Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : LM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 305

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Demanderesse : L. M.
Défenderesse : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 27 janvier 2023
(GE-22-3968)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 16 mars 2023
Numéro de dossier : AD-23-204

Sur cette page

Décision

[1] L’autorisation (permission) d’interjeter appel est refusée. L’appel de la décision de la division générale du 27 janvier 2023 n’ira pas de l’avant. L’appel interjeté par la prestataire de la décision de la division générale du 7 octobre 2022 ira de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse, L. M. (la prestataire) interjette appel de la décision de la division générale du 27 janvier 2023. La division générale a déterminé que la prestataire n’avait pas satisfait au critère juridique lui permettant d’annuler ou de modifier sa décision du 7 octobre 2022Note de bas de page 1.

[3] Dans sa décision initiale du 7 octobre 2022, la division générale a déterminé que la prestataire avait été suspendue de son emploi, puis congédiée pour inconduite. Elle n’avait pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Par conséquent, elle était initialement inadmissible, puis exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[4] Dans sa décision du 27 janvier 2023, la division générale a conclu que la prestataire n’avait pas démontré qu’il y avait des faits nouveaux relatifs à une question juridique soulevée dans son appel. La division générale a également conclu que la prestataire n’avait pas démontré qu’elle avait rendu sa décision initiale avant que soit connu un fait essentiel ou que la décision était fondée sur une erreur relative à un fait essentiel dans la décision initiale.

[5] La prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de compétence, de procédure, de droit et de fait.

  1. a) Elle met en doute la compétence du membre.
  2. b) Elle soutient également que le membre de la division générale avait un parti pris et affirme qu’un autre membre aurait dû entendre sa demande d’annulation ou de modification.
  3. c) Elle soutient également que la division générale n’a pas expliqué pourquoi les nouveaux éléments de preuve qu’elle a présentés avec sa demande ne constituaient pas des « faits nouveaux ».
  4. d) Elle soutient que la division générale aurait dû accepter les faits et la jurisprudence qu’elle a produits avec sa demande d’annulation ou de modification. Elle affirme que, bien que ces faits ou éléments de preuve aient pu exister au moment de son audience devant la division générale, ils demeurent des « faits nouveaux » relativement à son appel.
  5. e) La prestataire soutient également que la division générale a commis des erreurs lorsqu’elle a conclu qu’il y avait inconduite. Elle affirme que la division générale aurait dû produire une preuve d’inconduite.

[6] Avant que la prestataire puisse aller de l’avant avec son appel, je dois décider si l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 3. Une chance raisonnable de succès est assimilée à une cause défendable en droitNote de bas de page 4. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, cela met fin à l’affaire.

[7] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je ne donne pas à la prestataire la permission d’aller de l’avant avec son appel de la décision de la division générale qui rejette sa demande d’annulation ou de modification.

Questions en litige

[8] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. a) Peut-on soutenir que la division générale a outrepassé sa compétence?
  2. b) Peut-on soutenir que le membre de la division générale a fait preuve de partialité?
  3. c) Peut-on soutenir que la division générale a omis d’expliquer sa décision?
  4. d) Peut-on soutenir que la division générale a mal interprété la signification des « faits nouveaux »?
  5. e) Peut-on soutenir que, dans sa décision du 27 janvier 2023, la division générale n’a pas examiné ce que signifie une inconduite?

Je n’accorde pas à la prestataire la permission d’interjeter appel

[9] La division d’appel accorde la permission d’interjeter appel à moins que l’appel n’ait aucune chance raisonnable de succès. Il existe une chance raisonnable de succès s’il est possible qu’une section ait commis une erreur de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de faitNote de bas de page 5.

[10] Dans le cas d’erreurs de fait, la division générale doit avoir fondé sa décision sur une erreur commise de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments de preuve dont elle est saisie.

[11] Après avoir obtenu la permission de la division d’appel, la partie demanderesse passe à l’appel proprement dit. À cette étape, la division d’appel décide si la division générale a commis une erreur. Si tel est le cas, la division d’appel décide ensuite de la façon de la corriger.

