Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : ZF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 324

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : Z. F.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 30 janvier 2023
(GE-22-3691)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 22 mars 2023
Numéro de dossier : AD-23-157

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a été suspendue de son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption.La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a décidé que la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. La prestataire a porté la décision découlant de la révision en appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue de son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. Elle a conclu que la prestataire savait qu’il était probable que l’employeur la suspende dans ces circonstances. La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel.Elle soutient que la Commission n’a pas prouvé que ses actions constituent un manquement à une obligation envers l’employeur. Elle soutient qu’elle n’a enfreint aucune clause de son contrat de travail et que, comme le démontre la preuve, son employeur n’avait aucune autre obligation légale de lui imposer la politique obligatoire sur laquelle la Commission s’est fondée pour la priver de prestations au titre de la loi. La prestataire soutient que la division générale a conclu de façon déraisonnable qu’elle savait que sa conduite donnait lieu à une réelle possibilité de congédiement. À aucun moment avant son congédiement, l’employeur n’a communiqué cela à la prestataire.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58 (1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher, ou elle a décidé d’une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que la prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont elle devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, on peut soutenir qu’il y a eu une erreur révisable qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[12] La prestataire soutient que la Commission n’a pas prouvé que ses actions constituent un manquement à une obligation envers l’employeur. Elle soutient qu’elle n’a enfreint aucune clause de son contrat de travail et que, comme le démontre la preuve, son employeur n’avait aucune autre obligation légale de lui imposer la politique obligatoire sur laquelle la Commission s’est fondée pour la priver de prestations au titre de la loi. La prestataire soutient que la division générale a conclu de façon déraisonnable qu’elle savait que sa conduite donnait lieu à une réelle possibilité de congédiement. À aucun moment avant son congédiement, l’employeur n’a communiqué cela à la prestataire.

[13] La division générale devait décider si la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[14] Dans sa demande de prestations, la prestataire a précisé qu’elle était en congéNote de bas de page 1. Le relevé d’emploi émis par l’employeur a confirmé que c’était bien le cas. Il précise que la date prévue du rappel n’est pas connueNote de bas de page 2. La communication de l’employeur à la prestataire disait qu’elle avait été placée en congé sans solde conformément à la politique de vaccination. La lettre expliquait également les conditions dans lesquelles la prestataire pouvait retourner au travailNote de bas de page 3.

[15] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire, ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[16] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si celui-ci s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée, mais plutôt de décidersi la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspensionNote de bas de page 4.

[17] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue parce qu’elle avait refusé de se conformer à la politique. Elle avait été informée de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. On ne lui avait pas accordé d’exemption. Le refus de la prestataire était intentionnel et donc délibéré. Il s’agit de la cause directe de sa suspension.

[18] La division générale a conclu que la prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pourrait entraîner sa suspension.

[19] La division générale a également conclu de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[20] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 5 . On considère également comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi le fait de ne pas observer une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une industrieNote de bas de page 6.

[21] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité des membres de son personnel sur leur lieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les recommandations de Santé Canada et de la Santé publique de la Nouvelle-Écosse pour mettre en œuvre sa politique visant à protéger la santé de tous les membres de son personnel pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque la prestataire a été suspendueNote de bas de page 7.

[22] Le Tribunal n’a pas la compétence de décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[23] La question de savoir si l’employeur aurait dû offrir des mesures d’adaptation à la prestataire ou s’il a porté atteinte à ses droits fondamentaux et constitutionnels relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas le bon endroit où la prestataire peut obtenir la réparation qu’elle demandeNote de bas de page 8.

[24] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[25] Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a fait valoir qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire s’est senti victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Il a affirmé qu’il avait le droit d’être maître de sa propre intégrité physique et que ses droits avaient été violés au titre du droit canadien et du droit internationalNote de bas de page 9.

[26] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel qui dit que, selon la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers son employeur et qu’il avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 10 . La Cour a déclaré qu’il existe d’autres façons dont les demandes du prestataire peuvent progresser adéquatement au sein du système juridique.

[27] Dans l’affaire Paradis précédente, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite parce que la politique de l’employeur violait ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act [loi albertaine sur les droits de la personne]. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[28] La Cour fédérale a déclaré qu’il existe des recours disponibles pour qu’une partie prestataire sanctionne le comportement d’un employeur sans que les coûts de ce comportement soient transférés au Régime d’assurance-emploi.

[29] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur d’offrir des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite à l’assurance-emploi.

[30] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas d’établir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée, mais plutôt de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension.

[31] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que la prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension.

[32] La division générale ne semble avoir commis aucune erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 11.

[33] La prestataire a présenté une décision de la division générale qu’elle considère être comme son cas, soit celle où la prestataire a réussi à recevoir des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 12. Elle demande à la division d’appel de résoudre l’ambiguïté et l’incohérence de la jurisprudence de la division générale.

[34] Je remarque que la décision de la division générale à laquelle il est fait référence est incompatible avec la jurisprudence de la division générale et de la division d’appelNote de bas de page 13. Les décisions de la Cour fédérale sont contraignantes et ont été suivies par le Tribunal. Comme l’a déclaré la division générale, les faits dans cette affaire sont différents en ce sens que la convention collective de la prestataire comportait une disposition spécifique lui permettant de refuser toute vaccination. La prestataire n’a présenté aucun élément de preuve de ce genre à la division générale. De plus, la décision de la division générale mentionnée a été rendue avant la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Cecchetto.

[35] Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire n’a relevé aucune erreur révisable, comme une erreur de compétence ou un manquement à un principe de justice naturelle de la part de la division générale. Elle n’a cerné aucune erreur de droit ni conclusion de fait erronée que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision.

[36] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[37] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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