Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c ET, 2023 TSS 196

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentant : Ferriss de Rebekah
Intimée : E. T.
Représentant : K. L.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 5 juillet 2022
(GE-22-1330)

Membre du Tribunal : Charlotte McQuade
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 novembre 2022
Participants à l’audience : Représentant de l’appelante
Intimée
Représentant de l’intimée
Date de la décision : Le 24 février 2023
Numéro de dossier : AD-22-474

Sur cette page

Décision

[1] Il est fait droit à l’appel en partie.

[2] La division générale a commis une erreur de droit.

[3] La Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en examinant de nouveau la demande pour la période du 28 septembre 2020 au 15 décembre 2020. La demande pour cette période ne devrait pas être examinée de nouveau. Par conséquent, la décision initiale communiquée à la prestataire le 27 octobre 2020 demeure en vigueurNote de bas de page 1.

[4] La Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en examinant de nouveau la demande pour la période du 16 décembre 2020 au 4 septembre 2021.

[5] Je renvoie l’appel à la division générale pour qu’elle décide si la prestataire était disponible pour travailler du 16 décembre 2020 au 4 septembre 2021.

Aperçu

[6] E. T. est la prestataire. Elle a déclaré à la Commission de l’assurance‑emploi du Canada qu’elle étudiait à temps plein. Le 27 octobre 2020, la Commission a confirmé à la prestataire qu’elle avait droit à des prestations régulières d’assurance‑emploi du 9 septembre 2020 au 15 décembre 2020. Elle a continué de recevoir des prestations après le 16 décembre 2020 jusqu’à la fin de sa période de prestations.

[7] Le 19 janvier 2022, la Commission a décidé que la prestataire n’avait pas droit à des prestations à compter du 28 septembre 2020 parce qu’elle n’avait pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler pendant qu’elle suivait un programme de formation non dirigéNote de bas de page 2.

[8] La prestataire a interjeté appel de cette décision devant la division générale du Tribunal. La division générale a décidé que la Commission n’avait pas exercé correctement son pouvoir discrétionnaire en examinant de nouveau la demande rétroactivement. La division générale a décidé que, puisqu’aucun élément pertinent n’avait changé depuis que la Commission avait initialement approuvé le droit de la prestataire à des prestations, ce droit ne devrait pas être examiné de nouveau. Elle n’était donc pas inadmissible aux prestations du 28 septembre 2020 au 4 septembre 2021.

[9] La Commission interjette maintenant appel de la décision de la division générale. La Commission affirme que la division générale a commis des erreurs de droit et d’importantes erreurs de fait lorsqu’elle a rendu sa décision.

[10] J’ai décidé que la division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la pertinence de l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi) en ce qui concerne l’exercice par la Commission de son pouvoir discrétionnaire. J’ai également décidé que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire pour examiner de nouveau la demande pour la période du 28 septembre 2020 au 15 décembre 2020, de sorte que la demande ne doit pas être examinée de nouveau pour cette période.

[11] Toutefois, j’ai décidé que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire pour examiner de nouveau la demande pour la période du 16 décembre 2020 au 4 septembre 2021, de sorte que je ne peux pas m’immiscer dans cette décision. Je renvoie la question de la disponibilité de la prestataire du 16 décembre 2020 au 4 septembre 2021 à la division générale pour réexamen. 

Je n’accepterai pas l’affidavit de la Commission

[12] La Commission a demandé l’autorisation de présenter un nouvel élément de preuve. Le nouvel élément de preuve est un affidavit du directeur, Politique de l’assurance‑emploi (le directeur), au sein de la Direction générale des compétences et de l’emploi d’Emploi et Développement social CanadaNote de bas de page 3.

[13] Une copie de l’arrêté provisoire no 10 est jointe à l’affidavitNote de bas de page 4. L’arrêté provisoire no 10 a eu pour effet d’ajouter les articles 153.161(1) et (2) à la Loi. Une note explicative suit l’arrêté, bien qu’elle ne fasse pas partie de l’arrêté lui‑mêmeNote de bas de page 5.

[14] De manière générale, la division d’appel ne prend pas en considération les nouveaux éléments de preuve parce qu’elle n’entend pas de nouveau l’affaire. Elle décide plutôt si la division générale a commis certaines erreurs et, le cas échéant, elle établit la façon dont ces erreurs sont corrigées. Ce faisant, la division d’appel examine la preuve dont disposait la division générale lorsqu’elle a rendu sa décision.

[15] Il existe quelques exceptions limitées à cette règle. De façon générale, les nouveaux éléments de preuve ne seront acceptés que s’ils fournissent des renseignements généraux, mettent en évidence les conclusions que le Tribunal a tirées sans preuve à l’appui ou révèlent les façons dont le Tribunal a agi de façon inéquitableNote de bas de page 6.

[16] La Commission soutient que, bien que l’affidavit soit un nouvel élément de preuve, il satisfait à une exception pour permettre à la division d’appel d’accepter le nouvel élément de preuve. La Commission soutient que l’affidavit ne contient aucun détail sur la situation de la prestataire ou sur l’appel. Il fournit plutôt des renseignements généraux importants sur le contexte des modifications législatives faisant visées dans l’appel, en particulier l’article 153.161.

[17] La Commission souligne que le Tribunal a accepté cet affidavit dans d’autres affaires comme fournissant des renseignements générauxNote de bas de page 7.

[18] La prestataire s’oppose à la présentation de cette nouvelle preuve. Elle affirme que la Commission aurait pu fournir ces renseignements à la division générale et qu’il ne s’agit pas seulement de renseignements généraux, car ils font état de l’opinion du directeur sur le sens de la loi et l’intention qui sous‑tend diverses mesures. Elle affirme que le fait d’admettre l’affidavit susciterait une crainte raisonnable de partialité.

[19] Je n’accepterai pas l’affidavit. Je conclus que l’affidavit ne satisfait pas aux exceptions qui me permettraient de l’accepter. Je reconnais que l’affidavit ne fait pas référence aux faits précis faisant l’objet de l’appel, mais qu’il fait état de l’opinion du directeur quant à l’intention du législateur lorsqu’il a adopté l’article 153.161 de la Loi. Par exemple, le directeur explique ce qui suit : [traduction] « L’objectif de l’article 153.161 était de maintenir l’esprit de la politique qui sous‑tend l’article 18(1)a) de la Loi en ce qui concerne la disponibilité pendant la participation à un programme d’instruction ou de formation non dirigé, tout en fournissant un fondement juridique permettant à la Commission de modifier la mise en œuvre de cette politique et de déterminer après coup la disponibilité et le droit à des prestations. »Note de bas de page 8

[20] L’interprétation de l’article 153.161 de la Loi est en cause dans le présent appelNote de bas de page 9. L’affidavit constitue une preuve appuyant la thèse de la Commission quant à l’interprétation de l’article 153.161. Il ne s’agit donc pas seulement de renseignements généraux.

[21] Toutefois, j’examinerai l’arrêté provisoire no 10 et la note explicative dans le présent appel. L’arrêté provisoire no 10 n’est pas un nouvel élément de preuve, mais une loi. Si elle ne fait pas partie de l’arrêté provisoire même, la note explicative fournit toutefois des renseignements généraux uniquement sur les dispositions de l’arrêté provisoire.

Questions en litige

[22] Les questions à trancher en l’espèce sont les suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle mal interprété l’article 153.161 de la Loi?
  2. b) La division générale a‑t‑elle omis de tenir compte de la preuve ou a‑t‑elle omis d’en tenir compte de façon significative lorsqu’elle a conclu que les déclarations bimensuelles de la prestataire constituaient des décisions sur l’admissibilité?
  3. c) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit ou fondé sa décision sur une importante erreur de fait lorsqu’elle a décidé que la Commission n’avait pas exercé son pouvoir discrétionnaire correctement en application de l’article 153.161 de la Loi?
  4. d) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a décidé que la prestataire était disponible pour travailler du 28 septembre 2020 au 4 septembre 2021?
  5. e) Si la division générale a commis l’une ou l’autre de ces erreurs, quelle est la réparation?

