Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 226

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à la permission de faire appel

Partie demanderesse : M. C.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 16 décembre 2022 (GE-22-2370)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 2 mars 2023
Numéro de dossier : AD-23-72

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Décision

[1] Je refuse à la prestataire la permission de faire appel parce qu’elle n’a pas de cause défendable. Le présent appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La prestataire, M. C., fait appel d’une décision de la division générale lui refusant des prestations d’assurance-emploi. 

[3] La prestataire travaille comme agente de contrôle chez X. Le 14 novembre 2021, son employeur l’a placée en congé sans solde parce qu’elle avait omis de fournir la preuve qu’elle avait reçu le vaccin contre la COVID-19. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle n’avait pas à verser de prestations d’assurance-emploi à la prestataire parce que le non-respect de la politique de vaccination de son employeur constituait une inconduite.

[4] La division générale du Tribunal a rejeté l’appel de la prestataire. Elle a conclu que la prestataire avait délibérément enfreint la politique de vaccination de son employeur. Elle a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique entraînerait probablement sa suspension ou son congédiement.

[5] La prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale. Elle soutient que la division générale a commis une erreur de droit en omettant d’appliquer le critère approprié pour évaluer l’inconduite. Plus précisément, elle fait valoir les points suivants :

  • Selon l’affaire intitulée Lemire, une inconduite est un manquement à une obligation expresse ou implicite découlant d’un contrat de travail Footnote 1.
  • Sa convention collective ne contient aucune obligation implicite ou explicite de se soumettre à la vaccination.
  • L’imposition d’une exigence de vaccination contre la COVID-19 équivalait à une modification unilatérale de son contrat de travail faite sans son consentement.

[6] Avant que la prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider si son appel a une chance raisonnable de succèsFootnote 2. Avoir une chance raisonnable de succès est la même chose qu’avoir une cause défendableFootnote 3. Si la prestataire n’a pas de cause défendable, l’affaire prend fin maintenant.

Question en litige

[7] Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur en concluant que le refus de la prestataire de fournir une preuve de vaccination contre la COVID-19 constituait une inconduite?

Analyse

[8] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que le droit et les éléments de preuve qu’elle a utilisés pour en arriver à cette décision. J’ai conclu que la prestataire n’a pas de cause défendable.

On ne peut pas soutenir que la division générale a mal interprété la loi

On entend par inconduite toute action intentionnelle susceptible d’entraîner la perte d’un emploi

[9] La prestataire soutient qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que rien dans son contrat de travail ou sa convention collective ne l’obligeait à se faire vacciner contre la COVID-19. Elle laisse entendre qu’en la forçant à le faire sous menace de congédiement, son employeur a porté atteinte à ses droits.

[10] Je ne vois pas le bien-fondé de cet argument.

[11] La division générale a défini l’inconduite comme suit :

Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée. Il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loi.

Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit congédiée pour cette raisonFootnote 4.

[12] Ces paragraphes montrent que la division générale a bien résumé le droit relatif à l’inconduite. La division générale a ensuite conclu à juste titre qu’elle n’a pas le pouvoir de décider si les politiques d’un employeur sont raisonnables, justifiables ou même légalesFootnote 5.

Les contrats d’emploi n’ont pas à définir explicitement toutes les formes d’inconduite

[13] La prestataire soutient que rien dans son contrat de travail ou dans sa convention collective ne l’obligeait à se faire vacciner contre la COVID-19. Cependant, la jurisprudence signale que ce n’est pas la question en litige. Ce qui importe, c’est de savoir si l’employeur a une politique et si l’employé l’a délibérément ignorée. Voici comment la division générale l’a formulé :

[Mon] rôle n’est pas de décider si l’employeur de la prestataire a enfreint sa convention collective lorsqu’il a omis de la renégocier pour y inclure l’exigence du vaccin contre la COVID-19. Mon rôle est de décider si la décision de la prestataire de ne pas divulguer son statut vaccinal constitue une inconduite au sens de la LoiFootnote 6.

