Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 191

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : M. H.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 8 décembre 2022
(GE-22-2322)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 21 février 2023
Numéro de dossier : AD-22-972

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur, M. H. (prestataire), fait appel de la décision de la division générale. Celle-ci a conclu que la Commission de l’assurance-emploi du Canada avait prouvé que le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite. Il n’avait pas respecté la politique de vaccination de son employeur. Par conséquent, le prestataire était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi.

[3] Le prestataire soutient que la division générale a commis plusieurs erreurs de compétence, de procédure, de droit et de fait. Il nie qu’il y ait eu une inconduite dans son cas et affirme que la division générale n’a pas examiné si la politique de vaccination de son employeur était raisonnable.

[4] Avant que le prestataire puisse aller de l’avant avec le présent appel, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 1. Avoir une chance raisonnable de succès équivaut à avoir une cause défendableNote de bas de page 2. Autrement dit y a-t-il une chance que l’un ou l’autre des arguments du prestataire soit accueilli dans le cadre de l’appel? Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, l’affaire est close.

[5] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je n’accorde pas au prestataire la permission d’aller de l’avant avec son appel.

Questions en litige

[6] Voici les questions en litige :

  1. a) Est-il possible de soutenir que la membre de la division générale a fait preuve de partialité?
  2. b) Est-il possible de soutenir que la division générale a mal interprété ce qui constitue une inconduite?
  3. c) Est-il possible de soutenir que la division générale a mal interprété certains éléments de preuve et arguments?

Je refuse au prestataire la permission de faire appel

[7] La division d’appel accorde la permission de faire appel à moins que l’appel n’ait aucune chance raisonnable de succès. Il existe une chance raisonnable de succès s’il y a eu une erreur de compétence, de procédure ou de droit, ou un certain type d’erreur de faitNote de bas de page 3.

[8] Pour ce qui est des erreurs de fait, il faut que la division générale ait fondé sa décision sur une erreur commise de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Une fois qu’une partie demanderesse obtient la permission de la division d’appel, elle passe à l’appel proprement dit. La division d’appel décide alors si la division générale a commis une erreur. Si elle décide qu’elle a effectivement commis une erreur, elle décide alors de la façon de la corriger.

Est-il possible de soutenir que la membre de la division générale a fait preuve de partialité?

[10] Le prestataire soutient que la membre de la division générale avait un parti pris parce qu’elle n’était pas prête à tenir compte de ses préoccupations concernant l’efficacité et l’innocuité des vaccins contre la COVID-19. Il affirme que cela l’a amenée à rejeter complètement ses arguments. Le prestataire écrit :

[traduction]
[La membre] insiste sur le fait qu’elle n’a pas de position particulière sur la question, et de plus, qu’il ne serait pas nécessaire de vérifier la véracité de mes allégations pour établir si mes actions devraient ou non être considérées comme de l’inconduite au sens de la loi. Je juge que cette affirmation est trompeuse. Il ressort clairement du libellé de la décision que [la membre] n’a pas examiné les événements d’un point de vue neutre ni envisagé la possibilité que les allégations que je fais puissent être vraies. Je suis sincèrement d’avis que si [la membre] avait abordé la question d’un point de vue neutre, elle aurait rendu une décision différente.

Autrement dit, je propose que [la membre] a laissé sa partialité personnelle (sa foi aveugle en l’infaillibilité du gouvernement et du système de santé) brouiller son jugement en ce qui concerne la loi et l’applicabilité de la loiNote de bas de page 4.

[11] Le prestataire écrit aussi :

[traduction]
[…] Encore une fois, j’ai pris grand soin d’expliquer pourquoi la politique en question n’avait absolument rien à voir avec la vaccination. De son propre aveu, n’étant pas médecin [la membre] n’est pas, à son avis, qualifiée pour vérifier si le médicament est un vaccin ou non. Son affirmation selon laquelle il s’agissait d’une « politique de vaccination » n’est donc qu’une affirmation de sa partialité personnelleNote de bas de page 5.

[12] Le prestataire souligne également la déclaration suivante de la membre comme preuve de partialité :

[traduction]
Je pourrais convenir que s’il y a une preuve irréfutable que si un employeur exigeait l’injection d’un médicament mortel, ce serait problématiqueNote de bas de page 6.

[13] Le prestataire affirme que la réponse de la membre est inadéquate. Le prestataire affirme que sa déclaration montre qu’elle est incapable de regarder au-delà de sa propre partialité. Il se demande si elle [traduction] « banaliserait une préoccupation aussi grave si elle considérait que les motifs de la préoccupation étaient potentiellement légitimesNote de bas de page 7 ».