Analyse

[23] La Commission soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et a fondé sa décision sur des erreurs de fait importantes.

[24] Si l’un ou l’autre de ces types d’erreurs était établi, je pourrais intervenir et modifier la décision de la division généraleNote de bas de page 10.

La division générale n’a pas mal interprété l’article 153.161 de la Loi

[25] La Commission soutient que la division générale a mal interprété l’article 153.161 de la Loi.

La décision de la division générale

[26] La prestataire fréquentait l’université à temps plein. Le 19 janvier 2022, la Commission a rétroactivement déclaré la prestataire inadmissible au bénéfice des prestations du 28 septembre 2020 au 4 septembre 2021 au motif qu’elle n’avait pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler.

[27] La prestataire a interjeté appel de cette décision devant la division générale du Tribunal.

[28] La prestataire a fait valoir devant la division générale que, le 27 octobre 2020, la Commission a approuvé sa disponibilité pour la période du 9 septembre 2020 au 15 décembre 2020. Elle a dit que rien n’avait changé. Elle n’était pas moins disponible. Elle a donc déclaré que la Commission avait eu tort de revenir en arrière et de changer d’avis sans faits nouveaux.

[29] La Commission a fait valoir que la prestataire n’avait pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler, car ses études constituaient une restriction personnelle qui limitait indûment ses chances de retourner au travail. La Commission a fait valoir qu’elle n’avait pris qu’une seule décision initiale le 27 octobre 2020 pour la période du 9 septembre 2020 au 15 décembre 2020, qu’elle a examinée de nouveau le 19 janvier 2022.

[30] La Commission a déclaré qu’elle avait retardé le moment de prendre une décision initiale sur l’admissibilité de la prestataire du 16 décembre 2020 au 4 septembre 2021 jusqu’au 19 janvier 2022, se fondant sur l’article 153.161 de la Loi. Elle a conclu dans cette décision que la prestataire n’avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler.

[31] La division générale n’a pas accepté la prétention selon laquelle la Commission avait pris une décision sur l’admissibilité différée pour la période du 16 décembre 2020 au 4 septembre 2021. La division générale a décidé que la Commission avait pris des décisions initiales approuvant l’admissibilité de la prestataire du 28 septembre 2020 au 4 septembre 2021. La division générale a déclaré que ces décisions initiales comprenaient la décision du 27 octobre 2020 et les approbations automatiques qui se sont poursuivies après le 15 décembre 2020Note de bas de page 11.

[32] La division générale a conclu que la Commission avait par la suite examiné de nouveau l’admissibilité de la prestataire en vertu de l’article 153.161 de la Loi, ce que la Commission pouvait faire d’après la division générale, même après le versement des prestations. La division générale a toutefois déclaré que la Commission devait exercer son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a pris la décision d’examiner de nouveau l’admissibilitéNote de bas de page 12.

[33] La division générale a décidé que la Commission n’avait pas exercé son pouvoir discrétionnaire correctement. Elle a déclaré que c’était parce que la Commission avait tenu compte d’un fait non pertinent et qu’elle n’avait pas pris en considération des faits pertinents.

[34] La division générale a déclaré que l’accent que la Commission avait mis sur la déclaration de la prestataire selon laquelle elle consacrait chaque semaine 30 heures à ses études n’était pas pertinent, car cela ne se rapportait pas à la période à l’étude. La division générale a noté que la Commission n’avait pas tenu compte des périodes pendant lesquelles la prestataire n’était pas aux études ainsi que du fait qu’à compter du 30 mai 2021, elle avait déclaré étudier à temps partiel seulement. De plus, la division générale a souligné que la Commission n’avait pas non plus tenu compte du fait que la Commission avait déjà décidé que la prestataire avait droit à des prestations du 9 septembre 2020 au 15 décembre 2020.

[35] Comme elle a décidé que la Commission n’avait pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, la division générale a substitué son pouvoir discrétionnaire à celui de la Commission pour décider que la demande ne devrait pas faire l’objet d’un nouvel examen rétroactif. La division générale a déclaré que c’était parce que rien dans la situation de la prestataire n’avait changé de façon à déclencher un nouvel examen des décisions initiales concluant qu’elle était disponible et permettant le versement de prestations.

[36] La division générale a donc conclu que les décisions initiales demeuraient en vigueur et que la prestataire n’était pas inadmissible aux prestations du 28 septembre 2020 au 4 septembre 2021Note de bas de page 13.

[37] La division générale n’a donc pas tenu compte de la question de savoir si la prestataire satisfaisait au critère juridique de disponibilité en droitNote de bas de page 14.

La thèse de la Commission

[38] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a interprété l’article 153.161 de la Loi comme étant un pouvoir de nouvel examen semblable à celui prévu à l’article 52 de la Loi. La Commission soutient que les décisions prises en vertu de l’article 153.161 de la Loi sont des décisions initiales relatives à l’admissibilité.

[39] La Commission n’est pas d’accord pour dire qu’avant d’exercer son pouvoir en vertu de l’article 153.161, elle a pris des décisions initiales en matière d’admissibilité autres que la décision du 27 octobre 2020 se rapportant à la période du 9 septembre 2020 au 15 décembre 2020.

[40] La Commission affirme qu’elle a examiné de nouveau la décision initiale du 27 octobre 2020 le 19 janvier 2022 en vertu de l’article 52 de la Loi lorsque la prestataire a fourni de nouveaux renseignements qui ont remis en question sa disponibilitéNote de bas de page 15.

[41] La Commission affirme que la décision qu’elle a rendue le 19 janvier 2022 au sujet de l’admissibilité de la prestataire pour la période du 16 décembre 2020 au 4 septembre 2021 était une décision initiale portant sur l’admissibilité rendue en vertu de l’article 153.161 de la LoiNote de bas de page 16.

[42] La Commission affirme que l’article 153.161 doit être interprété à juste titre comme signifiant que les décisions rendues en vertu de cette disposition sont des décisions initiales en matière d’admissibilité.

[43] La Commission soutient que l’interprétation avancée par la division générale ne tient pas compte du sens ordinaire de l’article 153.161 de la Loi. Elle affirme que l’article 153.161, selon son sens ordinaire, fonctionne de la même façon que l’article 18 de la Loi, car les deux dispositions se rapportent à la disponibilité sous le régime de la Loi. Toutefois, la décision relative à l’admissibilité visée à l’article 18 est habituellement prise avant le versement des prestations. La décision relative à l’admissibilité visée à l’article 153.161 est prise après le versement des prestations.

[44] La Commission affirme qu’il ressort clairement de l’article 153.161(2) que c’est ainsi que la disposition fonctionne. Elle affirme qu’elle peut vérifier l’admissibilité même après le versement des prestations.

[45] Autrement dit, la Commission affirme que l’article 153.161 lui permet d’accorder des prestations à des personnes admissibles, puis de vérifier par la suite que celles qui ont reçu des prestations peuvent prouver leur admissibilité. Le paiement est fondé initialement sur le fait qu’un prestataire satisfait aux conditions requises.

[46] La Commission soutient que cette interprétation est conforme au contexte des modifications qui ont été apportées à la Loi en réponse au besoin économique des Canadiens qui avaient temporairement perdu leur emploi. Les modifications ont permis une approche opérationnelle modifiée pour l’évaluation de la disponibilité des prestataires qui ont déclaré suivre une formation non dirigéeNote de bas de page 17.

[47] La Commission soutient en outre que l’article 153.161 interagit dans le cadre d’un tout avec la loi sur l’assurance‑emploi. L’article 153.161 n’a pas éliminé l’exigence selon laquelle les prestataires doivent être admissibles à des prestations ou prouver qu’ils ont droit à des prestations. La Commission affirme que la division générale n’a pas tenu compte du contexte de ces modifications qui ont expressément permis de rendre une décision sur l’admissibilité après le début des paiements de prestations.

