Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : RL c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 233

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelant : R. L.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (0) datée du 8 novembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 18 janvier 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 20 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-3638

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec le prestataireNote de bas de page 1.

[2] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi).

[3] Cela signifie que le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi pendant la période de sa suspensionNote de bas de page 2.

Aperçu

[4] L’employeur du prestataire a mis en place une politique qui exigeait que tous les employés attestent leur statut vaccinal en lien avec la COVID-19. Les employés qui n’avaient pas été vaccinés au 14 novembre 2021 et qui n’avaient pas d’exemption de vaccination approuvée seraient mis en congé administratif sans solde. L’employeur du prestataire l’a mis en congé administratif sans solde parce qu’il ne s’était pas conformé à sa politiqueNote de bas de page 3.

[5] La Commission a examiné les raisons pour lesquelles le prestataire ne travaillait pas. Elle a décidé que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi)Note de bas de page 4. C’est pourquoi la Commission a décidé que le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[6] Le prestataire n’est pas d’accord avec la Commission. Il affirme que la Commission ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver l’inconduite. Le prestataire affirme que sa conduite n’était pas une inconduite au sens de ce terme. Sa convention collective ou son offre d’emploi ne l’obligent pas à se faire vacciner. Le prestataire soutient qu’il n’y a eu aucun changement dans sa situation et qu’il est retourné au travail.

Questions que j’ai examinées en premier

L’appel du prestataire a été renvoyé à la division générale

[7] Le prestataire a d’abord interjeté appel de son refus de prestations d’assurance‑emploi auprès de la division générale du Tribunal en mai 2022. Son appel a été rejeté de façon sommaireNote de bas de page 5. Le prestataire a interjeté appel de cette décision auprès de la division d’appel du Tribunal.

[8] La division d’appel du Tribunal a ordonné que l’appel soit renvoyé à la division générale pour qu’un autre membre du Tribunal tienne une audience sur le fondNote de bas de page 6.

[9] Cette décision découle de l’audience sur le fond.

L’employeur n’est pas mis en cause dans l’appel

[10] Il arrive parfois que le Tribunal envoie à l’employeur d’un prestataire une lettre dans laquelle il demande s’il souhaite être mis en cause dans l’appel. Dans la présente affaire, le Tribunal a fait parvenir une lettre à l’employeur. Ce dernier n’y a pas répondu.

[11] Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas ajouter l’employeur comme mis en cause dans le présent appel, car rien dans le dossier ne me laisse croire que ma décision imposerait une obligation juridique à l’employeur.

Le prestataire n’était pas en congé

[12] Dans le contexte de la Loi, une période de congé volontaire nécessite l’accord de l’employeur et du prestataire. Elle doit également comporter une date de fin convenue entre le prestataire et l’employeurNote de bas de page 7.

[13] Dans le cas du prestataire, son employeur a mis fin à son emploi lorsqu’il a été mis en congé sans solde.

[14] Aucune preuve au dossier d’appel ne démontre que le prestataire a demandé ou accepté de prendre une période de congé sans solde. Il a témoigné qu’il n’avait pas accepté de prendre une période de congé sans solde.

[15] L’article de la Loi portant sur l’inadmissibilité en raison d’une suspension fait référence aux agissements d’un prestataire qui mènent à son chômage. Il indique qu’un prestataire suspendu de son emploi en raison de son inconduite n’est pas admissible au bénéfice des prestationsNote de bas de page 8.  

[16] Comme il est indiqué plus loin, la preuve montre que c’est la conduite du prestataire, c’est‑à‑dire son refus de se conformer à la politique sur la vaccination, qui l’a amené à ne pas travailler après le 12 novembre 2021. Je suis convaincue que, aux fins de la Loi, la situation du prestataire pour la période de congé sans solde postérieure au 12 novembre 2021 peut être considérée comme une suspensionNote de bas de page 9.

J’accepte les documents envoyés après l’audience

[17] À l’audience, le prestataire a fait référence à l’offre d’emploi qu’il a reçue de son employeur et l’a envoyée au Tribunal après l’audience. Il a également envoyé une copie d’un document intitulé « Hearing Points » sur lequel il s’est fondé pour faire valoir son argument à l’audience.