La prestataire ne peut soutenir que la division générale a agi sans pouvoir

[12] La prestataire soutient que la division générale a agi sans pouvoir et affirme qu’elle a agi de façon arbitraire lorsqu’elle a décidé d’annuler ou de modifier sa décision. Elle cite le paragraphe 33. La division générale y a écrit qu’elle pouvait annuler ou modifier sa décision initiale si elle avait rendu une décision avant de connaître un fait essentiel ou si elle avait fondé sa décision sur erreur relative à un fait essentielNote de bas de page 6. Elle se demande où la division générale a obtenu son pouvoir de décider quand elle pouvait annuler ou modifier sa décision initiale.

[13] Au paragraphe 19, la division générale a également énoncé les exigences qui doivent exister avant de pouvoir décider d’annuler ou de modifier sa décision initiale. La division générale a fait référence à l’article 66 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[14] L’article 66(1)a) de la Loi sur le MEDSNote de bas de page 7 est ainsi libellé :

66. (1) Le Tribunal peut annuler ou modifier toute décision qu’il a rendue relativement à une demande particulière :

a) dans le cas d’une décision visant la Loi sur l’assurance-emploi, si des faits nouveaux lui sont présentés ou s’il est convaincu que la décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel ou a été fondée sur une erreur relative à un tel fait.

[15] De toute évidence, la division générale n’a pas conçu son propre critère quant au moment et aux circonstances où elle pourrait annuler ou modifier sa décision initiale. La division générale a cité et appliqué le critère énoncé dans la Loi sur le MEDS.

[16] Je ne suis pas convaincue que l’on peut soutenir que la division générale a agi sans autorisation lorsqu’elle a décidé des circonstances qui devaient exister pour annuler ou modifier sa décision initiale.

Peut-on soutenir que le membre de la division générale a fait preuve de partialité?

[17] La prestataire soutient que le membre de la division générale a fait preuve de partialité. Elle soutient que le membre était forcément partiel, car il était naturel qu’il maintienne sa décision initiale. Selon elle, [traduction] « il y a toujours un peu d’égo quand un être humain est en causeNote de bas de page 8 ».

[18] La Cour fédérale a examiné la jurisprudence sur la question de la partialité dans l’affaire intitulée Murphy c Canada (Procureur général)Note de bas de page 9. La Cour a souligné que l’allégation de partialité est très grave et qu’il existe une forte présomption d’impartialité qui n’est pas facilement réfutable. La Cour a fait remarquer le critère énoncé dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty et al c Office national de l’énergie et al, pour déterminer s’il y a partialité réelle ou crainte raisonnable de partialité. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a statué ce qui suit :

[L]a crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d’appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratiqueNote de bas de page 10 ».

[19] La Cour fédérale a ensuite examiné le critère établi par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Firsov v Canada (Procureur général). Le critère est le suivant :

[traduction]

une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique […] [croirait] que, selon toute vraisemblance [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste : Commission scolaire francophone du Yukon, district scolaire #23 c Yukon (Procureure générale), 2015 CSC 25, paragraphes 20 à 21 et 26Note de bas de page 11.

[20] La Cour fédérale a conclu que Mme Murphy n’avait produit aucun élément de preuve permettant d’atteindre le seuil très élevé pour réfuter la présomption d’intégrité et d’impartialité judiciaires. La Cour a statué que les motifs de crainte de partialité doivent être sérieux et non ceux d’une personne de nature scrupuleuse.

[21] La Cour a constaté que Mme Murphy n’était pas d’accord avec les conclusions de la juge adjointe dans cette affaire. Mais la Cour a conclu que cela ne justifiait pas une allégation de partialité. La Cour a écrit que « [l]e fait qu’un [décideur] ne partage pas l’avis d’un demandeur et en rejette les arguments ne constitue pas, en soi, une preuve de partialitéNote de bas de page 12 ».

[22] La prestataire soutient qu’il y a eu partialité parce que c’est le même membre de la division générale qui a tranché son appel initial et qu’il serait naturellement enclin à maintenir sa décision. Sinon, elle affirme qu’il admettrait essentiellement qu’il avait eu tort dans la décision initiale.

