Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 232

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelant : A. B.
Partie intim ée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (467398) datée du 16 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Linda Bell
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 14 février 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 17 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-3884

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Décision

[1] Je rejette l’appel avec des modifications.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a démontré que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension, puis son congédiement).

[3] L’appelant est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du mardi 23 novembre 2021 au vendredi 3 juin 2022, pendant la période de suspensionNote de bas de page 1 . Il a été congédié à compter du 9 juin 2022 en raison d’une inconduite. Par conséquent, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du dimanche 5 juin 2022Note de bas de page 2.

Aperçu

[4] L’appelant a été mis en congé sans solde (suspendu), puis congédié de son emploi. L’employeur de l’appelant affirme qu’il a été congédié parce qu’il ne s’est pas conformé à sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19. Il a refusé de divulguer son statut vaccinal. 

[5] Même si l’appelant ne conteste pas ce qui s’est passé, il affirme qu’aller à l’encontre de la politique de l’employeur n’est pas une inconduite.

[6] La Commission a accepté la raison de la suspension fournie par l’employeur. Elle a décidé que l’appelant avait cessé de travailler en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que l’appelant n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi.

[7] L’appelant est en désaccord avec la décision de la Commission de lui refuser des prestations d’assurance-emploi. Il a fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[8] Le 7 octobre 2022, une membre de la division générale du Tribunal a rejeté de façon sommaire l’appel de l’appelant. Celui-ci a porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel du Tribunal. La membre de la division d’appel a conclu que la membre de la division générale avait commis une erreur en rejetant l’appel de façon sommaire. Elle a donc accueilli l’appel et renvoyé l’affaire à la division générale pour qu’une ou un autre membre l’instruise. Je suis cette membre de la division générale. Je vais donc maintenant me prononcer sur le fond de l’appel.

Questions que je dois examiner en premier

Partie mise en cause potentielle

[9] Parfois, le Tribunal envoie à l’ancien employeur de la partie appelante une lettre lui demandant s’il souhaite être mis en cause dans le cadre de l’appel. Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas mettre l’employeur en cause dans le présent appel. En effet, rien au dossier n’indique que ma décision imposerait des obligations légales à l’employeur.

L’anglais comme langue seconde

[10] Au début de l’audience, l’appelant a expliqué que l’anglais était sa deuxième langue. Il a dit qu’il pourrait expliquer les choses différemment. Il a aussi dit qu’il ne comprendrait peut-être pas tout ce que je disais en anglais. Il a convenu qu’il me dirait s’il y avait quelque chose qu’il ne comprenait pas pour que je puisse le répéter ou le reformuler pour lui. J’ai également accepté de parler lentement pour l’aider à comprendre ce que je disais en anglais.

[11] Tout au long de l’audience, l’appelant a parlé clairement en anglais. Parfois, j’ai reformulé ce qu’il avait dit en anglais pour confirmer que j’avais bien compris. Il semblait comprendre tout ce que je disais en anglais.

[12] À la fin de l’audience, l’appelant a confirmé qu’il comprenait tout ce qui avait été dit et qu’il n’avait pas besoin d’autres précisions. Je conclus donc qu’il a eu une occasion équitable et véritable de se faire entendre.

Question en litige

[13] L’appelant a-t-il été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite?

Analyse

[14] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique, peu importe si l’employeur a suspendu ou congédié la personneNote de bas de page 3.

[15] Pour décider si l’appelant a été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pour quelle raison l’appelant a été suspendu puis congédié. Ensuite, je dois vérifier si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[16] Personne ne conteste le fait que l’appelant a été mis en congé sans solde (suspendu), puis congédié, parce qu’il a refusé de divulguer son statut vaccinal dans les délais prévus par la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de l’employeur.

[17] Il n’y a rien au dossier qui pourrait me faire conclure le contraire. Je juge donc que l’appelant a été suspendu puis congédié de son emploi parce qu’il a refusé de divulguer son statut vaccinal, comme l’exige la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de l’employeur.

La raison de la suspension et du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite au sens de la loi?

[18] Oui. Je conclus que la Commission a prouvé que la raison de la suspension et du congédiement de l’appelant est une inconduite. Voici ce dont j’ai tenu compte.

[19] Pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite de l’appelant était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 4. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 5.

[20] Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la personne ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de malNote de bas de page 6).

[21] Il y a inconduite si la personne savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 7.

[22] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie que la Commission doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a été suspendu puis congédié en raison d’une inconduiteNote de bas de page 8.

