Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1701

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (450165) datée du 31 janvier 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Leanne Bourassa
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 27 avril 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 15 juin 2022
Numéro de dossier : GE-22-751

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Malheureusement, le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas d’accord avec le prestataire, A. P.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler pendant ses études. Par conséquent, il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] Pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi, une personne doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que la personne doit être à la recherche d’un emploi.

[4] Dans la présente affaire, le prestataire était aux études. Lorsque son emploi à temps partiel dans un restaurant a pris fin en raison de la pandémie de COVID-19 en avril 2020, il a demandé des prestations d’assurance-emploi. Il a reçu la Prestation canadienne d’urgence (PCU).

[5] Le 4 octobre 2020, lorsque la PCU s’est terminée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a automatiquement utilisé la demande de PCU du prestataire pour établir une période de prestations régulières d’assurance-emploi. La Commission a donc continué de lui verser des prestations.

[6] En octobre 2021, la Commission a interrogé le prestataire au sujet de ses études. Il a dit qu’il était à l’université depuis 2018. La Commission a alors décidé que le prestataire n’était pas admissible aux prestations à compter du 5 octobre 2020 parce qu’il suivait un programme de formation de sa propre initiative et qu’il n’avait pas prouvé qu’il était disponible pour travailler. Il allait devoir rembourser toutes les prestations qu’il avait reçues depuis cette date-là.

[7] Le prestataire a demandé une révision de la décision. La Commission a soutenu qu’il avait un horaire de cours à temps plein et qu’il ne quitterait pas ses études pour accepter un emploi à temps plein. Elle a donc maintenu qu’il n’était pas disponible pour travailler.

[8] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il était disponible pour travailler. Le prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Il doit donc démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était disponible pour travailler.

[9] La Commission affirme que le prestataire n’était pas disponible parce qu’il étudiait à temps plein tous les jours de la semaine et qu’il n’abandonnerait pas ses études pour accepter un poste à temps plein qui entrerait en conflit avec son horaire. Son horaire de cours est très restrictif et pourrait réduire ses chances de retourner sur le marché du travail.

[10] Le prestataire n’est pas d’accord et affirme que pendant toute sa période de prestations, il a cherché un emploi, a documenté ses recherches et était prêt à accepter toute offre convenable. Il a postulé à des emplois affichés sur le portail universitaire. Il travaillait à temps partiel, mais voulait plus d’heures. Il a appris que ses stages n’étaient pas considérés comme des emplois à temps plein seulement lorsque la Commission a rejeté sa demande.

Question que je dois examiner en premier

Le prestataire avait une témoin à l’audience

[11] À l’audience par vidéoconférence, j’ai remarqué que le prestataire parlait à quelqu’un hors caméra. C’était sa mère. Comme elle aidait le prestataire à se souvenir de certains détails et qu’elle avait participé à certains des appels téléphoniques dont il parlait, je lui ai demandé d’affirmer qu’elle dirait la vérité à l’audience si elle voulait intervenir. Elle a fait cette affirmation et a participé à l’audience en appuyant le prestataire. Je ne crois pas qu’elle ait livré un témoignage indépendant qui aurait une incidence sur ma décision ou qui m’obligerait à évaluer sa crédibilité.

Question en litige

[12] Le prestataire était-il disponible pour travailler pendant ses études?

Analyse

[13] Deux articles de loi exigent que les prestataires démontrent leur disponibilité pour le travail. La Commission a décidé que le prestataire était inadmissible selon ces deux articles. Il doit donc remplir les critères des deux articles pour pouvoir obtenir des prestations.

[14] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 1. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce que signifie « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 2 ». Je vais examiner ces critères ci-dessous.

[15] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit que la partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 3. La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 4. Je vais examiner ces éléments plus loin.

[16] La Commission a établi que le prestataire était inadmissible aux prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler selon ces deux articles de loi.

[17] De plus, la Cour d’appel fédérale a déclaré que les parties prestataires qui sont aux études à temps plein sont présumées ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 5. C’est ce qu’on appelle la « présomption de non-disponibilité ». Cela signifie que l’on considère que les personnes qui étudient ne sont pas disponibles pour travailler lorsque la preuve montre qu’elles sont aux études à temps plein.

[18] La Commission affirme aussi que de nouvelles mesures ont été mises en place dans le cadre de la pandémie de COVID-19. En effet, ces mesures permettent à la Commission de vérifier si une personne avait droit aux prestations reçues pendant qu’elle suivait une formation qui ne lui était pas spécialement recommandée. Ces mesures autorisent la Commission à exiger une preuve que la personne était capable de travailler et disponible à cette fin pour tout jour ouvrable de sa période de prestationsNote de bas de page 6.