[23] L’argument de la prestataire ne tient pas compte du fait que le membre de la division générale pouvait modifier sa décision, si la prestataire produisait des faits nouveaux ou si le membre avait pris connaissance d’un fait essentiel, ou si sa décision antérieure était fondée sur une erreur relative à un fait essentiel.

[24] Outre ce facteur, le simple fait d’alléguer qu’il devait y avoir eu partialité parce que le même membre a décidé de sa demande ne répond pas aux exigences pour démontrer la partialité ou une crainte de partialité. Rien dans le libellé de la décision du membre n’atteint le seuil élevé nécessaire pour satisfaire au critère de la partialité ou de la crainte raisonnable de partialité.

[25] Je ne suis pas convaincue que la prestataire puisse soutenir que le membre de la division générale avait un parti pris ou qu’il existait une crainte raisonnable de partialité. La preuve ne satisfait pas au critère.

La prestataire ne peut pas soutenir que la division générale a omis d’expliquer sa décision

[26] La prestataire soutient que la division générale a omis d’expliquer sa décision. Elle écrit qu’elle [traduction] « a communiqué plusieurs faits, y compris des décisions juridiques rendues par le TSS […] [La division générale] n’a pas tenu compte de mon élément de preuve. Veuillez me montrer comment vous en êtes arrivé à cette conclusionNote de bas de page 13. » Elle soutient que la division générale n’a pas présenté de faits ou d’éléments de preuve à l’appui de sa décision.

[27] La division générale a énuméré les documents que la prestataire a déposés à l’appui de sa demande d’annulation ou de modification de la décision initiale.

[28] La division générale a clairement indiqué qu’une demande d’annulation ou de modification n’était pas l’occasion pour un prestataire d’argumenter ou de débattre de nouveau des questions soulevées dans la décision initiale.

[29] La division générale a expliqué que, pour qu’elle puisse annuler ou modifier sa décision initiale, la partie prestataire devait satisfaire aux exigences énoncées à l’article 66 de la Loi sur le MEDS. La division générale énonce les exigences. La division générale a déclaré que la prestataire devait démontrer ce qui suit :

  • des faits nouveaux qui l’amèneraient à trancher différemment une question juridique;
  • elle avait rendu sa décision avant de connaître un fait essentiel ou elle avait commis une erreur au sujet d’un fait essentiel.

[30] Pour qu’il s’agisse de « faits nouveaux », la division générale a conclu que ces faits devaient s’être produits après qu’elle a rendu sa décision. Ou, si les faits s’étaient produits avant que la division générale ne rende sa décision, la prestataire devait avoir été incapable de les découvrir en agissant avec diligence avant que la division générale rende sa décision. Enfin, la division générale a conclu que les « faits nouveaux » devaient être déterminants relativement à une question en appel. Par conséquent, ces faits devaient être si essentiels qu’ils auraient changé la décision.

[31] Il s’agit du critère énoncé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada (Procureur général) c ChanNote de bas de page 14. La division générale a cité ce critère.

[32] La division générale a examiné la question de savoir si la prestataire avait produit des faits nouveaux pour satisfaire à la première partie de ce critère. Elle a expliqué pourquoi elle ne considérait pas les documents de la prestataire comme des faits nouveaux.

  • La division générale n’a pas considéré les documents a) à g) comme des faits nouveaux parce qu’ils existaient déjà avant que la division générale ne rende sa décision.
  • La division générale n’a pas considéré les documents h) et i) à l) comme des « faits nouveaux » parce qu’il s’agissait soit de jurisprudence, soit de commentaires sur des développements juridiques. De plus, la division générale n’a pas conclu que les documents étaient déterminants pour l’issue dans l’affaire de la prestataire.
  • Enfin, la division générale a expliqué pourquoi elle n’a pas tenu compte du fait que la prestataire travaillait de la maison comme constituant un « fait nouveau ». La division générale a expliqué qu’elle en avait été informée lorsqu’elle a rendu sa décision initiale.

[33] La division générale s’est ensuite penchée sur la deuxième partie du critère qui lui aurait permis d’annuler ou de modifier sa décision initiale. La division générale connaissait le fait essentiel et elle a expliqué pourquoi elle n’avait pas commis d’erreur au sujet d’un fait essentiel non plus.

