Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1659

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance‑emploi

Décision

Appelant : S. S.
Représentant : P. M.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (461592) datée du 8 avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 8 septembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Date de la décision : Le 16 septembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1569

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné son congédiement). En conséquence, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 2 janvier 2022Note de bas de page 1.

[3] La Commission n’a pas prouvé que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite. Cela signifie que le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi du 14 novembre 2021 au 1er janvier 2022Note de bas de page 2.

Aperçu

[4] Le prestataire a perdu son emploi au motif qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination de son employeur. La politique exigeait qu’il soit vacciné contre la COVID-19 ou qu’il obtienne une exemption approuvée. Le prestataire a demandé une exemption à la politique pour des motifs religieux, mais l’employeur a rejeté sa demande. Le jour même où il a rejeté la demande d’exemption du prestataire, il a mis ce dernier en congé sans solde (suspension) au motif qu’il ne s’était pas conformé aux exigences de la politique dans le délai imparti. Plus tard, l’employeur l’a congédié parce qu’il ne s’était pas encore conformé à la politique.

[5] La Commission a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Pour cette raison, elle a décidé que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] Le prestataire n’est pas d’accord pour dire qu’il s’agissait d’une inconduite. Il est incapable de se faire vacciner pour des raisons religieuses. Il estime que l’employeur a refusé illégalement sa demande d’exemption fondée sur des motifs religieux, ce qui démontre qu’il n’allait accepter aucune exemption pour des motifs religieux. Il affirme que cela démontre que l’employeur a fait preuve de discrimination à son égard.

Question que je dois examiner en premier

L’employeur n’est pas une partie au présent appel

[7] Le Tribunal a désigné l’ancien employeur du prestataire comme mis en cause éventuel dans l’appel du prestataire. Il a donc envoyé une lettre à l’employeur pour lui demander s’il avait un intérêt direct dans l’appel et s’il souhaitait être mis en cause. L’employeur n’a pas répondu avant la date de la présente décision. Comme rien dans le dossier n’indique que l’employeur a un intérêt direct dans l’appel, j’ai décidé de ne pas le mettre en cause dans le présent appel.

Question en litige

[8] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

[9] Selon la loi, les prestataires qui perdent leur emploi en raison d’une inconduite sont exclus du bénéfice des prestationsNote de bas de page 3.

[10] Elle précise également que les prestataires qui sont suspendus de leur emploi en raison de leur inconduite ne sont pas admissibles au bénéfice des prestations jusqu’à ce que l’une des conditions suivantes soit remplie :

  • la fin de la période de suspension;
  • la perte de leur emploi ou leur départ volontaire;
  • le cumul d’un nombre suffisant d’heures chez un autre employeur depuis le début de la suspensionNote de bas de page 4.

[11] Je dois décider si le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Pour ce faire, je dois trancher deux éléments. Je dois d’abord établir pourquoi le prestataire a perdu son emploi. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[12] Les deux parties sont d’accord pour dire que le prestataire a été suspendu et congédié par la suite parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de l’employeur. Rien ne prouve le contraire, de sorte que j’accepte cela comme un fait.

La raison pour laquelle il a perdu son emploi est-elle une inconduite professionnelle au sens de la loi?

[13] Le motif de la suspension et du congédiement du prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[14] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 6. Le prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 7.

[15] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et qu’il existait une possibilité réelle d’être congédié à cause de celaNote de bas de page 8.

[16] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer que, selon toute vraisemblance, le prestataire a été congédié en raison d’une inconduiteNote de bas de page 9.

[17] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire savait qu’il était tenu de se conformer à la politique de l’employeur pour continuer à exercer son emploi. Le prestataire n’a pas fourni de preuve de vaccination ou d’exemption approuvée avant la date limite. Il a ainsi volontairement choisi de ne pas se conformer à la politique de l’employeur.

[18] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’il a tenté de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur. Il est incapable de se faire vacciner en raison de ses croyances religieuses. Il a demandé une exemption à la politique pour des motifs religieux et a estimé que l’employeur avait refusé sa demande d’exemption de façon déraisonnable et illégale.