[18] J’ai décidé d’accepter les documents en preuve, car les renseignements qu’ils contenaient ont été mentionnés à l’audience et sont pertinents à la question faisant l’objet de l’appel.

[19] Une copie des documents a été envoyée à la Commission. Au moment de la rédaction de la présente décision, elle n’a présenté aucune observation sur ces documents.

Question en litige

[20] Le prestataire a‑t‑il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[21] Selon la loi, le prestataire ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi s’il perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique que l’employeur vous ait congédié ou suspenduNote de bas de page 10.

[22] Je dois décider si le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Pour ce faire, je dois trancher deux éléments. Premièrement, je dois établir pourquoi le prestataire a été suspendu de son emploi. Je dois ensuite déterminer si la loi considère que la raison pour laquelle le prestataire a été suspendu de son emploi constitue une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi?

[23] Je conclus que le prestataire a été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[24] L’employeur du prestataire a adopté une politique de vaccination contre la COVID-19. La politique exigeait que tout le personnel atteste son statut vaccinal contre la COVID-19 d’ici le 29 octobre 2021 et qu’il soit entièrement vacciné d’ici les deux semaines suivant cette date.

[25] Le prestataire a témoigné qu’il n’a pas attesté son statut vaccinal.

[26] Le dossier d’appel comporte un relevé d’emploi émis pour le prestataire le 3 décembre 2021. Il est indiqué que la raison de l’émission est « Autre » et dans la section des commentaires, il est écrit « Congé pour non‑conformité à la politique de vaccination de l’employeur, veuillez traiter comme le code M ». Le code « M » est le code d’un « congédiement ou suspension ».

[27] La preuve m’indique que le prestataire a été suspendu de son emploi parce qu’il n’a pas été entièrement vacciné, comme l’exige la politique de l’employeur.

Le motif de la suspension du prestataire est‑il une inconduite au sens de la loi?

[28] Oui, le motif de la suspension du prestataire est une inconduite en vertu de la loi et au sens de la Loi.

Ce que dit la loi

[29] La Loi ne dit pas ce que signifie une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des tribunaux judiciaires et administratifs) nous indique comment déterminer si le congédiement du prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi. La jurisprudence énonce le critère juridique applicable à l’inconduite, à savoir les questions et les critères que je peux prendre en considération pour examiner la question de l’inconduite.

[30] D’après la jurisprudence, pour constituer une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 11. L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 12. Le prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 13. Autrement dit, l’inconduite, comme le terme est utilisé dans le contexte de la Loi et du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement), n’exige pas qu’un employé agisse avec une intention malveillante, comme certains pourraient le supposer.

[31] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit suspendu ou congédiéNote de bas de page 14.

[32] Une violation voulue de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduiteNote de bas de page 15.

[33] La Commission doit prouver que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Par conséquent, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 16.

Ce que je peux décider

[34] J’ai le pouvoir de trancher seulement les questions qui sont prévues dans la Loi. Je ne peux rendre aucune décision quant à savoir si le prestataire a d’autres options selon d’autres lois ou devant d’autres tribunes. Il ne m’appartient pas de me prononcer sur la question de savoir si la convention collective du prestataire ou son offre d’emploi ont été enfreintes ou si l’employeur aurait dû adopter des mesures raisonnables (mesures d’adaptation) à l’égard du prestataireNote de bas de page 17. Je ne peux examiner qu’une chose : la question de savoir si ce que le prestataire a fait ou a omis de faire constitue une inconduite au sens de la Loi.

[35] La Cour d’appel fédérale (CAF) s’est prononcée dans l’affaire intitulée Canada (Procureur général) c McNamaraNote de bas de page 18. M. McNamara, congédié de son emploi en vertu de la politique de son employeur en matière de dépistage de drogues, a soutenu qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance‑emploi parce que les mesures prises par son employeur concernant son congédiement n’étaient pas correctes.

