Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : ET c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2022 TSS 1665

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : E. T.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (459190) datée du 3 mars 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Gary Conrad
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 23 juin 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 5 juillet 2022
Numéro de dossier : GE-22-1330

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel avec modification.

[2] Je conclus que la Commission a pris une décision initiale d’approuver les études de la prestataire et de lui verser des prestations pour une partie de la période d’inadmissibilité avant sa décision du 19 janvier 2022.

[3] Je conclus que même si elle peut revenir en arrière et examiner de nouveau cette décision initiale, sa décision de le faire n’a pas été prise de façon judiciaire, car elle a tenu compte d’un facteur non pertinent et a fait fi de facteurs pertinents.

[4] En rendant la décision qu’elle aurait dû rendre, je conclus qu’elle n’aurait pas dû revenir en arrière et examiner de nouveau sa décision initiale, de sorte que cette dernière subsiste et que la prestataire n’est pas inadmissible pour la période du 28 septembre 2020 au 4 septembre 2021.

[5] Pour la période commençant le 5 septembre 2021, aucune décision initiale n’a été prise avant la décision du 19 janvier 2022 et, après examen de la disponibilité de la prestataire, je conclus que cette dernière n’est pas disponible et que l’inadmissibilité devrait donc être maintenue pour cette période.

Aperçu

[6] Les prestataires doivent être disponibles pour travailler pour recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi. Il s’agit d’une exigence continue. Les prestataires doivent être à la recherche d’un emploi.

[7] Une demande de prestations régulières d’assurance‑emploi a été établie automatiquement pour la prestataire le 27 septembre 2020, après la fin de ses prestations d’assurance‑emploi d’urgence.

[8] Pendant que des prestations lui étaient versées, la prestataire était aux études. Elle l’a déclaré à la Commission à plusieurs reprises et a continué de toucher des prestations.

[9] En janvier 2022, la Commission a parlé à la prestataire au sujet de ses études.

[10] Après avoir examiné tous les renseignements que la prestataire lui a fournis lors de l’appel du mois de janvier 2022 et les renseignements qu’elle lui avait fournis précédemment, la Commission a décidé que la prestataire n’était pas disponible pour travailler pendant ses études et l’a déclarée inadmissible au bénéfice des prestations à compter du 28 septembre 2020.

[11] La prestataire affirme que la Commission n’agit pas avec équité, puisqu’elle lui a parlé de ses études tout au long du processus et qu’elle les a approuvées, puis soudainement, en janvier 2022, elle a changé d’idée et demande tout l’argent qu’elle lui a versé.

Question que je dois examiner en premier

[12] Dans ses observations, la Commission affirme qu’elle n’a pas demandé de recherche d’emploi à la prestataire et qu’elle ne l’a donc pas déclarée inadmissible en vertu de l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance‑emploi (la Loi)Note de bas de page 1. Cette disposition de la Loi porte sur l’omission d’une personne de prouver à la Commission qu’elle faisait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable.

[13] Donc, comme la Commission a dit qu’elle n’a pas déclaré la prestataire inadmissible en vertu de l’article 50(8) de la Loi, je ne dois pas examiner cette question.

Questions en litige

[14] La Commission a-t-elle pris la décision initiale d’approuver la formation de la prestataire?

[15] Dans l’affirmative, peut‑elle revenir en arrière et examiner de nouveau cette décision?

[16] Si elle peut l’examiner de nouveau, a‑t‑elle agi de façon judiciaire lorsqu’elle a rendu sa décision?

[17] La prestataire est‑elle disponible pour travailler?

Analyse

La Commission a-t-elle pris une décision initiale?

[18] La prestataire affirme qu’il n’est pas juste que la Commission ait approuvé sa demande de prestations en 2020 et 2021 et que, soudainement, en janvier 2022, elle change d’idée et dise qu’elle n’était pas disponible.

[19] La prestataire affirme qu’elle a toujours dit la vérité dans toutes ses déclarations, en informant la Commission de tous les détails sur son travail et ses études.

[20] La Commission soutient que son opinion sur la question de la disponibilité n’a pas changé malgré la pandémie de COVID-19; les prestataires qui demandent des prestations régulières doivent prouver qu’ils sont disponibles pour travaillerNote de bas de page 2.

