Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 193

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelante : T. M.
Représentante : M. G.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Isabelle Thiffault

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 20 juillet 2022
(GE-22-986)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 19 décembre 2022
Participants à l’audience : Appelante
Représentante de l’appelante
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 23 février 2023
Numéro de dossier : AD-22-591

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante, T. M. (prestataire), a été mise en congé sans solde pour avoir omis de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Elle a demandé des prestations régulières d’assurance‑emploi.

[3] L’intimée, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada, a décidé que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’elle avait été suspendue en raison de son inconduite.

[4] La prestataire a porté cette décision en appel devant la division générale du Tribunal. La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue parce qu’elle ne s’était pas conformée à la politique de vaccination de son employeur. Elle a décidé qu’il s’agissait d’une inconduite et a rejeté son appel.

[5] La prestataire fait maintenant appel de la décision de la division générale. Elle soutient que la division générale a commis une erreur de droit et a fondé sa décision sur une erreur de fait importante. Plus précisément, la prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte d’une réunion qui a eu lieu entre la prestataire et l’employeur pour déterminer si elle savait qu’elle pourrait être suspendue pour omission de se conformer à la politique.

[6] Je conclus que la division générale n’a commis aucune erreur. Pour ce motif, je rejette l’appel de la prestataire.

Questions préliminaires

[7] La prestataire a présenté de nouveaux éléments de preuve au Tribunal après l’audience concernant son grief. Je n’ai pas tenu compte de ces nouveaux éléments de preuve parce que la division générale n’en a pas été saisie.

[8] La division d’appel n’accepte généralement pas de nouveaux éléments de preuve portant sur les questions que la division générale a tranchées, à quelques exceptions prèsNote de bas de page 1. Cela s’explique par le fait que la division d’appel n’entend pas de nouveau l’affaire. La division d’appel examine la preuve dont la division générale disposait et décide si elle a commis certaines erreurs.

[9] Je conclus que les nouveaux éléments de preuve ne relèvent d’aucune des exceptions qui me permettent d’en tenir compte.

Questions en litige

[10] Les questions à trancher en l’espèce sont les suivantes :

  1. a) La division générale a‑t‑elle fondé sa décision sur une erreur de fait importante en omettant de prendre en considération la réunion tenue entre la prestataire et son employeur le 21 septembre 2021?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit dans son application du critère de l’inconduite?

Analyse

[11] Je ne peux intervenir dans la présente affaire que si la division générale a commis une erreur pertinente. Je dois donc déterminer si la division généraleNote de bas de page 2 :

  • a omis de suivre une procédure équitable;
  • a omis de trancher une question qu’elle aurait dû trancher ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  • a mal interprété ou mal appliqué la loi;
  • a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

La division générale n’a pas fondé sa décision sur une erreur de fait

[12] L’employeur de la prestataire a instauré une politique de vaccination contre la COVID-19. La prestataire a reçu une copie de la politique le 7 septembre 2021. Selon cette politique, tous les employés devaient fournir une preuve de vaccination ou une exemption approuvée fondée sur des raisons médicales ou le Code des droits de la personne au plus tard le 20 septembre 2021Note de bas de page 3.

[13] L’exemption fondée sur des raisons médicales était offerte aux employés ayant une preuve documentée d’anaphylaxie ou d’antécédents de myocardite ou de péricardite. L’exemption fondée sur le Code des droits de la personne exigeait que le formulaire de l’employeur soit signé par un chef spirituel.

[14] Les employés qui n’étaient pas vaccinés au 20 septembre 2021 devaient assister à une séance de formation et fournir une preuve d’une première dose du vaccin au plus tard le 8 octobre et d’une deuxième dose au plus tard le 31 octobre 2021Note de bas de page 4.

[15] La prestataire n’était pas vaccinée au 20 septembre 2021 ni n’avait d’exemption approuvée. Elle a rencontré son employeur les 21 et 27 septembre 2021. Lors de la réunion du 21 septembre 2021, la prestataire a dit à son employeur qu’elle tentait de faire notarier sa demande d’exemption fondée sur le Code des droits de la personne.

[16] La prestataire a témoigné devant la division générale qu’elle avait eu une mauvaise réaction à un vaccin pendant son enfance et qu’elle craignait que cela se reproduiseNote de bas de page 5. Elle a dit avoir fait part de ses préoccupations à son employeur. La prestataire a déclaré que son employeur lui avait dit qu’elle avait jusqu’au 7 octobre 2021 pour se faire vacciner si elle n’avait pas obtenu d’exemption de son médecinNote de bas de page 6.

[17] Lors de la réunion du 27 septembre 2021, la prestataire a présenté sa demande d’exemption fondée sur des croyances religieuses et a demandé la permission de travailler à la maison pendant que cette demande était examinée. Elle a été mise en congé ce jour‑làNote de bas de page 7.

[18] La division générale a conclu que la prestataire était au courant de la politique de l’employeur. Elle a conclu qu’au moment de la rencontre du 27 septembre 2021, elle savait qu’elle pouvait être suspendue pour omission de se conformer à la politiqueNote de bas de page 8.

