Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TM c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2022 TSS 1662

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : T. M.
Représentante : M. G.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (451278) datée du 15 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 29 juin 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’appelante
Date de la décision : Le 20 juillet 2022
Numéro de dossier : GE-22-986

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). La prestataire est donc inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploiFootnote 1.

Aperçu

[3] L’employeur de la prestataire a mis cette dernière en congé sans solde. Il a affirmé qu’il l’a mise en congé sans solde parce qu’elle a refusé de se conformer à sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19. La Commission a d’abord décidé que la prestataire n’avait pas droit à des prestations d’assurance‑emploi parce qu’elle avait pris une période de congé sans justification.

[4] La prestataire a demandé une révision de la décision de la Commission. La Commission a modifié sa décision et conclu qu’il y avait eu non pas un « congé sans justification », mais une « inconduite prouvée » par suite du défaut de la prestataire de se conformer à la politique de vaccination obligatoire de son employeur.

[5] La prestataire nie avoir commis une inconduite. Elle a demandé une exemption à l’obligation de vaccination en raison de ses croyances et pour des raisons médicales. Son employeur a rejeté sa demande d’exemption. La prestataire n’a pas été en mesure de fournir les documents médicaux nécessaires à l’appui de sa demande d’exemption pour des raisons médicales parce qu’elle n’a pu consulter un médecin spécialiste avant la date limite fixée dans la politique. Elle affirme qu’elle ne refuse pas de se faire vacciner et qu’elle est prête à se faire vacciner si le spécialiste dit qu’elle peut être vaccinée.

Questions que je dois d’abord examiner

L’employeur n’est pas mis en cause

[6] Il arrive parfois que le Tribunal envoie à l’ancien employeur d’un prestataire une lettre dans laquelle il demande s’il souhaite être mis en cause dans l’appel. Dans la présente affaire, le Tribunal a envoyé une lettre à l’employeur. Ce dernier n’y a pas répondu.

[7] Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas ajouter l’employeur comme mis en cause dans le présent appel, car rien dans le dossier ne me laisse croire que ma décision imposerait une obligation juridique à l’employeur.

La prestataire n’était pas en congé volontaire

[8] La représentante de la prestataire a fait valoir que la prestataire n’avait pas quitté volontairement son emploi. Elle a déclaré que la prestataire n’avait pas le choix et qu’elle n’avait pas choisi de prendre un congé sans solde. Elle a fait valoir en outre que l’omission de se conformer à la politique de l’employeur avait échappé au contrôle de la prestataire. Elle a dit qu’il y avait un motif valable compte tenu de toutes les circonstances. L’employeur de la prestataire a instauré une politique qui prévoyait un délai de deux semaines pour s’y conformer. La prestataire a dit à son employeur qu’elle tentait de faire effectuer les évaluations médicales pour pouvoir se faire vacciner.

[9] Dans le contexte de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi), et l’employeur et le prestataire doivent consentir à une période de congé volontaire. Celle‑ci doit également comporter une date de fin dont conviennent le prestataire et l’employeurFootnote 2.

[10] Aucune preuve dans le dossier d’appel ne démontre que la prestataire a accepté de prendre une période de congé à compter du 27 septembre 2021Footnote 3.

[11] L’article de la Loi portant sur l’inadmissibilité en raison d’une suspension fait référence aux agissements d’un prestataire qui mènent à son chômage. Il mentionne qu’un prestataire suspendu de son emploi en raison de son inconduite n’est pas admissible au bénéfice des prestations (mis en évidence par la soussignée)Footnote 4. La preuve démontre que c’est en raison de la conduite de la prestataire que l’emploi de cette dernière a cessé. Je suis convaincue que, aux fins de la Loi, la situation de la prestataire peut être considérée comme une suspension.