[21] Toutefois, en raison de la pandémie de COVID-19, la Commission affirme avoir assoupli certaines exigences liées à l’examen de la disponibilité à compter du 27 septembre 2020Note de bas de page 3.

[22] La Commission affirme qu’avant le 27 septembre 2020, elle aurait examiné la disponibilité de la prestataire pour travailler avant que des prestations lui soient versées, mais qu’en raison d’une approche opérationnelle modifiée, à compter du 27 septembre 2020, la disponibilité n’a pas été examinée; la Commission a simplement autorisé automatiquement les demandes dans son système de traitementNote de bas de page 4.

[23] Il a été mis fin à cette pratique le 25 septembre 2021Note de bas de page 5.

[24] La Commission soutient qu’elle a approuvé une période de formation pour la prestataire se terminant le 15 décembre 2020Note de bas de page 6 et qu’il s’agissait de la seule décision prise concernant la formation de la prestataire avant la décision du 19 janvier 2022Note de bas de page 7.

[25] La Commission soutient qu’après que la décision d’autoriser la formation de la prestataire jusqu’au 15 décembre 2020 eut été prise, toute sa formation a été autorisée au moyen du système d’approbation automatique qui avait été mis en place à compter de septembre 2020Note de bas de page 8.

[26] Je ne suis pas d’accord avec l’observation de la Commission selon laquelle la seule décision qu’elle a prise concernant la formation de la prestataire était celle qui lui a permis de suivre une formation jusqu’au 15 décembre 2020. Je conclus que toutes les approbations automatiques de la formation de la prestataire sont également des décisions prises par la Commission relativement à la demande de la prestataire.

[27] La Commission tente de faire valoir que l’approbation automatique de la formation n’est pas une décision parce qu’elle était automatisée, mais j’estime que cet argument présente un vice fondamental.

[28] Je conclus que la Commission a pris une décision lorsqu’elle a décidé, comme c’était son choix de le faire ou non, d’autoriser automatiquement toute formation.

[29] Cette autorisation automatique de la formation sans examen n’était pas le résultat d’une défectuosité du logiciel; le système n’était pas doté d’une intelligence artificielle agissant d’elle‑même; le système était celui de la Commission, c’est elle qui en est la responsable, de sorte que le changement apporté afin de permettre automatiquement la formation était une décision prise consciemment par la Commission compte tenu de la pandémie.

[30] C’est ce que démontre également sa décision de mettre fin à cette pratique le 25 septembre 2021, car sa capacité à le faire montre son contrôle positif sur cette pratique et le régime de prestations.

[31] Même si l’on considère que la décision de la Commission de ne pas examiner la formation et son incidence sur la disponibilité était une décision négative, puisqu’elle a décidé de ne pas faire quelque chose, il s’agit tout de même d’une décision prise par la Commission.

[32] Le fait qu’une décision de refuser de faire quelque chose est une décision est également étayé par le fait que le Tribunal peut examiner un refus de la Commission d’examiner de nouveau une décision à la suite d’une demande de révision, si la demande de révision est jugée avoir été déposée tardivement. Puisque le Tribunal ne peut réviser qu’une décision de la CommissionNote de bas de page 9, cela démontre qu’une décision de ne pas faire quelque chose demeure une décision de la Commission.

[33] Cela signifie donc que toutes les prestations qui ont été versées à la prestataire du 28 septembre 2020 au 4 septembre 2021 ont fait l’objet d’une décision initiale de la Commission d’autoriser la formation et de verser des prestations à la prestataire. Les prestations au cours de cette période ont été autorisées par la décision prise par la Commission d’approuver la formation de la prestataire jusqu’au 15 décembre 2020 ou faisaient partie de la décision de la Commission d’autoriser automatiquement les prestations, sans égard à la formation.

[34] Toutefois, pour la période commençant le 5 septembre 2021, aucune décision initiale n’a été prise avant la décision du 19 janvier 2022.

[35] Selon la déclaration visant les semaines du 5 septembre 2021 au 18 septembre 2021, les détails de la formation suivie par la prestataire devraient être examinés et une décision devrait être rendue avant que le paiement puisse être effectuéNote de bas de page 10. Cela montre qu’aucune décision initiale n’a été prise d’approuver les prestations de la prestataire à partir de ce moment.

