Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1695

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : L. T.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (467490) datée du 8 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 21 décembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 27 décembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2329

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a été suspendue et qu’elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné son congédiement). Par conséquent, la prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] L. T. est la prestataire dans la présente affaire. Elle a travaillé comme commis au service à la clientèle pour la province. L’employeur a d’abord mis la prestataire en congé sans solde, puis il l’a suspendue. La prestataire a ensuite perdu son emploi parce qu’elle n’avait pas respecté la politique de l’employeur. Elle a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas page 2.

[4] La Commission a décidé que la prestataire n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi parce qu’elle avait été suspendue et qu’elle avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduiteNote de bas page 3.

[5] La prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la CommissionNote de bas page 4. Elle affirme que la politique de l’employeur exigeait que les membres du personnel non vaccinés fassent des tests antigéniques rapides trois fois par semaine, alors que les membres du personnel vaccinés n’avaient pas à le faire. Elle affirme que c’est injuste et discriminatoire, et que les personnes vaccinées peuvent aussi transmettre le virus de la COVID-19. De plus, elle ne croyait pas qu’il était légal que l’employeur lui demande son statut vaccinal, alors elle ne le lui a pas divulgué.

Question que je dois examiner en premier

La prestataire a déposé des documents après l’audience

[6] À l’audience, la prestataire a déclaré que l’employeur lui avait envoyé des courriels au sujet de la politique. De plus, elle a envoyé un courriel à l’employeur pour lui faire part de ses préoccupations au sujet de la politique. Elle a lu les courriels et les a déposés après l’audienceNote de bas page 5. Ces documents ont été acheminés à la Commission, mais aucune réponse n’avait été reçue à la date de la rédaction de la présente décision.

Questions en litige

[7] La prestataire a-t-elle été suspendue et a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique peu importe si l’employeur a congédié ou suspendu la personneNote de bas page 6.

[9] Je dois d’abord décider pour quelle raison la prestataire a cessé de travailler. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle cessé de travailler?

[10] Je conclus que la prestataire a été mise en congé sans solde du 5 novembre 2021 au 28 novembre 2021 parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de l’employeur. Cela concorde avec le courriel envoyé par la gestionnaire de la prestataire le 5 novembre 2021Note de bas page 7. La prestataire n’a pas été autorisée à continuer de travailler et elle a dû quitter le lieu de travail.

[11] Je conclus que la prestataire a été suspendue de son emploi du 29 novembre 2021 au 22 février 2022 pour les mêmes raisons. L’employeur a parlé de congé sans solde non autorisé et de suspension disciplinaireNote de bas page 8.

[12] Je reconnais que la suspension était censée durer seulement jusqu’au 28 décembre 2021, car la prestataire s’attendait à retourner au travail le 29 décembre 2021Note de bas page 9. Toutefois, la prestataire n’est pas revenue à cette date parce qu’elle ne respectait toujours pas la politique de l’employeurNote de bas page 10.

[13] Je conclus que la prestataire a ensuite perdu son emploi le 23 février 2021 pour la même raison, soit le non-respect de la politique de l’employeur. Une copie de la lettre de congédiement se trouve au dossierNote de bas page 11.

[14] La prestataire a cessé de travailler parce qu’elle n’était pas prête à se conformer à la politique de l’employeur. Plus précisément, elle ne voulait pas se conformer à l’exigence de faire des tests antigéniques rapides trois fois par semaine au travail, à moins que tout le monde au travail y soit tenu, y compris les personnes vaccinées contre la COVID-19.

La raison du congédiement de la prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[15] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et des tribunaux) nous montre comment établir si le congédiement de la prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi. Il énonce le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[16] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 12. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 13.

[17] Il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est‑à‑dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas page 14.

[18] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas page 15.

[19] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas page 16. Je dois plutôt me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 17.

[20] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si la prestataire a d’autres options au titre d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si la prestataire a été congédiée à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables (mesures d’adaptation) pour la prestataireNote de bas page 18. Je peux seulement examiner une chose : si ce que la prestataire a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[21] La Commission doit prouver que la prestataire a été suspendue et qu’elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a été suspendue et qu’elle a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 19.