[48] La Commission affirme également que la décision de la division générale est incompatible avec des décisions antérieures rendues par la division d’appel et la division générale du Tribunal, selon lesquelles l’article 153.161 de la Loi a été interprété comme signifiant que la Commission pourrait examiner la disponibilité de la prestataire pour travailler, même après le versement des prestationsNote de bas de page 18.

La thèse de la prestataire

[49] La prestataire soutient que la division générale a correctement interprété l’article 153.161 de la Loi. Elle ajoute que cette disposition ne permet pas à la Commission de reporter une décision sur l’admissibilité.

[50] La prestataire fait valoir que la Commission tente d’insérer dans l’article 153.161 des mots qui n’y figurent tout simplement pas. Elle affirme que l’article 153.161 de la Loi ne contient aucun libellé qui permet à la Commission de renoncer à l’évaluation de l’admissibilité à des prestations ou de reporter cette évaluation à un moment non précisé à l’avenir.

[51] La prestataire signale que le terme utilisé à l’article 153.161 est « vérifier », ce qui, selon elle, s’entend du pouvoir de confirmer la véracité des renseignements qui sous‑tendent la décision antérieure de verser des prestations. Le terme « vérifier » ne décrit pas le fait de rendre une nouvelle décision initiale.

[52] De plus, la prestataire soutient que l’interprétation de l’article 153.161(2) avancée par la Commission signifierait que, dans certains cas, la Commission ne prendrait jamais de décision concernant le droit à des prestations, puisque le pouvoir de vérifier prévu à l’article 153.161(2) est discrétionnaire. Autrement dit, si la Commission ne décide pas de vérifier la demande en vertu de l’article 153.161(2), aucune décision sur l’admissibilité ne serait prise à quelque moment que ce soit.

[53] La prestataire soutient que rien dans le contexte de l’article 153.161 n’appuie l’interprétation de la Commission.

[54] Elle affirme que la Commission peut s’appuyer sur les déclarations de la prestataire pour effectuer un paiement, et que c’est pourquoi le législateur a confirmé le pouvoir de la Commission de « vérifier ». Autrement dit, la Commission peut décider de verser des prestations en se fondant uniquement et entièrement sur les renseignements fournis par la prestataire à ce moment‑là. Elle soutient que l’article 153.161(2) permet ensuite à la Commission de vérifier ultérieurement la déclaration volontaire de la prestataire et de prendre les mesures appropriées si le processus de vérification révèle que la prestataire n’a pas été exacte et franche. Mais cela ne signifie pas que cette disposition devrait être interprétée comme reportant d’une manière ou d’une autre la décision initiale.

L’article 153.161 ne permet pas de reporter la décision relative à l’admissibilité

[55] Je conclus que la division générale n’a pas mal interprété l’article 153.161 de la Loi. Cette disposition ne permet pas de reporter la décision relative à l’admissibilité.

[56] L’article 153.161(1) de la Loi est ainsi libellé :

153.161(1) Pour l’application de l’alinéa 18(1)a), le prestataire qui suit un cours ou programme d’instruction ou de formation pour lequel il n’a pas été dirigé conformément aux alinéas 25(1)a) ou b) n’est pas admissible au versement des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour‑là, capable de travailler et disponible à cette fin.

153.161(2) La Commission peut vérifier, à tout moment après le versement des prestations, que le prestataire visé au paragraphe (1) est admissible aux prestations en exigeant la preuve qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin pour tout jour ouvrable de sa période de prestations.

[57] L’article 52 de la Loi énonce les pouvoirs de la Commission de procéder à un nouvel examen. Il prescrit que la Commission peut examiner de nouveau toute demande de prestations dans les 36 mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables. Cette période peut être portée à 72 mois si la Commission estime qu’une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande.

[58] L’article 153.161 est entré en vigueur le 27 septembre 2020 dans le cadre de l’arrêté provisoire no 10Note de bas de page 19. Il est demeuré en vigueur jusqu’au 25 septembre 2021. Ainsi qu’il est écrit dans la note explicative jointe à l’arrêté provisoire no 10, ce dernier a été pris afin d’atténuer les répercussions économiques de la COVID-19. La note explicative prévoyait également que l’article 153.161 permettait une approche opérationnelle modifiée pour déterminer la disponibilité pour travailler des prestataires qui n’ont pas été dirigés vers un cours d’instruction conformément à l’article 25 de la LoiNote de bas de page 20.

[59] L’article 153.161(2) prescrit que la Commission peut vérifier, à tout moment après le versement des prestations, que le prestataire est admissible aux prestations en exigeant la preuve qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin pour tout jour ouvrable de sa période de prestations.

[60] Il ressort clairement du texte que la vérification de l’admissibilité peut avoir lieu même après le versement des prestations. Toutefois, rien dans le texte de l’article 153.161 ne laisse entendre que la Commission peut reporter le moment de prendre une décision initiale ou renoncer à prendre une telle décision. Il est question de vérifier l’« admissibilité ». Cela signifie qu’une décision antérieure sur l’admissibilité a déjà été prise.

[61] La disposition prescrit également que la Commission « peut » vérifier l’admissibilité, de sorte que le pouvoir de vérifier est discrétionnaire. Un pouvoir discrétionnaire est incompatible avec la thèse de la Commission selon laquelle cette disposition permet le report d’une décision sur l’admissibilité. Si la Commission n’exerçait pas son pouvoir discrétionnaire de vérifier la demande, cela signifierait que, dans certains cas, elle ne prendrait jamais de décision concernant l’admissibilité aux prestations. Telle ne pouvait être l’intention.

[62] La Commission affirme que le paiement était fondé sur les « conditions » à remplir pour avoir droit à des prestations et non sur l’« admissibilité » à celles‑ci. Les conditions à remplir pour établir une demande sont énoncées à l’article 7 de la Loi. Les conditions de base sont un arrêt de rémunération et le nombre d’heures assurables requis.

[63] Toutefois, le libellé de l’article 153.161(1) de la Loi est incompatible avec la notion selon laquelle le paiement est effectué uniquement en fonction des conditions à remplir. L’article 153.161(1) prescrit qu’un prestataire n’est pas admissible au versement des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour‑là, capable de travailler et disponible à cette fin. Cette disposition laisse entendre que la Commission ne peut verser des prestations sans aucune preuve qu’une personne était disponible pour travailler. Le paiement doit être fondé sur une certaine preuve de disponibilité.

[64] J’ai également examiné l’article 153.161 dans le contexte de l’article 52 de la Loi. Comme il a été mentionné précédemment, l’article 52(1) confère à la Commission le pouvoir discrétionnaire d’examiner de nouveau une demande de prestations dans les 36 mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables. L’article 52(2) prescrit que si elle décide qu’une personne a reçu une somme au titre de prestations pour lesquelles elle ne remplissait pas les conditions requises ou au bénéfice desquelles elle n’était pas admissible, la Commission calcule la somme payée ou à payer et notifie sa décision au prestataire.

[65] Si l’article 153.161 était interprété de manière à permettre à la Commission de prendre une décision initiale différée sur l’admissibilité après avoir cherché à vérifier la disponibilité d’un prestataire et que, suivant cette décision, le prestataire n’avait pas droit à des prestations, il ne semble pas y avoir de mécanisme législatif correspondant pour permettre à la Commission de calculer un trop‑payé et de notifier sa décision au prestataire.

[66] Cela me porte également à croire que l’article 153.161(2) ne fait rien de plus que de permettre à la Commission de vérifier qu’un prestataire peut prouver sa disponibilité pour travailler après qu’une décision initiale sur l’admissibilité a déjà été prise, laquelle décision était fondée sur les renseignements limités fournis dans la demande de prestations et les déclarations bimensuelles.