La Commission peut‑elle revenir en arrière et examiner de nouveau une décision antérieure?

[36] Étant donné que j’ai conclu que la Commission n’a pris aucune décision initiale pour la période commençant le 5 septembre 2021 avant la décision du 19 janvier 2022, je n’ai pas à me demander si elle peut revenir en arrière et examiner de nouveau une décision pour cette période, puisqu’il n’existe aucune décision initiale qu’elle pourrait examiner de nouveau.

[37] Toutefois, pour la période du 28 septembre 2020 au 4 septembre 2021, à l’égard de laquelle je conclus que la Commission a pris une décision initiale avant sa décision du 19 janvier 2022, je conclus que la Commission peut revenir en arrière et examiner de nouveau sa décision initiale d’approuver la formation de la prestataire.

[38] La Commission soutient que la loiNote de bas de page 11 lui permet, à tout moment après le versement des prestations, de vérifier si la prestataire est capable de travailler et disponible à cette fin pendant sa période de prestationsNote de bas de page 12.

[39] Je souscris aux observations de la Commission. La loi prescrit que la Commission peut, à tout moment après le versement des prestations, vérifier que la prestataire est disponible pour travailler pendant sa période de prestations. Il n’y a pas de limite de temps quant au moment où elle peut le faire, aucune exigence ne doit être remplie pour lui permettre de le faire et aucune restriction n’est énoncée à l’égard du pouvoir de la Commission d’examiner de nouveau la disponibilité de la prestataireNote de bas de page 13.

[40] La Commission peut donc examiner de nouveau sa décision initiale, pour la période du 28 septembre 2020 au 4 septembre 2021, d’approuver la formation de la prestataire et de lui verser des prestations.

A‑t‑elle agi de façon judiciaire lorsqu’elle a pris sa décision?

[41] Non, la Commission n’a pas agi de façon judiciaire lorsqu’elle a pris la décision de revenir en arrière et d’examiner de nouveau sa décision initiale pour la période du 28 septembre 2020 au 4 septembre 2021, car elle s’est appuyée sur un facteur non pertinent et a fait fi de facteurs pertinents lorsqu’elle a pris sa décision.

[42] Bien que la loi permette à la Commission de revenir en arrière et d’examiner de nouveau sa décision pour la période du 28 septembre 2020 au 4 septembre 2021, sa décision de le faire est discrétionnaire.

[43] Cela signifie qu’elle n’est pas tenue d’effectuer un nouvel examen, mais qu’elle peut choisir de le faire si elle le souhaite, car la loi prescrit que la Commission « peut » vérifier la disponibilité d’un prestataire après le versement des prestations, et non qu’elle « doit » examiner la disponibilité après le versement des prestations.

[44] Cela signifie que je ne peux intervenir, c’est‑à‑dire modifier sa décision, que si elle n’a pas exercé correctement son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a rendu la décisionNote de bas de page 14.

[45] Pour que la Commission ait correctement exercé son pouvoir discrétionnaire, elle ne doit pas avoir agi de mauvaise foi ou à des fins ou pour des motifs inappropriés, tenu compte d’un facteur non pertinent ou fait fi d’un facteur pertinent ou agi de manière discriminatoire lorsqu’elle a pris la décision d’examiner de nouveau sa décision initiale pour la période du 28 septembre 2020 au 4 septembre 2021.

[46] La prestataire affirme que la Commission n’a pas tenu compte d’un facteur pertinent, puisqu’elle a fait fi de ses démarches pour trouver un emploi.

[47] Bien que la Commission n’ait présenté que des observations relatives à la décision qu’elle a prise d’approuver la formation de la prestataire jusqu’au 15 décembre 2020, ces observations demeurent pertinentes pour déterminer si elle a agi de façon judiciaire. La Commission soutient qu’elle n’a pas infirmé arbitrairement sa décision, qu’elle l’a fait parce qu’elle a obtenu de nouveaux renseignements.