[22] L’employeur a mis en œuvre une directive (politique) sur la sécurité en milieu de travail liée à la COVID-19, qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2021. Une copie de la politique se trouve au dossierNote de bas page 20.

[23] L’objectif de la politique était d’aider à protéger la santé, la sécurité et le bien-être de tous les membres du personnel et de la population de l’Ontario en favorisant des taux de vaccination plus élevés contre la COVID-19Note de bas page 21.

[24] J’ai résumé les parties pertinentes de la politique (je souligne) :

  1. a) Tous les membres du personnel doivent fournir un des documents suivants :
    1. i. Preuve démontrant qu’ils sont entièrement vaccinés contre la COVID-19
    2. ii. Preuve écrite d’une exemption médicale
    3. iii. Preuve que l’employée ou l’employé a terminé un programme de formation sur la vaccination contre la COVID-19
  2. b) Les membres du personnel qui choisissent de ne pas divulguer leur statut vaccinal ou qui ne sont pas entièrement vaccinés sont considérés comme « non vaccinés » selon la politique. Ces personnes doivent faire des tests antigéniques rapides et obtenir un résultat de test négatif toutes les 48 heures à la date déterminée par l’employeur.
  3. c) Une preuve écrite d’une exemption médicale est requise.
  4. d) Les membres du personnel qui ne se conforment pas à la politique pourraient être placés en congé sans solde non autorisé ou faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement.

[25] L’employeur a écrit qu’à compter de la semaine du 1er novembre 2021, les membres du personnel qui n’étaient pas vaccinés ou qui étaient réputés ne pas l’être (y compris ceux qui n’ont pas divulgué leur statut vaccinal) devaient passer des tests antigéniques rapides réguliers et produire un résultat de test négatif avant d’accéder au lieu de travailNote de bas page 22. Cela s’appliquait à tous les membres du personnel, même ceux qui travaillaient à distance.

[26] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons ci-dessous.

La politique a été communiquée à la prestataire

[27] Premièrement, je juge qu’il est plus probable qu’improbable que la politique ait été communiquée à la prestataire pour la première fois le 1er octobre 2021. J’ai tenu compte du fait que la politique elle-même indique qu’elle a été approuvée le 14 septembre 2021 et qu’elle est entrée en vigueur le 1er octobre 2021Note de bas page 23. J’ai également tenu compte du fait que la prestataire et la Commission ne semblent pas contester que la politique a été communiquée.

[28] Je reconnais que la prestataire ne savait pas exactement à quelle date la politique lui avait été communiquée. Elle a confirmé que lorsqu’elle a pris connaissance de la politique, elle en a imprimé une copie pour elle-même. Elle a convenu qu’elle l’avait lu et qu’elle avait compris ce qui était attendu d’elle. Elle a également eu assez de temps pour se conformer à la politique.

La prestataire a choisi de ne pas se conformer à la politique

[29] Deuxièmement, je conclus que la prestataire a volontairement et consciemment choisi de ne pas se conformer à la politique pour ses propres raisons. Elle s’est demandé si elle devait s’y conformer ou non. Pour des raisons personnelles, elle a décidé que les personnes non vaccinées (ou réputées non vaccinées) ne devraient pas avoir à faire des tests antigéniques rapides à moins que tout le monde, y compris les personnes vaccinées, n’ait à le faire.

[30] J’estime que ce n’est pas parce qu’un membre du personnel n’est pas d’accord avec la politique de l’employeur qu’il n’est pas obligé de la suivre ou que sa décision de ne pas la respecter n’aura aucune conséquence. Il est clair que la prestataire a délibérément choisi de ne pas s’y conformer.

La prestataire n’était pas exemptée de la politique

[31] La prestataire n’a pas demandé à l’employeur d’être exemptée de la politique, alors elle n’était pas exemptée de celle-ci ni de l’obligation de faire des tests antigéniques rapides. Malgré cela, la requérante a dit que cela n’aurait pas changé les choses parce que les personnes qui étaient exemptées de la politique devaient de toute façon faire des tests antigéniques rapides.

