Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 309

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : A. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentant : Gilles-Luc Bélanger

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 15 juin 2022 (GE-22-751)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 6 mars 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’intimée
Date de la décision : Le 17 mars 2023
Numéro de dossier : AD-22-411

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le prestataire est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi du 5 octobre 2020 au 10 janvier 2021, puis du 15 août 2021 au 11 septembre 2021. Il pourrait toutefois demander l’annulation du trop-payé (prestations versées en trop) ou un plan de remboursement.

Aperçu

[2] L’appelant, A. P. (prestataire), fait appel de la décision de la division générale. Celle-ci a établi que le prestataire n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler pendant ses études. La division générale a conclu que le prestataire était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi qu’il avait déjà reçues. Il y a donc eu des prestations versées en trop.

[3] Le prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de fait en ce qui concerne sa disponibilité pour le travail. Il dit qu’il était disponible pour travailler. Il affirme qu’il a fait beaucoup de recherches pour trouver un emploi convenable et qu’il n’a aucunement restreint ses critères.

[4] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, soutient que la division générale n’a commis aucune erreur révisable. La Commission demande à la division d’appel de rejeter l’appel.

Questions préliminaires

[5] Le prestataire s’est présenté à l’audience avec une témoin (S. A.). Le prestataire a aussi déposé des renseignements supplémentaires que la division générale n’avait pas. Au moyen de ces éléments de preuve, il voulait démontrer que ses démarches de recherche d’emploi étaient beaucoup plus vastes que ce que la preuve devant la division générale indiquait.

[6] La Commission s’est opposée à l’admissibilité de tout élément de preuve fourni par la témoin.

[7] D’habitude, la division d’appel (section de l’assurance-emploi) n’admet pas de nouveaux éléments de preuve et n’entend pas de témoins. Elle peut admettre de nouveaux éléments de preuve si ceux-ci fournissent de l’information générale ou mettent en lumière un défaut de procédureNote de bas de page 1. Ce n’est pas le cas dans la présente affaire.

[8] Comme la Cour fédérale l’a expliqué, [traduction] « les audiences devant la Division d’appel ne sont pas de nouvelles audiences fondées sur des éléments de preuve à jour par rapport à ceux dont disposait la Division générale. La Division d’appel procède au contrôle des décisions de la Division générale en utilisant les mêmes éléments de preuveNote de bas de page 2. »

[9] Tout bien considéré, je n’accepte pas les nouveaux éléments de preuve dans l’affaire. Ils ne correspondent pas à l’exception à la règle générale, laquelle interdit les nouveaux documents à la division d’appel.

Question en litige

[10] La question en litige est la suivante :

  1. a) La division générale a-t-elle commis des erreurs de fait au sujet de la disponibilité du prestataire?

Analyse

[11] La division d’appel peut intervenir dans les décisions de la division générale en cas d’erreurs de compétence, de procédure, de droit ou de certains types d’erreurs de faitNote de bas de page 3.

[12] Pour qu’il y ait erreur de fait, la division générale doit avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Contexte factuel

[13] Le prestataire étudiait à l’université. En avril 2020, il a demandé des prestations d’assurance-emploi après la fin de son emploi à temps partiel dans un restaurant en raison de la pandémie. Il a alors reçu la Prestation canadienne d’urgence. Lorsque cette prestation a pris fin le 4 octobre 2020, la Commission a commencé à lui verser des prestations d’assurance-emploi.

[14] Environ un an plus tard, la Commission a interrogé le prestataire au sujet de ses études. Selon les renseignements qu’il a fournis, la Commission a conclu que le prestataire n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi.

[15] La Commission a décidé que le prestataire n’avait pas prouvé qu’il était disponible pour travailler après le 5 octobre 2020. Elle a établi que le prestataire étudiait à temps plein et qu’il s’était limité à un travail à temps partiel du 5 octobre 2020 au début de janvier 2021, puis d’août 2021 à la mi-septembre 2021Note de bas de page 4. Pendant ces périodes, des prestations ont été versées en trop. La Commission a produit un avis de dette à l’intention du prestataire.

