Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 356

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : A. P.
Représentant : S. P.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (0) datée du 3 novembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 14 février 2023
Personne présente à l’audience : Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 13 mars 2023
Numéro de dossier : GE-22-3634

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec l’appelanteNote de bas de page 1.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 2.

Aperçu

[3] L’employeur de l’appelante a instauré une politique exigeant que tous les employés aient reçu une première dose du vaccin contre la COVID-19 au plus tard le 19 octobre 2021. Les employés qui n’ont pas été vaccinés à cette date seraient mis en congé non payé. L’employeur de l’appelante l’a mise en congé non payé parce qu’elle ne s’était pas conformée à sa politiqueNote de bas de page 3.

[4] La Commission a examiné les raisons pour lesquelles l’appelante ne travaillait pas. Elle a décidé que l’appelante avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 4. C’est pourquoi la Commission a décidé que l’appelante était inadmissible et exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[5] L’appelante n’est pas d’accord avec la Commission. Le représentant de l’appelante affirme que la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver l’inconduite. Il affirme que la décision de la Commission était déraisonnable parce que la convention collective de l’appelante ne justifie pas la mesure prise par l’employeur. Plusieurs lois justifient la position de l’appelante. Des employeurs ont annulé leurs politiques sur la vaccination. La Commission devrait adopter une approche prudente et accorder des prestations en cette période sans précédent.

Questions que j’ai examinées en premier

L’appelante n’était pas présente à l’audience

[6] L’appelante n’a pas assisté à l’audience parce qu’elle travaillait. Une audience peut avoir lieu en l’absence de l’appelante si elle a reçu l’avis d’audienceNote de bas de page 5. Je suis d’avis que l’appelante a reçu l’avis d’audience parce qu’elle a envoyé un représentant, son conjoint, pour qu’il assiste à l’audience en son nom. L’audience a donc eu lieu au moment où elle était fixée, mais en l’absence de l’appelante.

L’audience a été ajournée

[7] L’audience avait d’abord été fixée au 9 février 2023. Au début de l’audience, il est devenu évident que le représentant de l’appelante n’avait pas tous les documents d’appel. J’ai ajourné l’audience pour permettre l’envoi des documents liés à l’appel au représentant de l’appelant. L’audience a ensuite été reportée au 14 février 2023 et a eu lieu à cette date.

L’appel de l’appelante a été renvoyé à la division générale

[8] L’appelante a interjeté appel du refus des prestations d’assurance-emploi auprès de la division générale du Tribunal pour la première fois en mars 2022. Son appel a été rejeté sommairementNote de bas de page 6. L’appelante a interjeté appel de cette décision devant la division d’appel du Tribunal.

[9] La division d’appel du Tribunal a ordonné que l’appel soit renvoyé à la division générale pour qu’un autre membre du Tribunal tienne une audience sur le fondNote de bas de page 7.

[10] La présente décision découle de l’audience sur le fond.

L’employeur n’est pas mis en cause dans l’appel

[11] Il arrive que le Tribunal envoie à l’employeur de l’appelant une lettre lui demandant s’il souhaite être mis en cause dans l’appel. Dans la présente affaire, le Tribunal a envoyé une lettre à l’employeur. L’employeur n’y a pas répondu.

[12] Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas ajouter l’employeur au présent appel, car rien dans le dossier ne me laisse croire que ma décision imposerait une obligation juridique à l’employeur.

L’appelante n’était pas en congé

[13] Dans le contexte de la Loi sur l’assurance-emploi, une période de congé volontaire nécessite l’accord de l’employeur et du prestataire. Celle-ci doit également comporter une date de fin sur laquelle se sont entendus le prestataire et l’employeurNote de bas de page 8.

[14] Dans le cas de l’appelante, son employeur a mis fin à son emploi lorsqu’elle a été mise en congé sans solde.

[15] Le dossier d’appel ne contient aucun élément de preuve démontrant que l’appelante a demandé ou accepté de prendre une période de congé sans solde.

[16] La disposition de la Loi sur l’assurance-emploi sur l’inadmissibilité en raison d’une suspension traite des gestions du prestataire qui ont entraîné la perte de son emploi. Elle indique que le prestataire suspendu de son emploi en raison de son inconduite n’est pas admissible au bénéfice des prestationsNote de bas de page 9.