[19] Le prestataire travaillait pour une entreprise municipale de transport en commun. Le 7 septembre 2021, l’employeur a mis en place une politique exigeant que les employés soient vaccinés contre la COVID-19 ou qu’ils obtiennent une exemption approuvée. Les employés devaient présenter une preuve de vaccination complète au plus tard le 30 octobre 2021Note de bas de page 10.

[20] La politique prévoit que les employés qui ne s’y conforment pas feront l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiementNote de bas de page 11.

[21] Le prestataire a déclaré qu’il avait été informé de la politique en septembre 2021. Peu après l’annonce de la politique, il a dit à son gestionnaire qu’il n’était pas vacciné. Il a demandé une exemption à la vaccination obligatoire pour des raisons religieuses.

[22] Le 25 octobre 2021, le prestataire a envoyé à l’employeur un affidavit dans lequel il a fait valoir qu’il avait des croyances religieuses sincères qui l’empêchaient de se faire vacciner contre la COVID-19. Il a déclaré notamment qu’il ne peut pas accepter un vaccin [traduction] « qui a été validé, testé ou fabriqué à l’aide de lignées cellulaires dérivées de tissu fœtal humain avorté »Note de bas de page 12.

[23] Le 9 novembre 2021, la superviseure du prestataire a envoyé à ce dernier un courriel l’informant qu’elle avait consulté un membre de sa famille au sujet de l’utilisation de tissu fœtal humain avorté dans la mise au point des vaccins. Elle a déclaré qu’aucune lignée cellulaire dérivée de l’avortement n’était utilisée dans la mise au point et la production de deux des vaccins. En ce qui concerne l’utilisation de cellules fœtales pour tester les vaccins, elle a déclaré que [traduction] « ce lien avec l’avortement est ténu »Note de bas de page 13.

[24] Le 15 novembre 2021, le prestataire a rencontré l’employeur. Ce dernier l’a informé que sa demande d’exemption avait été refuséeNote de bas de page 14 et qu’il était suspendu en raison du non-respect de la politique de vaccination. Selon la lettre de suspension, il avait jusqu’au 12 décembre 2021 pour se conformer à la politique de l’employeur, sans quoi il serait licenciéNote de bas de page 15.

[25] Le 10 décembre 2021, l’employeur a envoyé une lettre reportant la date limite pour se conformer. Suivant cette lettre, le prestataire aurait jusqu’au 2 janvier 2022 pour se conformer aux exigences de la politique de vaccination.

[26] Le 3 janvier 2022, le prestataire a été congédié au motif qu’il ne s’était pas encore conformé à la politique.

Le prestataire n’est pas inadmissible au motif qu’il a été suspendu par suite d’une inconduite

[27] Je conclus que les circonstances de la suspension du prestataire ne satisfont pas à tous les éléments du critère juridique de l’inconduite. Par conséquent, le prestataire n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations au motif qu’il a été suspendu par suite d’une inconduite du 14 novembre 2021 au 1er janvier 2022.

[28] Il n’est pas contesté que le prestataire était au courant de la politique de l’employeur. Il savait que la politique exigeait qu’il soit vacciné contre la COVID-19 ou qu’il obtienne une exemption approuvée au plus tard le 30 octobre 2021.

[29] Le prestataire a demandé une exemption à la politique pour des motifs religieux le 25 octobre 2021. Cela confirme que le prestataire avait l’intention de se conformer à la politique en obtenant une exemption approuvée.

[30] Le prestataire a reçu un courriel de sa superviseure le 9 novembre 2021. Ce courriel semblait être en réponse à la demande d’exemption du prestataire parce que la superviseure a déclaré qu’il n’y avait pas de lien suffisant entre l’utilisation de cellules fœtales pour tester les vaccins contre la COVID-19 et l’avortement. Mais la superviseure n’a pas dit au prestataire que sa demande d’exemption avait été refusée.

[31] Le 15 novembre 2021, l’employeur a informé le prestataire que sa demande d’exemption avait été refusée et qu’il était suspendu en raison du non-respect de la politique de vaccination. Le prestataire a reçu une lettre l’informant du refus de sa demande d’exemption et une lettre l’informant de sa suspension en même temps.

[32] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme étant une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi)Note de bas de page 16.