[48] La Commission affirme que, dans le questionnaire sur la formation qu’elle a rempli le 15 septembre 2020, la prestataire a dit qu’elle consacrait de 15 à 24 heures à ses études chaque semaineNote de bas de page 15, mais lorsque la Commission lui a parlé le 9 janvier 2022, elle a dit qu’elle consacrait plus de 30 heures par semaine à ses étudesNote de bas de page 16.

[49] De façon générale, la Commission soutient qu’à partir du 28 septembre 2020, les études de la prestataire étaient sa principale préoccupation et trouver du travail était secondaire, et ses obligations scolaires et ses préférences professionnelles réduiraient ses options d’emploi à un point tel qu’elle serait peu susceptible d’obtenir un emploi à temps pleinNote de bas de page 17.

[50] Je conclus que la Commission a tenu compte d’un facteur non pertinent lorsqu’elle a décidé d’examiner de nouveau sa décision parce que la prestataire a dit à la Commission qu’elle consacrait plus de 30 heures par semaine à ses études.

[51] L’appel du 9 janvier 2022 ne fait aucune mention de la période à laquelle renvoie la déclaration de la prestataire selon laquelle elle consacre 30 heures par semaine à ses études. D’après la lecture des notes de l’appel, il semble que les 30 heures par semaine correspondent au nombre d’heures que la prestataire consacre à ses études au moment de l’appel téléphonique.

[52] Selon les notes, [traduction] « la cliente consacre plus de 30 heures par semaine à ses études, ce qui inclut les heures qu’elle passe en classe et les heures qu’elle passe à étudier par elle‑même ». Le libellé de cette phrase met l’information au présent, car il est écrit « consacre » plutôt que « a consacré », ce qui confirme qu’il fait référence au nombre d’heures que la prestataire consacre aux études au moment de l’appelNote de bas de page 18.

[53] Les notes comportent aussi des éléments écrits au passé, comme le fait que [traduction] « la cliente était aux études depuis le début de la demande ». Cela montre que la personne qui a pris des notes alternait entre le passé et le présent lorsqu’elle discutait de choses avec la prestataire. J’estime que l’on peut raisonnablement présumer que la personne prenant des notes aurait utilisé le temps passé lorsqu’elle a renvoyé aux 30 heures consacrées aux études chaque semaine si c’était la période à laquelle se rapportaient les 30 heures d’études par semaineNote de bas de page 19.

[54] L’appel du 11 janvier 2022Note de bas de page 20 ne précise pas non plus de période pour la question portant sur le nombre d’heures que la prestataire consacre à ses études chaque semaine. La question est simplement la suivante : [traduction] « Combien d’heures consacrez‑vous à vos études chaque semaine? » Cette question est également posée au temps présent, ce qui permet de penser que la réponse [traduction] « plus de 30 » se rapporte à la date de l’appel téléphonique.

[55] Le fait qu’il y avait des périodes, avant l’appel téléphonique, où la prestataire étudiait seulement à temps partiel, confirme également que les heures d’études mentionnées au cours de l’appel téléphonique du 11 janvier 2022 se rapportent à la date de l’appel. Il serait raisonnable de présumer que, si l’appel avait porté sur le nombre d’heures par semaine au temps passé, les réponses varieraient selon que la prestataire étudiait à temps plein ou à temps partiel.

[56] Par conséquent, en décidant de revenir en arrière et d’examiner de nouveau une décision sur le fondement de renseignements qui n’indiquent pas qu’ils se rapportent à la période à l’étude, la Commission a tenu compte d’un facteur non pertinent.

[57] Autrement dit, le nombre d’heures que la prestataire consacre à ses études n’est pas sans pertinence dans le processus global de détermination de la disponibilité, mais appliquer le nombre d’heures que la prestataire pourrait consacrer aux études au cours d’une période donnée à une période antérieure est sans pertinence.