[23] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • Le 5 octobre 2021, l’employeur a avisé l’appelant de l’obligation de divulguer son statut vaccinal.
  • L’appelant savait que tous les membres du personnel devaient divulguer qu’ils étaient entièrement vaccinés au plus tard le 22 novembre 2021.
  • L’appelant savait qu’il serait mis en congé sans solde (suspendu) s’il ne divulguait pas qu’il était entièrement vacciné au plus tard le 22 novembre 2021.
  • L’employeur a avisé l’appelant que s’il continuait de refuser de divulguer son statut vaccinal, son emploi pourrait prendre fin.
  • L’appelant n’a pas demandé d’exemption médicale ou religieuse à la politique.

[24] L’appelant affirme qu’il n’a pas commis d’inconduite parce que l’employeur a modifié unilatéralement les conditions de son emploi. Il a fait référence à un document de questions et réponses que l’employeur a publié le 29 mars 2021, qui précise que la vaccination contre la COVID-19 ne sera pas obligatoire. Ce document précise également que les membres du personnel n’auraient pas à divulguer leurs antécédents médicaux personnels. Il affirme que l’employeur a modifié unilatéralement ces réponses lorsqu’il a mis en œuvre la politique du 1er novembre 2021. À cette date, il devait divulguer son statut vaccinal et être vacciné contre la COVID-19.

[25] L’appelant a soutenu que l’employeur l’avait congédié de façon déguisée. Il n’a pas volontairement pris un congé ou démissionné. Il a été mis en congé sans solde le 23 novembre 2021, puis congédié à compter du 9 juin 2022. Il a déposé un grief par l’entremise de son syndicat, mais il a été rejeté.

[26] L’appelant a confirmé avoir eu plusieurs discussions avec son gestionnaire au sujet des exigences pour se conformer à la politique. Il convient d’avoir reçu le courriel du gestionnaire du 5 novembre 2021 indiquant les dates d’échéance pour la déclaration du statut vaccinal. L’appelant a répondu à ce courriel le 19 novembre 2021 en posant cinq questions auxquelles il voulait obtenir des réponses avant d’accepter de se conformer.

[27] À l’audience, l’appelant a fait référence à une décision rendue par le Tribunal dans l’affaire AL c CAEC, dans laquelle un membre du Tribunal a accueilli l’appelNote de bas de page 9. Il dit que son appel devrait aussi être accueilli parce que sa situation était semblable. Plus précisément, A. L.était une employée syndiquée dont la convention collective n’exigeait pas la vaccination contre la COVID-19. L’employeur d’A. L. a unilatéralement modifié les conditions d’emploi de la prestataire et il a été établi qu’elle avait le droit de ne pas accepter de vaccination.

[28] Je ne suis pas liée par les autres décisions rendues par le TribunalNote de bas de page 10. Par conséquent, je n’ai pas à suivre ces décisions. Je peux toutefois m’y fier pour me guider si je les trouve convaincantes ou utiles.

[29] En toute déférence, je ne suis pas convaincue par les conclusions ou les motifs du membre dans la décision AL c CAEC. Si je comprends bien, ce membre a rendu sa décision en fonction de ses conclusions concernant les actions unilatérales de l’employeur pour imposer la politique, et la question de savoir si l’appelante était légalement justifiée de refuser de se faire vacciner contre la COVID-19. Je tiens également à souligner que la décision AL c CAEC a fait l’objet d’un appel.

[30] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 11. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 12.

[31] Je remarque également que la Cour fédérale a récemment rendu une décision dans l’affaire Cecchetto c Procureur général du Canada. Dans cette décision, la Cour a rejeté une demande de contrôle judiciaire dans une affaire présentant des faits similaires à ceux de l’affaire AL c CAECNote de bas de page 13.

[32] Le prestataire de Cecchetto travaillait dans un hôpital et on lui a refusé des prestations d’assurance-emploi parce qu’on a conclu qu’il avait été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite. Il n’a pas respecté la directive provinciale exigeant la vaccination obligatoire contre la COVID-19 pour les personnes qui travaillent dans les hôpitaux.

[33] Dans l’affaire Cecchetto, la Cour a confirmé que le Tribunal de la sécurité sociale n’a pas le mandat ou la compétence d’évaluer le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la politique de vaccination d’un employeur ni de se prononcer sur cette question. Autrement dit, en tant que membre du Tribunal, je ne peux pas décider si l’appelant avait d’autres options au titre d’autres lois ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables pour l’appelantNote de bas de page 14 (lui offrir des mesures d’adaptation). Je peux seulement examiner une chose : si ce que l’appelant a fait ou omis de faire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[34] La question de savoir si l’appelant travaillait ou non à domicile n’est pas pertinente. En effet, l’obligation due à son employeur était de se conformer à la politique de vaccination obligatoire, qui était une condition du maintien en emploiNote de bas de page 15.