[67] Compte tenu du texte de l’article 153.161 de la Loi et du contexte de l’article 52 de la Loi, je conclus que l’article 153.161 permet à la Commission de prendre une décision initiale sur l’admissibilité en fonction des déclarations faites par un prestataire dans la demande de prestations et ses déclarations de prestataire. Toutefois, la Commission peut reporter la vérification de l’admissibilité d’un prestataire.

[68] Cette interprétation est conforme à une approche opérationnelle modifiée. En raison des circonstances extraordinaires de la pandémie, le législateur a reconnu qu’il n’était pas possible pour la Commission de vérifier l’admissibilité au moment de la demande et a donc permis le report de cette vérification. Mais cela ne signifie pas qu’une décision initiale n’a pas été prise par la Commission, compte tenu des renseignements limités fournis dans la demande de prestations et les déclarations de la prestataire.

[69] La Commission renvoie aux décisions Commission de l’assurance‑emploi du Canada c EN et GVP c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, ainsi qu’aux décisions Commission de l’assurance‑emploi du Canada c SL et Commission de l’assurance‑emploi du Canada c KT à l’appui de sa position.

[70] Je tiens à souligner que ces questions n’ont pas été discutées dans l’affaire EN. Cette affaire portait sur un appel de la Commission concernant la disponibilité d’un prestataire pour travailler. Dans l’affaire SL, la division d’appel a décidé que la Commission pouvait examiner et examiner de nouveau la disponibilité du prestataire en vertu de l’article 52 ou de l’article 153.161 de la Loi. Toutefois, aucune conclusion précise n’a été tirée quant à la disposition en vertu de laquelle le nouvel examen avait eu lieu. De même, dans l’affaire KT, aucune décision n’a été prise quant à la disposition sur laquelle s’appuyait l’examen rétroactif de la demande.

[71] En ce qui concerne l’affaire GVP, je ne suis pas liée par les décisions rendues par la division générale. Je note que, dans la décision GVP, l’interprétation proposée par la Commission n’a pas été examinée à la lumière de la nature discrétionnaire de l’article 153.161 et du fait que l’interprétation de la Commission pourrait signifier dans certains cas qu’aucune décision relative à l’admissibilité ne serait prise. Donc, je ne trouve pas ça convaincant.

[72] La division d’appel a récemment examiné l’article 153.161 dans SF c Commission de l’assurance‑emploi du CanadaNote de bas de page 21. Dans cette affaire, la division d’appel a décidé que l’article 153.161 ne devrait pas être interprété comme signifiant que la Commission pourrait diviser sa responsabilité décisionnelle en deux parties et reporter indéfiniment la prise d’une décision concernant l’admissibilité du prestataire à des prestations.

[73] Dans l’affaire SF, la division d’appel a décidé que la Commission avait rendu une décision fondée sur les déclarations faites par le prestataire et, selon son approche opérationnelle modifiée, a versé des prestations sur le fondement de ces déclarations et a reporté l’examen plus détaillé de la question. Je préfère et j’adopte le raisonnement exposé dans l’affaire SF. Comme je l’ai mentionné précédemment, j’estime qu’une telle interprétation est conforme au texte de la disposition, au contexte de l’article 52 de la Loi et à l’approche opérationnelle modifiée autorisée par le législateur.

[74] Toutefois, je conviens, comme il a été conclu dans l’affaire SF, que l’article 153.161 demeure pertinent en ce qui a trait à la question du trop‑payé. Ensemble, les articles 52 et 153.161 confèrent à la Commission le pouvoir de vérifier rétroactivement l’admissibilité d’un prestataire et d’évaluer un trop‑payé, s’il y a lieu.

[75] Plus précisément, la Commission a le pouvoir discrétionnaire de demander la vérification de l’admissibilité après le versement des prestations en vertu de l’article 153.161(2) de la Loi. Si cette vérification est demandée et que la Commission décide qu’un prestataire n’a pas prouvé sa disponibilité pour travailler, la Commission a le pouvoir discrétionnaire de décider en vertu de l’article 52 si elle examinera de nouveau la demande. Elle doit exercer son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en prenant à la fois la décision de vérifier l’admissibilité et la décision d’examiner de nouveau la demande.

[76] Par conséquent, la division générale n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’elle a décidé que l’article 153.161 ne permettait pas à la Commission de rendre une décision différée sur l’admissibilité.

La division générale n’a pas commis d’erreur de droit ou de fait ni omis d’analyser la preuve de façon significative lorsqu’elle a décidé que les approbations automatiques étaient des décisions initiales

[77] La division générale a décidé que chaque approbation automatique de la formation de la prestataire était une décision prise par la Commission relativement à la demande de la prestataireNote de bas de page 22.

[78] La division générale a abordé l’argument de la Commission selon lequel l’approbation automatique de la formation n’était pas une décision parce qu’elle était automatisée. La division générale a conclu que la Commission avait pris une décision lorsqu’elle a décidé, comme elle avait le choix de le faire ou non, d’autoriser automatiquement toute formation. Il s’agissait d’une décision consciente prise par la Commission compte tenu de la pandémie.

[79] La division générale a également souligné qu’il s’agit du système de la Commission et qu’elle en était responsable, de sorte que le changement visant à permettre automatiquement la formation était une décision consciente prise par la Commission compte tenu de la pandémie.

[80] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a décidé que les déclarations bimensuelles de la prestataire étaient des décisions initiales. Elle fait valoir que la division générale a confondu les conditions à remplir et l’admissibilité pour en arriver à cette conclusion. Elle n’a pas tenu compte de l’ensemble de la Loi et du sens juridique de l’expression « remplissait les conditions requises » dans la loi.

[81] La Commission soutient que la seule décision prise en matière d’admissibilité remonte au 27 octobre 2020, en ce qui concerne la période de formation de la prestataire du 28 septembre 2020 au 7 décembre 2020. La Commission affirme qu’aucune autre décision n’a été prise au sujet de l’admissibilité de la prestataire avant le 19 janvier 2022, et que cette décision se rapportait à la période du 16 décembre 2020 au 4 septembre 2021.

[82] La Commission soutient également que la division générale n’a pas tenu compte de la preuve et n’a pas pris celle‑ci en considération de façon significative lorsqu’elle a conclu que les énoncés du service de déclaration par Internet selon lesquels le paiement des prestations était autorisé ou permis représentaient une décision sur l’admissibilité.

[83] La Commission affirme que le service de déclaration par Internet n’a pas informé la prestataire que sa formation était approuvée ou qu’elle avait droit à des prestations d’assurance‑emploi. Elle a plutôt informé la prestataire que la période de formation était permise, mais qu’une preuve de sa disponibilité pour travailler pourrait être demandée ultérieurement et que cela pourrait avoir une incidence sur son admissibilité.Note de bas de page 23

[84] La Commission soutient que la division générale n’a pas tenu compte, en raison des modifications apportées à la Loi, du fait que ces mots signifiaient qu’une décision sur l’admissibilité n’avait pas encore été prise.

[85] La prestataire soutient que la division générale a conclu dans les faits que des décisions initiales d’approuver la formation de la prestataire ont été prises. Elle a conclu ce qui suitNote de bas de page 24 :

[traduction] « Cela signifie donc que toutes les prestations de la prestataire, du 28 septembre 2020 au 4 septembre 2021, ont fait l’objet d’une décision initiale de la Commission d’autoriser la formation et de verser des prestations à la prestataire […]. »

[86] La prestataire soutient que la conclusion de la division générale était étayée par la preuve et qu’elle ne devrait pas être modifiée.

[87] La prestataire affirme que les déclarations de la prestataire du 7 février 2021 et du 20 mai 2021 étaient des décisions initiales, car elles mentionnaient que la formation de la prestataire était permise dans ses déclarations de prestataireNote de bas de page 25.