[17] Comme je l’explique plus loin, la preuve démontre que c’est la conduite de l’appelante, soit son refus de se conformer à la politique de vaccination, qui l’a amenée à ne pas travailler après le 17 octobre 2021. Je suis convaincue que, pour l’application de la Loi sur l’assurance-emploi, dans les circonstances de l’appelante, la période de congé non payé après le 17 octobre 2021 peut être considérée comme une suspensionNote de bas de page 10.

L’appelante a retiré son argument fondé sur la Charte

[18] À l’audience du 9 février 2023, le représentant de l’appelante a affirmé que la décision de la Commission de refuser des prestations d’assurance-emploi contrevenait à plusieurs lois, notamment la Charte canadienne des droits et libertés (Charte). J’ai expliqué au représentant de l’appelante le processus d’un appel fondé sur la Charte qui est différent du processus d’un appel régulier. J’ai demandé au représentant de l’appelante s’il voulait aller de l’avant avec un appel fondé sur la Charte.

[19] Le représentant de l’appelante a répondu qu’il ne voulait pas présenter d’argument fondé sur la Charte. Par conséquent, je n’examinerai pas la question de savoir si la décision de la Commission de refuser des prestations d’assurance-emploi à l’appelante a enfreint la Charte.

La Commission a commis une erreur administrative

[20] La Commission a déclaré qu’elle avait commis une erreur dans les lettres de décision qu’elle avait envoyées à l’appelante.

[21] Elle a affirmé que la question faisant l’objet de l’appel aurait dû être traitée comme une suspension et non comme un congé volontaire.

[22] Lorsqu’une erreur ne peut nuire ou porter préjudice, elle ne porte pas un coup fatal à la décision faisant l’objet de l’appelNote de bas de page 11. Étant donné que l’erreur de la Commission n’a pas empêché l’appelante de demander une révision de la décision initiale de la Commission et, par la suite, d’interjeter appel de la décision découlant de la révision, je conclus que l’erreur ne cause aucun préjudice à l’appelante.

Question en litige

[23] L’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[24] Selon la loi, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi s’il perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique que l’employeur ait congédié ou suspendu le prestataireNote de bas de page 12.

[25] Pour répondre à la question de savoir si l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite, je dois trancher deux éléments. Premièrement, je dois établir pourquoi l’appelante a été suspendue de son emploi. Je dois ensuite déterminer si la loi considère que la raison pour laquelle l’appelante a été suspendue de son emploi constitue une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi?

[26] Je conclus que l’appelante a été suspendue de son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.

[27] L’employeur de l’appelante a adopté une politique de vaccination contre la COVID-19. La politique exigeait que tous les employés soient vaccinés contre la COVID-19 et qu’ils fournissent une preuve de vaccination au plus tard le 19 octobre 2021.

[28] Le représentant de l’appelante, qui s’est engagé à témoigner par déclaration solennelle, travaillait pour le même employeur que l’appelante. Il a déclaré que l’employeur disposait d’un outil de sondage en ligne que les employés utilisaient pour déclarer leur statut vaccinal et demander une exemption. Il a affirmé que l’appelante avait déclaré dans l’outil en ligne qu’elle n’avait pas été vaccinée.

[29] Un représentant de l’employeur a parlé à un agent de Service Canada le 24 janvier 2022. Le représentant a affirmé que l’appelante n’était pas vaccinée et qu’elle avait été mise en congé sans solde.

[30] La preuve m’indique que l’appelante a été suspendue de son emploi parce qu’elle n’a pas été entièrement vaccinée, comme l’exigeait la politique de l’employeur.

Le motif de la suspension de l’appelante est-il une inconduite au sens de la loi?

[31] Oui, le motif de la suspension de l’appelante est une inconduite au sens de la loi, notamment de la Loi sur l’assurance-emploi.

Ce que dit la loi

[32] La Loi sur l’assurance-emploi ne dit pas ce que signifie une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et des tribunaux) nous indique comment déterminer si le congédiement de l’appelante est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La jurisprudence énonce le critère juridique relatif à l’inconduite, soit les questions et les critères que je peux prendre en considération dans l’examen de la question de l’inconduite.