[14] Citant Lemire, la prestataire a fait un lien entre l’inconduite et le manquement à une obligation expresse ou implicite contenue dans un contrat de travail. Mais Lemire a aussi énoncé ce qui suit :

Il ne s’agit pas, cependant, de décider si le congédiement est justifié ou non au sens du droit du travail, mais plutôt de déterminer selon une appréciation objective de la preuve s’il s’agit d’une inconduite telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu’elle serait susceptible de provoquer son congédiementFootnote 7.

[15] Dans l’affaire Lemire, la cour a conclu que l’employeur a eu raison de décider qu’il y avait eu inconduite lorsqu’un de ses employés – un livreur – s’est mis à vendre à des clients des cigarettes de contrebande sur les lieux du travail. La Cour a conclu que c’était le cas même si l’employeur n’avait pas de politique explicite contre une telle conduite.  

Une nouvelle affaire vient valider l’interprétation de la loi par la division générale

[16] Une décision récente a confirmé cette interprétation de l’inconduite dans le contexte spécifique des exigences relatives à la vaccination obligatoire contre la COVID-19. Comme dans la présente affaire, Cecchetto portait sur le refus d’un prestataire de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeurFootnote 8. La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé par la loi à répondre à ces questions :

[traduction]

Malgré les arguments du demandeur, il n’y a aucun fondement pour infirmer la décision de la division d’appel parce qu’elle n’aurait pas évalué le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la directive 6 [la politique de l’employeur sur le vaccin contre la COVID-19] ni rendu de décision à ce sujet. Ce genre de conclusion ne relevait pas du mandat ou de la compétence de la division d’appel ni de la division générale du Tribunal de la sécurité socialeFootnote 9.

[17] La Cour fédérale a convenu qu’en choisissant délibérément de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, M. Cecchetto avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a déclaré qu’il y avait d’autres façons pour le prestataire de faire valoir ses droits de la personne dans le contexte du système juridique.

[18] En l’espèce, comme dans l’affaire Cecchetto, les seules questions qui comptent sont de savoir si la prestataire a enfreint la politique de vaccination de son employeur et, dans l’affirmative, si cette infraction était délibérée et si elle était susceptible d’entraîner sa suspension ou son congédiement. Dans la présente affaire, la division générale avait de bonnes raisons de répondre « oui » aux deux questions.

On ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve

[19] La prestataire soutient que se faire vacciner n’a jamais été une condition de son emploi. Elle prétend que l’imposition de la politique de vaccination par son employeur représentait une modification unilatérale de son contrat d’emploi faite sans son consentement.

[20] Encore une fois, je ne vois pas comment ces arguments peuvent obtenir gain de cause étant donné la loi sur l’inconduite. La prestataire a fait des observations semblables à la division générale. Celle-ci a examiné la preuve disponible et a tiré les conclusions suivantes :

  • L’employeur de la prestataire était libre d’établir et d’appliquer une politique de vaccination comme il l’entendait.
  • L’employeur de la prestataire a adopté et communiqué une politique de vaccination obligatoire claire exigeant que les employés fournissent la preuve qu’ils avaient été vaccinés.
  • La prestataire savait que le non-respect de la politique au plus tard à la date limite entraînerait une perte d’emploi.
  • La prestataire a intentionnellement refusé de divulguer son statut vaccinal.

Ces conclusions semblent bien refléter le témoignage de la prestataire ainsi que les documents au dossier. La division générale a conclu que la prestataire était coupable d’inconduite parce que sa conduite était délibérée et qu’elle a vraisemblablement mené à sa suspension. La prestataire croyait peut-être que son refus de divulguer son statut vaccinal ne faisait pas de tort à son employeur, mais il ne revenait pas à elle de le décider.

Conclusion

[21] Je ne suis pas convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est donc refusée. Le présent appel n’ira pas de l’avant.

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