[88] J’ai déjà abordé ci‑dessus le fait que la division générale n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’elle a décidé que l’article 153.161 de la Loi ne permettait pas à la Commission de reporter ses décisions sur l’admissibilité.

[89] La division d’appel ne peut intervenir qu’en présence de certains types d’erreurs de fait. Selon la loi, je ne peux intervenir que si la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée de façon perverse, capricieuse ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 26.

[90] Une conclusion de fait perverse ou capricieuse est une conclusion qui contredit carrément la preuve ou qui n’est pas étayée par celle‑ciNote de bas de page 27.

[91] Les conclusions de fait tirées sans tenir compte de la preuve comprendraient les circonstances où il n’y avait aucune preuve appuyant rationnellement une conclusion ou où le décideur n’a pas raisonnablement tenu compte de la preuve essentielle qui allait à l’encontre de ses conclusionsNote de bas de page 28.

[92] Je peux tenir pour acquis que la division générale a tenu compte de l’ensemble de la preuve, même si elle n’a pas mentionné tous les éléments de preuve. Toutefois, la division générale doit examiner des éléments de preuve importants, en particulier des éléments de preuve qui contredisent ses conclusionsNote de bas de page 29.

[93] Les déclarations bimensuelles mentionnent ce qui suit : [traduction] « Je déclare qu’autant que je sache, les réponses fournies aux questions dans la déclaration d’assurance‑emploi en ligne sont véridiques. Je comprends que ces renseignements serviront à évaluer mon admissibilité aux prestations d’assurance‑emploi. Je comprends que les renseignements que j’ai fournis peuvent faire l’objet d’une vérification et que le fait de donner de faux renseignements pour moi‑même ou pour quelqu’un d’autre que moi constitue une fraude. Je comprends également que des pénalités peuvent être imposées pour de fausses déclarations faites sciemment. »Note de bas de page 30

[94] Certaines déclarations bimensuelles mentionnaient également que [traduction] « la période de formation a été autorisée, mais une preuve de sa disponibilité pour travailler pourrait être demandée ultérieurement et cela pourrait avoir une incidence sur son admissibilité »Note de bas de page 31.

[95] La conclusion de fait de la division générale selon laquelle des décisions initiales ont été prises après le dépôt des déclarations bimensuelles de la prestataire était étayée par la preuve. Quelques‑unes des déclarations ont confirmé que la formation était permise. Cela ne signifie pas que l’admissibilité a été vérifiée. Cela signifie simplement qu’une décision a été prise selon laquelle la prestataire avait droit à des prestations continues compte tenu des renseignements limités contenus dans ces déclarations.

[96] Je tiens à souligner que le libellé des déclarations bimensuelles a été considérablement modifié en date du 5 septembre 2021. Comme la division générale l’a souligné, la déclaration bimensuelle du 5 septembre 2021 contenait une déclaration précise : [traduction] « Les détails de la formation que vous avez fournis ont été renvoyés à un Centre Service Canada pour examen. Votre paiement sera retardé jusqu’à ce qu’une décision soit prise. Avisez‑nous immédiatement lorsque vous aurez terminé votre cours ou si votre horaire change. »Note de bas de page 32

[97] Autrement dit, contrairement aux déclarations antérieures, en date du 5 septembre 2021, la déclaration bimensuelle mentionne clairement que, à ce moment‑là, la Commission était revenue à une décision différée sur l’admissibilité jusqu’à ce que les détails sur la formation aient été examinés.

[98] La division générale n’a pas abordé le libellé précis des déclarations bimensuelles. Toutefois, elle n’avait pas besoin de le faire, car ces éléments de preuve ne contredisent pas ses conclusions.

[99] Les déclarations selon lesquelles la prestataire comprend que ces renseignements serviront à déterminer son admissibilité aux prestations d’assurance‑emploi et que ces renseignements peuvent faire l’objet d’une vérification, ainsi qu’une déclaration selon laquelle la formation est autorisée, mais qu’une preuve de disponibilité pour travailler pourrait être demandée ultérieurement et que cela pourrait avoir une incidence sur l’admissibilité, ne signifient pas qu’une décision relative à l’admissibilité n’a pas été prise. Elles donnent plutôt à penser que la « vérification » de l’admissibilité n’a pas été effectuée.

[100] Je conclus que la division générale n’a pas commis d’erreur de droit ou de fait ou n’a pas omis d’analyser la preuve de façon significative lorsqu’elle a décidé que, jusqu’au 4 septembre 2021, les approbations automatiques représentaient des décisions initiales concernant l’admissibilité de la prestataire.

La division générale n’a pas tenu compte de la pertinence de l’article 153.161 en ce qui a trait à l’exercice par la Commission de son pouvoir discrétionnaire dans le nouvel examen de la demande

[101] En toute déférence, la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a évalué l’exercice par la Commission de son pouvoir discrétionnaire sans tenir compte de la pertinence de l’article 153.161 de la Loi à l’égard de cette décision.

[102] La division générale a décidé que la Commission n’avait pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a examiné de nouveau rétroactivement sa décision initiale pour la période du 28 septembre 2020 au 4 septembre 2021.

[103] La division générale a déclaré que c’était parce que la Commission avait tenu compte d’un fait non pertinent concernant le nombre d’heures que la prestataire a consacrées à ses études, qui n’était pas lié à la période à l’étude. De plus, la division générale a souligné que la Commission avait fait fi de faits pertinents, comme les périodes où la prestataire ne fréquentait pas l’école ou fréquentait l’école à temps partiel seulement. De plus, la division générale a déclaré que la Commission avait également négligé le fait pertinent que le versement de prestations à la prestataire à titre d’étudiante à temps plein avait déjà été approuvé jusqu’au 15 décembre 2020 et que son statut n’avait pas changé.

[104] La division générale a donc substitué sa propre décision à celle de la Commission et a décidé que, puisque rien dans la situation de la prestataire n’avait changé de façon à déclencher un nouvel examen des décisions initiales concluant qu’elle était disponible et qu’elle autorisait le versement des prestations, les décisions initiales relatives à l’admissibilité n’auraient pas dû être examinées de nouveau.

[105] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur dans son évaluation de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. La Commission soutient que la prestataire a déclaré que le nombre d’heures par semaine avait été porté à 30, ce qui a remis en question sa disponibilité antérieure. La Commission soutient qu’elle n’a pas fondé sa décision d’évaluer rétroactivement un trop‑payé sur la seule augmentation du nombre d’heures, mais qu’elle a tenu compte de tous les renseignements sur sa disponibilité, y compris le fait qu’elle suivait un programme à temps plein de quatre ans, qu’elle n’était pas disposée à interrompre ses études pour occuper un emploi convenable et qu’elle travaillait à temps partiel pendant qu’elle fréquentait l’école à temps plein.

[106] La Commission soutient en outre que, même si la division générale n’était peut‑être pas d’accord avec la façon dont elle a évalué ces facteurs, cela ne signifie pas qu’elle a agi de façon non judiciaire. Elle affirme qu’elle est liée par la Loi, qu’elle ne peut pas modifier les conditions et que la prestataire n’avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler, ce qui est une condition d’admissibilité.

[107] La prestataire soutient que la division générale n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle lorsqu’elle a décidé que la Commission n’avait pas exercé son pouvoir discrétionnaire correctement. Elle affirme que la division générale a eu raison de conclure que la Commission ne peut pas réexaminer une décision qui relève du jugement comme la disponibilité sans effet rétroactif en l’absence de nouveaux renseignements, ce qui est codifié dans la politique de réexamen de la CommissionNote de bas de page 33.

[108] La prestataire souligne qu’il est toujours loisible à la Commission de déclarer inadmissible rétroactivement un prestataire qui n’a pas été franc, et qu’elle peut examiner les faits et prendre une nouvelle décision déclarant le prestataire inadmissible à l’avenir. Mais elle ne peut pas jeter un regard nouveau sur les mêmes faits et modifier ou annuler une décision antérieure avec effet rétroactif.