[33] Selon la jurisprudence, pour constituer une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 13. L’inconduite doit aussi être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 14. Il n’est pas nécessaire que l’appelante ait une intention coupable (autrement dit, qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que sa conduite soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 15. Autrement dit, l’inconduite, comme le terme est utilisé dans le contexte de la Loi sur l’assurance-emploi et du Règlement sur l’assurance-emploi, n’exige pas qu’un employé agisse avec une intention malveillante, comme certains pourraient le supposer.

[34] Il y a inconduite lorsque l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit suspendue ou congédiéeNote de bas de page 16.

[35] Le non-respect délibéré de la politique de l’employeur est considéré comme une inconduiteNote de bas de page 17.

[36] La Commission doit prouver que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Par conséquent, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a été suspendue en raison d’une inconduiteNote de bas de page 18.

Questions que je peux trancher

[37] J’ai le pouvoir de trancher seulement les questions qui sont prévues dans la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux rendre aucune décision quant à savoir si l’appelante a d’autres options au titre d’autres lois ou devant d’autres tribunes. Il ne m’appartient pas de trancher les questions relatives à la question de savoir si la convention collective de l’appelante ou le code des droits de la personne a été enfreint ou si l’employeur aurait dû prendre des mesures raisonnables (mesures d’adaptation) à l’égard de l’appelanteNote de bas de page 19. Je ne peux examiner qu’une chose : si ce que l’appelante a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[38] La Cour d’appel fédérale (CAF) s’est prononcée dans l’affaire intitulée Canada (Procureur général) c McNamaraNote de bas de page 20. M. McNamara, qui a été congédié de son emploi en application de la politique de son employeur en matière de dépistage de drogues, a soutenu qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi parce que les mesures prises par son employeur en lien avec son congédiement n’étaient pas justifiées.

[39] En réponse à ces arguments, la CAF a affirmé qu’elle a toujours dit que la question dans les affaires d’inconduite n’est pas « de dire si le congédiement d’un employé était ou non injustifié; plutôt […] de dire si l’acte ou l’omission reproché à l’employé était effectivement constitutif d’une inconduite au sens de la Loi ». La Cour a poursuivi en soulignant que, dans l’interprétation et l’application de la Loi sur l’assurance-emploi, « ce qu’il convient à l’évidence de retenir ce n’est pas le comportement de l’employeur, mais bien celui de l’employé ». Elle a souligné que les employés qui ont été congédiés à tort ont « pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance-emploi les contribuables canadiens fassent les frais du comportement incriminé ».

[40] Une décision plus récente a été rendue dans l’affaire Paradis c Canada (Procureur général)Note de bas de page 21. Comme M. McNamara, M. Paradis a été congédié après avoir échoué à un test de dépistage de drogues. Il a fait valoir qu’il avait été congédié à tort, que les résultats des tests indiquaient qu’il n’avait pas les facultés affaiblies au travail et que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à ses propres politiques et à la législation provinciale sur les droits de la personne. La Cour fédérale s’est fondée sur l’arrêt McNamara et a déclaré que la conduite de l’employeur n’est pas un facteur déterminant pour trancher la question de l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 22.

[41] Une autre décision semblable a été rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Mishibinijima c Canada (Procureur général)Note de bas de page 23. M. Mishibinijima a perdu son emploi pour des raisons liées à une dépendance à l’alcool. Il a soutenu que, comme la dépendance à l’alcool a été reconnue comme une déficience, son employeur était tenu de lui offrir des mesures d’adaptation. La Cour a encore affirmé que l’accent est mis sur ce que l’employé a fait ou non, et que le fait que l’employeur n’a pas pris de mesures pour aider son employé n’est pas une question pertinenteNote de bas de page 24.

[42] Ces affaires ne concernent pas les politiques de vaccination contre la COVID-19; toutefois, les principes énoncés dans celles-ci demeurent pertinents.

[43] Dans une décision récente de la Cour fédérale, Cecchetto v Procureur général du Canada, 2023 CF 102 (Cecchetto), il est question de la politique de vaccination d’un employeur contre la COVID-19. M. Cecchetto, le demandeur, a fait valoir que la division générale et la division d’appel du Tribunal n’ont jamais répondu de façon satisfaisante à ses questions sur l’innocuité et l’efficacité des vaccins contre la COVID-19 et des tests antigéniques. Il a également affirmé qu’aucun décideur n’avait abordé la façon dont une personne pourrait être forcée de prendre un médicament non testé ou d’effectuer un test lorsqu’il viole l’intégrité corporelle fondamentale et équivaut à de la discrimination fondée sur des choix médicaux personnelsNote de bas de page 25.

