Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 234

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : A. S.
Intimée : Commission de l’assurance emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance emploi du Canada (0) datée du 7 novembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience  : Le 17 janvier 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 20 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-3636

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec le prestataireNote de bas page 1.

[2] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Cela signifie que le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi pendant la période de sa suspensionNote de bas page 2.

Aperçu

[3] L’employeur du prestataire a mis en place une politique qui exigeait que tous les employés attestent leur statut vaccinal en lien avec la COVID-19. Les employés qui n’avaient pas été vaccinés au 14 novembre 2021 et qui n’avaient pas d’exemption de vaccination approuvée seraient mis en congé administratif sans solde. L’employeur du prestataire l’a mis en congé administratif sans solde parce qu’il ne s’était pas conformé à sa politiqueNote de bas page 3.

[4] La Commission a examiné les raisons pour lesquelles le prestataire ne travaillait pas. Elle a décidé que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi)Note de bas page 4. C’est pourquoi la Commission a décidé que le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[5] Le prestataire n’est pas d’accord avec la Commission. Il affirme qu’il travaillait à distance de son domicile et que son non‑respect de la politique de l’employeur n’a pas nui à l’exécution de ses obligations envers son employeur. Il ajoute que son employeur a confirmé qu’il n’a pas été suspendu pour inconduite.

Questions que j’ai examinées en premier

L’appel du prestataire a été renvoyé à la division générale

[6] Le prestataire a d’abord interjeté appel de son refus de prestations d’assurance‑emploi auprès de la division générale du Tribunal en juin 2022. Son appel a été rejeté de façon sommaireNote de bas page 5. Le prestataire a interjeté appel de cette décision auprès de la division d’appel du Tribunal.

[7] La division d’appel du Tribunal a ordonné que l’appel soit renvoyé à la division générale pour qu’un autre membre du Tribunal tienne une audience sur le fondNote de bas page 6.

[8] Cette décision découle de l’audience sur le fond.

L’employeur n’est pas mis en cause dans l’appel

[9] Il arrive parfois que le Tribunal envoie à l’employeur d’un prestataire une lettre dans laquelle il demande s’il souhaite être mis en cause dans l’appel. Dans la présente affaire, le Tribunal a fait parvenir une lettre à l’employeur. Ce dernier n’y a pas répondu.

[10] Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas ajouter l’employeur comme mis en cause dans le présent appel, car rien dans le dossier ne me laisse croire que ma décision imposerait une obligation juridique à l’employeur.

Le prestataire n’était pas en congé

[11] Dans le contexte de la Loi, une période de congé volontaire nécessite l’accord de l’employeur et du prestataire. Elle doit également comporter une date de fin convenue entre le prestataire et l’employeurNote de bas page 7.

[12] Dans le cas du prestataire, son employeur a mis fin à son emploi lorsqu’il a été mis en congé sans solde.

[13] Aucune preuve au dossier d’appel ne démontre que le prestataire a demandé ou accepté de prendre une période de congé sans solde. Il a témoigné qu’il n’avait pas accepté de prendre une période de congé sans solde.

[14] L’article de la Loi portant sur l’inadmissibilité en raison d’une suspension fait référence aux agissements d’un prestataire qui mènent à son chômage. Il indique qu’un prestataire suspendu de son emploi en raison de son inconduite n’est pas admissible au bénéfice des prestationsNote de bas page 8.

[15] Comme il est indiqué plus loin, la preuve montre que c’est la conduite du prestataire, c’est‑à‑dire son refus de se conformer à la politique sur la vaccination, qui l’a amené à ne pas travailler après le 12 novembre 2021. Je suis convaincue que, aux fins de la Loi, la situation du prestataire pour la période de congé sans solde postérieure au 12 novembre 2021 peut être considérée comme une suspensionNote de bas page 9.

J’accepte les documents envoyés après l’audience

[16] À l’audience, le prestataire s’est reporté au Code de conduite de son employeur et l’a envoyé au Tribunal après l’audience.

[17] J’ai décidé d’accepter le document en preuve, car les renseignements qu’il contenait étaient mentionnés à l’audience.