[109] La prestataire soutient que la division générale a conclu à juste titre que la Commission n’était pas justifiée de réexaminer la demande au motif que la prestataire a déclaré dans sa demande de prestations qu’elle consacrait jusqu’à 24 heures par semaine aux études et que 16 mois plus tard, en janvier 2022, elle a déclaré y consacrer jusqu’à 30 heures par semaine.

[110] La prestataire soutient que la division générale a conclu dans les faits que la mention des 30 heures par semaine ne se rapportait pas à la période visée par la demande et que cette conclusion de fait n’a pas été remise en question. La prestataire soutient donc que la division générale a décidé à juste titre qu’il ne s’agissait pas d’un motif pertinent d’examiner de nouveau la demande.

[111] Je conclus que la division générale a commis une erreur de droit dans la façon dont elle a réexaminé l’exercice par la Commission de son pouvoir discrétionnaire.

[112] Comme il a été mentionné précédemment, ensemble, les articles 52 et 153.161 de la Loi confèrent à la Commission le pouvoir de vérifier rétroactivement l’admissibilité d’un prestataire, d’examiner de nouveau une demande et d’évaluer un trop‑payé, le cas échéant.

[113] Les pouvoirs de la Commission au titre des articles 52 et 153.161(2) de la Loi sont discrétionnaires. Cela signifie que la Commission peut vérifier l’admissibilité d’une personne aux prestations qu’elle a déjà reçues et qu’elle peut examiner de nouveau une demande, mais qu’elle n’est pas tenue de le faire.

[114] Les pouvoirs discrétionnaires doivent être exercés de manière judiciaire. Cela signifie que lorsque la Commission décide de vérifier l’admissibilité ou d’examiner de nouveau une demande, elle ne peut pas :

  • agir de mauvaise foi;
  • agir dans un but ou un motif inapproprié;
  • tenir compte d’un facteur non pertinent;
  • faire fi d’un facteur pertinent;
  • agir de manière discriminatoire.

[115] La Commission dispose d’une politique qui la guide dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 52 de la Loi. La politique prévoit que si la Commission a versé des prestations à tort, l’erreur sera corrigée alors et aucun trop‑payé ne sera créé à moins que l’erreur n’ait donné lieu à une décision contraire à la Loi. La politique prévoit qu’une demande ne sera examinée de nouveau que lorsqueNote de bas de page 34 :

  • il y a un moins‑payé de prestations;
  • des prestations ont été versées contrairement à la structure de la Loi (la politique mentionne que cela ne comprend pas la décision sur la disponibilité);
  • des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse;
  • le prestataire aurait dû savoir qu’il recevait des prestations auxquelles il n’avait pas droit..

[116] La politique prévoit que la Commission n’imposera une décision rétroactive qui donne lieu à un trop‑payé que si l’une des situations décrites ci‑dessus s’applique.

[117] La politique de réexamen de la Commission témoigne de la notion selon laquelle les prestataires devraient généralement être en mesure de se fier sur le fait que les décisions rendues par la Commission sont définitives.

[118] Toutefois, la politique de la Commission a été élaborée avant l’ajout de l’article 153.161 à la Loi. La politique ne renvoie pas à l’article 153.161 de la Loi ni ne fournit de directives sur la façon dont l’article 153.161 devrait éclairer l’exercice par la Commission de son pouvoir discrétionnaire au titre de l’article 52 de la Loi.

[119] L’article 153.161 a été ajouté à la Loi dans les circonstances extraordinaires de la pandémie. Le législateur a approuvé une procédure opérationnelle modifiée de la Commission. Le législateur a expressément donné à la Commission le pouvoir prévu à l’article 153.161 de reporter la vérification de l’admissibilité même après le versement des prestations.

[120] Il est important de noter que l’article 153.161 ne fait pas référence à la vérification de l’exactitude des renseignements fournis par un prestataire, mais plutôt à la vérification de l’admissibilité. J’en déduis que le législateur a expressément envisagé la possibilité que la Commission réexamine les demandes des étudiants en formation non dirigée, même si un prestataire avait déjà fourni des renseignements exacts, et même après le versement des prestations.

[121] Autrement dit, dans les circonstances particulières de la pandémie, avec la mise en œuvre de l’article 153.161, le législateur a signalé son souhait que le nouvel examen d’une demande dans des circonstances où une vérification est demandée et où un prestataire ne peut prouver son droit l’emporte sur le principe du caractère définitif.

[122] La division générale a porté son attention surtout sur le fait qu’aucun fait nouveau n’a permis à la Commission de modifier ses décisions initiales en matière d’admissibilité. Mais la division générale n’a pas tenu compte de la façon dont l’article 153.161 de la Loi aurait pu influer sur cette conclusion. Il s’agissait d’une disposition importante et pertinente à prendre en considération pour décider si le pouvoir discrétionnaire de la Commission avait été exercé de façon judiciaire.

[123] Comme la division générale a commis une erreur de droit, je peux intervenir et modifier la décision. Je n’ai pas à me demander si la division générale a commis d’autres erreursNote de bas de page 35.

Réparation

[124] Pour corriger l’erreur de la division générale, je peux renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen, ou je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 36.

[125] La prestataire soutient qu’il n’y a aucune erreur susceptible de révision et me demande de rejeter l’appel. Subsidiairement, elle soutient que si une décision doit être prise au sujet de sa disponibilité, cette question devrait être renvoyée à la division générale.

[126] La Commission demande que je substitue ma décision pour faire droit à l’appel et conclure que la prestataire n’avait pas droit à des prestations régulières d’assurance‑emploi du 28 septembre 2020 au 4 septembre 2021, parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler.

[127] Je conclus que les parties ont eu une audience complète et équitable sur la question de savoir si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, de sorte que je substituerai ma décision sur cette question.

La Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire correctement pour une partie seulement de la période visée

[128] Je conclus que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire pour vérifier l’admissibilité de la prestataire et examiner de nouveau la demande pour la période du 28 septembre 2020 au 15 décembre 2020.

[129] Toutefois, la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire pour vérifier l’admissibilité de la prestataire et examiner de nouveau la demande pour la période du 16 décembre 2020 au 4 septembre 2021.

[130] La prestataire a rempli un questionnaire sur la formation le 15 septembre 2020Note de bas de page 37. Elle a déclaré avoir suivi une formation à temps plein non dirigée du 9 septembre 2020 au 8 décembre 2020. Elle a déclaré qu’elle consacrait de 15 à 24 heures par semaine à sa formation, mais que ses obligations relatives aux cours étaient extérieures à ses heures de travail normales. Elle a souligné qu’elle était obligée d’assister aux cours. Elle a également dit qu’elle était aussi disponible pour travailler qu’elle l’avait été avant de commencer le cours, mais qu’elle ne quitterait pas le cours pour accepter un emploi. Elle a souligné que le coût de la période d’études était de 2 300 $.

[131] Un agent de la Commission a parlé à la prestataire le 27 octobre 2020 au sujet de sa formationNote de bas de page 38. Les notes de cette conversation indiquent que le principal problème était la disponibilité. Les notes mentionnent que la prestataire a déclaré qu’elle consacrait 20 heures par semaine aux études du 9 septembre 2020 au 15 décembre 2020.

[132] À ce moment‑là, l’agent de la Commission a conclu que la prestataire avait droit à des prestations pendant sa participation à une formation du 9 septembre 2020 au 15 décembre 2020. Les notes précisent ce qui suit : [traduction] « La prestataire a été informée de la décision, de son incidence sur la demande, de son droit de déposer une demande officielle de réexamen de la décision et du délai applicable »Note de bas de page 39.

[133] J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience devant la division générale. La prestataire a témoigné que la Commission avait communiqué avec elle parce qu’elle avait des réserves quant à sa disponibilité. Elle a déclaré qu’« elle » avait dit qu’elle examinerait cette question et qu’elle lui dirait si elle pouvait recevoir un paiement ou non. Elle a dit qu’immédiatement après cela, la Commission a accepté sa demande après avoir tout examinéNote de bas de page 40.