[44] Lorsqu’elle a rejeté l’affaire, la Cour fédérale a écrit ce qui suit :

[traduction]

Bien que le demandeur soit de toute évidence contrarié du fait qu’aucun des décideurs n’a abordé ce qu’il considère comme les questions juridiques ou factuelles fondamentales qu’il soulève – par exemple concernant l’intégrité corporelle, le consentement aux tests médicaux, l’innocuité et l’efficacité des vaccins contre la COVID-19 ou des tests antigènes […] La principale faiblesse de l’argument du demandeur est qu’il reproche aux décideurs d’avoir omis de traiter un ensemble de questions que la loi ne les autorise pas à aborderNote de bas de page 26.

[45] La Cour fédérale s’est également exprimée en ces termes :

[traduction]

La [division générale du Tribunal de la sécurité sociale] et la division d’appel ont un rôle important, mais également étroit et précis, à jouer dans le système juridique. En l’espèce, ce rôle consistait à déterminer pourquoi le demandeur avait été congédié de son emploi et si ce motif constituait une « inconduite »Note de bas de page 27.

[46] Il ressort clairement de la jurisprudence qu’il ne m’appartient pas d’examiner la conduite ou les politiques de l’employeur ni de déterminer s’il avait raison de mettre l’appelante en congé sans solde (suspension), de ne pas prendre de mesures d’adaptation à son égard, si la politique de vaccination était incompatible avec les politiques d’autres employeurs ou contrevenait à la convention collective ou à l’offre d’emploi de l’appelante. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelante a fait ou a omis de faire et sur la question de savoir s’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi

Les observations de la Commission

[47] La Commission affirme que l’appelante n’est pas admissible à des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a délibérément refusé de se conformer à la politique de l’employeur même si elle savait que son non-respect entraînerait sa suspension. La Commission affirme que le ministère de la Santé a obligé l’employeur de l’appelante à se doter d’une politique de vaccination contre la COVID-19. Elle indique que, dans la présente affaire, la politique de l’employeur permettait des exemptions limitées au respect des exigences en matière de vaccination. L’appelante n’a pas demandé d’exemption, de sorte que la Commission dit avoir conclu que son défaut de se conformer à la politique de vaccination découlait d’un choix personnel conscient et que c’est ce geste délibéré qui a mené à sa suspension.

Les observations de l’appelante

[48] Le représentant de l’appelante a fait valoir que la politique de l’employeur contrevient à la convention collective et à plusieurs lois. Il affirme que la Commission doit déterminer si la politique de l’employeur était raisonnable. Il soutient que la Commission doit suivre la Déclaration canadienne des droits lorsqu’elle prend sa décision. Le représentant de l’appelante a fait valoir que la Commission savait que le syndicat de l’appelante avait un grief en cours contre la politique en attente d’être entendu en arbitrage. En Alberta, une décision d’arbitrage a été rendue en faveur de l’employé. Le représentant de l’appelante a fait valoir que c’est l’instance qui a compétence sur les griefs.

[49] Le représentant de l’appelante a renvoyé à plusieurs décisions judiciaires à l’appui de sa position. En particulier, l’arrêt Port Arthur Shipbuilding c Arthurs, [1965] RCS 85, qui, selon lui, appuie la position selon laquelle un employeur ne peut modifier unilatéralement un contrat de travail. Il a également renvoyé à la décision Dowling v Ontario (Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail), 2004 CanLII 43692 (en anglais seulement). La décision Dowling portait sur le prétendu licenciement injustifié de M. Dowling. La Cour d’appel de l’Ontario a infirmé la décision de la Cour supérieure qui donnait raison à M. Dowling.

