Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KW c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1692

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. W.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (501706) rendue le 16 juin 2022 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Angela Ryan Bourgeois
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 12 décembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 16 décembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2398

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant (prestataire).

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé qu’il a été suspendu en raison d’une inconduite (autrement dit, il a fait quelque chose qui a entraîné une suspension). Par conséquent, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’employeur du prestataire avait une politique qui exigeait que le personnel se fasse vacciner contre la COVID-19 au plus tard à une certaine date. Le prestataire ne s’est pas fait vacciner dans les délais prescrits et ses motifs de refus n’ont pas été approuvés par son employeur. Il a donc été placé en congé sans solde obligatoire (suspensionNote de bas de page 2).

[4] Le prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. Il a mentionné qu’il était en congé en raison de l’obligation de recevoir une injectionNote de bas de page 3.

[5] La Commission a décidé que le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduiteNote de bas de page 4. En conséquence, le prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 5.

[6] Le prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé. Selon lui, aller à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Question en litige

[7] Le prestataire a-t-il été suspendu de son poste en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] La loi dit qu’on ne peut pas toucher de prestations d’assurance-emploi si l’on se fait suspendre en raison d’une inconduiteNote de bas de page 6.

[9] Pour savoir si le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses.

[10] D’abord, je dois décider pour quelle raison il a été suspendu de son emploi.

[11] Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu?

[12] Je juge que le prestataire a été suspendu parce qu’il n’a pas suivi la politique de vaccination de son employeur. Les parties conviennent que le prestataire a été placé en congé obligatoire parce qu’il n’a pas respecté la politique de l’employeur, selon laquelle il devait se faire vacciner contre la COVID-19. C’est donc la conduite qui a entraîné la suspension.

La raison de sa suspension est-elle une inconduite au sens de la loi?

[13] Oui. La raison pour laquelle le prestataire a été suspendu est une inconduite au sens de la loi.

[14] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Par contre, la jurisprudence (les décisions des cours et des tribunaux) nous montre comment savoir si la suspension du prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi. Elle établit le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les points et les critères à prendre en considération lorsqu’on examine la question de l’inconduite.

[15] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. En d’autres termes, elle doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 7. Cela comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 8. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 9.

[16] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et que la possibilité de faire l’objet de mesures disciplinaires pour cette raison était bien réelleNote de bas de page 10.

[17] La loi ne m’oblige pas à tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 11. Je dois plutôt me pencher sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait, puis voir si cela constitue une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 12.

[18] La Commission doit prouver que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que la suspension du prestataire découle d’une inconduiteNote de bas de page 13.

Ce que dit la Commission

[19] Selon la Commission, il y a eu inconduite parce que :

  • l’employeur avait une politique de vaccination;
  • l’employeur a avisé le prestataire de ses attentes concernant la vaccination;
  • le prestataire a pris la décision personnelle de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur;
  • le prestataire savait ou aurait dû savoir ce qui se passerait s’il ne respectait pas la politique.

Ce que dit le prestataire

[20] Selon le prestataire, il n’y a pas eu d’inconduite pour les raisons suivantes :

  • En ne recevant pas le vaccin, il n’a pas modifié son état de santé ni sa capacité de travail d’une façon qui le rendait inapte à l’exercice de ses fonctions.
  • Le contrat de travail qu’il a signé, la convention collective et la Loi ne l’obligeaient pas à subir une intervention médicale (injection d’une substance biologique contre la COVID-19).
  • La politique de vaccination de l’employeur n’était pas raisonnable dans le contexte du travail parce qu’il ne travaillait pas auprès du public ou de personnes vulnérables.
  • La politique était arbitraire.
  • Une politique raisonnable aurait inclus une solution de rechange à la vaccination, y compris le port d’un masque et le dépistage rapide, ce qu’il a proposé de faire.
  • Il aurait dû être exempté de la politique en raison de la sincérité de ses croyances.
  • Son employeur a rejeté sa demande d’exemption sans explication.
  • Son employeur a d’abord déclaré qu’il n’adopterait aucune politique de vaccination obligatoire, mais il a changé d’avis par la suite
  • Le syndicat n’était pas d’accord avec la politique.
  • L’employeur n’a pas considéré ses faits et gestes comme une inconduite. Il lui a demandé de revenir et a voulu lui donner de bonnes références.
  • Il a fait tous les efforts possibles pour pouvoir continuer à travailler en utilisant des protections non pharmaceutiques.

La politique de vaccination

[21] La politique de vaccination de l’employeur mentionnait ceci :

  • Tout le personnel devait se faire vacciner contre la COVID-19 jusqu’à ce que la crise de santé publique prenne fin et que les membres de la fonction publique n’aient plus besoin de recevoir le vaccin.
  • Les personnes qui n’avaient pas reçu toutes les doses du vaccin au plus tard le 15 décembre 2021 seraient placées en congé sans solde à compter du 16 décembre 2021.
  • Il était possible d’obtenir une exemption pour certaines raisonsNote de bas de page 14.

[22] Le prestataire a demandé une exemption fondée sur ses croyances profondes et sincères en un mode de vie naturel et non dérouté par les procédures et les traitements médicaux modernes qui nuisent aux fonctions naturelles des cellulesNote de bas de page 15.

[23] L’employeur a avisé le prestataire qu’il refusait sa demande d’exemptionNote de bas de page 16.

