Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 225

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Demandeur : J. B.
Défenderesse : Commission de l’assurance emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 8 décembre 2022 (GE-22-3511)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 2 mars 2023
Numéro de dossier : AD-23-58

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Décision

[1] Je refuse au prestataire la permission d’interjeter appel parce qu’il n’a pas de cause défendable. Cet appel ne se poursuivra pas.

Aperçu

[2] Le prestataire, J. B., interjette appel d’une décision de la division générale de lui refuser des prestations d’assurance-emploi. 

[3] Le prestataire travaillait auparavant au service d’expédition et de réception d’un atelier d’usinage. Le 22 octobre 2021, son employeur a mis fin à son emploi après le refus du prestataire d’accepter la vaccination contre la COVID-19 ou, subsidiairement, de subir deux tests antigéniques par semaine. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a décidé qu’elle n’était pas tenue de verser des prestations d’assurance‑emploi au prestataire parce que son défaut de se conformer à la politique de vaccination de son employeur équivalait à une inconduite.

[4] La division générale du Tribunal a rejeté l’appel du prestataire. Elle a conclu que le prestataire avait voulu enfreindre la politique de vaccination de son employeur. Elle a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que le fait de ne pas tenir compte de la politique entraînerait probablement son congédiement.

[5] La division d’appel a invalidé la décision de la division générale parce qu’elle n’avait pas accordé au prestataire une audience complèteNote de bas de page 1. L’affaire a été renvoyée à la division générale pour réexamen devant un autre membre.

[6] La division générale a tenu une audience par voie de téléconférence. Encore une fois, elle a rejeté l’appel du prestataire.

[7] Le prestataire demande maintenant la permission d’interjeter appel de la deuxième décision de la division générale. Il soutient que la division générale n’a pas appliqué correctement la loi et il fait valoir les arguments suivants :

  • Il refuse les vaccins contre la COVID-19 parce que ses recherches lui indiquent qu’ils sont inefficaces et dangereux.
  • Il n’a jamais signé quoi que ce soit mentionnant qu’il devait être vacciné pour accomplir son travail.
  • Contraindre le personnel à se faire vacciner sous la menace d’un congédiement est contraire aux droits et libertés offerts au Canada.
  • La division générale ne s’est pas conformée à la logique des décisions récentes de la division générale, T. C. et A. L.Note de bas de page 2.

[8] Avant que le prestataire puisse poursuivre, je dois décider si son appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 3. Avoir une chance raisonnable de succès équivaut à avoir une cause défendable en droitNote de bas de page 4. Si le prestataire n’a pas de cause défendable, cette affaire prend fin maintenant.

Question en litige

[9] Peut‑on soutenir que la division générale a commis une erreur en concluant que le refus du prestataire d’accepter la vaccination contre la COVID-19 équivalait à une inconduite?

Analyse

[10] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que le droit et la preuve qu’elle a invoquée pour rendre cette décision. J’ai conclu que le prestataire n’a pas de cause défendable.

L’argument selon lequel la division générale a mal interprété la loi n’est pas fondé

[11] Le prestataire fait valoir qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que rien dans la loi ne l’oblige à se faire vacciner contre la COVID-19. Il suggère qu’en l’obligeant à le faire sous la menace d’un congédiement, son employeur a porté atteinte à ses droits. Il soutient qu’il n’aurait pas dû être exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi parce qu’il n’a rien fait d’illégal.

[12] Je ne vois pas le bien-fondé de cette argumentation.

[13] La division générale définit l’inconduite de la façon suivante :

[P]our qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. En d’autres termes, la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelle. Cela comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la Loi.

Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’en conséquence, son congédiement était une possibilité bien réelleNote de bas de page 5.

[14] Ces paragraphes montrent que la division générale a résumé avec exactitude le droit concernant l’inconduite. La division générale a ensuite conclu à juste titre qu’elle n’a pas le pouvoir de décider si les politiques d’un employeur sont raisonnables, justifiables ou même légalesNote de bas de page 6.

[15] Une décision récente a réaffirmé ce principe dans le contexte particulier des mandats de vaccination contre la COVID-19. Comme dans la présente affaire, l’affaire Cecchetto concernaitle refus d’un prestataire de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeurNote de bas de page 7. La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé par la loi à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en effectuant le choix voulu de ne pas respecter la politique de vaccination de son employeur, le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi. La Cour a déclaré qu’il y avait d’autres moyens, en vertu du système juridique, par lesquels le demandeur pouvait faire valoir ses revendications en matière de droits de la personne.

[16] Ces principes sont également valables dans la présente affaire. En l’espèce, comme dans l’affaire Cecchetto, les seules questions qui importaient étaient les questions de savoir si le prestataire avait enfreint la politique de vaccination de son employeur et, dans l’affirmative, si ce manquement était voulu et vraisemblablement susceptible d’entraîner son congédiement. Dans la présente affaire, la division générale avait de bonnes raisons de répondre « oui » aux deux questions.