[33] En l’espèce, rien n’indique que le prestataire a délibérément enfreint la politique de l’employeur avant sa suspension le 15 novembre 2021. En fait, il semble que le prestataire ait fait des efforts pour se conformer à la politique de l’employeur. C’est-à-dire qu’il a demandé une exemption pour des motifs religieux. Cette étape est énoncée dans la politique pour les employés qui ne sont pas en mesure de se faire vacciner contre la COVID-19 pour une raison liée à un motif protégé. J’en déduis que le prestataire a tenté de se conformer à la politique.

[34] Le prestataire n’a su qu’il ne se conformait pas à la politique que lorsque l’employeur a rejeté sa demande d’exemption le 15 novembre 2021. Le prestataire a appris à ce moment-là qu’il n’avait pas d’exemption approuvée à la politique. Mais l’employeur ne lui a pas donné l’occasion de satisfaire aux autres exigences de la politique – être entièrement vacciné – avant de le suspendre.

[35] Pour que la conduite du prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi, le prestataire doit avoir délibérément adopté celle-ci. La conduite en question est le fait que le prestataire ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[36] À mon avis, le prestataire n’a pas délibérément agi en violation de la politique avant d’être suspendu le 15 novembre 2021.

[37] Certes, il n’était pas vacciné, mais la politique considère qu’une personne non vaccinée peut se conformer si elle a une exemption approuvée. Le prestataire avait demandé une exemption. Sa demande d’exemption a été refusée en même temps qu’il a été suspendu.

[38] Avant que sa demande d’exemption ne soit refusée, le prestataire ne pouvait pas savoir, et n’aurait pas dû raisonnablement savoir, qu’il pouvait être suspendu pour sa conduite jusqu’à ce moment-là. Je conclus donc que le prestataire ne contrevenait pas délibérément à la politique de l’employeur à la date à laquelle il a été suspendu.

Le prestataire est exclu au motif qu’il a été congédié par suite d’une inconduite

[39] Je conclus que les circonstances du congédiement du prestataire satisfont à tous les éléments du critère juridique en matière d’inconduite. Le prestataire est donc exclu du bénéfice des prestations au motif qu’il a été congédié par suite d’une inconduite au 2 janvier 2022.

[40] Je crois comprendre que le prestataire n’avait pas l’intention de ne pas se conformer à la politique. Il ne s’est pas fait vacciner contre la COVID-19 parce qu’il s’opposait, pour des motifs religieux, à la façon dont à son avis les vaccins avaient été mis au point et testés. Toutefois, la politique de l’employeur exigeait que les employés soient entièrement vaccinés ou obtiennent une exemption approuvée au plus tard le 30 octobre 2021. Une fois que le prestataire a été informé qu’il n’avait pas d’exemption approuvée au vaccin, il est devenu non conforme en ne satisfaisant pas à l’une ou l’autre des exigences de la politique.

[41] Le représentant du prestataire a fait valoir que l’employeur a rejeté de façon déraisonnable et illégale la demande d’exemption du prestataire.

[42] Il a déclaré que, selon le courriel de la superviseure daté du 9 novembre 2021, cette dernière a consulté un membre de la famille au sujet des croyances religieuses du prestataire et de la question de savoir si elles constituaient une raison valable d’être exempté de la vaccination. Il a dit que cela confirme que l’employeur n’a pas suivi la procédure appropriée pour examiner la demande d’exemption du prestataire. De plus, il affirme que cela permet de conclure que l’employeur avait l’intention de n’approuver aucune demande d’exemption fondée sur des motifs religieux.

[43] Le représentant du prestataire a soumis une décision antérieure du Tribunal, DL c Commission de l’assurance-emploi du CanadaNote de bas de page 17. Cette décision concernait une prestataire qui a été congédiée parce qu’elle ne s’était pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son entreprise. La prestataire avait demandé une exemption à la politique pour des motifs religieux et l’employeur avait rejeté sa demande parce qu’il disait que celle-ci était fondée sur les croyances de la prestataire.