Ma compétence est limitée

[12] La prestataire a d’abord été suspendue de son emploi parce qu’elle ne s’était pas conformée aux exigences de l’employeur en matière de tests. Elle a par la suite été congédiée. Le dossier d’appel montre que la prestataire a demandé des prestations d’assurance‑emploi après sa suspension.

[13] Ma compétence, c’est‑à‑dire ma capacité de rendre une décision sur un appel, ne prend naissance qu’après que la Commission a rendu une décision en révision que la prestataire choisit ensuite de porter en appel. En l’espèce, la Commission a pris uniquement une décision initiale et examiné de nouveau sa décision de ne pas verser de prestations d’assurance‑emploi à la prestataire parce qu’elle a été suspendue en raison d’une inconduite. Je rendrai donc une décision sur cette question seulement.

Question en litige

[14] La prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[15] Pour décider si la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite, je dois régler deux choses. Premièrement, je dois établir pourquoi la prestataire a été suspendue. Je dois ensuite déterminer si la loi considère que les motifs de la suspension constituent une inconduite au sens de la Loi.

Pourquoi la prestataire a-t-elle été suspendue?

[16] Je conclus que la prestataire a été suspendue parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de l’employeur sur la vaccination obligatoire.

[17] La prestataire a témoigné que, le 7 septembre 2021, elle a reçu une copie de la politique de l’employeur exigeant la vaccination contre la COVID-19. Tous les employés devaient s’y conformer au plus tard le 20 septembre 2021 en fournissant une preuve de vaccination ou une raison médicale documentée pour laquelle ils n’étaient pas entièrement vaccinés, ou une preuve écrite d’une exemption véritable fondée sur le Code des droits de la personne. Les employés non vaccinés qui n’obtenaient pas d’exemption fondée sur des raisons médicales ou le Code des droits de la personne devaient assister à une séance de formation et fournir une preuve qu’ils avaient reçu une première dose du vaccin au plus tard le 8 octobre 2021 et une deuxième dose au plus tard le 31 octobre 2021.

[18] La prestataire a déclaré qu’elle avait dit à son employeur le 21 septembre 2021 qu’elle tentait de faire notarier sa demande d’exemption fondée sur ses croyances. Une partie de cette demande d’exemption reposait sur ses préoccupations au sujet de sa capacité (médicalement) à recevoir le vaccin. La prestataire a témoigné qu’elle avait eu une réaction à un vaccin qu’elle avait reçu pendant son enfance. Elle a été atteinte d’une forme grave de la maladie contre laquelle elle avait été vaccinée. Elle craignait que cela se produise si elle se faisait vacciner contre la COVID-19. La prestataire a déclaré que son employeur avait répondu qu’elle avait jusqu’au 7 octobre 2021 pour se faire vacciner, si elle n’avait pas obtenu de son médecin l’approbation de sa décision de ne pas se faire vacciner.

[19] La prestataire a été en congé de maladie les 22, 23 et 24 septembre 2021. Son superviseur l’a appelée pour lui dire que, parce qu’elle n’était pas vaccinée, elle devait obtenir une note de son médecin pour s’absenter du travail. La prestataire a consulté son médecin le 28 septembre 2021; elle a été mise en congé pour stress à compter du 24 septembre 2021. Le médecin en a attesté dans une note que la prestataire a remise à son employeur.

[20] La prestataire a témoigné que, le 27 septembre 2021, elle avait eu une réunion en ligne avec son superviseur. Son représentant syndical était présent. Elle avait effectué un test antigénique rapide qui a révélé un résultat négatif pour la COVID-19. Son superviseur n’a pas voulu voir les résultats. Elle a soumis sa demande d’exemption fondée sur ses croyances religieuses à l’employeur le 27 septembre 2021. Sa demande de travail à domicile pendant que l’employeur examinait sa demande d’exemption a été refuséeFootnote 5. La prestataire a été mise en congé le 27 septembre 2021.

