance, selon les termes de la politique de l’employeur. Mais celui-ci a refusé sa demande. L’employeur affirme donc qu’il devait fournir une preuve de son statut vaccinal.

[26] La Commission soutient qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire a volontairement ignoré la politique de l’employeur sur la santé relativement à la COVID-19, sachant que cela pouvait compromettre son emploi.

[27] La Commission affirme également que le Tribunal n’a pas le pouvoir de décider si l’employeur a agi de façon équitable ou raisonnable en instaurant des politiques de vaccination ou d’attestation obligatoire.

Le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

[28] J’estime que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[29] Le prestataire ne conteste pas le fait qu’il a été informé de la possibilité d’être suspendu ou congédié s’il ne confirmait pas son statut vaccinal à la date requise.

[30] J’estime que le prestataire avait suffisamment de renseignements pour savoir que sa décision de ne pas fournir de confirmation de vaccination pouvait mener à son placement en congé autorisé ou à son congédiement.

[31] La politique de l’employeur permettait aux membres du personnel de demander une exemption religieuse, mais la demande du prestataire a été rejetée. Lorsqu’il n’a pas déclaré qu’il était vacciné conformément à la politique, il a été placé en congé sans solde.

[32] Comme je l’ai déjà mentionné, je ne peux pas décider si l’employeur aurait dû accorder une exemption au prestataire aux termes de la politique ou quant à savoir s’il a d’autres options aux termes d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si le prestataire a été congédié à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables (mesures d’adaptation) pour luiNote de bas de page 11.

[33] Les tribunaux ont affirmé que je n’ai pas le pouvoir de décider si l’employeur aurait dû lui accorder une exemption aux termes de sa politique. Les arguments selon lesquels une telle exemption aurait dû être accordée sont plus appropriés lorsqu’on les soulève devant une autre instanceNote de bas de page 12.

[34] Mon rôle n’est pas de décider si la pénalité de l’employeur était trop sévère ou si l’employeur était coupable d’inconduite. Je peux seulement évaluer une chose : si ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et si cela a entraîné la perte de son emploiNote de bas de page 13.

[35] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que la Commission a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 14.

Conclusion

[36] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite. Par conséquent, il est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[37] L’appel est rejeté.

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