[44] Dans DL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, la prestataire a fourni un courriel de l’employeur qui démontre que ce dernier s’est renseigné auprès de son service juridique de la possibilité de rejeter les demandes d’exemption fondées sur des motifs religieux. Le membre du Tribunal a jugé que l’employeur ne s’était pas renseigné sur le rejet des demandes d’exemption pour motifs de santé, ce qui indiquait qu’il traitait les demandes d’exemption pour motifs religieux différemment. De plus, l’employeur a dit à la Commission qu’il n’accepterait aucune lettre fondée sur des motifs religieux. Le membre du Tribunal a conclu que cette preuve démontrait que l’employeur avait déjà décidé de rejeter la demande d’exemption de la prestataire avant même qu’elle ne la présente.

[45] Le représentant du prestataire affirme que les circonstances de la prestataire dans DL c Commission de l’assurance-emploi du Canada sont identiques à celles du prestataire dans la présente affaire. Il a également demandé une exemption à la politique de son employeur pour des motifs religieux. L’employeur a également rejeté sa demande parce que, a-t-il dit, celle-ci mentionnait que son opposition au vaccin était fondée sur sa [traduction] « préférence personnelle ou des croyances qui lui sont propres » plutôt que sur un décret religieux. Et il soutient que le courriel de la superviseure démontre que l’employeur avait l’intention de refuser toutes les demandes d’exemption fondées sur des motifs religieux.

[46] Je suis d’accord avec le principe selon lequel si l’employeur avait l’intention de n’approuver aucune demande d’exemption fondée sur des motifs religieux, cela permettrait de conclure que l’employeur agissait de manière discriminatoire contre les employés en raison de leurs croyances religieuses. Toutefois, je ne suis pas convaincue que la preuve confirme que l’employeur du prestataire avait l’intention de refuser toutes les demandes d’exemption présentées pour des motifs religieux.

[47] Dans son courriel, la superviseure affirme avoir consulté un membre de sa famille au sujet de l’utilisation de tissu fœtal avorté dans la mise au point des vaccins contre la COVID-19. Elle affirme que ce membre de la famille lui a donné des informations selon lesquelles aucune lignée cellulaire dérivée de l’avortement n’est utilisée dans la mise au point ou la production de deux des vaccins. Elle reconnaît que des cellules fœtales ont été utilisées pour tester ces vaccins, mais elle dit ensuite que le « lien avec l’avortement est ténu ».

[48] Je réalise que le fait que la superviseure a mentionné que ces renseignements provenaient d’un membre de sa famille peut porter à penser que la superviseure était partiale ou qu’elle a utilisé un processus inapproprié pour examiner la demande d’exemption du prestataire, mais je conclus que le courriel n’indique pas que la superviseure a préjugé toutes les demandes d’exemption présentées pour des motifs religieux et qu’elle avait l’intention de les refuser.

[49] L’employeur a rejeté la demande d’exemption du prestataire le 15 novembre 2021. On peut lire, dans la lettre informant le prestataire que son exemption a été refusée, qu’il n’a pas [traduction] « établi une obligation de prendre des mesures d’adaptation en vertu de la […] Politique sur les mesures d’adaptation ou du Code des droits de la personne de l’Ontario ». On peut y lire également que les renseignements fournis par le prestataire n’ont pas [traduction] « établi une croyance » comme le prévoient les Lignes directrices sur l’accommodement de la croyance sous le régime du Code des droits de la personne de l’Ontario. La lettre fait référence aussi à une décision récente de la Commission ontarienne des droits de la personne selon laquelle une personne qui choisit de ne pas être vaccinée en raison de ses préférences personnelles ou d’une croyance qui lui est propre n’a pas droit à des mesures d’accommodement sous le régime du Code des droits de la personne de l’Ontario.

[50] Je note que la lettre ne fait pas référence aux lignées cellulaires du fœtus humain avortées ni aux renseignements fournis par la superviseure dans son courriel. Cette lettre mentionne plutôt que l’affidavit du prestataire se rapportant à ses croyances religieuses n’était pas suffisant pour satisfaire aux exigences de l’employeur en matière de mesures d’adaptation à l’égard de sa politique de vaccination.

[51] À mon avis, le témoignage du prestataire ne permet pas de démontrer que l’employeur avait l’intention de refuser toutes les demandes d’exemption fondées sur des motifs religieux. Par conséquent, aucune preuve ne permet de conclure que l’employeur a fait preuve de discrimination à l’égard du prestataire en raison de ses croyances religieuses.