Conclusions de la division générale sur la disponibilité du prestataire

[16] Le prestataire a fait appel de la décision de la Commission devant la division générale. La division générale a évalué si le prestataire avait démontré ce qui suit :

  1. a) qu’il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert;
  2. b) qu’il a fait des démarches pour trouver un emploi convenable;
  3. c) qu’il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire trop limiter) ses chances de retourner travailler.

[17] La division générale a admis que le prestataire voulait retourner aux études [sic] dès qu’un emploi convenable lui serait offert. Toutefois, elle a aussi établi qu’il n’avait pas fait assez de démarches pour trouver un emploi convenable et qu’il avait établi des conditions personnelles qui limitaient ses chances de retourner travailler. Par conséquent, le prestataire était inadmissible aux prestations pendant les deux périodes que j’ai mentionnées ci-dessusNote de bas de page 5.

Arguments du prestataire contre la décision de la division générale

[18] Le prestataire fait appel de la décision de la division générale. Il soutient qu’il a fait beaucoup de recherches pour trouver un emploi en dehors des stages ou de la restauration. De plus, il nie avoir établi des conditions personnelles qui ont limité ses chances de retourner sur le marché du travail.

[19] Dans sa demande à la division d’appel, le prestataire a fait valoir que la division générale a eu tort de supposer que la recherche d’un emploi en restauration avait nécessairement limité ses chances de trouver du travailNote de bas de page 6.

[20] Toutefois, à l’audience de la division d’appel, le prestataire a reconnu que la pandémie a restreint les possibilités dans le secteur de la restauration. Il a dit que les restaurants avaient fermé ou mis à pied du personnel parce que les affaires avaient ralenti. Il a ajouté qu’il a fait des demandes d’emploi dans d’autres secteurs qui étaient moins touchés par la pandémie que la restauration.

[21] J’ai accordé au prestataire la permission de faire appel sur ce point, c’est-à-dire que je lui ai permis de passer l’audience de l’appel. Cependant, comme le prestataire a reconnu que la pandémie a limité les possibilités en restauration, je n’ai plus besoin d’examiner cette question. Je vais plutôt me concentrer sur les deux autres points soulevés par le prestataire.

La division générale a-t-elle commis des erreurs de fait au sujet de la disponibilité du prestataire?

[22] Le prestataire affirme que la division générale a commis deux erreurs de fait selon lesquelles : 1) ses démarches pour trouver un emploi convenable étaient inadéquates; 2) il a établi des conditions personnelles qui limitaient ses chances de trouver du travail.

Selon la preuve présentée à la division générale, les démarches du prestataire pour trouver un emploi convenable étaient inadéquates

[23] Le prestataire affirme qu’il n’a pas limité ses recherches à des stages ou à des emplois en restauration. Il explique avoir cherché des emplois dans d’autres secteurs, comme dans le commerce de détail et la restauration rapide. Il précise qu’il a postulé à des emplois, par exemple, au Costco, au Home Depot et au Canadian Tire, ainsi qu’à diverses chaînes de restauration rapideNote de bas de page 7.

[24] Le prestataire ne savait pas qu’il devait présenter tous ces éléments de preuve à l’audience de la division générale. Il dit qu’il croyait avoir déjà démontré l’ampleur de sa recherche d’emploi. Il pensait donc que c’était suffisant.

[25] Dans son avis d’appel, il indique avoir postulé à 113 postes sur le portail universitaireNote de bas de page 8. Il n’a pas précisé à ce moment-là les types d’emplois dont il s’agissait. Il a également déclaré que lorsqu’il a appris que le restaurant où il travaillait à temps partiel était sur le point de fermer, il s’est mis à [traduction] « faire de nombreuses recherches d’emploi chaque jour et de façon régulièreNote de bas de page 9 ». Il a notamment postulé pour travailler à plusieurs restaurants.