[14] Dans une affaire récente intitulée Murphy c Canada (Procureur général)Note de bas de page 8, la Cour fédérale a examiné la jurisprudence sur la question de la partialité. Elle a souligné que la partialité est une allégation très grave et qu’il existe une forte présomption d’impartialité qu’il est difficile de réfuter. La Cour a pris note du critère énoncé dans la décision Committee for Justice and Liberty c L’Office national de l’énergie, pour déterminer s’il y a partialité réelle ou crainte raisonnable de partialité. La Cour suprême du Canada a établi ce qui suit :

[La] crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d’appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratiqueNote de bas de page 9 ».

[15] La Cour fédérale a ensuite examiné le critère énoncé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Firsov v Canada (Procureur général). Le critère est de savoir si :

[traduction]
une personne bien renseignée, qui examine la question de façon réaliste et pratique, et qui a réfléchi à la question en profondeur […], penserait qu’il est plus probable qu’improbable que le [décideur], consciemment ou inconsciemment, ne rendrait pas une décision équitable (voir la décision Commission scolaire francophone du Yukon, section de l’éducation no 23 v Yukon (Procureur général), 2015 CSC 25 aux paragraphes 20 à 21 et 26)Note de bas de page 10.

[16] La Cour fédérale a conclu que Mme Murphy n’avait produit aucun élément de preuve qui pourrait répondre au critère élevé requis pour réfuter la présomption d’intégrité et d’impartialité judiciaire. La Cour a conclu que les motifs d’une crainte de partialité doivent être importants et ne pas être liés à une conscience sensible.

[17] La Cour a reconnu que Mme Murphy n’était pas d’accord avec les conclusions du juge associé dans cette affaire. Cependant, la Cour a conclu que cela ne justifiait pas une allégation de partialité. La Cour a écrit que « le fait qu’un [décideur] ne partage pas l’avis d’un demandeur et en rejette les arguments ne constitue pas, en soi, une preuve de partialitéNote de bas de page 11 ».

[18] J’estime que c’est la situation dans la présente affaire. La membre de la division générale a conclu qu’il était au-delà de son rôle de tirer des conclusions sur le vaccin, de savoir si l’employeur du prestataire a violé ses droits ou s’il aurait dû modifier les conditions d’emploi du prestataire. Il n’y avait rien dans son langage ou dans la façon dont elle a tenu l’audience qui satisferait au critère de partialité ou de crainte raisonnable de partialité.

[19] Le prestataire est d’avis que ce qu’il décrit comme un médicament n’est pas admissible à un vaccin et qu’il est dangereux. Le fait que la membre de la division générale a qualifié le vaccin de « vaccin » et la politique de l’employeur de « politique de vaccination » ne satisfait pas non plus au critère.

[20] La division générale n’avait tout simplement pas le pouvoir ou l’expertise d’examiner le vaccin et de prendre des décisions sur la question de savoir s’il devrait être appelé un « vaccin » ou autre chose, ou si le vaccin est sécuritaire. La division générale avait le droit de décrire le vaccin comme un vaccin, étant donné qu’on l’appelle communément ainsi. De plus, comme l’employeur du prestataire a décrit sa politique comme étant une [traduction] « vaccination obligatoire contre la COVID-19 pour les employés », il était tout à fait naturel d’adopter le nom de l’employeur pour sa politique par souci de clarté.

[21] À l’exception de ces considérations, la division générale ne pouvait tout simplement pas tenir compte des préoccupations du prestataire au sujet de l’efficacité et de l’innocuité des vaccins ou du caractère raisonnable de la politique de vaccination de son employeur. Comme la Cour fédérale l’a récemment confirmé dans l’affaire Cecchetto c Canada (Procureur général), ces considérations ne relèvent pas de l’évaluation de la division générale visant à déterminer si une inconduite a été commiseNote de bas de page 12.

[22] Je ne suis pas convaincue que le prestataire puisse soutenir que la membre de la division générale avait un parti pris ou qu’il y avait une crainte raisonnable de partialité. La preuve est loin de satisfaire au critère.

Est-il possible de soutenir que la division générale a mal interprété ce qu’est une inconduite?

[23] Le prestataire soutient que la division générale a mal interprété ce qu’est une inconduite. Il affirme qu’elle aurait dû tenir compte du examiner le caractère raisonnable de la politique de vaccination de son employeur. Il prétend que celle-ci était déraisonnable et qu’il n’avait donc pas à s’y conformer. Il affirme également que s’il n’était pas tenu de s’y conformer, il n’y a pas eu d’inconduite.