[21] Je déduis de la preuve que la prestataire a été suspendue lorsqu’elle n’a présenté aucune preuve de vaccination contre la COVID-19 ou n’a obtenu aucune exemption approuvée au plus tard le 20 septembre 2021, comme l’exigeait son employeur.

Le motif de la suspension de la prestataire est‑il une inconduite au sens de la loi?

[22] Oui, le motif de la suspension de la prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[23] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleFootnote 6. L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréFootnote 7. La prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, elle n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiFootnote 8.

[24] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et qu’il existait une possibilité réelle d’être suspendue pour cette raisonFootnote 9.

[25] La Commission doit prouver que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Par conséquent, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduiteFootnote 10.

[26] La Commission a fait valoir que la prestataire était au courant de la politique et des exigences de s’y conformer, à défaut de quoi elle s’exposait à des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’à un congé sans solde ou un licenciement. Elle affirme que la prestataire ne s’est pas conformée en fournissant les formulaires d’exemption requis ou en satisfaisant à l’obligation de se faire vacciner. La Commission poursuit en disant que l’omission de la prestataire de se conformer à la politique a entraîné son congédiement. Elle affirme que ces gestes étaient conscients, car la prestataire avait été informée à maintes reprises de la politique et des conséquences de l’omission de s’y conformer.

[27] La prestataire a témoigné qu’elle a présenté sa demande d’exemption fondée sur des motifs religieux le 27 septembre 2021. Un représentant de l’employeur a dit à un agent de Service Canada que le formulaire d’exemption fondée sur des croyances religieuses exigeait qu’il soit rempli par un chef spirituelFootnote 11. La représentante de l’employeur a déclaré que la prestataire avait elle‑même rempli le formulaire et déclaré qu’elle était catholique. L’employeur a répondu par une lettre d’un évêque catholique mentionnant que les catholiques peuvent recevoir le vaccin.

[28] La prestataire a témoigné que, lorsqu’elle a consulté son médecin le 28 septembre 2021, c’était pour faire remplir le formulaire médical requis pour son congé de maladie des 22, 23 et 24 septembre 2021 et discuter de ses préoccupations au sujet de la vaccination. La prestataire a déclaré que son médecin comprenait ses préoccupations étant donné la réaction qu’elle avait eue par le passé après avoir reçu un vaccin.

[29] La prestataire a consulté un allergologue (Dr P.), qui a rédigé une note datée du 29 septembre 2021. La note disait ceci :

[traduction]

[La prestataire] a été reçue en consultation le 29 septembre 2021. Elle a obtenu une exemption temporaire à la vaccination contre la COVID-19 jusqu’à ce que ses investigations cliniques soient terminées. N’hésitez pas à communiquer avec moi si vous avez besoin de plus amples renseignements.

[30] La prestataire a dit qu’elle avait appelé son employeur à quelques reprises. Elle a « reçu comme réponse » que sa demande d’exemption pour motif religieux avait été refusée. La prestataire a déclaré que le formulaire d’exemption pour des raisons médicales exigeait qu’elle soit allergique à un ou deux ingrédients du vaccin. Elle a dit que le médecin ne pouvait pas remplir le formulaire tant que les tests de dépistage de ces ingrédients n’étaient pas effectués.

[31] La prestataire a remis la note du Dr P. à son employeur. Le représentant de l’employeur a dit à un agent de Service Canada que la prestataire avait demandé une exemption pour des raisons de santé, mais que le formulaire approprié n’avait pas été rempli par un médecin. L’employeur a confirmé à l’agent que le formulaire se rapportait spécifiquement à deux exemptions : l’anaphylaxie ou les antécédents de myocardite/péricardite. L’employeur a déclaré que l’examen médical de la prestataire ne faisait état ni de l’un ni de l’autreFootnote 12.