[50] Le représentant de l’appelante a fait valoir que la Commission n’avait pas compétence pour abaisser le seuil quant à ce qui constitue une inconduite. Il a souligné que même le Guide de la détermination de l’admissibilité (Guide), le livre de politique de la Commission, affirme que l’inconduite n’est pas définie par la Loi sur l’assurance-emploi, mais par la jurisprudence. Il a soutenu qu’il est bien établi en droit que le nouveau vaccin ne prévient pas l’infection et a affirmé qu’en agissant sans fondement en droit et en contrevenant à de nombreuses autres lois, la Commission est ultra viresNote de bas de page 28.

[51] Le représentant de l’appelante a cité la section du Guide portant sur le refus d’exécuter un ordreNote de bas de page 29. Il a dit que la Commission a l’obligation d’examiner la politique de l’employeur pour déterminer si elle est justifiable parce qu’elle a mené au congédiement. Le représentant de l’appelante a déclaré que la Commission doit démontrer si le congédiement est juste et s’il constitue une inconduite.

[52] Le représentant de l’appelante a affirmé que l’appelante avait demandé une exemption médicale à la vaccination. Il a fait référence à la loi provinciale sur les droits de la personne et a laissé entendre que la Commission devait appliquer cette loi à sa décision en ce sens que les mesures prises par l’employeur doivent être examinées en fonction de la norme de la contrainte excessive. Il a affirmé que lorsque l’employeur a instauré sa politique de tests de détection rapide d’antigènes, elle était suffisante pour ne pas enfreindre la relation employeur-employé.

[53] Le représentant de l’appelante a fait valoir que les trois affaires citées par la Commission dans ses observations ne sont pas pertinentes. Les affaires concernent un employé qui vend de la drogue au travail, qui est intoxiqué au travail, et aucune de celles-ci, dit-il, ne ressemble à l’affaire de l’appelante.

[54] À l’appui de sa position, le représentant de l’appelante a renvoyé à la décision AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1428 (AL c CAEC). Il a indiqué que, dans cette affaire, il a été souligné qu’il n’y avait pas de précédent et a dit que l’affaire était semblable à celle de l’appelante.

[55] Le représentant de l’appelante a affirmé par déclaration solennelle que l’appelante travaillait pour un établissement de soins de santé offrant des services de sécurité. Lorsque l’employeur a présenté pour la première fois sa politique concernant la COVID-19, il a exigé un test antigénique rapide et l’appelante a accepté de s’y soumettre. Il a affirmé que la politique de l’employeur exigeait que les employés soient vaccinés contre la COVID-19. Tous les employés devaient utiliser un formulaire de déclaration en ligne pour déclarer leur statut vaccinal. Dans ce formulaire, trois raisons pouvaient être cochées pour demander une exemption : la religion, la croyance ou l’état de santé.

[56] Le représentant de l’appelante a indiqué que l’appelante et lui se sont fait dire par leur syndicat que la politique de l’employeur relative à la COVID-19 était contestée dans le cadre d’un grief. Il a précisé que la politique indique qu’un employé [traduction] « peut » être licencié. L’employeur a continué de parler de congé pendant que l’appelante et lui continuaient d’espérer un règlement dans le cadre de la procédure de règlement des griefs. L’appelante et lui ne croyaient pas que l’employeur procéderait à des licenciements. Auparavant, en 2008, l’employeur avait perdu un grief portant sur le vaccin contre la grippe et le port du masque. Tous ces renseignements ont amené le représentant de l’appelante et l’appelante à croire qu’il y aurait une résolution. Le syndicat de l’appelante a présenté un grief portant sur le congé sans solde et le licenciement.

[57] Lorsque je lui ai posé la question, le représentant de l’appelante a précisé que l’appelante et lui sont visés par des conventions collectives différentes. Il ne savait pas si la convention collective de l’appelante comportait une clause sur les droits de la direction.