[58] Je conclus que la Commission n’a pas tenu compte des facteurs pertinents suivants :

  • Il y a eu des périodes importantes au cours desquelles la prestataire n’était pas aux études. Il y a eu des périodes, de décembre 2020 à janvier 2021Note de bas de page 21, d’avril 2021 à mai 2021 et de juin à septembre 2021, au cours desquelles la prestataire affirme dans ses déclarations qu’elle n’était pas aux études.
  • La prestataire a rempli le 20 mai 2021 un questionnaire sur la formation dans lequel elle a dit qu’elle ne fréquentait l’école qu’à temps partiel et qu’elle ne suivait que deux coursNote de bas de page 22.
  • La Commission avait déjà décidé d’approuver la formation de la prestataire et conclu qu’elle avait droit à des prestations jusqu’au 15 décembre 2020, alors qu’elle était étudiante à temps plein, qu’elle avait l’obligation de se présenter en classe et qu’elle avait fait de l’école sa priorité par rapport au travail, car elle disait qu’elle terminerait son cours plutôt que d’abandonner celui‑ci pour accepter un emploiNote de bas de page 23.

[59] Ces facteurs sont pertinents, car la Commission affirme que les études de la prestataire font en sorte qu’elle n’est pas disponible et que l’information selon laquelle elle consacrait 30 heures par semaine à ses études a mené à un nouvel examen.

[60] Si elle avait tenu compte de ces facteurs pertinents, la Commission aurait constaté qu’elle avait déjà décidé que la prestataire était disponible pendant qu’elle étudiait à temps plein, qu’elle était obligée de se présenter en classe, qu’elle faisait de l’école son travail prioritaire et que tout ce qui a changé au cours de la période en question était que la prestataire suivait moins de cours ou qu’elle n’en suivait aucun.

[61] Cela lui aurait montré qu’il n’y avait aucun motif d’examiner de nouveau la décision, car la prestataire était déjà jugée disponible pendant ses études à temps plein, de sorte qu’il n’y aurait pas lieu d’examiner de nouveau la demande simplement parce qu’elle suivait encore moins de cours.

[62] Si elle avait tenu compte des facteurs pertinents, la Commission aurait constaté qu’il n’était pas nécessaire d’examiner de nouveau la demande parce qu’elle croyait que la prestataire étudiait soudainement plus à temps plein en consacrant 30 heures par semaine à ses études, puisqu’elle l’avait déjà approuvée comme étudiante à temps plein. La prestataire n’aurait pas cessé d’être considérée comme étant une étudiante à temps plein si elle étudiait davantage, cela confirmerait simplement qu’elle étudiait à temps plein.

[63] La Commission a plutôt tenu compte d’un facteur non pertinent, soit le nombre d’heures que la prestataire consacre à ses études en dehors de la période visée par la décision initiale, pour tenter d’annuler la décision qu’elle avait déjà prise d’autoriser le versement de prestations à la prestataire à titre d’étudiante à temps plein, afin d’appuyer sa décision selon laquelle, même si la prestataire était auparavant disponible à titre d’étudiante à temps plein, soudainement, le fait d’étudier à temps plein signifiait qu’elle n’était pas disponible.

[64] La Commission ne peut pas non plus tenter de se rabattre sur la prétention selon laquelle sa décision d’approuver la prestataire jusqu’au 15 décembre 2020, alors qu’elle était étudiante à temps plein, qu’elle était obligée de suivre des cours et qu’elle refuserait de quitter ses études pour accepter un emploi, était une décision automatisée, de sorte qu’elle n’est pas pertinente, car elle fait valoir dans ses observations que ce n’est qu’après que cette décision a été prise qu’elle a commencé à autoriser automatiquement la formation de la prestataireNote de bas de page 24.

[65] Les notes de cette décision visant à permettre la formation de la prestataire jusqu’au 15 décembre 2020Note de bas de page 25 confirment davantage que cette décision a été prise et communiquée à la prestataire par un employé de la Commission qui s’est penché sur la question, a examiné l’information et a ensuite pris une décision.

[66] Par conséquent, comme la Commission a tenu compte de facteurs non pertinents et a fait fi de facteurs pertinents, sa décision n’a pas été rendue de façon judiciaire.

[67] Étant donné que la Commission n’a pas agi « de façon judiciaire » lorsqu’elle a rendu sa décision, je rendrai la décision qu’elle aurait dû rendre en vertu de l’article 54(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

[68] En rendant la décision que la Commission aurait dû rendre, je conclus que la décision initiale d’approuver la formation de la prestataire et de conclure que cette dernière était disponible et qu’elle avait droit à des prestations pour la période du 28 septembre 2020 au 4 septembre 2021 n’aurait pas dû être examinée de nouveau.