[134] Après avoir rempli un questionnaire sur la formation le 18 septembre 2021, la Commission a rédigé le 23 septembre 2021 des notes selon lesquelles le principal problème était la « disponibilité » et selon lesquelles le questionnaire électronique avait été rempli, mais la prestataire n’avait pas répondu à toutes les questions du questionnaireNote de bas de page 41.

[135] La Commission a tenté à plusieurs reprises de communiquer avec la prestataire par la suite, mais elle ne lui a parlé que le 11 janvier 2022Note de bas de page 42. À cette date, la Commission a obtenu des renseignements sur les études de la prestataire, selon lesquels cette dernière travaillait à temps partiel pendant ses études et suivait des cours d’été, de sorte qu’elle ne pouvait pas travailler à temps plein non plus.

[136] La Commission a également obtenu des renseignements selon lesquels la prestataire a dit qu’elle cherchait du travail à temps partiel. Elle a décrit le type d’emplois qu’elle cherchait, à savoir des emplois à temps partiel ou occasionnels. Elle a expliqué qu’elle occupait un emploi occasionnel, qu’elle acceptait des heures en fonction de sa disponibilité et qu’elle travaillait au moins 11 heures par semaine. Elle a également confirmé qu’elle accepterait un emploi pourvu qu’elle puisse reporter le début de cet emploi afin de finir le cours et qu’elle ne quitterait pas le cours pour travailler à temps plein. Le coût de son programme était de 3 000 $ par semestre et elle n’était disponible qu’après ses heures d’école ou lorsqu’elle n’était pas à l’école. Elle a dit consacrer plus de 30 heures par semaine à ses études.

[137] La prestataire a également décrit son horaire en classe d’alors et a noté qu’elle avait déjà travaillé chez un détaillant du 20 janvier 2020 au 18 mars 2020 pendant 25 heures en plus de ses 20 heures d’études.

[138] La Commission a ensuite décidé de rendre une décision selon laquelle la prestataire n’avait pas droit à des prestations d’assurance‑emploi à compter du 28 septembre 2020Note de bas de page 43.

[139] La Commission soutient qu’elle a pris cette décision au motif que la prestataire a déclaré qu’elle consacrait 30 heures par semaine à ses études, ce qui était différent de ce qu’elle avait déclaré initialement dans son questionnaire sur la formation du 15 septembre 2020, selon lequel elle consacrait de 15 à 24 heures par semaine à ses études, et des 20 heures déclarées à l’agent de la Commission.

[140] La Commission affirme que la déclaration d’une augmentation soudaine des heures d’études a raisonnablement remis en question sa disponibilité antérieure.

[141] La Commission soutient qu’elle a agi judiciairement en évaluant rétroactivement le trop‑payé. Elle affirme qu’elle a tenu compte des facteurs pertinents selon lesquels la prestataire suivait un programme d’études à temps plein toute l’année, qu’elle n’était pas disposée à interrompre ses études pour occuper un emploi convenable, qu’elle travaillait à temps partiel pendant ses études et qu’elle n’était disponible pour travailler que si ses études le permettaient. Compte tenu de ces facteurs, elle n’a pas été en mesure de prouver sa disponibilité pour travailler.

[142] La Commission soutient également que la prestataire a déclaré qu’elle était disponible pour travailler dans ses déclarations du prestataire, mais que cela n’était pas exact, car elle n’était pas disponible pour travailler.

[143] La Commission conteste la conclusion de fait de la division générale selon laquelle la déclaration des 30 heures consacrées aux études chaque semaine se rapportait à la date de l’appel téléphonique, le 11 janvier 2022Note de bas de page 44.

[144] La Commission affirme que la prestataire a eu l’occasion de préciser à quoi les 30 heures se rapportaient lorsqu’elle a parlé à l’agent de réexamen. L’agent de réexamen lui a demandé : [traduction] « Vous avez déclaré que vous consacriez généralement 30 heures par semaine à vos études, tout au long de celles‑ci, ce qui inclut le nombre d’heures passées en classe et le nombre d’heures à étudier par vous‑même. Est‑ce exact? » Elle a répondu : [traduction] « Oui, c’est exact. »Note de bas de page 45

[145] La prestataire soutient que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Elle a essentiellement changé les décisions qu’elle a prises sans qu’il y ait de nouveaux faits.

28 septembre 2020 au 15 décembre 2020

[146] Je conclus que la Commission a vérifié l’admissibilité de la prestataire à des prestations en vertu de l’article 153.161 pour la période du 9 septembre 2020 au 15 décembre 2020, lorsqu’elle a eu une conversation avec elle au sujet de sa formation le 27 octobre 2020. Je conclus que la Commission était convaincue que la prestataire avait prouvé sa disponibilité et qu’elle avait décidé que cette dernière avait droit à des prestationsNote de bas de page 46.

[147] Je conclus que la Commission a ensuite tenté de vérifier l’admissibilité de la prestataire pour la période du 9 septembre au 15 décembre 2020 et une deuxième fois le 11 janvier 2022. Parallèlement, la Commission a également tenté de vérifier l’admissibilité de la prestataire pour la période du 16 décembre 2020 au 4 septembre 2021, qu’elle n’avait pas vérifiée auparavant.

[148] Je ne vois aucune preuve que la Commission a agi de mauvaise foi, a tenu compte de facteurs non pertinents, a fait fi de facteurs pertinents ou a agi de manière discriminatoire lorsqu’elle a décidé de vérifier l’admissibilité de la prestataire à des prestations le 11 janvier 2022. L’augmentation du nombre d’heures déclarées a soulevé une question quant à sa disponibilité pour toute la période.

[149] Toutefois, je conclus que la Commission n’a pas exercé correctement son pouvoir discrétionnaire d’examiner de nouveau la demande pour la période du 28 septembre au 15 décembre 2020.

[150] La Commission soutient que, dans ses déclarations, la prestataire a fait de fausses déclarations selon lesquelles elle était disponible pour travailler. Mais je ne vois au dossier aucune preuve selon laquelle il s’agissait d’un facteur lorsque la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire d’examiner de nouveau la demande. La preuve permet de penser que la seule raison pour laquelle la demande a été examinée de nouveau était la décision de la Commission selon laquelle la prestataire n’avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler.

[151] La Commission souligne qu’un fait nouveau lui a permis de modifier sa décision initiale. Ce fait nouveau était que la prestataire consacrait 30 heures par semaine à ses études, plutôt que les 20 heures déclarées précédemment.

[152] La prestataire a déclaré 30 heures de formation le 11 janvier 2022. Je ne peux accepter à première vue la conclusion de fait de la division générale selon laquelle les 30 heures se rapportaient à la date de l’appel, car la division générale n’a pas abordé la preuve contradictoire selon laquelle la prestataire avait dit à l’agent de réexamen que les 30 heures se rapportaient à toute sa période d’études.

[153] Je vais donc tirer ma propre conclusion de fait sur ce point. Il est important à mon avis de souligner que la déclaration faisant mention de 30 heures a été faite le 11 janvier 2022. La déclaration initiale faisant mention de 20 heures a été faite le 27 octobre 2020, ce qui était beaucoup plus contemporain à la période d’études même de la prestataire. Donc, j’estime que la déclaration initiale faisant mention de 20 heures est celle des deux déclarations qui est la plus fiable quant aux heures consacrées à la formation. Je conclus donc qu’il n’y a pas eu d’augmentation des heures consacrées à la formation pour la période du 28 septembre au 15 décembre 2020. 20 heures étaient consacrées à la formation chaque semaine. Il ne s’agissait donc pas d’un facteur pertinent à prendre en compte dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’examiner de nouveau la demande.