[19] La prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte de la réunion du 21 septembre lorsqu’elle a conclu que la prestataire savait, le 27 septembre, qu’elle pouvait être suspendue de son emploi. La prestataire affirme avoir dit à l’employeur qu’elle tentait d’obtenir un rendez‑vous chez son médecin pour savoir si elle pouvait se faire vacciner. Elle a dit à son employeur qu’elle avait besoin d’un avis médical en raison de sa réaction allergique antérieure.

[20] La prestataire soutient qu’elle était encore en attente d’une évaluation médicale à la date de la réunion du 27 septembre. Elle affirme avoir dit cela à son employeur et ne pas avoir cru qu’elle pourrait légalement faire l’objet de mesures disciplinaires pendant qu’elle subissait des tests médicaux.

[21] La division générale a conclu que la Commission s’était acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver que la prestataire avait été suspendue en raison de son inconduite. Elle a conclu que la politique de l’employeur exigeait une preuve de vaccination ou une exemption au plus tard le 20 septembre 2021.

[22] La division générale renvoie au témoignage de la prestataire concernant la réunion du 21 septembre 2021 avec l’employeurNote de bas de page 9. Elle signale que la prestataire a dit à son employeur à ce moment‑là qu’elle tentait de faire notarier sa demande d’exemption fondée sur des croyances. Elle a témoigné qu’elle craignait d’avoir une réaction négative au vaccin et son employeur lui a dit qu’elle avait jusqu’au 7 octobre 2021 pour se faire vacciner si elle n’avait pas obtenu d’exemption de son médecin.

[23] La division générale ne discute pas expressément de cette réunion lorsqu’elle explique pourquoi elle a conclu que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Toutefois, la division générale a examiné les faits sur lesquels elle s’appuyait pour en arriver à cette décision.

[24] La division générale a conclu que la prestataire était au courant de la politique de vaccination et qu’elle savait que l’omission de s’y conformer pourrait entraîner sa suspension. À l’appui de ces conclusions, la division générale s’est appuyée sur les conclusions de fait suivantes :

  • la politique exigeait une preuve de vaccination ou une exemption au plus tard le 20 septembre 2021;
  • la prestataire n’a pas fourni de preuve de son statut vaccinal ni obtenu une exemption au plus tard le 20 septembre;
  • elle a soumis un formulaire d’exemption pour motifs religieux après le 20 septembre, mais il n’était pas signé par un chef spirituel comme l’exigeait la politique;
  • elle tentait de se faire évaluer pour voir si elle pouvait obtenir une exemption fondée sur des raisons médicales, mais elle n’avait pas fourni de preuve d’exemption au 20 septembreNote de bas de page 10.

[25] La division générale s’est appuyée sur une lettre au dossier provenant de l’employeur de la prestataire, datée du 27 septembre 2021Note de bas de page 11. Cette lettre renvoie à la réunion tenue ce jour‑là et mentionne que la prestataire a eu l’occasion d’examiner la politique et de participer à une formation. On peut y lire également que la prestataire a confirmé qu’elle ne se conformera pas à la politique, qu’elle n’est pas disposée à revoir sa décision et qu’elle comprend que l’omission de se conformer pourrait entraîner des mesures disciplinaires.

[26] La division générale s’appuie également sur une lettre que la prestataire a adressée à l’employeur. Dans cette lettre, la prestataire déclare ce qui suit : [traduction] « Je refuse en toute conscience de me plier à une obligation de vaccination. »Note de bas de page 12. La prestataire poursuit en affirmant qu’elle ne peut pas, en bonne conscience, adhérer à la politique de vaccination de l’employeurNote de bas de page 13.

[27] J’ai écouté l’audience tenue devant la division générale. La prestataire a témoigné qu’elle a dit à l’employeur, le 21, qu’elle tentait de faire notarier son exemption fondée sur ses croyances religieuses et qu’elle tentait d’obtenir un rendez‑vous chez son médecin. On lui a demandé ce que le superviseur avait répondu. Elle a déclaré qu’elle ne le savait pas, qu’elle lisait simplement ce qui était écrit sur une page. Elle a dit qu’elle avait dit à l’employeur qu’elle pouvait se rendre dans une clinique sans rendez‑vous pour se faire vacciner si elle obtenait l’approbation d’un médecin. Elle a compris qu’elle avait jusqu’au 7 octobre pour obtenir un premier vaccin.

[28] La division générale a demandé à la prestataire si elle était au courant de la politique et de l’obligation de s’y conformer au plus tard le 20 septembre 2021. Elle a dit qu’elle savait qu’elle devait informer l’employeur au plus tard le 20 septembre de son état de santéNote de bas de page 14. Elle a dit à l’employeur qu’elle tentait de faire notarier son exemption pour motifs religieux et qu’elle ne voulait pas lui communiquer ses renseignements médicaux privésNote de bas de page 15. Selon la preuve, la prestataire n’a communiqué cette information à l’employeur qu’après le 20 septembre 2021.