[36] En réponse à ces arguments, la Cour d’appel fédérale a déclaré que, selon une jurisprudence de la Cour, dans les cas d’inconduite, la question « [n’est pas] de dire si le congédiement d’un employé était ou non injustifié; plutôt […] de dire si l’acte ou l’omission reprochés à l’employé était effectivement constitutif d’une inconduite au sens de la Loi ».  La Cour a poursuivi en soulignant que, dans l’interprétation et l’application de la Loi, « ce qu’il convient à l’évidence de retenir ce n’est pas le comportement de l’employeur, mais bien celui de l’employé ».  Elle a indiqué que l’employé qui fait l’objet d’un congédiement injustifié « a, pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance‑emploi les contribuables canadiens fassent les frais du comportement incriminé ».

[37] Une décision plus récente a été rendue, soit la décision intitulée Paradis c Canada (Procureur général)Note de bas de page 19. Comme M. McNamara, M. Paradis a été congédié après avoir eu un résultat positif à un test de dépistage de drogues. Ce dernier a fait valoir qu’il avait été congédié à tort et que les résultats des tests indiquaient qu’il n’avait pas les facultés affaiblies au travail. Il a affirmé que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à ses propres politiques et à la législation provinciale sur les droits de la personne. La Cour fédérale s’est fondée sur l’arrêt McNamara et a déclaré que la conduite de l’employeur ne constitue pas un facteur pertinent pour trancher la question de l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 20.

[38] Une autre décision semblable a été rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Mishibinijima c Canada (Procureur général)Note de bas de page 21. M. Mishibinijima a perdu son emploi pour des raisons liées à une dépendance à l’alcool. Il a soutenu que son employeur était tenu de lui offrir des mesures d’adaptation parce que la dépendance à l’alcool a été reconnue comme une déficience. La Cour a encore affirmé que l’accent est mis sur ce que l’employé a fait ou non, et que le fait que l’employeur n’a pas pris de mesures pour aider son employé n’est pas une question pertinenteNote de bas de page 22.

[39] Ces cas ne concernent pas les politiques de vaccination contre la COVID-19; toutefois, les principes dans ces cas demeurent pertinents.

[40] Il y a une décision très récente de la Cour fédérale, Cecchetto c Procureur général du Canada, 2023 CF 102 (Cecchetto), qui se rapporte à la politique de vaccination d’un employeur contre la COVID-19. Le demandeur, M. Cecchetto, a fait valoir que la division générale et la division d’appel du Tribunal n’ont jamais répondu de façon satisfaisante à ses questions sur l’innocuité et l’efficacité des vaccins contre la COVID-19 et sur les tests antigéniques. Il a également déclaré qu’aucun décideur n’avait abordé la façon dont une personne pourrait être forcée de prendre un médicament non testé ou d’effectuer un test lorsqu’il viole l’intégrité corporelle fondamentale et équivaut à de la discrimination fondée sur des choix médicaux personnelsNote de bas de page 23.

[41] En rejetant l’affaire, la Cour fédérale a écrit :

[Traduction]

Bien que le demandeur soit clairement frustré qu’aucun des décideurs n’ait abordé ce qu’il considère comme les questions juridiques ou factuelles fondamentales qu’il soulève – par exemple en ce qui concerne l’intégrité corporelle, le consentement aux tests médicaux, l’innocuité et l’efficacité des vaccins contre la COVID-19 ou les tests antigéniques […] Le problème principal de l’argument du demandeur est qu’il reproche aux décideurs de ne pas traiter un ensemble de questions qu’ils ne sont pas autorisés à aborder en vertu de la loiNote de bas de page 24. 

[42] La Cour fédérale a également écrit :

[Traduction]

La [division générale du Tribunal de la sécurité sociale] et la division d’appel ont un rôle important, mais étroit et précis à jouer dans le système juridique. En l’espèce, ce rôle consistait à déterminer pourquoi le demandeur avait été congédié de son emploi et si ce motif constituait une « inconduite »Note de bas de page 25.