[35] Je reconnais que l’appelant peut avoir le droit de décider s’il doit se faire vacciner ou de divulguer son statut vaccinal. Cependant, il savait qu’il y aurait des conséquences s’il refusait de suivre la politique de l’employeur, qui dans le cas présent était une suspension, puis un congédiement.

[36] L’appelant a fait valoir que son relevé d’emploi était illégal parce qu’il est indiqué « N » pour un congé, et non « M » pour une inconduite ou un congédiement pour le motif de cessation d’emploi. Même si le relevé d’emploi peut indiquer un motif de cessation d’emploi différent, je dois examiner les faits de l’affaire pour décider s’il y a eu une inconduite.

[37] Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans une décision récente, « Il n’existe aucun mécanisme aux termes duquel notre Cour ou le Tribunal de la sécurité sociale peut obliger l’employeur [du prestataire] à corriger son RENote de bas de page 16 ».

[38] Compte tenu des faits décrits ci-dessus, je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce que le refus de l’appelant de divulguer son statut vaccinal était délibéré ou intentionnel et constituait un manquement à la politique de vaccination obligatoire de l’employeur. Il y avait un lien de cause à effet entre son refus de divulguer son statut vaccinal, sa suspension et son congédiement. Je conclus donc que l’appelant a été suspendu, puis congédié de son emploi en raison d’une inconduite.

Période d’inadmissibilité et d’exclusion

[39] Je conclus que l’appelant est inadmissible, puis exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il a été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite. Voici ce dont j’ai tenu compte.

[40] La loi prévoit qu’en cas d’inconduite, une inadmissibilité imposée pendant la période de suspension n’empêche pas une exclusion lorsque la période d’inadmissibilité prend fin en raison d’un congédiementNote de bas de page 17.

Inadmissibilité

[41] Je conclus que l’appelant est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du mardi 23 novembre 2021 au vendredi 3 juin 2022Note de bas de page 18.

[42] Je ne suis pas d’accord avec la décision de la Commission selon laquelle l’appelant est inadmissible à compter du 21 novembre 2021Note de bas de page 19. Voici ce dont j’ai tenu compte.

[43] L’appelant a présenté au Tribunal des éléments de preuve montrant qu’il a travaillé une journée complète le 22 novembre 2021. Il a également envoyé des courriels le matin du 23 novembre 2021, avant de perdre l’accès à son ordinateur. Le relevé d’emploi au dossier montre que le dernier jour payé était le 22 novembre 2021. La date d’entrée en vigueur de la suspension indiquée dans les communications émises par l’employeur est le 23 novembre 2021. Je conclus donc que l’appelant a été suspendu à compter du 23 novembre 2021.

[44] La période de prestations de l’appelant a commencé le dimanche 21 novembre 2021. Une inadmissibilité est imposée les jours ouvrables (du lundi au vendredi) pour lesquels des prestations peuvent être versées pendant une période de prestations. Il a été suspendu à compter du 23 novembre 2021. L’appelant est donc inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du mardi 23 novembre 2021 au vendredi 3 juin 2022Note de bas de page 20.

Exclusion

[45] Je conclus que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du dimanche 5 juin 2022Note de bas de page 21.

[46] Je reconnais que l’appelant a perdu son emploi après que la Commission a rendu sa décision découlant d’une révision le 16 mai 2022. Cependant, comme je l’ai mentionné plus haut, la loi prévoit qu’en cas d’inconduite, une inadmissibilité imposée pendant la période de suspension n’empêche pas une exclusion lorsque la période d’inadmissibilité prend fin en raison d’un congédiementNote de bas de page 22.

[47] L’appelant a fourni une copie de sa lettre de cessation d’emploi qui indique que son emploi a pris fin le 9 juin 2022. La lettre indique que son emploi a pris fin parce qu’il a continué de refuser de divulguer s’il avait été vacciné contre la COVID-19.

[48] L’appelant a été congédié à compter du jeudi 9 juin 2022. Les exclusions commencent le dimanche de la semaine au cours de laquelle la partie prestataire est congédiée. Par conséquent, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du dimanche 5 juin 2022Note de bas de page 23.

Conclusion

[49] La Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[50] L’appel est rejeté avec des modifications.

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