[34] La division générale a fourni une explication détaillée de sa décision. Pour ce motif, je ne suis pas convaincue que la prestataire puisse soutenir que la division générale n’a pas expliqué sa décision.

La prestataire ne peut soutenir que la division générale a mal interprété ce que signifient les « faits nouveaux »

[35] La prestataire soutient que la division générale a mal interprété la signification du terme « faits nouveaux ». Elle affirme que ses documents peuvent toujours être considérés comme des « faits nouveaux » même s’ils existaient avant que la division générale rende sa décision. D’une part, elle affirme que même avec la diligence raisonnable requise les recherches sur Internet sont aléatoires et incohérentes. Selon elle, les recherches sur Internet peuvent donner des résultats différents, ce qui complique la recherche de tous les faits même s’ils existent. Elle ajoute que les « faits nouveaux » devraient signifier des faits nouveaux en lien avec son audience.

[36] Les tribunaux ont défini ce que signifient les « faits nouveaux ». Dans une affaire intitulée Canada (Procureur général) c HinesNote de bas de page 15, la Cour d’appel fédérale a adopté le critère énoncé dans l’arrêt Chan, sur lequel la division générale s’est fondée. La Cour fédérale s’est exprimée en ces termes :

[14] Le critère pour déterminer si des « faits nouveaux » ont été présentés au sens de cette disposition est établi depuis longtemps. Il a été réaffirmé dans Canada (Procureur général) c Chan, [1994] A.C.F. no 1916, où le juge Décary – se référant à la disposition qui a précédé à l’article 120, dont le libellé est essentiellement le même – a déclaré ce qui suit (paragraphe 10) :

[…] Les « faits nouveaux », aux fins du réexamen de la décision du juge-arbitre recherché conformément à l’article 86 de la Loi, sont des faits qui se sont produits après que la décision a été rendue ou qui ont eu lieu avant la décision, mais n’auraient pu être découverts par une prestataire diligente et, dans les deux cas, les faits allégués doivent avoir décidé de la question soumise au juge-arbitre.

[Mise en évidence par la Cour]

[37] Aucune des affaires judiciaires n’appuie la définition de « faits nouveaux » de la prestataire.

[38] Comme la division générale a correctement défini et appliqué le critère établi pour les « faits nouveaux », je ne suis pas convaincue que la prestataire puisse soutenir que la division générale a mal interprété ce que signifient les « faits nouveaux ».

La prestataire ne peut soutenir que la division générale n’a pas examiné ce que signifie l’inconduite

[39] La prestataire soutient qu’il n’y avait pas eu d’inconduite dans son cas. Elle fait valoir que la division générale a mal interprété la signification de l’inconduite dans son appel. Elle affirme donc que la division générale aurait dû examiner de nouveau la question de savoir s’il y a eu inconduite, même si elle n’a pas produit de « faits nouveaux ».

[40] La prestataire affirme également que la division générale aurait dû produire ses propres éléments de preuve et faits pour prouver qu’il y a eu inconduite.

[41] La division générale est un décideur indépendant et impartial. Il serait tout à fait inopportun que la division générale recueille ses propres éléments de preuve. Il appartient à chaque partie respective de recueillir ses propres éléments de preuve à l’appui de sa thèse.

[42] De plus, comme l’a souligné la division générale, elle n’avait pas le pouvoir de réexaminer la question de l’inconduite. Il n’était pas pertinent pour la demande de la prestataire d’annuler ou de modifier sa décision initiale.

[43] La division générale devait mettre l’accent sur la nature des documents que la prestataire a produits et sur la question de savoir s’ils correspondaient à la définition de « faits nouveaux » ainsi que sur la question de savoir si la division générale a rendu sa décision avant que soit connu un fait essentiel ou a fondé sa décision sur une erreur relative à un fait essentiel.

Conclusion

[44] La prestataire n’a pas de cause défendable. La permission d’interjeter appel est refusée. Par conséquent, l’appel de la décision de la division générale du 27 janvier 2023 n’ira pas de l’avant. L’appel interjeté par la prestataire de la décision de la division générale du 7 octobre 2022 ira de l’avant.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.