[43] La jurisprudence indique clairement que mon rôle ne consiste pas à examiner la conduite ou les politiques de l’employeur et à déterminer s’il avait raison de placer le prestataire en congé sans solde (suspension), s’il a omis de prendre des mesures d’adaptation à son égard, si la politique de vaccination était en conflit avec les autres politiques de l’employeur ou si elle violait la convention collective ou l’offre d’emploi du prestataire. Je dois plutôt concentrer mon examen sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi

Les observations de la Commission

[44] La Commission affirme que le prestataire a été informé de la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur, y compris des conséquences en cas de non‑conformité. Elle dit que, dans son cas, parce que le refus du prestataire n’était pas dû à des raisons médicales ou religieuses, elle peut conclure qu’il a causé sa propre suspension de son emploi. La Commission affirme que, comme le prestataire a été informé de la politique, y compris des conséquences de la non‑conformité, bien avant la date limite, la Commission ne pouvait donc que conclure que sa suspension constitue une inconduite au sens de la Loi.

Les observations du prestataire

[45] Le prestataire soutient que la Commission n’a fourni aucune preuve démontrant qu’il a commis une inconduite. Il affirme qu’il n’a pas commis d’inconduite au sens où ce terme est défini et que la Commission n’a pas satisfait au critère juridique en matière d’inconduite. Le prestataire a fait valoir qu’il travaillait de la maison au moment où l’employeur a présenté sa politique et que sa non‑conformité à celle‑ci ne nuisait pas à sa capacité de s’acquitter des fonctions envers son employeur. Le prestataire a déclaré qu’il était retourné au travail sans que rien n’ait changé dans son statut et que seule la vision politique a changé lorsque la politique a été suspendue.

[46] Le prestataire a fait valoir que la jurisprudence invoquée par la Commission ne s’applique pas au contexte de sa situation. Il a souligné dans la décision AL c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2022 TSS 14, qu’un membre du Tribunal a reconnu que les décisions d’un employé de ne pas se faire vacciner ou d’attester la vaccination ne constituent pas une inconduiteNote de bas de page 26. Il affirme qu’il n’y a eu aucun manquement au devoir dans son contrat de travail. Selon lui, la politique requiert une procédure médicale intrusive. Le prestataire soutient qu’en tant que citoyen canadien, la décision de préserver son autonomie médicale et sa vie privée est un droit. Il affirme que l’exercice de ces droits n’équivaut pas à une inconduite entraînant le refus des droits à l’assurance‑emploi.

[47] Le prestataire soutient que pour constituer une inconduite, son geste doit être délibéré ou nuire à l’exécution du travail. La politique a été imposée par l’employeur. Il affirme que le fait de s’abstenir de faire quelque chose suscite un risque de glissement et que sa non‑attestation, son inaction dans ce cas‑ci, ne satisfait pas au critère de l’inconduite. Il ne croit pas que l’inaction peut être délibérée, de sorte que la Commission n’a pas satisfait à tous les éléments du critère d’inconduite.

[48] Le prestataire soutient qu’il a cotisé au régime d’assurance‑emploi et qu’il devrait recevoir les prestations lorsqu’il en a besoin.

Le témoignage du prestataire

[49] Le prestataire a affirmé qu’il a pris connaissance de la politique de l’employeur dans des courriels. Il a dit ne pas avoir attesté son statut vaccinal. Le prestataire a déclaré qu’il a le droit à la vie privée en ce qui concerne ses renseignements médicaux et le droit à l’autonomie corporelle en tant que citoyen canadien. Le prestataire a témoigné avoir lu dans la politique qu’il devait attester son statut vaccinal, sinon il serait mis en congé.   

[50] Le prestataire a témoigné qu’il travaillait à domicile. Lorsqu’on lui a posé la question, il a répondu qu’il avait une entente de travail provisoire et que si cette entente n’était pas en place, il pourrait être tenu de travailler au bureau. Le prestataire a noté que l’entente de travail n’avait pas été annulée. Il a dit qu’au moment de son embauche, il avait signé une offre d’emploi qui ne comportait pas d’exigence de vaccination. Le prestataire a témoigné que sa convention collective ne contient pas d’exigence de vaccination. Le prestataire était membre du syndicat lorsque son employeur l’a mis en congé sans solde. Il a contacté son syndicat, qui a refusé de le représenter.

Mes conclusions

[51] Je conclus que la Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite. Voici les motifs pour lesquels je suis arrivée à cette conclusion.