[32] J’admets que la prestataire dans la présente affaire n’avait pas eu d’intention coupable, mais qu’il s’agissait quand même d’une inconduite parce qu’elle a délibérément choisi de ne pas se conformer à la politique de l’employeur pour des raisons personnelles. La Cour d’appel fédérale a déjà déclaré qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 24.

La prestataire connaissait les conséquences du non-respect des recommandations

[33] Troisièmement, je conclus que la prestataire savait ou aurait dû savoir qu’en ne se conformant pas à la politique, elle serait placée en congé sans solde, suspendue puis congédiée. Le congé sans solde a commencé le 5 novembre 2021 et elle a seulement été congédiée le 23 février 2022. Elle a donc eu assez de temps pour repenser à sa décision.

[34] Le témoignage de la prestataire ne m’a pas convaincue qu’elle ne pensait pas que cela se produirait si soudainement. La prestataire savait ce qu’elle devait faire au titre de la politique et ce qui se passerait si elle ne respectait pas celle-ci.

[35] Les conséquences ont été communiquées à la prestataire parce qu’il y a eu des réunionsNote de bas page 25 et des courriels,Note de bas page 26 et la politique disait que les membres du personnel qui ne s’y conformaient pas pourraient être placés en [traduction] « congé sans solde non autorisé ou faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiementNote de bas page 27 ».

Alors, la prestataire a-t-elle été suspendue et a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[36] Selon mes conclusions précédentes, je conclus que la prestataire a été suspendue et qu’elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[37] En effet, les actions de la prestataire ont entraîné sa suspension et son congédiement. Elle savait que si elle refusait de respecter les règles concernant les tests, elle pouvait se faire placer en congé sans solde, suspendre puis congédier.

Qu’en est-il des autres arguments du prestataire?

[38] La prestataire a présenté d’autres arguments à l’appui de sa position, notamment les suivantsNote de bas page 28 :

  1. a) La politique était punitive, coercitive et discriminatoire.
  2. b) L’employeur a enfreint la convention collective, la Constitution, ses droits fondamentaux et la Charte des droits et libertés.
  3. c) Elle a fait l’objet d’un congédiement déguisé.
  4. d) Ses renseignements médicaux sont confidentiels.
  5. e) La politique a porté atteinte à ses droits fondamentaux.
  6. f) Le vaccin contre la COVID-19 est expérimental, dangereux et inefficace.
  7. g) Une personne, qu’elle soit vaccinée ou non, peut transmettre la COVID-19.
  8. h) Elle a eu des difficultés financières et des pertes de salaire.

[39] Certains des arguments de la prestataire contestent la conduite de l’employeur, y compris le caractère raisonnable de la politique et les sanctions imposées par l’employeur.

[40] Comme je l’ai mentionné plus haut, je n’ai pas le pouvoir de décider si la politique était raisonnable, si la prestataire aurait dû se faire offrir des mesures d’adaptation par l’employeur, ou si la pénalité imposée par l’employeur aurait dû être différenteNote de bas page 29.

[41] Dans une autre affaire, la Cour fédérale a décidé que la question relevait d’une autre instance lorsqu’une partie prestataire soutenait que la politique de l’employeur violait ses droits fondamentauxNote de bas page 30. Par conséquent, il n’est pas possible de trancher ici les arguments de la prestataire concernant les droits de la personne et l’application prétendument discriminatoire de la politique de l’employeur.

[42] Je peux seulement décider si ce que la prestataire a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. J’ai déjà décidé que la conduite de la prestataire constitue une inconduite.

[43] Le recours de la prestataire consiste à intenter une action en justice ou devant tout autre tribunal pouvant traiter de ses arguments spécifiques pour obtenir les réparations qu’elle demande. La prestataire a déclaré qu’elle travaille dans un milieu syndiqué et qu’elle a déjà déposé trois griefs. Ceux-ci devraient procéder à l’étape de l’arbitrage en juin 2023.

Conclusion

[44] La Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue et qu’elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, elle n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploiNote de bas page 31.

[45] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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