[69] La prestataire a été déclarée disponible et admissible à des prestations pendant qu’elle était étudiante à temps plein, qu’elle était obligée de se présenter en classe et qu’elle accordait la priorité à l’école plutôt qu’au travailNote de bas de page 26, de sorte que lorsque le facteur non pertinent du nombre d’heures que la prestataire consacre à ses études au cours d’une période autre que la période de la décision initiale n’est pas pris en compte, rien n’avait changé de manière à justifier un nouvel examen de la décision initiale.

[70] Certes, il y a eu des moments où la prestataire n’était pas aux études ou étudiait à temps partiel, comme il est mentionné dans d’autres questionnaires sur la formation pendant la période de la décision initiale, mais cette information n’aurait pas dû déclencher un nouvel examen, car si la prestataire a été jugée disponible lorsqu’elle fréquentait l’école à temps plein, il n’est pas nécessaire de revoir une décision qui lui accordait déjà des prestations parce qu’elle consacre soudainement moins de temps à ses études.

[71] Comme la décision initiale n’aurait pas dû être examinée de nouveau, cela signifie que la décision initiale demeurerait inchangée et que la prestataire n’est donc pas inadmissible au bénéfice des prestations pour la période du 28 septembre 2020 au 4 septembre 2021.

[72] Toutefois, se pose encore la question de l’inadmissibilité pour la période commençant le 5 septembre 2021 et, comme j’ai conclu qu’aucune décision initiale n’a été prise pour cette période avant la décision du 19 janvier 2022, la décision de la Commission concernant la disponibilité de la prestataire pour cette période ne pose pas de problème.

[73] Je vais donc poursuivre l’analyse habituelle de la disponibilité pour cette période d’inadmissibilité.

La prestataire est-elle disponible pour travailler pour la période commençant le 5 septembre 2021?

[74] La loi exige que la prestataire démontre qu’elle est disponible pour travaillerNote de bas de page 27. Pour recevoir des prestations d’assurance‑emploi, les prestataires doivent être capables de travailler et disponibles à cette fin et incapables de trouver un emploi convenableNote de bas de page 28.

[75] Pour décider si un étudiant est disponible en vertu de l’article 18 de la Loi, la Cour d’appel fédérale a statué en 2010 qu’il existe une présomption selon laquelle les prestataires qui fréquentent l’école à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler.

[76] La Loi a récemment été modifiée et les nouvelles dispositions s’appliquent à la prestataireNote de bas de page 29. En lisant les nouvelles dispositions, je constate que la présomption d’indisponibilité a été écartée. Un étudiant à temps plein n’est pas présumé non disponible, mais doit plutôt prouver sa disponibilité comme tout autre prestataire.   

[77] Pour recevoir des prestations d’assurance‑emploi, les prestataires doivent être capables de travailler et disponibles à cette fin et incapables de trouver un emploi convenableNote de bas de page 30. La prestataire doit prouver trois choses pour démontrer qu’elle était disponible : 

  1. Le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.
  2. L’expression de ce désir par des démarches pour se trouver un emploi convenable.  
  3. Le non‑établissement de conditions personnelles pouvant limiter ou avoir limité indûment ses chances de retour sur le marché du travailNote de bas de page 31.

[78] Je dois tenir compte de chacun de ces facteurs pour trancher la question de la disponibilitéNote de bas de page 32, en examinant l’attitude et le comportement de la prestataireNote de bas de page 33 à compter du 5 septembre 2021.

La prestataire avait-elle le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert?

[79] Je conclus que la prestataire avait le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.

[80] La prestataire a témoigné qu’elle voulait travailler et qu’elle travaillait pour une autorité de santé locale chaque fois qu’elle pouvait accepter des quarts de travail, et qu’elle cherchait d’autres emplois, car elle n’obtenait pas autant de quarts de travail qu’elle le voulait.

[81] Je conclus que le fait que la prestataire travaillait pendant qu’elle fréquentait l’école et qu’elle cherchait d’autres emplois, car elle n’obtenait pas autant de travail qu’elle le voulait, démontre son désir d’être sur le marché du travail.

La prestataire a-t-elle fait des démarches pour trouver un emploi convenable?

[82] La prestataire a fait suffisamment de démarches pour trouver un emploi convenable.