[52] Je dois me conformer aux décisions de la Cour fédérale. Je commettrais une erreur de droit si je me concentrais sur la conduite de l’employeur, qui comprend la prise de décisions en vertu d’autres lois ou d’une convention collective sur la question de savoir si l’employeur était correct ou s’il était légal pour l’employeur de créer, de mettre en œuvre et d’appliquer une politique. Je n’ai pas compétence pour le faire. Le Tribunal possède une expertise dans l’interprétation et l’application de la Loi et du Règlement à la situation du prestataire et à la décision de la Commission. Selon les décisions des Cours fédérales, y compris sa plus récente décision dans l’affaire Cecchetto, c’est tout ce que le Tribunal devrait faire.

[53] Les questions juridiques, éthiques et factuelles fondamentales au sujet des vaccins contre la COVID et des mandats liés à la COVID mis en place par les gouvernements et les employeurs dépassent la portée des appels devant le Tribunal.

[54] Je n’ai pas le mandat ou la compétence d’évaluer le bien‑fondé, la légitimité ou la légalité des directives gouvernementales et des politiques de l’employeur visant à lutter contre la pandémie de COVID ou de statuer à cet égard. Le prestataire dispose d’autres moyens de contester ces directives et politiques.

[55] Les dispositions de la convention collective du prestataire ne sont pas pertinentes à la question dont je suis saisie. Cela s’explique par le fait qu’une allégation de violation d’une convention collective est formulée et tranchée au moyen d’un processus prévu dans la convention collective (comme convenu par les parties à cette convention collective). Les critères juridiques appliqués dans les arbitrages pour décider des sanctions disciplinaires diffèrent de ceux qui sont appliqués pour décider si une inconduite a eu lieu au sens de la LoiNote de bas de page 27.

[56] Je tiens également à souligner que même si la convention collective contient des conditions d’emploi, il existe, à mon avis, d’autres documents, comme des descriptions de travail et des politiques, qui peuvent imposer une obligation à un employé.

[57] Le prestataire a présenté son offre d’emploi (l’offre) pour étayer sa position selon laquelle il n’était pas tenu de se conformer à la politique parce qu’elle ne figurait pas dans l’offre. J’ai examiné l’offre et je conviens que c’est le cas. Toutefois, l’offre souligne que le [traduction] « poste du prestataire est assujetti à la convention collective pertinente et à la Directive sur les conditions d’emploi ». Aucun de ces deux documents n’a été déposé en preuve. Néanmoins, si je devais fonder ma décision sur le contenu de l’offre et si l’employeur a enfreint les modalités de l’offre, je commettrais une erreur de droit, car cela signifierait que j’utilise les modalités de ce document pour rendre ma décision. Les tribunaux ont clairement dit que je ne peux le faire.    

[58] Le prestataire a fait valoir que je devrais me conformer à la décision AL c CAEC, une décision rendue par un autre membre du Tribunal.

[59] Dans la décision AL c CAEC, la prestataire était employée par un hôpital lorsque son employeur a instauré une politique exigeant que tout le personnel soit vacciné contre la COVID-19. Le membre du Tribunal a accueilli l’appel de AL en se fondant sur l’interprétation qu’il a faite des dispositions de la convention collective pour conclure qu’il n’y avait pas eu d’inconduite et que AL avait un « droit à l’intégrité corporelle ».  

[60] Je n’ai pas à me conformer à d’autres décisions de notre Tribunal. Je peux m’appuyer sur elles pour me guider si je les trouve persuasives et utilesNote de bas de page 28.

[61] Je ne vais pas me conformer à la décision AL c CAEC pour deux raisons. Premièrement, les circonstances dans la décision AL ne sont pas les mêmes que celles du prestataireNote de bas de page 29. Deuxièmement, à mon avis, les conclusions et le raisonnement invoqués par le membre ne suivent pas les règles de la Cour fédérale que je suis tenue d’appliquer pour décider si un prestataire a été suspendu de son emploi ou s’il a perdu son emploi en raison de son inconduite. Si je devais me conformer au raisonnement énoncé dans la décision AL c CAEC, en examinant si la politique de l’employeur respectait la convention collective ou si elle était prescrite par la loi, je commettrais une erreur de droit parce que je me concentrerais sur les actions de l’employeur. Or, les tribunaux ont été très clairs : je ne suis pas autorisée à le faire.

