Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : LM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 306

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance‑emploi

Décision

Appelante : L. M.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (476385) datée du 12 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : Sur la foi du dossier
Date de la décision : Le 27 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-3968

Sur cette page

Décision

[1] Je n’annulerai ni ne modifierai ma décision en appel GE-22-1954, datée du 7 octobre 2022 (décision initiale) parce que L. M. (la prestataire) n’a pas satisfait au critère juridique me permettant de le faire.

[2] Elle n’a pas démontré qu’il existe des faits nouveaux au sujet d’une question juridique dans son appel qui m’amèneraient à modifier ma décision sur cette question.

[3] Et elle n’a pas démontré que j’avais pris la décision initiale avant de connaître un fait essentiel ou que j’avais commis une erreur au sujet d’un fait essentiel dans la décision initiale.

[4] Je rejette donc sa demande d’annulation ou de modification de la décision initiale.

Aperçu

[5] Dans le dossier d’appel GE-22-1954, j’ai rejeté l’appel interjeté par la prestataire de la décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission). J’ai décidé qu’elle n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a été suspendue puis a perdu son emploi pour une raison que la Loi sur l’assurance-emploi considère comme une inconduite. C’est ce que la Commission avait décidé.

[6] L’audience relative à l’appel a eu lieu les 21 et 29 septembre 2022. J’ai rendu ma décision le 7 octobre 2022 par écrit. Je l’appellerai la « décision initiale ».

[7] Le 29 novembre 2022, moins de deux mois plus tard, la prestataire a déposé une demande d’annulation ou de modification de ma décision (demande).

[8] Dans sa demande, elle affirme que des faits nouveaux appuient son argument selon lequel sa conduite n’était pas une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle affirme que la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur ne s’appliquait pas à elle parce qu’elle n’était pas une travailleuse de la santé, qu’elle ne fournissait pas de services de santé et qu’elle avait toujours travaillé de la maison dans un rôle administratifNote de bas de page 1. Elle a envoyé de nombreux documents à l’appui de ces nouveaux faits. Je vais examiner ces documents dans mon analyse.

[9] Je dois décider si je dois annuler ou modifier la décision initiale.

Questions que j’ai examinées en premier

Pouvoir du Tribunal d’annuler ou de modifier une décision

[10] La loi confère au Tribunal le pouvoir d’annuler ou de modifier toute décision qu’il a rendue dans les cas suivantsNote de bas de page 2 :

  • le prestataire a présenté une demande au plus tard un an après la communication de la décision;
  • le prestataire n’a pas déjà présenté de demande d’annulation ou de modification de la décision;
  • le prestataire a présenté une demande à la division qui a rendu la décision initiale.

[11] La prestataire n’a pas déjà présenté de demande d’annulation ou de modification de la décision initiale à la division générale. Et elle a déposé cette demande au plus tard un an après la réception de la décision. (J’ai précisé les dates pertinentes dans la section Aperçu ci-dessus.)

[12] Je conclus donc que la loi me confère le pouvoir d’annuler ou de modifier la décision à la demande de la prestataire.

Décision sur la foi du dossier

[13] J’ai décidé de rendre cette décision sur la foi du dossierNote de bas de page 3. Autrement dit, j’ai rendu la présente décision en me fondant sur les documents au dossier du Tribunal, sans tenir d’audience.

[14] J’ai rendu la présente décision sur la foi du dossier pour deux raisons.

  • Premièrement, j’ai entendu la prestataire lors de son audience d’appel. Elle a donc eu l’occasion de présenter son argument juridique relativement à la raison pour laquelle sa conduite n’était pas une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.
  • Deuxièmement, je n’ai pas besoin de l’entendre témoigner au sujet de la présente demande (qui est composée du formulaire de demande du Tribunal qu’elle a rempli et de ses documents justificatifs). J’ai lu la demande en entier. Ses motifs étaient clairs et je n’avais aucune question pour la prestataire.

[15] Je conclus donc qu’il n’est pas injuste envers la prestataire que je tranche sa demande sur la foi du dossier.

[16] Et je conclus que cela n’est pas injuste envers la Commission, qui est l’autre partie à la présente demande. Le Tribunal a envoyé à la Commission la demande d’annulation ou de modification (et les documents justificatifs) de la prestataire et lui a donné l’occasion de répondre, ce qu’elle a fait dans le délai prescritNote de bas de page 4.

Question en litige

[17] Devrais-je annuler ou modifier la décision initiale?

Analyse

[18] Une demande d’annulation ou de modification d’une décision du Tribunal n’est pas une occasion de faire valoir ou de débattre à nouveau une question juridique soulevée dans cette décision.

[19] Pour que j’annule ou modifie ma décision initiale, l’appelant doit démontrer ce qui suitNote de bas de page 5 :

  • des faits nouveaux pourraient m’amener à trancher différemment une question juridique;
  • j’ai rendu la décision avant que soit connu un fait essentiel relatif à la question initiale soulevée dans l’appel ou la décision a été fondée sur une erreur relative à un tel faitNote de bas de page 6.