[32] Le Dr P. a dirigé la prestataire vers un autre spécialiste (Dr J.). Elle devait avoir un rendez‑vous téléphonique avec le Dr J. le 10 décembre 2021, mais ce rendez‑vous a été reporté au 10 janvier 2022. La prestataire a déclaré que le Dr J. était préoccupé par ses problèmes de santé et l’a dirigée vers une clinique spécialisée dans les réactions indésirables aux médicaments. Le renvoi est daté du 11 février 2022. La prestataire a envoyé à son employeur une copie de la note l’aiguillant vers la clinique. À la date de l’audience, la prestataire n’avait pas encore été reçue en consultation à la clinique.

[33] Le dossier d’appel contient une lettre datée du 27 septembre 2021, que l’employeur a envoyée à la prestataire. La lettre concerne un congé sans solde. Elle décrit la réunion tenue avec la prestataire le 27 septembre 2021. La lettre mentionne que la prestataire [traduction] « a confirmé que vous ne vous conformerez pas à la politique, qu’en outre, vous ne voulez pas revoir cette décision et vous comprenez que le défaut de vous conformer pourrait entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement pour un motif valable ».

[34] Le dossier d’appel contient une lettre datée du 21 octobre 2021, que l’employeur a envoyée au président de la section locale du syndicat de la prestataire. La lettre porte sur une réunion tenue pour discuter du grief de la prestataire concernant le fait qu’elle a été mise en congé sans solde. La lettre mentionne que la prestataire s’est renseignée au sujet de diverses questions médicales et qu’elle a été dirigée vers son médecin ou la santé publique pour obtenir leur expertise. L’employeur a demandé à la prestataire si, dans l’éventualité où l’allergologue confirmerait qu’elle pouvait recevoir le vaccin sans danger, elle accepterait de recevoir le vaccin contre la COVID-19. La prestataire a répondu, selon l’enregistrement, qu’elle ne serait pas en mesure de prendre cette décision sans avoir obtenu réponse à toutes ses questions.

[35] Le dossier d’appel contient une lettre datée du 29 octobre 2021, que l’employeur a envoyée à la prestataire. Elle porte sur le statut de la prestataire en ce qui concerne la politique de vaccination contre la COVID-19. La lettre signale que la prestataire n’avait pas encore fourni de preuve de vaccination ni obtenu d’exemption approuvée. La lettre ajoute que l’employeur exigeait de la prestataire qu’elle se conforme à la politique (qu’elle fournisse une preuve de première vaccination ou reçoive une exemption approuvée) ou qu’elle retourne tous les biens de l’employeur au plus tard le 10 novembre 2021. La lettre se termine par un rappel que le non‑respect continu de la politique pourrait entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement.

[36] La prestataire a témoigné que son syndicat a communiqué avec le service des ressources humaines de l’employeur et lui a demandé d’examiner les notes médicales. Son exemption pour des raisons médicales a été refusée et elle a reçu l’avis final de se conformer à la politique. Le syndicat de la prestataire a déposé un grief en son nom.

[37] Le dossier d’appel contient une lettre datée du 12 janvier 2021, que l’employeur a envoyée à la prestataire. Il s’agit d’un dernier avis de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19. L’employeur a exigé que la prestataire [traduction] « fournisse la preuve d’une première vaccination ou obtienne une exemption approuvée sous le régime de la politique au plus tard au début du jour ouvrable le lundi 14 février 2022 ». On peut lire ensuite : [traduction] « Le non‑respect de ce qui précède entraînera votre licenciement pour un motif valable à compter du lundi 14 février 2022 ».

[38] La représentante de la prestataire a fait valoir qu’il ne s’agit pas d’un cas d’inconduite. Elle a déclaré que la prestataire n’avait pas choisi de ne pas présenter de demande d’exemption pour des raisons médicales, mais qu’elle n’avait pas été en mesure de faire remplir les formulaires d’exemption pour des raisons médicales. La prestataire a été suspendue et licenciée avant d’avoir eu la possibilité d’obtenir les renseignements médicaux exigés par l’employeur. La représentante de la prestataire a fait valoir qu’une mesure d’adaptation au titre du code provincial des droits de la personne exigerait que l’employeur dispose des renseignements médicaux avant de prendre une décision.