[83] Elle a témoigné qu’elle cherche continuellement du travail.

[84] Elle affirme qu’elle occupait un emploi auprès de l’autorité de santé locale, qui était occasionnel; cette autorité offrait des quarts de travail et la prestataire choisissait ceux qu’elle pouvait effectuer.

[85] Comme elle obtenait de moins en moins de quarts de travail, elle cherchait un autre emploi. Finalement, son contrat avec l’autorité de santé a pris fin.

[86] La prestataire affirme qu’elle cherche en ligne et postule toutes sortes de postes, pas seulement des postes liés à la santé, qu’elle a obtenu de multiples entrevues et qu’elle a finalement obtenu un autre emploi à temps partiel comme assistante médicale.

[87] Je conclus que les démarches de la prestataire pour chercher du travail dans divers domaines sont des démarches suffisantes et continues pour trouver un emploi, comme le démontre le fait que ses efforts lui ont permis d’obtenir un emploi.

La prestataire avait-elle fixé des conditions personnelles susceptibles de limiter indûment ses chances de réintégrer le marché du travail?

[88] Je conclus que la prestataire a fixé des conditions personnelles susceptibles de limiter indûment ses chances de réintégrer le marché du travail; ces conditions sont ses études.

[89] La prestataire affirme que, de la période du 5 septembre 2021 au mois de janvier 2022, elle suivait quatre cours par semaine à titre d’étudiante à temps plein et devait obligatoirement assister à ses cours.

[90] En janvier 2022, elle a commencé à ne suivre que deux cours par semaine et a continué ainsi jusqu’en avril 2022.

[91] La prestataire affirme que son contrat auprès de l’autorité de santé régionale a pris fin, mais qu’elle a obtenu un nouvel emploi à temps partiel en mai 2022 comme assistante médicale.

[92] Je conclus que le fait que la prestataire doit assister à ses cours à des heures déterminées et à des jours précis signifie que sa disponibilité est limitée à certaines heures et à certains jours, ce qui limite ses chances de trouver un emploiNote de bas de page 34.

[93] Bien qu’il puisse sembler étrange de dire que la prestataire avait établi une condition personnelle qui limite indûment ses chances de retourner sur le marché du travail alors qu’elle a un emploi, elle ne peut pas travailler à temps partiel et être subventionnée par l’assurance‑emploi parce que son emploi ne lui fournit pas suffisamment de ressources alors qu’elle ne peut pas travailler à temps plein parce que ses études limitent sa disponibilité.

[94] Je note que même s’il est possible que la prestataire soit disponible les fins de semaine, je n’étudie que sa disponibilité les jours ouvrables, et la loi dit que les fins de semaine ne sont pas des jours ouvrablesNote de bas de page 35.

La prestataire était‑elle capable de travailler et disponible à cette fin et incapable de trouver un emploi convenable à compter du 5 septembre 2021?

[95] Compte tenu de mes conclusions sur chacun des trois facteurs réunis, je conclus que la prestataire n’est pas disponible pour travailler à compter du 5 septembre 2021.

Conclusion

[96] Je rejette l’appel avec modification.

[97] Je conclus que, pour la période du 28 septembre 2020 au 4 septembre 2021, la Commission a pris la décision initiale d’approuver les études de la prestataire et de lui verser des prestations avant sa décision du 19 janvier 2022.

[98] Je conclus que, même si elle peut revenir en arrière et examiner de nouveau cette décision initiale, sa décision de le faire n’a pas été prise de façon judiciaire, car elle a tenu compte d’un facteur non pertinent et a fait fi de facteurs pertinents.

[99] En rendant la décision qu’elle aurait dû rendre, je conclus qu’elle n’aurait pas dû revenir en arrière et examiner de nouveau sa décision initiale, de sorte que cette dernière subsiste et que la prestataire n’est pas inadmissible pour la période du 28 septembre 2020 au 4 septembre 2021.

[100] Pour la période commençant le 5 septembre 2021, aucune décision initiale n’a été prise avant sa décision du 19 janvier 2022 et, après examen de la disponibilité de la prestataire, je conclus que cette dernière n’est pas disponible et que l’inadmissibilité devrait donc être maintenue pour cette période.

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