[58] L’appelante a fait valoir qu’elle n’avait aucune mauvaise intention. Il n’y a eu aucun effet direct sur la relation employeur-employé. L’appelante était en mesure de s’acquitter de ses fonctions et elle s’est conformée aux tests, ce qui montre qu’elle était prête et disposée à travailler. Le 18 octobre 2021, il n’y avait aucune différence quant au risque si elle continuait à travailler. Il a affirmé qu’il est difficile de croire que les gestes de l’appelante étaient intentionnels lorsqu’il y a un élément de coercition dans la politique de l’employeur. Il a dit que l’employeur ne peut contraindre quiconque à être traité au moyen d’une menace de perte d’emploi, de suspension ou de congé et a laissé entendre que, techniquement, cela relèverait du droit criminel et constituerait une violation de la Loi de 1992 sur le consentement au traitement, L.O. 1992, chap. 31. Il a affirmé que l’employeur n’est pas un médecin ou un chirurgien, de sorte qu’il n’a pas les qualifications nécessaires pour donner un traitement ou discuter d’un consentement éclairé avec ses employés. Le représentant de l’appelante a fait valoir que les gestes de l’employeur contrevenaient à la loi provinciale sur la protection des renseignements personnels en ce sens que l’appelante avait le droit de ne pas communiquer à l’employeur ses renseignements personnels en matière de santé. Il a également laissé entendre que des lois internationales s’appliquaient à la situation de l’appelante.

Mes conclusions

[59] Je conclus que la Commission a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison de son inconduite. Voici les motifs pour lesquels je suis arrivée à cette conclusion.

[60] Je dois suivre les décisions de la Cour fédérale. Je commettrais une erreur de droit si je m’attardais à la conduite de l’employeur, notamment en rendant des décisions en application d’autres lois ou d’une convention collective quant à savoir si l’employeur a agi à juste titre ou s’il était légal pour l’employeur de créer, de mettre en œuvre et d’appliquer une politique. Je n’ai pas compétence pour le faire. Le Tribunal possède une expertise dans l’interprétation et l’application de la Loi sur l’assurance-emploi et du Règlement sur l’assurance-emploi à la situation d’un appelant et à la décision de la Commission. Selon les décisions des Cours fédérales, y compris sa plus récente décision dans l’affaire Cecchetto, c’est tout ce que le Tribunal devrait faire.

[61] Les questions juridiques, éthiques et factuelles fondamentales au sujet des vaccins contre la COVID-19 et les obligations liées à la COVID-19 mises en place par les gouvernements et les employeurs dépassent la portée des appels devant le Tribunal.

[62] Je n’ai pas le mandat ou la compétence d’analyser ou de déterminer le bien-fondé, la légitimité ou la légalité des directives gouvernementales et des politiques de l’employeur visant à lutter contre la pandémie de COVID-19. Il existe d’autres moyens pour un appelant de contester ces directives et politiques.

[63] Je souligne que le Guide est une publication de la Commission. Je ne suis pas liée par le Guide parce qu’il n’a pas de pouvoir législatif. Comme je l’ai mentionné plus haut, je dois me conformer à la loi et rendre des décisions fondées sur la législation et les précédents jurisprudentiels pertinents.

[64] Les dispositions de la convention collective de l’appelante ne sont pas pertinentes à la question dont je suis saisie. En effet, toute allégation de violation d’une convention collective est formulée et tranchée au moyen d’un processus prévu dans la convention collective (convenu par les parties à cette convention collective). Les critères juridiques appliqués dans les arbitrages pour décider des sanctions disciplinaires sont différents de ceux qui servent à déterminer s’il y a eu inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 30.

[65] Je tiens également à souligner que, même si la convention collective contient des conditions d’emploi, il existe, à mon avis, d’autres documents, comme les descriptions de travail et les politiques, qui peuvent imposer une obligation à un employé.

[66] Le représentant de l’appelante a fait valoir que je devrais suivre la décision AL c CAEC qui a été rendue par un autre membre du Tribunal.

[67] Dans la décision AL c CAEC, l’appelante travaillait dans un hôpital lorsque son employeur a instauré une politique exigeant que tous les employés soient vaccinés contre la COVID-19. Le membre du Tribunal a accueilli l’appel d’AL en se fondant sur l’interprétation qu’il a faite des dispositions de la convention collective pour conclure qu’il n’y avait pas eu d’inconduite et la conclusion selon laquelle AL avait un « droit à l’intégrité physique ».

[68] Je n’ai pas à suivre d’autres décisions du Tribunal. Je peux me fonder sur elles pour me guider lorsque je les trouve convaincantes et utilesNote de bas de page 31.