[39] La représentante de la prestataire a fait valoir que l’employeur pouvait dire que la demande d’exemption de la prestataire fondée sur ses croyances ne satisfait pas aux critères d’exemption. Mais en l’espèce, la prestataire a été suspendue avant que l’employeur n’évalue cette demande d’exemption.

[40] La représentante de la prestataire a déclaré que cette dernière n’avait pas refusé de se faire vacciner, mais qu’elle avait simplement besoin qu’un médecin confirme qu’elle pouvait se faire vacciner. Elle a fait remarquer que la Commission n’a pas tenu compte des raisons pour lesquelles la prestataire n’a pas pu faire remplir le formulaire d’exemption pour des raisons médicales. Les médecins de la prestataire n’ont pas été professionnellement en mesure de faire l’évaluation. La prestataire a informé son employeur tout au long du processus. Elle tentait de faire effectuer les évaluations médicales pour se faire vacciner. Elle n’a pas été en mesure de fournir le formulaire parce que son médecin n’avait pas les connaissances médicales nécessaires pour effectuer les tests requis. Ses médecins étaient disposés à fournir plus de renseignements médicaux à l’employeur, mais celui‑ci n’a jamais fait quoi que ce soit pour obtenir ces renseignements.

[41] La représentante de la prestataire a fait remarquer que la politique prévoyait une procédure relative aux mesures d’adaptation et que celle‑ci aurait dû être suivie avant que la prestataire ne soit licenciée. L’employeur n’a pas examiné la question de savoir s’il était possible d’offrir un autre type de travail à la prestataire, qui travaillait à partir de chez elle depuis 18 mois. La prestataire a accepté de faire des tests et de travailler de la maison.

[42] Je crois que la Commission s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite au sens de la Loi. Les motifs de ma décision suivent.

[43] Il ne m’appartient pas de déterminer si la politique ou les actions de l’employeur étaient raisonnables ou ont enfreint la convention collective de la prestataire ou toute autre loiFootnote 13. De telles prétentions et allégations peuvent être faites dans le cadre d’autres instances, comme la procédure de règlement des griefs ou l’arbitrage, ou devant les tribunaux judiciaires et les tribunaux des droits de la personne. Il ne m’appartient pas non plus de me prononcer sur l’innocuité ou l’efficacité des vaccins contre la COVID-19.

[44] La politique de l’employeur exigeait que tous les employés se conforment à celle‑ci au plus tard le 20 septembre 2021 en fournissant une preuve de vaccination, une raison médicale documentée pour ne pas être entièrement vaccinés ou une preuve écrite d’une exemption authentique fondée sur le Code des droits de la personne. Les employés non vaccinés qui n’obtenaient pas d’exemption fondée sur des raisons médicales ou le Code des droits de la personne devaient assister à une séance de formation et fournir une preuve qu’ils avaient reçu une première dose du vaccin au plus tard le 8 octobre 2021 et une deuxième dose au plus tard le 31 octobre 2021. La politique prévoyait également deux motifs d’exemption à la vaccination : des raisons religieuses/croyances et certaines raisons médicales. La prestataire a d’abord demandé une exemption fondée sur des motifs religieux au moyen du formulaire de l’employeur. Elle n’a pas fourni de formulaire d’attestation d’un chef spirituel comme l’exigeait la politique. Dans cette demande d’exemption, elle a écrit que, lorsqu’elle était enfant, elle avait été vaccinée contre une maladie infantile et avait été atteinte d’une des formes les plus graves de cette maladie dans sa province. Elle a ajouté ce qui suit : [traduction] « Je crois que le pouvoir de la prière m’a permis de traverser cette épreuve et de surmonter de nombreuses autres maladies et situations ».