[18] Une copie du document a été envoyée à la Commission. Au moment de la rédaction de la présente décision, elle n’a présenté aucune observation sur ce document.

Question en litige

[19] Le prestataire a‑t‑il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[20] Selon la loi, le prestataire ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi s’il perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique que l’employeur vous ait congédié ou suspenduNote de bas page 10.

[21] Pour établir si le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite, je dois trancher deux points. Premièrement, je dois établir pourquoi le prestataire a été suspendu de son emploi. Je dois ensuite déterminer si la loi considère que la raison pour laquelle le prestataire a été suspendu de son emploi constitue une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi?

[22] Je conclus que le prestataire a été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[23] L’employeur du prestataire a adopté une politique de vaccination contre la COVID-19. La politique exigeait que tout le personnel atteste son statut vaccinal contre la COVID-19 d’ici le 29 octobre 2021 et qu’il soit entièrement vacciné dans les deux semaines suivant cette date.

[24] Le prestataire a témoigné que l’attestation de vaccination devait être remplie au moyen d’un outil en ligne. Il a dit qu’il n’avait pas utilisé l’outil en ligne pour attester son statut vaccinal. Il n’a pas été vacciné pour la COVID-19 avant la date limite.

[25] L’employeur a confirmé dans un courriel avoir envoyé une lettre au prestataire le 15 novembre 2021 indiquant que la raison pour laquelle il avait été mis en congé administratif sans solde était le non‑respect de la politique de l’employeur. Le prestataire ne conteste pas qu’il a été mis en congé administratif pour ne pas s’être conformé à la politique de l’employeur.

[26] La preuve m’indique que le prestataire a été suspendu de son emploi parce qu’il n’a pas rempli le formulaire d’attestation et n’a pas été entièrement vacciné, comme l’exige la politique de l’employeur.

Le motif de la suspension du prestataire est‑il une inconduite au sens de la loi?

[27] Oui, le motif de la suspension du prestataire est une inconduite en vertu de la loi et au sens de la Loi.

Ce que dit la loi

[28] La Loi ne dit pas ce que signifie une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des tribunaux judiciaires et administratifs) nous indique comment déterminer si le congédiement du prestataire découle d’une inconduite au sens de la Loi. La jurisprudence énonce le critère juridique applicable à l’inconduite, à savoir les questions et les critères que je peux prendre en considération pour examiner la question de l’inconduite.

[29] D’après la jurisprudence, pour constituer une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 11. L’inconduite comprend aussi une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéré.Note de bas page 12. Le prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loi.Note de bas page 13 Autrement dit, l’inconduite, comme le terme est utilisé dans le contexte de la Loi et du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement), n’exige pas qu’un employé agisse avec une intention malveillante, comme certains pourraient le supposer.

[30] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit suspendu ou congédiéNote de bas page 14.

[31] Une violation voulue de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduiteNote de bas page 15.

[32] La Commission doit prouver que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Par conséquent, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 16.

Ce que je peux décider

[33] J’ai le pouvoir de trancher seulement les questions qui sont prévues dans la Loi. Je ne peux rendre aucune décision quant à savoir si le prestataire a d’autres options selon d’autres lois ou devant d’autres tribunes. Il ne m’appartient pas de me prononcer sur la question de savoir si la convention collective du prestataire a été enfreinte ou si l’employeur aurait dû adopter des mesures raisonnables (mesures d’adaptation) à l’égard du prestataireNote de bas page 17. Je ne peux examiner qu’une chose : la question de savoir si ce que le prestataire a fait ou a omis de faire constitue une inconduite au sens de la Loi.

[34] La Cour d’appel fédérale (CAF) s’est prononcée dans l’affaire intitulée Canada (Procureur général) c McNamaraNote de bas page 18. M. McNamara, congédié de son emploi en vertu de la politique de son employeur en matière de dépistage de drogues, a soutenu qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance‑emploi parce que les mesures prises par son employeur concernant son congédiement n’étaient pas correctes.