[20] La question soulevée dans l’appel de la prestataire (et dans la décision initiale) était de savoir si elle a été suspendue, puis a perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Autrement dit, la question était de savoir si elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension et lui a fait perdre son emploiNote de bas de page 7.

[21] J’ai décidé que le non-respect de la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle est donc inadmissible aux prestations d’assurance-emploi (parce qu’elle a été suspendue) et a été exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (parce qu’elle a perdu son emploi). Comme c’est ce que la Commission a décidé, j’ai rejeté son appel.

Des faits nouveaux permettant de décider d’une question

[22] Selon le droit, les faits sont « nouveaux » si le prestataire démontre ce qui suitNote de bas de page 8 :

  • les faits se sont produits après que la décision a été rendue;
  • les faits ont eu lieu avant que la décision soit rendue, mais n’auraient pas pu être découverts par une appelante diligente avant que la décision ne soit rendue.

[23] Les faits nouveaux doivent également être déterminants pour la question que j’ai tranchée dans son appelNote de bas de page 9. Autrement dit, les faits nouveaux m’amèneraient à modifier ma décision concernant une question juridique.

Les faits que la prestataire a transmis au Tribunal

[24] La prestataire a envoyé des documents au Tribunal avec sa demandeNote de bas de page 10 :

  1. a) un article sur les politiques de vaccination obligatoire publié par un cabinet d’avocats (X) (29 juin 2021; mise à jour du 10 avril 2022);
  2. b) nouvelles du Hospital Employees’ Union (HEU) sur les vaccins contre la COVID-19 (21 octobre 2021);
  3. c) bulletin ou communication de la Provincial Health Services Authority (PHSA) (non daté; renvoi aux dates de mise en application de la politique de vaccination contre la COVID-19, en septembre et octobre 2021);
  4. d) courriels entre la prestataire et la Provincial Health Services Authority (PHSA), y compris ses questions et préoccupations au sujet de la vaccination contre la COVID-19 (tous datés de 2021);
  5. e) courriels des autorités sanitaires de la C.-B. et des Premières Nations au sujet de manifestations cliniques inhabituelles à la suite du vaccin contre la COVID-19 (du 5 janvier 2021 au 11 juin 2021);
  6. f) nouvel article de CP24 (publié le 17 février 2022);
  7. g) grief de la prestataire (daté du 24 novembre 2021);
  8. h) décision du TSS dans l’affaire AL c CAEC (GE-22-1998; 14 décembre 2022, membre Mark Leonard);
  9. i) billet du site Web de l’Ontario Civil Liberties Association au sujet de la décision du TSS dans l’affaire AL c CAEC (GE-22-1998; 14 décembre 2022, membre Mark Leonard) (19 décembre 2022);
  10. j) article de Rebel News sur la décision du TSS dans l’affaire AL c CEIC (GE-22-1998; 14 décembre 2022, membre Mark Leonard) (22 décembre 2022);
  11. k) publication sur le site Web du cabinet d’avocats (Cassels Brock & Blackwell LLP) (non datée);
  12. l) publication de Bright HR (non datée).

[25] Dans sa demande d’annulation ou de modification, la prestataire fait valoir les faits nouveaux suivants :

  • Elle n’est pas une travailleuse de la santé et ne travaillait pas dans un établissement de santé. Le décret de vaccination obligatoire (décret provincial) ne s’appliquait pas à elle. Elle fait référence au document c), ci-dessus.
  • Elle travaillait de la maison.

Ma décision au sujet des faits nouveaux qui permettent de décider de la question

[26] Je conclus que la prestataire n’a produit aucun fait nouveau qui serait déterminant pour la question soulevée dans son appel.

[27] Les documents a) à g) existaient avant que je rende ma décision. Elle aurait pu les obtenir si elle avait agi avec diligence; ils étaient accessibles au public sur Internet, figuraient déjà dans son courriel ou avaient été créés bien avant la date de la décision initiale. Ainsi, aucun des faits contenus dans ces documents ne satisfait au critère juridique relatif aux faits nouveaux.

[28] Le document h) n’est pas un fait nouveau dans l’affaire de la prestataire. Il s’agit d’une décision du Tribunal. Il s’agit du droit, et non d’un fait.

[29] Même si j’ai tort à ce sujet, la décision rendue dans l’affaire AL c CAEC (document h) n’est pas déterminante quant à savoir si sa conduite était une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne suis pas tenu de suivre la décision d’un autre membre du Tribunal. Je peux la suivre si j’estime que le raisonnement dans la décision est convaincant.

[30] Les documents i) à l) ne sont pas des faits dans l’affaire de la prestataire. Il s’agit de comptes rendus et de commentaires sur des développements juridiques, dont certains portent sur le critère juridique de l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[31] Même si je me trompe à ce sujet, aucun des documents i) à l) ne permet de déterminer si sa conduite était une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Ils n’ont pas force de loi. Je n’ai pas à les suivre. Cela signifie qu’aucun fait contenu dans ces documents ne modifierait ma décision. Ces documents ne satisfont donc pas au critère juridique relatif aux faits nouveaux.