[19] À la lecture de ces dispositions, je constate que la présomption de non-disponibilité a été écartée. Une personne qui étudie à temps plein n’est pas présumée indisponible; elle doit prouver qu’elle est disponible comme tout autre prestataire. Par conséquent, même si la Commission a soutenu que le prestataire n’avait pas réfuté la présomption, je ne m’en préoccupe pas vraiment. Je cherche seulement à savoir si le prestataire a prouvé ou non sa disponibilité.

[20] La loi permet actuellement à la Commission, à tout moment après le versement des prestations à une personne aux études, d’exiger la preuve que celle-ci était capable de travailler et disponible à cette finNote de bas de page 7. Une personne qui suit un programme de formation qui ne lui a pas été spécialement recommandé peut seulement recevoir des prestations pour tout jour ouvrable de sa période de prestations où elle a démontré qu’elle était capable de travailler et disponible à cette finNote de bas de page 8. Si la personne n’est pas en mesure de fournir cette preuve, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’elle n’est pas admissible aux prestations.

[21] Comme les parties conviennent que le prestataire n’a pas été dirigé vers sa formation et que je ne vois rien qui contredit cela, je dois maintenant examiner s’il était disponible selon les deux articles de loi sur la disponibilité.

Le prestataire n’a pas été déclaré inadmissible aux prestations au titre de l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi

[22] Le premier article de loi que j’examine dit qu’une personne doit prouver que ses démarches pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 9.

[23] Même si la Commission affirme que le prestataire a été déclaré inadmissible aux prestations au titre de cet article de loi, je ne vois rien qui montre qu’elle lui a demandé de prouver qu’il faisait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi.

[24] Je remarque aussi que la Commission n’a présenté aucune observation détaillée pour expliquer que le prestataire n’avait pas prouvé qu’il faisait des démarches habituelles et raisonnables. La Commission a seulement résumé ce que dit l’article de la Loi sur l’assurance-emploi au sujet des démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 10.

[25] La Commission a bel et bien demandé au prestataire son horaire de cours, qu’il a fourni. À partir de cet horaire, la Commission a conclu que le prestataire étudiait à temps plein. La Commission semble avoir décidé qu’il s’agissait de la preuve que le prestataire ne faisait pas de démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi. Ce n’est pas une preuve.

[26] La Commission fait remarquer qu’elle a dit au prestataire qu’une recherche active d’emploi à temps plein peut permettre de réfuter la présomption selon laquelle une personne qui étudie à temps plein n’est pas disponible. Cependant, elle ne lui a pas demandé de fournir une preuve de recherche d’emploi. J’en conclus que la Commission n’a pas vérifié si le prestataire a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi. On ne peut donc pas dire qu’elle s’est fondée sur l’article de loi à ce sujet pour établir l’inadmissibilité.

[27] Comme rien ne prouve que la Commission a demandé au prestataire de démontrer qu’il avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable au titre de l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi, elle n’a pas déclaré le prestataire inadmissible au titre de cet article. Par conséquent, ce n’est pas quelque chose dont je dois tenir compte.

Capacité de travailler et disponibilité à cette fin

[28] Je dois aussi vérifier si le prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 11. La jurisprudence établit trois éléments que je dois examiner pour rendre ma décision. Le prestataire doit donc prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 12 :

  1. a) Il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.
  2. b) Il a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire trop limiter) ses chances de retourner travailler.

[29] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite du prestataireNote de bas de page 13.

Vouloir retourner travailler

[30] Le prestataire a démontré qu’il voulait travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.

[31] D’après les relevés d’emploi qu’il a fournis, je constate que le prestataire a toujours travaillé à temps partiel à partir du 15 mars 2019, et ce, pendant ses études et ses stages à temps plein. La pandémie de COVID-19 a bel et bien fait fermer le restaurant où il travaillait pendant un certain temps. À son retour, ses heures ont été réduites, mais il n’a pas volontairement cessé de travailler.

[32] Le prestataire a dit qu’il avait demandé plus d’heures à son employeur, mais celui-ci n’en avait pas plus à offrir. Il a aussi expliqué que lorsqu’il a vu qu’un des endroits où il travaillait à temps partiel allait fermer, il a fait une demande d’emploi ailleurs. Ses relevés d’emploi le confirment. Je conclus donc que le prestataire essayait constamment de travailler à temps partiel, ce qui montre qu’il voulait travailler.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[33] Le prestataire n’a pas fait assez de démarches pour trouver un emploi convenable.

[34] Le prestataire a bel et bien informé le Tribunal de sa recherche d’emploi. Il a fourni une liste d’emplois auxquels il avait postulé sur le portail d’emplois de son université.

[35] Toutefois, ces démarches n’étaient pas suffisantes pour satisfaire aux exigences du deuxième élément que je dois examiner. En effet, les emplois auxquels il a postulé étaient tous des stages ou des emplois d’été. Le prestataire a expliqué qu’il devait faire des stages dans le cadre de son programme universitaire. En d’autres mots, l’objectif de sa recherche d’emploi était de répondre aux exigences de son programme.