[26] À la suite de l’audience de la division générale, le prestataire a déposé ce qu’il décrit comme étant sa [traduction] « liste complète de recherche d’emploi de mai 2019 à avril 2021Note de bas de page 10 ». La liste montre qu’il a présenté des demandes d’emploi du 12 mai 2019 au 19 avril 2021, dont bon nombre d’entre elles du 18 octobre 2020 au 18 janvier 2021.

[27] La Commission considère que le prestataire a eu l’occasion de présenter des éléments de preuve concernant ses démarches de recherche d’emploi après l’audience de la division générale. Elle affirme alors qu’il aurait pu inclure toute recherche d’emploi qu’il a faite dans le secteur du commerce de détail ou de la restauration rapide.

[28] Aucun élément de preuve présenté à la division générale ne montre que le prestataire a étendu ses recherches à autre chose que des stages ou des emplois en restauration. La division générale n’a donc pas commis d’erreur de fait lorsqu’elle a conclu que le prestataire a limité ses recherches à des stages ou à des emplois en restauration. La division générale a tiré ses conclusions en se fondant sur la preuve dont elle disposait. D’après cette preuve, elle pouvait seulement conclure que le prestataire cherchait un stage ou un emploi en restauration. La division générale a donc conclu que le prestataire aurait dû élargir sa recherche d’emploi.

[29] Comme je l’ai déjà mentionné, je ne peux pas tenir compte des nouveaux renseignements que le prestataire a fournis et évaluer moi-même si les démarches faites pour trouver un emploi convenable étaient adéquates. La division d’appel n’accepte pas de nouveaux éléments de preuve de cette nature.

[30] La liste du prestataire ne semble pas non plus montrer ses recherches d’août 2021 à la mi-septembre 2021. Bref, sa liste ne l’aide pas à établir que ses démarches de recherche d’emploi en août et en septembre 2021 étaient adéquates.

Le prestataire a établi des conditions personnelles qui ont limité ses chances de trouver du travail

[31] Le prestataire nie avoir établi des conditions personnelles qui ont limité ses chances de trouver du travail. Lorsque ses stages ont pris fin en août 2021, il a d’abord cherché du travail en dehors de son horaire de cours. Cependant, il dit qu’il aurait toujours pu modifier son horaire de cours pour le travail.

[32] Au début de sa session universitaire, le prestataire pouvait réorganiser ses cours en fonction de son travail. La modification de son horaire de cours plus tard aurait prolongé ses études et lui aurait ajouté une session de plus. Il a dit qu’il était tout de même prêt à le faire si cela lui permettait de trouver du travailNote de bas de page 11.

[33] La division générale a reconnu que le prestataire aurait pu modifier son horaire de cours, au besoin, afin d’être disponible pour travailler. Cependant, la division générale a également établi que le prestataire accordait la priorité à ses études. La preuve appuyait cette conclusion.

[34] À l’audience de la division générale, le prestataire a déclaré qu’il aurait accepté un emploi à temps plein si celui-ci s’était bien harmonisé avec ses études. Il a ajouté que l’université était sa priorité et qu’il n’abandonnerait pas ses études pour un emploi à temps plein. Il a déclaré qu’il [traduction] « n’était pas question de quitter l’écoleNote de bas de page 12 ». Il était d’accord avec la membre de la division générale pour dire qu’il cherchait du travail le soir et la fin de semaine. Il s’attendait à pouvoir trouver de 35 à 40 heures de travail le soir et la fin de semaine.

[35] Lorsqu’il a parlé à la Commission en octobre 2021, il aurait dit que s’il trouvait un emploi à temps plein, mais que celui-ci entrait en conflit avec un de ses cours ou son programme, il continuerait de suivre son coursNote de bas de page 13. En décembre 2021, il aurait déclaré qu’il n’abandonnerait pas ses études pour accepter un emploi à temps pleinNote de bas de page 14. En janvier 2022, après l’examen de son horaire de cours de l’automne 2020, le prestataire aurait confirmé qu’il n’abandonnerait aucun cours pour travailler à temps pleinNote de bas de page 15.