[45] La prestataire a également envoyé une lettre à son employeur par courriel. Dans cette lettre, elle a déclaré ce qui suit : [traduction] « Je refuse en toute conscience de me plier à une obligation de vaccination et je demande une exemption à la vaccination obligatoire [de l’employeur] et à l’obligation de fournir une preuve de vaccination contre la COVID-19 pour des motifs religieux ». La prestataire a ensuite exposé le fondement de ses croyances.

[46] À la fin de sa lettre, elle a écrit que son employeur ne devait pas obligatoirement être d’accord avec ses croyances, mais qu’il lui incombait de prendre des mesures d’adaptation à son égard tant que celles‑ci n’imposaient pas une contrainte excessive. La prestataire a souligné qu’elle avait travaillé à la maison pendant 18 mois et qu’elle ne voyait aucune raison pour laquelle elle ne pouvait pas continuer de le faire tant que la pandémie ne s’était pas dissipée. Elle était prête à se présenter au travail et à se soumettre à des tests antigéniques rapides tous les sept jours et, à cette fin, à porter un masque et à maintenir une distance; le coût des tests devait être assumé par son employeur.

[47] Dans sa demande initiale d’exemption pour des motifs religieux, la prestataire a informé son employeur qu’elle ne se ferait pas vacciner. L’employeur a décidé que la demande d’exemption pour des motifs religieux de la prestataire ne satisfaisait pas aux critères d’exemption et l’a rejetée.

[48] La prestataire a remis deux notes du médecin à son employeur après sa suspension. L’une concernait une période de maladie avant sa suspension. La deuxième note, datée du 29 septembre 2021, provenait d’un spécialiste, le Dr P, qui a écrit que la prestataire avait obtenu une exemption temporaire à la vaccination contre la COVID-19 jusqu’à ce que ses investigations cliniques soient terminées. La prestataire a été dirigée vers un deuxième spécialiste, le Dr J, avec qui elle a eu un rendez‑vous téléphonique le 10 janvier 2022. Le 11 février 2022, le Dr J. l’a dirigée vers une clinique spécialisée. À la date de l’audience, elle n’avait pas encore été évaluée par cette clinique.

[49] La représentante de la prestataire a fait valoir que l’impossibilité pour la prestataire de faire remplir par un médecin le formulaire médical requis faisant état des raisons médicales d’une exemption avait échappé à sa volonté. Elle demande que des mesures d’adaptation soient prises à l’égard de la prestataire jusqu’à ce que les tests médicaux puissent être effectués. Je ne peux ordonner à un employeur de faire une telle chose, car cela ne relève pas de ma compétence.

[50] La politique de l’employeur permet une exemption pour deux raisons médicales très précises : l’anaphylaxie ou les antécédents de myocardite/péricardite. La prestataire a dit à son employeur qu’elle craignait une réaction indésirable au vaccin contre la COVID-19 en raison de la réaction qu’elle avait eue après s’être fait vacciner lorsqu’elle était enfant. Ses médecins ont accepté ses inquiétudes. Les médecins qu’elle a consultés recommandent d’autres investigations. Il n’y a aucune preuve, au moment de l’audience, qu’un médecin a confirmé que la prestataire peut être exemptée pour des raisons médicales de l’obligation de se faire vacciner contre la COVID-19 en lien avec les deux exemptions prévues dans la politique.

[51] La représentante de la prestataire a laissé entendre que cette dernière est disposée à se faire vacciner si les spécialistes confirment qu’elle est médicalement apte à se faire vacciner. Mais ce n’est pas ce que dit la politique, qui prévoit une exemption pour deux raisons médicales bien précises. La prestataire n’a pas encore fourni de preuve qu’elle relève de l’une ou l’autre de ces exemptions.