[35] En réponse à ces arguments, la Cour d’appel fédérale a déclaré que, selon une jurisprudence de la Cour, dans les cas d’inconduite, la question « [n’est pas] de dire si le congédiement d’un employé était ou non injustifié; plutôt […] de dire si l’acte ou l’omission reprochés à l’employé était effectivement constitutif d’une inconduite au sens de la Loi ». La Cour a poursuivi en soulignant que, dans l’interprétation et l’application de la Loi, « ce qu’il convient à l’évidence de retenir ce n’est pas le comportement de l’employeur, mais bien celui de l’employé ». Elle a indiqué que l’employé qui fait l’objet d’un congédiement injustifié « a, pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance‑emploi les contribuables canadiens fassent les frais du comportement incriminé ».

[36] Une décision plus récente a été rendue, soit la décision intitulée Paradis c Canada (Procureur général)Note de bas page 19. Comme M. McNamara, M. Paradis a été congédié après avoir eu un résultat positif à un test de dépistage de drogues. Ce dernier a fait valoir qu’il avait été congédié à tort et que les résultats des tests indiquaient qu’il n’avait pas les facultés affaiblies au travail. Il a affirmé que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à ses propres politiques et à la législation provinciale sur les droits de la personne. La Cour fédérale s’est fondée sur l’arrêt McNamara et a déclaré que la conduite de l’employeur ne constitue pas un facteur pertinent pour trancher la question de l’inconduite au sens de la LoiNote de bas page 20.

[37] Une autre décision semblable a été rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Mishibinijima c Canada (Procureur général)Note de bas page 21. M. Mishibinijima a perdu son emploi pour des raisons liées à une dépendance à l’alcool. Il a soutenu que son employeur était tenu de lui offrir des mesures d’adaptation parce que la dépendance à l’alcool a été reconnue comme une déficience. La Cour a encore affirmé que l’accent est mis sur ce que l’employé a fait ou non, et que le fait que l’employeur n’a pas pris de mesures pour aider son employé n’est pas une question pertinenteNote de bas page 22.

[38] Ces cas ne concernent pas les politiques de vaccination contre la COVID-19; toutefois, les principes dans ces cas demeurent pertinents.

[39] Il y a une décision très récente de la Cour fédérale, Cecchetto v Procureur général du Canada, 2023 CF 102 (Cecchetto), qui se rapporte à la politique de vaccination d’un employeur contre la COVID-19. Le demandeur, M. Cecchetto, a fait valoir que la division générale et la division d’appel du Tribunal n’ont jamais répondu de façon satisfaisante à ses questions sur l’innocuité et l’efficacité des vaccins contre la COVID-19 et sur les tests antigéniques. Il a également déclaré qu’aucun décideur n’avait abordé la façon dont une personne pourrait être forcée de prendre un médicament non testé ou d’effectuer un test lorsqu’il viole l’intégrité corporelle fondamentale et équivaut à de la discrimination fondée sur des choix médicaux personnelsNote de bas page 23.

[40] En rejetant l’affaire, la Cour fédérale a écrit :

[Traduction]

Bien que le demandeur soit clairement frustré qu’aucun des décideurs n’ait abordé ce qu’il considère comme les questions juridiques ou factuelles fondamentales qu’il soulève – par exemple en ce qui concerne l’intégrité corporelle, le consentement aux tests médicaux, l’innocuité et l’efficacité des vaccins contre la COVID-19 ou les tests antigéniques […] Le problème principal de l’argument du demandeur est qu’il reproche aux décideurs de ne pas traiter un ensemble de questions qu’ils ne sont pas autorisés à aborder en vertu de la loiNote de bas page 24.

[41] La Cour fédérale a également écrit :

[Traduction]

La [division générale du Tribunal de la sécurité sociale] et la division d’appel ont un rôle important, mais étroit et précis à jouer dans le système juridique. En l’espèce, ce rôle consistait à déterminer pourquoi le demandeur avait été congédié de son emploi et si ce motif constituait une « inconduite »Note de bas page 25.