Ne pas limiter indûment ses chances de retourner travailler

[36] Le prestataire a établi des conditions personnelles qui ont peut-être trop limité ses chances de retourner travailler.

[37] Le prestataire affirme qu’il n’a pas établi de telles conditions parce qu’il pouvait travailler en dehors de son horaire de cours et faire presque des heures à temps plein. Il aurait aussi pu adapter son horaire pour faire plus de travaux universitaires le soir et la fin de semaine afin de pouvoir travailler.

[38] La Commission soutient que le prestataire était limité par son horaire universitaire puisqu’il devait suivre des cours chaque jour de la semaine. Il a convenu qu’il n’avait jamais travaillé à temps plein pendant qu’il étudiait à temps plein.

[39] J’estime que le prestataire avait des conditions personnelles qui limitaient ses chances de retourner travailler pour les raisons suivantes. Premièrement, il cherchait seulement des emplois à occuper en dehors de son horaire de cours. Il a fourni ses horaires de cours et je peux voir qu’il pouvait être limité à travailler le soir et la fin de semaine. La Loi sur l’assurance-emploi exige qu’une personne démontre qu’elle est disponible tous les jours de la semaine et qu’elle ne se limite pas à travailler en dehors d’un horaire de coursNote de bas de page 14.

[40] Deuxièmement, le prestataire a confirmé qu’il n’aurait pas abandonné ses études pour travailler. C’est certainement raisonnable de sa part, mais cela a restreint les emplois possibles. Je reconnais que le prestataire a dit qu’il aurait pu modifier son horaire de cours ou suivre moins de cours au besoin, mais je considère tout de même que ses études étaient sa priorité. Il avait donc une condition personnelle qui limitait sa disponibilité.

[41] Enfin, d’après les renseignements de recherche d’emploi que le prestataire a fournis, je constate qu’il cherchait seulement deux types d’emplois : des stages ou des postes qui répondaient aux exigences de son programme ou des emplois en restauration. Je comprends pourquoi il a fait ces choix. Cependant, étant donné les restrictions liées à la pandémie à ce moment-là, les types d’emplois que le prestataire cherchait ont limité ses chances de décrocher un poste qui lui offrait assez d’heures.

Alors, le prestataire était-il capable de travailler et disponible à cette fin?

[42] Selon mes conclusions sur les trois éléments à examiner, je suis d’avis que le prestataire n’a pas démontré qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Questions supplémentaires

[43] En fin de compte, le prestataire a reçu des prestations auxquelles il croyait avoir droit, mais on lui demande maintenant de les rembourser. Il subit du stress et des difficultés en conséquence. Durant la pandémie, la Commission a versé des prestations sans vérifier absolument dès le départ si les prestataires étaient admissibles.

[44] Le prestataire a dit au Tribunal qu’il avait été honnête au sujet de ses études et que la Commission n’aurait donc pas dû lui verser des prestations s’il n’y avait pas droit. Le prestataire a déclaré qu’il a communiqué avec la Commission lors de chacun de ses stages et qu’on lui a dit que tout était correct. Je le crois. Il ajoute que s’il avait su qu’il devrait possiblement rembourser les prestations, il ne les aurait jamais acceptées. Le fait que le gouvernement accordait automatiquement les prestations était une erreur qui ne concernait pas les prestataires.

[45] Je comprends la frustration du prestataire. Malheureusement, la loi exige expressément que toute personne qui reçoit des prestations régulières d’assurance-emploi soit disponible pour travailler. De plus, la loi permet à la Commission de vérifier la disponibilité des personnes aux études. La Commission peut le faire même si des prestations d’assurance-emploi ont déjà été verséesNote de bas de page 15. Je ne peux pas changer cela.

[46] La Commission a le droit d’annuler une dette découlant de prestations versées en trop si celle-ci est irrécouvrable ou si elle impose un préjudice abusifNote de bas de page 16. C’est ce qu’on appelle une défalcation.

[47] La question que le Tribunal doit examiner, en raison de la décision de révision, ne repose pas sur une demande de défalcation. Si c’est ce que le prestataire veut demander, il doit s’adresser à la Commission. Seule la Commission peut décider de défalquer un trop-payé, et la loi ne permet pas au Tribunal de réviser une telle décisionNote de bas de page 17.

[48] Autrement dit, je n’ai pas le pouvoir d’annuler une dette en raison de prestations versées en trop, quel que soit le degré de compassion que je puisse éprouver pour le prestataire.

Conclusion

[49] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler au sens de la loi. C’est pourquoi je conclus qu’il était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi à compter du 5 octobre 2021.

[50] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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