Le prestataire était au courant de la politique

[24] Le prestataire savait ce que la politique de vaccination lui demandait de faire et ce qui se passerait s’il ne la suivait pas. Aux dates suivantes, l’employeur a informé le prestataire des exigences de la politique et des conséquences du non-respect de la politique :

[25] J’ai demandé au prestataire s’il avait été surpris d’apprendre qu’il était placé en congé sans solde. Oui, il a été surpris. Malgré les avis de l’employeur, il ne s’y attendait pas. Il affirme que la politique n’était pas nécessaire parce qu’il y avait d’autres façons de gérer la COVID-19 et que la preuve médicale démontrait que la vaccination n’empêchait pas la maladie de se propager. De plus, le syndicat n’appuyait pas la politique, comme il l’a fait savoir dans une déclaration écriteNote de bas de page 20.

[26] Le prestataire et son syndicat n’étaient peut-être pas d’accord avec la politique de vaccination. Cependant, l’employeur a clairement indiqué que les personnes qui ne respectaient pas la politique seraient mises en congé. Ainsi, le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il serait suspendu s’il choisissait de ne pas se conformer à la politique.

Les faits et gestes du prestataire ont mené à sa suspension

[27] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique de vaccination selon laquelle les personnes qui ne fournissaient pas une preuve de vaccination au plus tard le 15 décembre 2021 seraient placées en congé sans solde.
  • L’employeur a clairement dit au prestataire ce qu’il attendait de son personnel en ce qui concerne la vaccinationNote de bas de page 21.
  • L’employeur a envoyé des lettres pour communiquer ses attentes.
  • Le prestataire connaissait ou aurait dû connaître les conséquences du non-respect de la politique de vaccination de l’employeur.

À propos des objections du prestataire à la politique

[28] Le critère juridique de l’inconduite ne m’oblige pas à considérer le fondement de la politique ni à décider s’il était raisonnable pour l’employeur d’imposer cette obligation ou d’adopter cette politique. Se demander si la politique est raisonnable met l’accent sur le comportement de l’entreprise, et non sur les faits et gestes de la personne qu’elle emploie. Je dois examiner la conduite de cette dernière, et non celle de l’employeuse ou de l’employeurNote de bas de page 22.

[29] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si d’autres lois offraient d’autres possibilités au prestataire. Il ne m’appartient pas d’évaluer la décision de l’employeur concernant la demande d’exemption du prestataire, ni de trancher les questions de savoir si l’employeur aurait dû accueillir sa demande d’exemption et si la politique enfreignait la convention collectiveNote de bas de page 23. Je peux me pencher sur une seule question : si ce que le prestataire a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi.

[30] Cependant, il se peut que le comportement d’une employeuse ou d’un employeur soit important lorsqu’on décide si les faits et gestes de la personne employée étaient délibérés. Par exemple, si l’employeur n’a pas communiqué la politique à l’employé ou ne lui a pas laissé le temps de s’y conformer, il se pourrait que le non-respect de la politique ne soit pas délibéré. Mais comme je l’ai constaté plus haut, les gestes du prestataire étaient délibérés. Il était au courant de la politique, il a eu le temps de s’y conformer et il connaissait ou aurait dû connaître les conséquences qui l’attendaient quand il a choisi de ne pas la respecter.

Au sujet de la décision de l’employeur selon laquelle le prestataire n’était plus la bonne personne pour l’emploi

[31] Selon le prestataire, son aptitude au travail n’a pas changé. L’employeur a simplement conclu qu’il n’était plus apte à occuper son emploi en raison de la nouvelle politique de vaccination. Le prestataire affirme que le fait d’être considéré comme n’étant pas la bonne personne pour un emploi n’est pas une inconduite.

[32] Je ne suis pas d’accord avec son interprétation des faits. En termes simples, l’employeur a mis en œuvre une politique, il a informé le prestataire de la politique, y compris de ce qui se passerait s’il ne la respectait pas, et le prestataire a choisi de ne pas s’y conformer. Il est bien établi que la violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 24.

Concernant le droit de refuser des conditions de travail dangereuses

[33] Le prestataire dit qu’il n’y a pas d’inconduite lorsqu’on refuse de travailler dans des conditions dangereuses. Il affirme que les vaccins contre la COVID-19 posaient un risque pour sa santé et que cela l’inquiétait beaucoupNote de bas de page 25.

[34] Lorsqu’on est congédié parce qu’on refuse de travailler dans des conditions dangereuses, ce n’est pas comme refuser de se conformer à la politique de l’employeur. Je dois décider si la conduite du prestataire a entraîné son renvoi, et c’est ce qui est arrivé. Il avait le choix de se faire vacciner ou non. Il a décidé de ne pas recevoir le vaccin. Sa décision allait à l’encontre de la politique de l’employeur, qui était devenue une condition fondamentale de son emploi. Le non-respect de la politique a entraîné sa suspension. Sa conduite constitue une inconduite au sens de la Loi, que l’employeur ait utilisé ce mot ou non.

Le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite

[35] Compte tenu des conclusions que je viens de tirer, je juge que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[36] En effet, sa conduite a mené à sa suspension. Il a agi délibérément. Il savait que, s’il refusait de se faire vacciner, il risquait de se faire suspendre.

Conclusion

[37] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite. Par conséquent, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[38] L’appel est donc rejeté

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