[52] Le représentant a également soumis une décision de la Cour suprême du Canada, Syndicat Northcrest c AmselemNote de bas de page 18.

[53] Cette décision portait sur la liberté de religion par rapport à un groupe de juifs orthodoxes qui souhaitaient installer des structures personnelles sur les balcons de leur condominium pour célébrer un événement religieux. Les juges ont conclu que le fait d’avoir une croyance sincère qui a un lien avec la religion suffit à déclencher la protection de la Charte à l’égard de la liberté de religion de la personne. Dans cette affaire, l’installation de la structure personnelle n’était pas nécessaire à la pratique du judaïsme orthodoxe, mais il s’agissait d’une forme de pratique religieuse pour les appelants, de sorte que les juges ont conclu qu’elle devrait être protégée en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec (et de la Charte canadienne des droits et libertés).

[54] Le représentant du prestataire soutient que la lettre de l’employeur mentionne qu’il a jugé que les croyances religieuses du prestataire excédaient la norme énoncée par la Cour suprême du Canada dans Syndicat Northcrest c Anselem. Il affirme que le fait que le prestataire a établi qu’il avait une croyance sincère ayant un lien avec la religion aurait dû être suffisant pour que l’employeur approuve sa demande d’exemption.

[55] Je n’ai pas le pouvoir de déterminer si l’employeur était justifié de congédier le prestataireNote de bas de page 19. Il n’est pas non plus de mon pouvoir de déterminer si l’employeur aurait dû prendre d’autres mesures d’adaptation à l’égard du prestataire.

[56] La Cour fédérale a déclaré que « la conduite de l’employeur ne constitue pas un facteur déterminant » pour trancher la question de savoir si un prestataire a été congédié en raison de son inconduite. L’accent est plutôt mis sur la question de savoir si l’acte ou le manquement reproché au prestataire équivalait à une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 20.

[57] Au Canada, un certain nombre de lois protègent les droits d’une personne, comme le droit à la vie privée ou le droit à l’égalité (non-discrimination). La Charte n’est qu’une de ces lois. Il y a aussi la Déclaration canadienne des droits, la Loi canadienne sur les droits de la personne et un certain nombre de lois provinciales qui protègent les droits et libertés.

[58] Les différentes cours et différents tribunaux appliquent ces lois.

[59] Le Tribunal peut examiner si une disposition de la Loi ou de son règlement (ou d’une loi connexe) porte atteinte aux droits d’un prestataire garantis par la Charte.

[60] Cependant, le TSS n’est pas autorisé à examiner si une mesure prise par un employeur viole les droits fondamentaux d’un prestataire garantis par la Charte. Cela dépasse notre champ de compétence. Le TSS n’est pas non plus autorisé à rendre des décisions fondées sur la Déclaration canadienne des droits ou la Loi canadienne sur les droits de la personne ou sur les lois provinciales qui protègent les droits et libertés.

[61] Le prestataire peut recourir à ses prétentions selon lesquelles la politique de l’employeur a violé ses droits. Il doit toutefois soulever cette question auprès de la cour ou du tribunal approprié.

[62] Le prestataire a été informé de la politique de l’employeur en septembre 2021. Il a demandé une exemption religieuse à la politique, mais l’employeur a rejeté sa demande. Il savait qu’il ne bénéficiait pas d’une exemption à la politique au 15 novembre 2021. Quoi qu’il en soit, il a choisi de ne pas respecter la politique avant d’être congédié le 3 janvier 2022. Il ressort clairement de la preuve qu’il aurait raisonnablement dû savoir que le fait de ne pas se conformer entraînerait la perte de son emploi.

[63] Compte tenu de cette preuve, je suis convaincue que le prestataire a agi délibérément lorsqu’il a choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination de l’employeur entre le 15 novembre 2021 et le 3 janvier 2022.

Donc, le prestataire a-t-il été congédié en raison d’une inconduite?

[64] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées ci-dessus, j’estime que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite.

Conclusion

[65] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi elle a décidé que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 2 janvier 2022.

[66] La Commission n’a pas prouvé que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite. Il n’est donc pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi du 14 novembre 2021 au 1er janvier 2022Note de bas de page 21.

[67] Par conséquent, l’appel est accueilli en partie.

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