[69] Je ne suivrai pas la décision AL c CAEC pour deux raisons. Premièrement, les circonstances d’AL ne sont pas les mêmes que celles de l’appelanteNote de bas de page 32. Deuxièmement, à mon avis, les conclusions et le raisonnement invoqués par le membre ne suivent pas les règles de la Cour fédérale que je dois appliquer pour décider si un appelant a été suspendu ou a perdu son emploi en raison de son inconduite. Si je suivais le raisonnement adopté dans la décision AL c CAEC, en déterminant si la politique de l’employeur était conforme à la convention collective ou si elle était prescrite par la loi, je commettrais une erreur de droit parce que je m’attarderais aux gestes de l’employeur, et les tribunaux ont très clairement établi que je ne suis pas autorisée à le faire.

[70] Je suis d’avis que l’employeur a le droit de gérer ses activités quotidiennes, notamment le droit d’élaborer et d’instaurer des politiques en milieu de travail. Quand l’employeur de l’appelante a fait de sa politique sur la vaccination contre la COVID-19 une exigence pour l’ensemble de ses employés, celle-ci est devenue une condition d’emploi expresse pour l’appelanteNote de bas de page 33.

[71] L’employeur de l’appelante a instauré une politique qui accordait à ses employés sept semaines pour obtenir une première vaccination contre la COVID-19 au plus tard le 19 octobre 2021. Les employés devaient déclarer leur statut vaccinal au moyen d’un formulaire en ligne. Le même formulaire permettait à un employé de cocher une case indiquant un motif d’exemption à la politique pour des raisons religieuses ou médicales.

[72] Le dossier d’appel comporte une copie de la politique de l’employeur sur la vaccination contre la COVID-19. La politique prévoyait une exemption à la vaccination pour des raisons médicales ou religieuses. Selon la politique, les employés étaient tenus de fournir des documents à l’appui d’une demande d’exemption. Si la demande d’exemption d’employés qui devaient être entièrement vaccinés ou ils seraient considérés comme n’ayant pas respecté la politique.

[73] L’appelante a parlé à un agent de Service Canada le 16 mars 2022. Elle a dit à l’agent qu’elle avait appris l’existence de la politique en septembre 2021 et qu’elle devait être vaccinée au plus tard le 19 octobre 2021. Cela signifie qu’elle savait que son employeur exigeait qu’elle soit vaccinée.

[74] L’appelante a écrit dans ses observations à la division d’appel qu’elle avait demandé une exemption à la politique. Elle a déclaré que son employeur n’avait pas donné suite à sa demande avant de la mettre en congé sans solde. Le représentant de l’appelante a dit qu’il n’avait pas vu l’appelante remplir le formulaire en ligne pour informer son employeur de son statut vaccinal ou demander l’exemption. Elle n’a pas non plus dit pour quels motifs elle a demandé une exemption.

[75] Je remarque que l’argument de l’appelante selon lequel son employeur ne lui a pas répondu au sujet de sa demande d’exemption n’est pas déterminant quant à la question dont je suis saisie. La politique indiquait que les personnes qui n’étaient pas vaccinées au plus tard le 19 octobre 2021, qui avaient demandé une exemption et à qui on a répondu qu’elles n’étaient pas exemptées ne seraient pas conformes à la politique. L’absence de réponse de l’employeur à la demande d’exemption de l’appelante avait le même effet que le refus de sa demande. Ainsi, en date du 19 octobre 2021, elle n’était pas exemptée de la vaccination et était toujours non vaccinée, ce qui constituait une violation de la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.

[76] La preuve montre clairement que l’appelante savait qu’elle serait suspendue (mise en congé administratif sans solde) si elle n’était pas vaccinée et qu’elle n’avait pas obtenu d’exemption à la vaccination.

[77] L’appelante n’était pas vaccinée et n’avait pas d’exemption à la vaccination. Par conséquent, je conclus que l’appelante a fait le choix conscient, délibéré et volontaire de ne pas se conformer à la politique de l’employeur alors qu’elle savait qu’en agissant de la sorte il était réellement possible qu’elle soit suspendue (mise en congé sans solde) et ne soit pas en mesure de s’acquitter de ses obligations envers son employeur. Par conséquent, je conclus que la Commission a prouvé que l’appelante a été suspendue en raison de son inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et de la jurisprudence susmentionnée.

Ainsi, l’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

[78] Compte tenu de mes conclusions susmentionnées, je conclus que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[79] La Commission a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pendant la période de suspension.

[80] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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