[62] Je crois que l’employeur a le droit de gérer ses activités quotidiennes, ce qui comprend le droit d’élaborer et d’instaurer des politiques en milieu de travail. Quand l’employeur du prestataire a fait de sa politique de vaccination contre la COVID-19 une exigence pour l’ensemble de son personnel, elle est devenue du même coup une condition expresse d’emploi pour le prestataireNote de bas de page 30.

[63] Le prestataire a fait valoir qu’il n’a pas à se conformer à la politique de l’employeur parce qu’il a droit à la vie privée et à son autonomie corporelle. La Cour fédérale a déclaré dans la décision Cecchetto qu’en droit, je ne suis pas autorisé à aborder cet argumentNote de bas de page 31.

[64] Le prestataire a fait valoir qu’il travaillait à domicile et que, par conséquent, sa non‑conformité à la politique de l’employeur ne nuisait pas à sa capacité d’exercer ses fonctions. Il ne m’appartient pas de décider s’il était raisonnable ou nécessaire pour l’employeur d’étendre les exigences en matière d’attestation et de vaccination aux employés, comme le prestataire, qui ont un arrangement de travail à domicile. Cela ne relève pas de ma compétence et de mon expertise.

Le prestataire a été suspendu en raison de son inconduite

[65] Le 6 octobre 2021, l’employeur du prestataire a instauré une politique exigeant que tout le personnel atteste son statut vaccinal contre la COVID-19 avant la date limite d’attestation du 29 octobre 2021 et qu’il soit entièrement vacciné contre la COVID-19. La politique prévoyait une exemption à la vaccination pour des raisons médicales ou religieuses. Deux semaines après la date limite d’attestation, les membres du personnel qui n’avaient pas rempli l’attestation, qui n’étaient pas entièrement vaccinés ou qui n’avaient pas obtenu d’exemption de vaccination seraient mis en congé administratif sans solde.

[66] Le prestataire n’a pas rempli le formulaire d’attestation.

[67] Le prestataire a témoigné qu’il avait lu la politique de l’employeur. Il savait que son employeur exigeait qu’il remplisse le formulaire d’attestation, qu’il soit vacciné et que des exemptions à la politique pouvaient être accordées. Il savait que s’il ne remplissait pas l’attestation, il serait mis en congé administratif sans solde. La preuve établit que le prestataire savait qu’il serait suspendu (mis en congé administratif sans solde) s’il n’avait pas attesté son statut vaccinal avant la date limite d’attestation.  

[68] Le prestataire n’a pas rempli le formulaire d’attestation et il n’avait pas d’exemption à la vaccination. Par conséquent, je conclus que le prestataire a fait le choix conscient, voulu et délibéré de ne pas se conformer à la politique de l’employeur alors qu’il savait qu’en agissant de la sorte, il pouvait vraiment être suspendu (mis en congé sans solde) et ne pas être en mesure de s’acquitter des fonctions qui lui incombaient. En conséquence, je conclus que la Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu en raison de son inconduite au sens de la Loi et de la jurisprudence décrite ci‑dessus.

Donc, le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

[69] Selon mes conclusions ci‑dessus, je conclus que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

Autres arguments

[70] Le prestataire a déclaré qu’il a fallu plus de quatre mois à la Commission pour décider qu’elle ne lui verserait pas de prestations d’assurance‑emploi. Cela ne respectait pas les normes de service de la Commission. Le prestataire a fait valoir qu’il a cotisé au régime d’assurance‑emploi et qu’il devrait recevoir des prestations lorsqu’il en a besoin. La perte de revenus pendant la suspension lui a causé du stress et des difficultés financières.

[71] Le fait de cotiser au programme d’assurance‑emploi ne donne pas automatiquement à une personne le droit recevoir des prestations d’assurance‑emploi lorsqu’elle est en chômage. Comme dans le cas des autres programmes d’assurance, la personne doit remplir les conditions requises pour recevoir des prestations. Le prestataire ne remplit pas les conditions parce qu’il a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, de sorte qu’il ne satisfait pas aux exigences de la loi.

Conclusion

[72] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi pendant la période de la suspension.

[73] Par conséquent, l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.