[42] La jurisprudence indique clairement que mon rôle ne consiste pas à examiner la conduite ou les politiques de l’employeur et à déterminer s’il avait raison de placer le prestataire en congé sans solde (suspension), s’il a omis de prendre des mesures d’adaptation à son égard, si la politique de vaccination était en conflit avec les autres politiques de l’employeur ou si elle violait la convention collective du prestataire. Je dois plutôt concentrer mon examen sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi

Les observations de la Commission

[43] La Commission dit avoir conclu que le refus du prestataire de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur constituait une inconduite au sens de la Loi parce qu’il a délibérément refusé de se conformer à la politique et parce qu’il existe un lien de causalité clair entre ce refus et la suspension de l’emploi. La Commission a déclaré que le prestataire savait que le défaut de se conformer à la politique entraînerait une perte d’emploi. Elle dit donc, sur la base de la preuve fournie qu’elle considère que le comportement du prestataire est la cause directe de la suspension et constitue une inconduite au sens de la Loi.

Les observations du prestataire

[44] Le prestataire a fait valoir que son employeur lui avait confirmé qu’il n’était pas suspendu pour inconduite. Il affirme que son patron est le mieux placé pour décider si ce qu’il a fait était une inconduite.

[45] Le prestataire a témoigné qu’il a entendu parler de la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur lorsqu’il e a été question au travail. Il a parlé de la politique à son superviseur. Il a affirmé que son superviseur avait déclaré qu’il ne pouvait pas être en désaccord avec la position du prestataire selon laquelle la politique ne pouvait pas prévaloir sur la Charte canadienne des droits et libertés ou la Déclaration canadienne des droits.

[46] Le prestataire a témoigné qu’il n’a pas attesté son statut vaccinal. Il a examiné le formulaire d’attestation de vaccination en ligne. Il a conclu que le formulaire ne permettait de répondre que par « oui » ou par « non ».

[47] Le prestataire a témoigné que le processus des mesures d’adaptation se faisait en ligne individuellement. Une personne ouvrait une session et l’employeur était en mesure de voir les renseignements saisis. Il a lu les documents en ligne sur la façon de remplir les formulaires. Il en a discuté avec son superviseur. Le prestataire a déclaré que le système ne lui permettait pas de présenter adéquatement son dossier. Il n’a pas utilisé le système pour faire une demande de mesures d’adaptation.

[48] Le prestataire a déclaré qu’il avait demandé une mesure d’adaptation [traduction] « sans utiliser le bouton ». Le prestataire a témoigné qu’il avait discuté de vive voix d’une exemption avec son superviseur. Il a expliqué au superviseur qu’il aimait respirer et vivre et qu’il ne voulait donc pas se faire vacciner contre la COVID-19. Il craignait d’avoir une réaction négative au vaccin contre la COVID-19 parce qu’il avait réagi à un autre vaccin par le passé. Il a posé des questions sur les solutions de rechange, mais aucune n’était apparente et aucune n’a été proposée. Le prestataire a expliqué qu’il n’avait pas demandé une exemption fondée sur des motifs religieux parce qu’il ne croyait pas qu’il était approprié d’être interrogé sur ses croyances religieuses en milieu de travail.

[49] Le superviseur du prestataire a parlé à un agent de Service Canada le 31 mars 2022. Le superviseur a dit qu’il avait rencontré tout le personnel, y compris le prestataire, pour s’assurer qu’il comprenait la politique et les répercussions du non‑respect. Le prestataire ne le conteste pas.

[50] Le prestataire a fait valoir que sa situation est semblable à celle qui est exposée dans la décision AL c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2022 TSS 1428 (AL)Note de bas page 26. Il a fait remarquer que dans la décision AL, le membre du Tribunal a conclu que la convention collective de l’appelante ne contenait rien pour permettre à l’employeur d’adopter une politique médicale pour son personnel. Le prestataire a envoyé au Tribunal une copie d’une convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) qui porte sur la classification du prestataire. Le prestataire est membre de l’IPFPC. Il a fait valoir que sa convention collective ne comporte aucune disposition relative à la vaccination. Par conséquent, il pense que son employeur ne peut pas non plus élaborer une politique en dehors de la convention collective.