[32] Enfin, le fait que la prestataire ait travaillé de la maison n’est pas un fait nouveau; elle l’a affirmé dans son appel. Elle a aussi indiqué clairement dans son appel qu’elle travaillait dans le domaine de l’administration et qu’elle n’était pas une fournisseuse de soins de santé. Il ne s’agit donc pas de faits nouveaux.

Aucune décision rendue avant qu’un fait essentiel soit connu ou fondée sur une erreur relative à un tel fait

[33] Je peux également annuler ou modifier la décision initiale dans les cas suivantsNote de bas de page 11 :

  • si j’ai rendu la décision avant que soit connu un fait essentiel;
  • si j’ai fondé la décision sur une erreur relative à un fait essentiel.

[34] La prestataire affirme que je ne connaissais pas la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur ou que j’ai commis une erreur à cet égard. Elle affirme qu’elle ne s’applique pas à elle parce qu’elle n’est pas une travailleuse de la santé et qu’elle ne travaillait pas dans un établissement de santé.

[35] J’ai examiné la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 aux paragraphes 27 à 29 de la décision initiale.

  • Au paragraphe 27, j’ai écrit ce qui suit : « L’employeur avait mis en place une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19, qu’il a fournie à la Commission. L’employeur était tenu de mettre en place la politique conformément au décret de la médecin hygiéniste de la Colombie-Britannique daté du 14 octobre 2021. » J’ai également inclus des citations de la politique de vaccination de l’employeur et du décret de la médecin hygiéniste de la province.
  • Au paragraphe 29, j’ai écrit ce qui suit : « Conformément à la politique de vaccination, la prestataire avait l’obligation de recevoir une première dose d’un vaccin contre la COVID-19 avant le 26 octobre 2021 ».

[36] Ledécret de la médecin hygiéniste provinciale renferme les définitions suivantes :

[traduction]

  • « services de soins de santé » Sont compris les services administratifs ou de gestionNote de bas de page 12;
  • « membre du personnel » Personne employée par une autorité sanitaire régionale ou travailleur contractuel qui fournit des soins de santé à une telle autorité, la Provincial Health Services SocietyNote de bas de page 13;
  • « travail » Désigne le travail effectué pour le compte d’une autorité sanitaire régionale, la Provincial Health Services Society…;
  • les membres du personnel embauchés avant le 26 octobre 2021 doivent être vaccinés ou obtenir une exemption pour travaillerNote de bas de page 14.

[37] Dans sa communication au sujet de son exigence de vaccination, l’employeur indique ce qui suit :

[traduction]

  • Le 13 septembre 2021, la médecin hygiéniste provinciale, la Dre Bonnie Henry, a annoncé que tous les travailleurs de la santé devront être vaccinés contre la COVID-19. De plus, nous prévoyons que ce décret de vaccination obligatoire en instance visera tous les membres du personnel et les médecins employés par les autorités sanitaires de la Colombie-Britannique, ainsi que tous les étudiants, chercheurs, médecins rémunérés à l’acte et contractuels, ainsi que toutes les personnes et tous les entrepreneurs qui travaillent, étudient ou font du bénévolat dans nos établissementsNote de bas de page 15 [mise en évidence par le soussigné].

[38] Les paragraphes susmentionnés de la décision initiale montrent que je connaissais les faits essentiels, c’est-à-dire les employés qui étaient visés par le décret provincial et la politique de vaccination de l’employeur. Et j’ai conclu (tout comme l’employeur de la prestataire dans sa lettre de licenciementNote de bas de page 16) que sa politique de vaccination contre la COVID-19 s’appliquait à elle.

[39] Bien qu’elle puisse ne pas être d’accord avec ma conclusion, je n’ai pas commis d’erreur au sujet d’un fait essentiel. Par conséquent :

  • je n’ai pas rendu la décision avant de connaître un fait essentiel;
  • je n’ai pas fondé la décision sur une erreur relative à un fait essentiel.

La demande d’annulation ou de modification n’est pas une occasion de débattre à nouveau l’appel

[40] Dans sa demande, la prestataire affirme être en désaccord avec mon interprétation et mon application de la politique de vaccination de son employeur (qui est fondée sur le décret provincial) dans la décision initiale. Pour l’essentiel, elle dit que j’ai commis une erreur lorsque j’ai décidé que la politique de vaccination s’appliquait à elle.

[41] Cependant, une demande d’annulation ou de modification d’une décision du Tribunal n’est pas une occasion de faire valoir ou de débattre à nouveau une question juridique soulevée dans la décision initiale.

[42] Elle pourrait avoir d’autres moyens juridiques de faire valoir que la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur ne s’appliquait pas à elle. Par exemple, elle a déposé un grief fondé sur la convention collective intervenue entre son syndicat et son employeur. De plus, elle peut interjeter appel de ma décision devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale.

Conclusion

[43] J’ai conclu que la prestataire n’a pas satisfait au critère juridique me permettant d’annuler ou de modifier la décision initiale.

[44] Par conséquent, je rejette la demande de la prestataire.

[45] Cela signifie que la décision initiale demeure inchangée et pleinement en vigueur.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.