Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MB c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 179

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Demandeur : M. B.
Défenderesse : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 27 décembre 2022
(GE-22-1994)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 20 février 2023
Numéro de dossier : AD-23-59

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur (politique). Il n’a pas obtenu d’exemption. Il a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite, de sorte qu’elle n’était pas en mesure de lui verser des prestations. Après le rejet de sa demande de révision, le prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu du 1er novembre 2021 au 2 janvier 2022 à la suite de son refus de se conformer à la politique de l’employeur. Il n’a pas obtenu d’exemption. Elle a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il était vraisemblable que l’employeur le suspende dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande la permission d’en appeler de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Il soutient qu’il n’a manqué à aucune obligation expresse ou implicite découlant de son contrat de travail. Il soutient que la Commission n’a pas prouvé qu’il y avait eu manquement à une obligation expresse ou implicite qu’il avait de faire part de son statut vaccinal à son employeur, découlant du contenu de la convention collective en vertu de laquelle il avait travaillé consciencieusement. Par conséquent, il ne peut y avoir de conclusion d’inconduite.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur susceptible de révision commise par la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli.

[7] Je refuse la permission d’en appeler parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur susceptible de révision commise par la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social énonce les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Les erreurs susceptibles de révision sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale ne s’est pas prononcée sur une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audition sur le fond de l’affaire. Il s’agit d’une première étape que le prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience relative à l’appel sur le fond. À l’étape de la permission d’en appeler, le prestataire n’a pas à prouver le bien-fondé de ses prétentions, mais il doit établir que l’appel a une chance raisonnable de succès compte tenu d’une erreur susceptible de révision. En d’autres termes, il doit établir que l’on peut soutenir qu’il y a une erreur susceptible de révision sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli.

[11] Par conséquent, avant que je puisse accorder la permission d’interjeter appel, je dois être convaincu que les motifs d’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés précédemment et qu’au moins l’un des motifs a une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur susceptible de révision de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli?

[12] Il soutient qu’il n’a manqué à aucune obligation expresse ou implicite découlant de son contrat de travail. Il soutient que la Commission n’a pas prouvé qu’il y avait eu manquement à une obligation expresse ou implicite de faire part de son statut vaccinal à son employeur, découlant du contenu de la convention collective en vertu de laquelle il avait travaillé consciencieusement. Par conséquent, il ne peut y avoir de conclusion d’inconduite.

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite ne signifie pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif découle d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ou d’établir si l’employeur a été coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée, mais bien de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspensionNote de bas de page 1.

[16] Compte tenu de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire a été suspendu parce qu’il a refusé de se conformer à la politique. Il a été informé de la politique de l’employeur et a eu le temps de s’y conformer. Il n’a pas obtenu d’exemption. Le prestataire a refusé intentionnellement; ce refus était délibéré. Il a été la cause directe de sa suspension. La division générale a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension.

[17] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[18] Il est bien établi que le non-respect voulu de la politique de l’employeur est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi)Note de bas de page 2.

[19] Nul ne conteste le fait que l’employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés au travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les recommandations des dirigeants du bureau de la santé publique afin de mettre en œuvre sa politique visant à protéger la santé de tous ses employés pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspendu. Il n’appartient pas au Tribunal de décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[20] La question de savoir si l’employeur a omis de prendre des mesures d’adaptation à l’égard du prestataire ou si la politique de l’employeur a contrevenu à sa convention collective ou a porté atteinte à ses droits fondamentaux et constitutionnels relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas l’instance par laquelle le prestataire peut obtenir le redressement qu’il rechercheNote de bas de page 3.

[21] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[22] Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur ne constitue pas une inconduite. Il n’a pas été prouvé que le vaccin était sûr et efficace, a-t-il avancé. Le prestataire s’est senti victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Il a fait valoir qu’il a le droit de décider de sa propre intégrité corporelle et que ses droits ont été violés sous le régime du droit canadien et internationalNote de bas de page 4.

[23] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, en vertu de la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant un choix personnel et délibéré de ne pas respecter la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers l’employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 5. La Cour a déclaré que le prestataire dispose d’autres recours dans le cadre du système judiciaire pour faire valoir ses allégations.

[24] Dans la récente affaire Paradis, le prestataire s’est fait refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait eu aucune inconduite parce que la politique de l’employeur portait atteinte aux droits que lui confère l’Alberta Human Rights Act. La Cour fédérale a conclu que l’affaire relevait d’une autre instance.

[25] La Cour fédérale a affirmé que, pour sanctionner le comportement de l’employeur, il existait d’autres recours qui permettent d’éviter que le programme d’assurance-emploi fasse les frais de ce comportement.

[26] Dans l’arrêt Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite liés à l’assurance-emploi.

[27] Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, le rôle de la division générale n’est pas d’établir si l’employeur a été coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée, mais bien de décider si le prestataire s’était rendu coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension.

[28] La preuve prépondérante dont disposait la division générale montre que le prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas se conformer à la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension.

[29] Selon moi, la division générale n’a commis aucune erreur susceptible de révision lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 6.

[30] Je suis tout à fait conscient que le prestataire peut demander réparation à une autre instance si une violation est établie Cela ne change rien au fait que, en vertu de la Loi, la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[31] Dans sa demande de permission d’en appeler, le prestataire n’a soulevé aucune erreur susceptible de révision, comme la compétence ou le défaut de la division générale d’observer un principe de justice naturelle. Il n’a relevé aucune erreur de droit ni aucune conclusion de fait erronée que la division générale aurait tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance en rendant sa décision.

[32] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission d’en appeler, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[33] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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