[52] La politique, publiée le 7 septembre 2021, exigeait qu’une preuve de vaccination, une exemption pour motifs religieux ou croyances ou une exemption pour raisons médicales soient fournies au plus tard le 20 septembre 2021. La prestataire a omis de fournir une preuve de sa vaccination ou d’obtenir une exemption conformément à la politique. Bien qu’elle ait soumis un formulaire d’exemption pour des motifs religieux après le 20 septembre 2021, ce formulaire n’a pas été certifié par un chef spirituel comme l’exigeait la politique. La prestataire a dit à son employeur qu’elle tentait d’obtenir une exemption médicale, mais qu’elle n’avait pas fourni de preuve d’exemption pour des raisons médicales à la date de sa suspension.

[53] Le 27 septembre 2021, soit une semaine après la date limite fixée par la politique pour fournir une preuve de vaccination ou présenter une preuve d’exemption pour des motifs religieux ou médicaux, la prestataire a confirmé à son employeur qu’elle n’était pas disposée à se faire vacciner et qu’elle savait que son omission de se conformer à la politique pourrait entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement. Je déduis de cette preuve qu’au moment où elle a été suspendue, la prestataire était au courant de la politique de l’employeur et savait qu’elle pouvait être suspendue si elle ne se conformait pas à la politique et que, par conséquent, elle ne serait pas en mesure d’exercer ses fonctions professionnelles. Cela signifie que la Commission s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite au sens de la Loi et de la jurisprudence décrite ci‑dessus.

Autres questions

[54] La loi prescrit que le prestataire suspendu de son emploi en raison de son inconduite n’est pas admissible au bénéfice des prestations :

  1. a) jusqu’à la fin de la période de suspension;
  2. b) jusqu’à ce qu’il perde son emploi ou quitte celui‑ci volontairement;
  3. c) jusqu’à ce qu’il accumule chez un autre employeur, après le début de la période de suspension, le nombre d’heures d’emploi assurable exigé à l’article 7 ou 7.1 pour être admissible à des prestationsFootnote 14. 

[55] La Commission a parlé à la prestataire le 14 février 2022 pour lui dire qu’à la suite d’un nouvel examen, elle avait modifié sa raison de refuser sa demande et conclu que c’était non pas en raison d’un [traduction] « congé volontaire – sans justification », mais d’une inconduite. La prestataire a demandé si cela ferait une différence dans la décision, puisqu’elle allait être licenciée le 14 février 2022. L’agent de Service Canada a répondu par la négative. La Commission a envoyé une lettre à la prestataire le 15 février 2022 pour l’informer du changement apporté à la raison de lui refuser des prestations d’assurance‑emploi.

[56] L’employeur a écrit à la prestataire le 29 octobre 2021. Il a souligné qu’elle n’avait pas encore obtenu d’exemption approuvée et lui a rappelé que le non‑respect de la politique pourrait entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement. Un dernier avis de conformité a été envoyé à la prestataire le 12 janvier 2022 pour l’informer qu’elle serait licenciée le 14 février 2022 si elle omettait de fournir une preuve de vaccination ou d’obtenir une exemption approuvée.

[57] Le 14 février 2022, la prestataire a été congédiée par son employeur pour non‑respect continu de la politique. Cela signifie que l’inadmissibilité aux prestations d’assurance‑emploi en raison d’une suspension pour inconduite a pris fin le 14 février 2022. Comme il a été mentionné précédemment, ma compétence se limite à la décision de réexamen rendue par la Commission relativement à la suspension de la prestataire en raison d’une inconduite. Je ne tire aucune conclusion quant à savoir si la prestataire est exclue indéfiniment du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi après son licenciement.

Conclusion

[58] Bien que je compatisse avec la prestataire et aussi tentant que cela puisse être dans certains cas (et il peut bien s’agir en l’espèce de l’un de ces cas), il ne m’est pas permis de réécrire la loi ou de l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaireFootnote 15. Je dois me conformer à la loi et rendre des décisions fondées sur la législation et les précédents jurisprudentiels pertinents.

[59] La Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[60] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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