[51] Le prestataire a soumis le Code de conduite de l’employeur (le Code). Il affirme que la politique de vaccination s’oppose directement au Code et qu’il ne peut pas se conformer aux deux. Il a discuté de ses préoccupations avec son superviseur. Le prestataire a déclaré qu’il était dans une situation où il devait se conformer à deux politiques qui étaient en contradiction. Il a déclaré que la Commission choisit les politiques à respecter, mais qu’en ce qui concerne la décence commune, le sens et la courtoisie, elle échoue.

Mes conclusions

[52] Je conclus que la Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite. Voici les motifs pour lesquels je suis arrivée à cette conclusion.

[53] Je dois me conformer aux décisions de la Cour fédérale. Je commettrais une erreur de droit si je me concentrais sur la conduite de l’employeur, qui comprend la prise de décisions en vertu d’autres lois ou d’une convention collective sur la question de savoir si l’employeur était correct ou s’il était légal pour l’employeur de créer, de mettre en œuvre et d’appliquer une politique. Je n’ai pas compétence pour le faire. Le Tribunal possède une expertise dans l’interprétation et l’application de la Loi et du Règlement à la situation du prestataire et à la décision de la Commission. Selon les décisions des Cours fédérales, y compris sa plus récente décision dans l’affaire Cecchetto, c’est tout ce que le Tribunal devrait faire.

[54] Les questions juridiques, éthiques et factuelles fondamentales au sujet des vaccins contre la COVID et des mandats liés à la COVID mis en place par les gouvernements et les employeurs dépassent la portée des appels devant le Tribunal.

[55] Je n’ai pas le mandat ou la compétence d’évaluer le bien‑fondé, la légitimité ou la légalité des directives gouvernementales et des politiques de l’employeur visant à lutter contre la pandémie de COVID ou de statuer à cet égard. Le prestataire dispose d’autres moyens de contester ces directives et politiques.

[56] Les dispositions de la convention collective du prestataire ne sont pas pertinentes à la question dont je suis saisie. Cela s’explique par le fait qu’une allégation de violation d’une convention collective est formulée et tranchée au moyen d’un processus prévu dans la convention collective (comme convenu par les parties à cette convention collective). Les critères juridiques appliqués dans les arbitrages pour décider des sanctions disciplinaires diffèrent de ceux qui sont appliqués pour décider si une inconduite a eu lieu au sens de la LoiNote de bas page 27.

[57] Je tiens également à souligner que même si la convention collective contient des conditions d’emploi, il existe, à mon avis, d’autres documents, comme des descriptions de travail et des politiques, qui peuvent imposer une obligation à un employé. De plus, la convention collective du prestataire contient une clause sur les droits de gestion qui stipule ce qui suit : [traduction] « L’Institut reconnaît que l’employeur conserve l’ensemble des fonctions, droits et pouvoirs et de l’autorité que l’employeur n’a pas expressément abrégés, délégués ou modifiés par la présente convention ». Je ne m’appuie pas sur cette condition de la convention collective pour rendre ma décision, mais je la fournis ici pour illustrer que la convention collective reconnaît qu’il existe des droits de gestion qui pourraient ne pas être visés par la convention collective.

[58] Le prestataire a fait valoir que je devrais me conformer à la décision AL, une décision rendue par un autre membre du Tribunal.

[59] Dans la décision AL, la prestataire était employée par un hôpital lorsque son employeur a instauré une politique exigeant que tout le personnel soit vacciné contre la COVID-19. Le membre du Tribunal a accueilli l’appel de AL en se fondant sur l’interprétation qu’il a faite des dispositions de la convention collective pour conclure qu’il n’y avait pas eu d’inconduite et que AL avait un « droit à l’intégrité corporelle ».

[60] Je n’ai pas à me conformer à d’autres décisions de notre Tribunal. Je peux m’appuyer sur elles pour me guider si je les trouve persuasives et utilesNote de bas page 28.