[29] Je conclus que les conclusions de la division générale sont étayées par la preuve. Bien que la prestataire ait pu croire que son employeur avait l’obligation de prendre des mesures d’adaptation à son égard, elle savait également qu’elle n’était pas vaccinée et qu’elle n’avait pas d’exemption approuvée avant la date limite prévue dans la politique. La lettre de l’employeur confirme que la prestataire était au courant des conséquences d’une omission de s’y conformer.

[30] Je ne suis pas autorisée à soupeser à nouveau la preuveNote de bas de page 16. Les décisions de la division générale ont été prises compte tenu de la preuve dont celle‑ci disposait. Le fait de ne pas mentionner expressément le témoignage de la prestataire concernant la réunion du 21 septembre dans son analyse n’est pas une erreur de fait commise de façon abusive ou arbitraire. Les conclusions de la division générale sont étayées par la preuve au dossier. 

[31] Les motifs de la division générale montrent que celle‑ci a compris le témoignage de la prestataire concernant la réunion du 21 septembre 2021. La prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte de ces actions lorsqu’elle a appliqué le critère de l’inconduite. La division générale a fondé ses conclusions sur des éléments de preuve pertinents. Je ne peux intervenir en raison d’un désaccord avec l’application de principes juridiques établis aux faits d’une affaireNote de bas de page 17. 

La division générale n’a pas commis d’erreur de droit

[32] La prestataire soutient que la division générale a mal interprété son argument lorsqu’elle a conclu qu’elle demandait que des mesures d’adaptation soient prises à son égard. Elle soutient que le fait qu’elle subissait des tests médicaux signifie qu’il était raisonnable pour elle de tenir pour acquis qu’elle ne ferait pas l’objet de mesures disciplinaires. Cela s’explique par le fait que l’employeur a l’obligation de prendre des mesures d’adaptation à son égard.

[33] Les observations et le témoignage de la prestataire devant la division générale ont tous deux confirmé qu’elle avait reçu la politique de l’employeur le 7 septembre 2021. Elle savait que la politique prévoyait que les employés devaient présenter une preuve de vaccination ou une exemption médicale ou fondée sur des croyances au plus tard le 20 septembre 2021. Elle savait également que l’omission de s’y conformer pourrait entraîner des mesures disciplinairesNote de bas de page 18.

[34] La division générale a établi le critère juridique pour l’inconduite. Elle a souligné qu’il y a inconduite si la prestataire savait, ou aurait dû savoir, qu’elle pourrait faire l’objet de mesures disciplinaires en raison de sa conduiteNote de bas de page 19.

[35] Il ne ressort pas clairement du dossier que la division générale a mal interprété les arguments de la prestataire. Dans son avis d’appel à la division générale, la prestataire mentionne les communications avec l’employeur et les efforts continus pour faire l’objet d’une évaluation médicale après la date de sa suspension. La prestataire soutient qu’elle a été congédiée de façon prématurée avant de pouvoir déterminer si elle pouvait se conformer à la politique sur le plan médical.

[36] La division générale note dans sa décision que la prestataire a finalement été licenciée le 14 février 2022. Sa compétence se limitait à la décision de réexamen concernant la suspension de la prestataire et elle n’a tiré aucune conclusion concernant le licenciementNote de bas de page 20. Il ne ressort pas clairement du dossier que la prestataire soutenait qu’elle ne croyait pouvoir faire l’objet d’aucune mesure disciplinaire en attendant de subir un test médical. 

[37] La prestataire souligne qu’elle a fait valoir qu’elle croyait raisonnablement ne pas pouvoir faire l’objet de mesures disciplinaires et non qu’elle avait demandé que des mesures d’adaptation soient prises à son égard. Je ne crois pas que cet argument ait été suffisamment clair pour que l’omission de la division générale de l’aborder de façon claire constitue une erreur de droit. De plus, j’ai conclu ci‑dessus qu’il y avait suffisamment d’éléments de preuve indiquant que la prestataire était consciente des conséquences possibles du non‑respect de la politique.

[38] Je conclus que la distinction dans l’argument auquel la prestataire fait référence n’aurait eu aucune incidence sur le résultat étant donné les conclusions de fait de la division générale concernant la connaissance par la prestataire de la date limite du 20 septembre fixée par la politique et des conséquences possibles d’une omission de s’y conformer.

[39] La division générale a appliqué le critère juridique approprié aux faits. Elle n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que la prestataire ne se conformait pas à la politique de l’employeur lorsqu’elle a été suspendue. Elle a conclu que cette conduite était consciente et que la prestataire en connaissait les conséquences potentielles. Compte tenu de ces conclusions, la division générale a jugé que les exigences relatives à l’inconduite au sens de la Loi étaient respectées.

[40] Je conclus que les arguments de la prestataire ne démontrent pas l’existence d’une erreur de droit de la part de la division générale. La division générale n’a pas fondé sa décision sur une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait été suspendue en raison d’une inconduite.   

Conclusion

[41] L’appel est rejeté. La division générale n’a pas commis d’erreur qui relève des moyens d’appel autorisés.

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