[154] Dans les circonstances habituelles de vérification différée de l’admissibilité suivie d’un nouvel examen, je conclus que le pouvoir discrétionnaire de la Commission ne serait pas limité par les facteurs énoncés dans la politique de réexamen de la Commission, étant donné que cette politique a été mise en œuvre avant l’article 153.161 de la Loi et qu’elle n’a pas été prise en compte dans cette politique.

[155] Toutefois, dans les circonstances particulières de la présente affaire, où la Commission avait déjà vérifié l’admissibilité au moment de sa décision initiale à cet égard, j’estime que les facteurs énoncés dans cette politique sont pertinents. J’expliquerai cela plus en détail ci‑dessous.

[156] J’estime que les facteurs pertinents quant à l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission étaient les suivants :

  • La Commission a décidé que la prestataire n’avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler.
  • Une décision concernant la disponibilité n’est pas une décision contraire à la structure de la Loi.
  • L’article 153.161(2) de la Loi permettait à la Commission de vérifier l’admissibilité même après le versement des prestations.
  • La Commission avait déjà vérifié l’admissibilité de la prestataire le 27 octobre 2020 pour la période du 9 septembre au 15 décembre 2020.
  • La prestataire n’a fait aucune déclaration fausse ou trompeuse
  • La prestataire ne pouvait pas savoir qu’elle n’avait pas droit à des prestations d’assurance‑emploi, puisqu’on lui a dit qu’elle y avait droit pour cette période.

[157] Lorsque la Commission a décidé d’examiner de nouveau la demande, elle n’a pas tenu compte du fait pertinent qu’elle avait déjà vérifié l’admissibilité de la prestataire le 27 octobre 2020, pour la période du 9 septembre au 15 décembre 2020. Elle n’a donc pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

[158] Je peux donc substituer ma décision à celle de la Commission. C’est parce que je rends la décision que la division générale aurait dû rendre et que la division générale peut rendre la décision que la Commission aurait dû rendre.

[159] Les facteurs qui jouent en faveur du nouvel examen sont le fait que la Commission a été autorisée à vérifier la demande de la prestataire après le versement des prestations en vertu de l’article 153.161(2) de la Loi et que la Commission avait décidé que la prestataire n’avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler. Les autres facteurs s’opposent au nouvel examen.

[160] En l’absence de l’article 153.161 de la Loi, la politique de la Commission sur le nouvel examen serait pertinente et, selon cette politique, la demande ne serait pas examinée de nouveau. Malgré l’article 153.161 de la Loi, dans les circonstances particulières de la présente affaire, j’estime que les facteurs et les principes énoncés dans la politique de la Commission sur le nouvel examen sont pertinents.

[161] L’article 153.161(2) visait à permettre le report d’une vérification lorsqu’il n’était pas possible d’effectuer celle‑ci au moment où la décision relative à l’admissibilité était prise. Dans ces circonstances, la politique sur le nouvel examen ne s’applique pas, car elle ne tient pas compte du fait que l’article 153.161(2) permettait une vérification différée de l’admissibilité.

[162] Mais la vérification différée de l’admissibilité n’a pas eu lieu ici. L’admissibilité de la prestataire a plutôt été vérifiée le 27 octobre 2020 et la décision selon laquelle elle avait droit à des prestations a été prise. Je crois donc que les facteurs énoncés dans la politique sur le nouvel examen s’appliquent. L’article 153.161(2) n’était pas censé servir à la vérification de l’admissibilité une deuxième fois après que la Commission aurait déjà vérifié l’admissibilité, ce qui s’est produit en l’espèce.

[163] Compte tenu de tous les facteurs pertinents, je conclus que le principe du caractère définitif l’emporte sur le fait que la Commission a décidé que la prestataire n’était pas disponible pour travailler en l’espèce. La Commission a eu l’occasion de vérifier l’admissibilité de la prestataire avant de prendre une décision et elle l’a fait.

[164] La décision sur la disponibilité n’était pas contraire à la structure de la Loi. Il n’y a aucune preuve de déclarations fausses ou trompeuses de la part de la prestataire. La prestataire ne pouvait pas savoir qu’elle n’avait pas droit aux prestations, car on lui avait dit qu’elle y avait droit. Si la Commission a commis une erreur dans sa décision initiale, cette erreur ne devrait pas être examinée aux dépens de la prestataire.

[165] Par conséquent, la demande pour la période du 28 septembre au 15 décembre 2020 ne doit pas être examinée de nouveau. Cela signifie que la décision initiale du 27 octobre 2020 est rétablie et qu’il n’y a pas de trop‑payé pour la période du 28 septembre au 15 décembre 2020.

16 décembre 2020 au 4 septembre 2021

[166] Je conclus que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire pour la période du 16 décembre 2020 au 4 septembre 2021.

[167] Pour cette période, la Commission n’avait vérifié l’admissibilité que le 11 janvier 2022. Elle a alors décidé que la prestataire n’avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler.

[168] Le fait que la prestataire a été honnête dans ses déclarations est pertinent. Toutefois, le fait que la Commission n’avait pas vérifié l’admissibilité de la prestataire auparavant pour cette période et que, lorsqu’elle l’a fait, elle a décidé que la prestataire n’avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler est également pertinent.

[169] Comme il a été mentionné précédemment, l’article 153.161 ne fait pas référence à la vérification de l’exactitude des renseignements fournis par un prestataire, mais plutôt à la vérification de l’admissibilité.

[170] Le législateur a expressément envisagé la possibilité que la Commission examine de nouveau des demandes concernant des étudiants en formation non dirigée, même si un prestataire avait déjà fourni des renseignements exacts, et même après le versement des prestations.

[171] Je conclus donc que, pour cette période, la décision de la Commission selon laquelle la prestataire n’a pas pu prouver sa disponibilité pour travailler l’emporte sur le principe du caractère définitif.

[172] La Commission a examiné de nouveau la demande dans le délai permis de 36 mois.

[173] La Commission a pris en considération tous les renseignements pertinents lorsqu’elle a décidé d’examiner de nouveau la demande. La prestataire n’a fourni aucun nouveau fait pertinent en ce qui concerne l’exercice du pouvoir discrétionnaire lors de l’audience tenue devant la division générale. Rien n’indique que la Commission a tenu compte de renseignements non pertinents ou a agi de mauvaise foi ou de manière discriminatoire.

[174] Puisque la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire pour examiner de nouveau la demande pour la période du 16 décembre 2020 au 4 septembre 2021, je ne peux intervenir dans cette décision.

Disponibilité pour travailler du 16 décembre 2020 au 4 septembre 2021

[175] J’estime que le dossier n’est pas assez complet pour que je puisse trancher cette question.

[176] Il y a des lacunes dans la preuve. Par exemple, il y a eu des périodes importantes au cours desquelles la prestataire n’était pas aux études, mais la preuve relative au critère juridique de la disponibilité n’a pas été examinée pour ces périodes.

[177] Je conclus donc qu’il est nécessaire de renvoyer la question de la disponibilité de la prestataire pour travailler du 16 décembre 2020 au 4 septembre 2021 à la division générale pour nouvel examen.

Conclusion

[178] Il est fait droit à l’appel en partie.

[179] La division générale a commis une erreur de droit dans la façon dont elle a évalué l’exercice par la Commission de son pouvoir discrétionnaire.

[180] La Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en examinant de nouveau la demande du 28 septembre au 15 décembre 2020. La demande ne doit pas être examinée de nouveau pour cette période. Cela signifie que la décision de la Commission du 19 janvier 2022 est annulée pour cette période seulement et que la décision initiale de la Commission du 27 octobre 2020 est rétablie.

[181] La Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en examinant de nouveau la demande du 16 décembre 2020 au 4 septembre 2021.

[182] Toutefois, je renvoie l’appel à la division générale pour réexamen de la question de savoir si la prestataire est disponible pour travailler du 16 décembre 2020 au 4 septembre 2021.

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