[61] Je ne vais pas me conformer à la décision AL pour deux raisons. Premièrement, les circonstances dans la décision AL ne sont pas les mêmes que celles du prestataireNote de bas page 29. Deuxièmement, à mon avis, les conclusions et le raisonnement invoqués par le membre ne suivent pas les règles de la Cour fédérale que je suis tenue d’appliquer pour décider si un prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Si je devais me conformer au raisonnement énoncé dans la décision AL, en examinant si la politique de l’employeur respectait la convention collective ou ses autres politiques, je commettrais une erreur de droit parce que je me concentrerais sur les actions de l’employeur. Or, les tribunaux ont été très clairs : je ne suis pas autorisée à le faire.

[62] Je crois qu’un employeur a le droit de gérer ses activités quotidiennes, ce qui comprend le droit d’élaborer et d’instaurer des politiques en milieu de travail. Quand l’employeur du prestataire a fait de sa politique de vaccination contre la COVID-19 une exigence pour l’ensemble de son personnel, elle est devenue du même coup une condition expresse d’emploi pour le prestataireNote de bas page 30.

[63] Le prestataire a fait valoir que son employeur a dit que le congé administratif sans solde n’était pas attribuable à une inconduite. Il affirme que son employeur est le mieux placé pour déterminer si ce qu’il a fait était une inconduite. La Cour d’appel fédérale a examiné cette question et a conclu que la qualification par un employeur des motifs de suspension ou de congédiement d’un employé n’est pas déterminante pour établir si l’employé a perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la LoiNote de bas page 31. Par conséquent, la qualification par l’employeur de la raison pour laquelle le prestataire ne travaillait pas n’est pas déterminante de la question faisant l’objet de l’appel.

Le prestataire a été suspendu en raison de son inconduite

[64] Le 6 octobre 2021, l’employeur du prestataire a instauré une politique exigeant que tout le personnel atteste son statut vaccinal contre la COVID-19 avant la date limite d’attestation du 29 octobre 2021 et qu’il soit entièrement vacciné contre la COVID-19 dans les deux semaines suivant cette date limite. La politique prévoyait une exemption à la vaccination pour des raisons médicales ou religieuses. Deux semaines après la date limite d’attestation, les membres du personnel qui n’avaient pas rempli l’attestation, qui n’étaient pas entièrement vaccinés ou qui n’avaient pas obtenu d’exemption de vaccination seraient mis en congé administratif sans solde.

[65] Le prestataire n’a pas rempli le formulaire d’attestation. Il a posé des questions sur les solutions de rechange à la vaccination et a discuté avec son superviseur des raisons pour lesquelles il n’avait pas été vacciné. Cependant, il n’a pas utilisé le système de l’employeur pour demander une exemption. Il n’a pas obtenu d’exemption de vaccination et est demeuré non vacciné à la date limite d’attestation.

[66] Le prestataire a témoigné qu’il avait lu la politique de l’employeur. Il savait que son employeur exigeait qu’il soit vacciné et que des exemptions à la politique pouvaient être accordées. Bien qu’il ait discuté des raisons pour lesquelles il n’avait pas été vacciné avec un superviseur, il n’a pas demandé d’exemption. Il savait que s’il n’avait pas d’exemption et qu’il demeurait non vacciné deux semaines après la date limite d’attestation, il serait mis en congé administratif sans solde.  La preuve démontre clairement que le prestataire savait qu’il serait suspendu (mis en congé administratif sans solde) s’il n’était pas vacciné dans les deux semaines suivant la date limite d’attestation.

[67] Le prestataire n’a pas rempli le formulaire d’attestation, il n’avait pas d’exemption à la vaccination et il est demeuré non entièrement vacciné contre la COVID-19 dans les deux semaines suivant la date limite d’attestation. Par conséquent, je conclus que le prestataire a fait le choix conscient, voulu et délibéré de ne pas se conformer à la politique de l’employeur alors qu’il savait qu’en agissant de la sorte, il pouvait vraiment être suspendu (mis en congé sans solde) et ne pas être en mesure de s’acquitter des fonctions qui lui incombaient. En conséquence, je conclus que la Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu en raison de son inconduite au sens de la Loi et de la jurisprudence décrite ci‑dessus.

Donc, le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

[68] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées ci‑dessus, je juge que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

Conclusion

[69] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[70] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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