[24] Dans l’affaire Cecchetto, la Cour a décidé que la division d’appel ou la division générale n’a pas le mandat ou la compétence d’évaluer le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la politique de vaccination d’un employeur ou de rendre une décision à ce sujetNote de bas de page 13. Par conséquent, la division générale n’avait pas à examiner le caractère raisonnable de la politique de vaccination de l’employeur ni à décider si le prestataire pouvait ignorer la politique de son employeur parce qu’il la trouvait déraisonnable.

[25] La division générale n’a pas commis d’erreur sur ce point lorsqu’elle a décidé de ne pas se prononcer sur l’innocuité ou l’efficacité du vaccin et sur le caractère raisonnable de la politique de l’employeur. La division générale a établi à juste titre que ces considérations n’ont pas été prises en compte dans la détermination de l’inconduite.

Est-il possible de soutenir que la division générale a mal interprété certains éléments de preuve et arguments?

[26] Le prestataire soutient que la division générale a mal interprété certains éléments de preuve et arguments. Par conséquent, il affirme que la division générale n’a pas tenu compte du fait qu’il n’y a pas eu d’inconduite dans son cas.

[27] Le prestataire affirme que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  1. (a) Au paragraphe 27, il aurait affirmé qu’un employeur n’est pas autorisé à changer les conditions d’emploi. Le prestataire nie avoir dit cela. Il affirme plutôt qu’il a dit que [traduction] « il doit sûrement y avoir une disposition dans la loi qui énonce les limitations quant à la façon dont un employeur peut raisonnablement modifier les conditions d’emploi et à la raison pour laquelle il peut le faire ».
  2. (b) Au paragraphe 34, où la division générale a écrit qu’il n’avait pas demandé d’exemption à la politique de vaccination de son employeur. Le prestataire explique qu’il n’a pas demandé d’exemption parce qu’il n’y était pas admissible.
  3. (c) Aux paragraphes 38 et 40, où la division générale a écrit qu’il a décrit le vaccin comme étant un « médicament mortel ». Le prestataire affirme qu’en fait, il l’a décrit comme un « médicament potentiellement mortel ».

[28] Si, comme le soutient le prestataire, la division générale a commis ces erreurs, je conclus que cela n’aurait eu aucune incidence. Le résultat aurait été le même.

[29] Le prestataire affirme que la Loi sur l’assurance-emploi doit ou devrait limiter les circonstances dans lesquelles un employeur peut modifier les conditions d’emploi, particulièrement en cas d’inconduite.

[30] Même si la division générale avait compris l’argument du prestataire selon lequel la Loi sur l’assurance-emploi pouvait limiter les changements apportés à son emploi, elle aurait conclu que la Loi sur l’assurance-emploi ne contient aucune disposition qui limite la possibilité pour un employeur de modifier raisonnablement les conditions d’emploi. La Loi sur l’assurance-emploi n’interdit pas à un employeur de modifier les conditions d’emploi ni ne le limiteNote de bas de page 14.

[31] De plus, la division générale n’a pas été autorisée à évaluer le caractère raisonnable des changements apportés par l’employeur à l’état du prestataire. Comme la Cour l’a jugé dans l’arrêt Cecchetto, la division générale a un rôle très restreint et spécifique. Comme je l’ai mentionné plus haut, cela ne s’étend pas à l’examen du bien-fondé, de la légitimité ou de la légalité de la nouvelle politique ou des nouvelles règles d’un employeur qui modifient les conditions d’emploi d’une partie prestataire, et cela n’inclut pas cet examenNote de bas de page 15.

[32] La Cour fédérale a souligné que le rôle de la division générale et de la division d’appel consiste à établir les raisons pour lesquelles une partie demanderesse est congédiée de son emploi et si ce motif constitue une inconduiteNote de bas de page 16.

[33] Pour ce qui est de l’explication du prestataire quant à la raison pour laquelle il n’a pas demandé d’exemption, la question n’était pas pertinente pour la question de l’inconduite. La raison pour laquelle le prestataire n’a pas demandé d’exemption de la politique de vaccination de son employeur n’avait pas d’importance. Le fait qu’il n’avait pas d’exemption signifiait que son employeur s’attendait à ce qu’il se conforme à sa politique de vaccination, et sa décision de ne pas s’y conformer a amené l’employeur à le suspendre.

[34] Quant à savoir si la division générale a correctement décrit la façon dont le prestataire a décrit le vaccin comme étant « mortel » ou « potentiellement mortel », elle n’aurait pas non plus changé le résultat. Il est clair que la division générale a conclu que la question de l’innocuité du vaccin n’était pas pertinente.

[35] Essentiellement, la division générale a conclu que son rôle n’était pas de juger de l’innocuité du vaccin, mais plutôt de savoir si la conduite du prestataire constituait une inconduite. La division générale n’a pas commis d’erreur sur cette question. Sa décision était conforme à la décision Cecchetto.

Conclusion

[36] L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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