L’argument selon lequel la division générale n’a pas tenu compte de précédents faisant autorité n’est pas fondé

[17] Le prestataire s’appuie sur une décision récente de la division générale intitulée A.L., dans laquelle il a été conclu qu’un prestataire de l’assurance-emploi avait droit à des prestations même s’il avait désobéi à la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeurNote de bas de page 8. Le prestataire semble suggérer que le membre de la division générale qui a entendu sa cause aurait dû effectuer une analysesemblable à celle de la décision A.L.

[18] À mon avis, cet argument n’a pas de chance raisonnable de succès.

[19] Premièrement, il ne semble pas que le prestataire ait soulevé la décision A.L devant la division généraleNote de bas de page 9. On ne peut donc pas reprocher au membre qui a entendu l’appel du prestataire d’avoir omis de tenir compte d’un précédent qui ne lui a pas été présenté.

[20] Deuxièmement, la décision A.L., comme le cas du prestataire, a été rendue par la division générale. Même si la membre qui a entendu le cas du prestataire avait pris en considération la décision A.L., elle n’aurait pas été tenue de s’y conformer. Les membres de la division générale sont liés par les décisions de la Cour fédérale, mais ils ne sont pas liés par les décisions de leurs pairs.

[21] Enfin, la décision A.L., comme le prestataire semble le penser, n’accorde pas aux prestataires d’assurance‑emploi une exemption générale des politiques obligatoires de leur employeur en matière de vaccination. La décision A.L. concernait un prestataire dont la convention collective empêchait explicitement son employeur de le forcer à se faire vacciner. Selon mon examen du dossier, le prestataire n’a jamais mentionné une disposition comparable dans son propre contrat de travail. Dans la décision Cecchetto, récente affaire de la Cour fédérale qui portait sur les mandats de vaccination des employeurs, la décision A.L. a également été examinée. Il a été conclu qu’elle n’était pas applicable de façon généraleNote de bas de page 10.

[22] Le prestataire soutient également que la division générale a ignoré une affaire appelée T. C.Note de bas de page 11. Encore une fois, cette affaire n’aide pas le prestataire parce qu’il s’agit d’une autre décision non contraignante de la division générale. Bien que dans la décision T. C. concernant un prestataire de l’assurance‑emploi il a été jugé que le refus de se faire vacciner n’était pas une inconduite, cette affaire contenait des circonstances qui ne sont pas présentes en l’espèce. La décision T. C. s’est penchée sur le fait que l’employeur du prestataire ne lui a accordé que deux jours pour se conformer à une politique de vaccination qui n’avait pas été écrite. Comme la politique n’avait pas été communiquée adéquatement, la division générale a conclu que le défaut du prestataire de se faire vacciner n’était pas délibéré. En revanche, le prestataire dans la présente affaire a reçu un avis écrit clair de la politique de vaccination de son employeur. De plus, il a reçu de nombreux avertissements pour se conformer à la politique et il comprenait les conséquences s’il ne le faisait pas.

L’argument selon lequel la division générale a ignoré ou mal compris la preuve n’est pas fondé

[23] Le prestataire soutient que la vaccination n’a jamais été une condition de son emploi. Il laisse entendre que la sécurité du personnel constituait un prétexte de la véritable raison pour laquelle son employeur voulait le congédier de son emploi.

[24] Encore une fois, je ne vois pas comment ces arguments peuvent prévaloir compte tenu de la loi relative à l’inconduite. Le prestataire a fait valoir les mêmes arguments à la division générale, qui a examiné la preuve disponible et en est arrivée aux conclusions suivantes :

  • L’employeur du prestataire était libre d’établir et d’appliquer une politique de vaccination comme il l’avait jugé bon.
  • L’employeur du prestataire a adopté et communiqué une politique de vaccination obligatoire claire exigeant que le personnel fournisse une preuve qu’il a été vacciné.
  • Le prestataire savait que le défaut de se conformer à la politique avant une certaine date entraînerait une perte d’emploi.
  • Le prestataire a refusé intentionnellement de se faire vacciner.
  • Le prestataire n’a pas tenté de démontrer qu’il était visé par l’une des exceptions permises en vertu de la politique.

Ces conclusions semblent refléter fidèlement le témoignage du prestataire ainsi que les documents au dossier. La division générale a conclu que le prestataire était coupable d’inconduite parce que ses actes étaient voulus et qu’ils ont vraisemblablement mené à son congédiement. Le prestataire a peut-être cru que son refus de se faire vacciner ne causait aucun préjudice à son employeur, mais ce n’était pas à lui d’en décider.

Conclusion

[25] Je ne suis pas convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès. C’est pourquoi la permission d’interjeter appel est refusée. Par conséquent, le présent appel ne sera pas instruit.

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