[36] De plus, dans ses observations à la division d’appel, le prestataire a confirmé que ses études universitaires ont toujours été sa prioritéNote de bas de page 16.

[37] Rien dans cette preuve n’indiquait qu’il aurait effectivement reporté ses cours pour travailler.

[38] Cette situation ressemble à celle de l’affaire Canada (Procureur général) c PrimardNote de bas de page 17. La défenderesse, Mme Primard, avait dit au conseil arbitral (le prédécesseur de la division générale) qu’elle pouvait suivre ses cours à temps partiel le soir.

[39] La Cour d’appel fédérale était d’avis que la défenderesse admettait ainsi qu’elle n’était pas disponible pour travailler, mais qu’elle pouvait le devenir si elle trouvait un emploi. Selon la Cour, il s’agissait en fait d’une absence de disponibilité et, au mieux, d’une possible disponibilité qui était conditionnelle.

[40] Dans l’affaire Canada (Procureur général) c Bertrand, la prestataire, Mme Bertrand, était disponible pour travailler de 30 à 40 heures par semaine le soir. Elle ne pouvait pas travailler le jour parce qu’elle ne trouvait personne assez fiable pour garder son enfant. Même si elle était disponible pour travailler plus de 40 heures par semaine, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’elle n’était pas disponible pour travailler au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. Cette affaire montre clairement que les prestataires doivent être disponibles pendant les heures normales de travail pour tout jour ouvrableNote de bas de page 18. Autrement, on dira qu’ils ont établi des conditions personnelles qui limitent leurs chances de trouver du travail.

[41] Dans la présente affaire, la preuve appuie les conclusions de la division générale concernant la disponibilité du prestataire. Sa disponibilité seulement le soir et la fin de semaine signifie qu’il a établi des conditions personnelles qui limitaient ses chances. Comme la Cour d’appel fédérale l’a déclaré, le fait que le prestataire ait laissé entendre qu’il pouvait modifier son horaire de cours a seulement confirmé qu’il n’était pas disponible à ce moment-làNote de bas de page 19.

Options du prestataire concernant le trop-payé

[42] Le prestataire croyait qu’il avait droit à juste titre de recevoir des prestations parce qu’il était, selon lui, disponible pour travailler à temps plein. Il ne savait pas que le fait d’être disponible plus de 40 heures seulement le soir et la fin de semaine ne satisfaisait pas aux exigences de disponibilité de la Loi sur l’assurance-emploi.

[43] De plus, il a communiqué avec Service Canada. Le personnel l’a encouragé à demander des prestations. Il l’a fait et a reçu des prestations. Ce n’est qu’environ un an plus tard que la Commission a réexaminé sa demande et décidé qu’il n’avait pas droit aux prestations, ce qui a entraîné un trop-payé.

[44] Selon le prestataire, la Commission aurait dû examiner sa demande avant de lui verser des prestations. Il affirme qu’il est incapable de rembourser ces prestations et que des difficultés en découleront.

[45] Comme la Commission le fait remarquer, si le prestataire a de la difficulté à rembourser le trop-payé, il devrait communiquer avec l’Agence du revenu du Canada (ARC). L’ARC évaluerait sa situation financière et ferait des recommandations à la Commission. La Commission déciderait alors s’il faut annuler l’entièreté ou une partie du trop-payé. Le prestataire pourrait aussi communiquer avec l’ARC pour mettre en place un plan de remboursement. Les coordonnées de l’ARC se trouvent dans l’avis de detteNote de bas de page 20.

Conclusion

[46] L’appel est rejeté. Le prestataire est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi du 5 octobre 2020 au 10 janvier 2021, puis du 15 août 2021 au 11 septembre 2021.

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