Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 281

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de prolongation de délai et de permission de faire appel

Partie demanderesse : D. M.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 29 septembre 2022
(GE-22-1811)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 15 mars 2023
Numéro de dossier : AD-23-19

Sur cette page

Décision

[1] J’accorde au prestataire une prolongation de délai pour présenter sa demande de permission de faire appel. Cependant, je lui refuse la permission de faire appel parce qu’il n’a pas présenté d’argument défendable. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le prestataire, D. M., fait appel d’une décision de la division générale lui refusant des prestations d’assurance-emploi.

[3] Le prestataire est technicien en soutien informatique pour une agence du gouvernement fédéral. Le 12 novembre 2021, son employeur l’a mis en congé sans solde après qu’il ait refusé de se faire vacciner contre la COVID-19 dans les délais prescrits. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle n’avait pas à verser de prestations d’assurance-emploi au prestataire parce que son refus de se conformer à la politique de vaccination de son employeur constituait une inconduite.

[4] La division générale s’est rangée à l’avis de la Commission. Elle a estimé que le prestataire avait délibérément enfreint la politique de vaccination de son employeur. Elle a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique entraînerait probablement sa suspension.

[5] Le prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale. Il soutient qu’il n’est pas coupable d’inconduite et que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  • elle n’a pas suivi la logique d’une décision récente de la division générale dans l’affaire AL;
  • elle n’a pas reconnu que rien dans la législation fédérale ou provinciale n’oblige quiconque à se soumettre à la vaccination contre la COVID-19;
  • elle n’a pas tenu compte du fait que selon la common law du Canada, une personne a le droit de contrôler ce qui arrive à son corps et de refuser tout traitement médical.

Questions en litige

[6] Après avoir examiné la demande de permission de faire appel du prestataire, j’ai dû trancher les questions suivantes :

  • La demande de permission de faire appel du prestataire a-t-elle été présentée en retard?
  • Dans l’affirmative, dois-je accorder au prestataire une prolongation de délai?
  • L’appel du prestataire a-t-il une chance raisonnable de succès?

[7] J’ai conclu que même si le prestataire a présenté sa demande de permission de faire appel en retard, il avait une explication raisonnable pour le faire. Toutefois, je lui refuse la permission de faire appel parce que son appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Analyse

La demande de permission de faire appel du prestataire a été présentée en retard

[8] Une partie prestataire doit présenter une demande de permission de faire appel dans les 30 jours suivant la date où la décision lui a été communiquéeNote de bas de page 1. La division d’appel peut accorder à une partie prestataire une prolongation de délai pour présenter une demande de permission de faire appel, mais en aucun cas celle-ci ne peut présenter une demande plus d’un an après la date où la décision lui a été communiquée.

[9] Dans la présente affaire, la division générale a rendu sa décision le 29 septembre 2022. Le 3 octobre 2022, le Tribunal a envoyé la décision au prestataire par courriel et par la poste. Toutefois, la division d’appel n’a reçu la demande de permission de faire appel du prestataire que le 3 janvier 2023, soit trois mois plus tard et environ deux mois après la date limite pour présenter sa demande. Je conclus que la demande de permission de faire appel du prestataire était en retard.

Le prestataire avait une explication raisonnable pour son retard

[10] Lorsqu’une demande de permission de faire appel est présentée en retard, le Tribunal peut accorder à la partie prestataire une prolongation de délai si elle a une explication raisonnable pour son retardNote de bas de page 2. Je dois vérifier si l’octroi de la prolongation de délai est dans l’intérêt de la justiceNote de bas de page 3.

[11] Le Tribunal a invité le prestataire à expliquer pourquoi sa demande était en retardNote de bas de page 4. Il a répondu par courriel en disant qu’il n’avait pris connaissance de la décision AL qu’à la fin décembre. Lorsqu’il l’a examinée, il s’est rendu compte qu’elle concernait une situation similaire à la sienne et qu’elle pouvait donc servir de fondement à un appel.

[12] Dans les circonstances, j’estime que cette explication est raisonnable. C’est pourquoi j’examine la demande du prestataire même si elle a été présentée en retard.

L’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès

[13] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. La partie prestataire doit démontrer que la division générale :

  • a agi de façon inéquitable;
  • a outrepassé sa compétence ou a refusé de l’exercer;
  • a mal interprété la loi;
  • a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 5.

[14] Avant que l’appel du prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 6. Une chance raisonnable de succès est l’équivalent d’un argument défendableNote de bas de page 7. Si le prestataire n’a pas présenté d’argument défendable, l’affaire est close.

Il est impossible de soutenir que la division générale a mal interprété la loi

[15] Le prestataire soutient qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que rien dans la loi ne l’oblige à se faire vacciner contre la COVID-19. Il affirme qu’en le forçant à le faire sous la menace d’une suspension ou d’un congédiement, son employeur a porté atteinte à ses droits. Il dit qu’il n’aurait pas dû être exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi, parce qu’il n’a rien fait d’illégal.

[16] Je ne vois pas le bien-fondé de cet argument.

[17] La division générale a défini l’inconduite comme suit :

Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle. Par inconduite, on entend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loi.

Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 8.

Ces paragraphes montrent que la division générale a bien résumé le droit relatif à la question de l’inconduite. La division générale a ensuite conclu à juste titre qu’elle n’avait pas le pouvoir de décider si les politiques d’un employeur sont raisonnables, justifiables ou même légalesNote de bas de page 9.

[18] Une décision récente a réaffirmé ce principe dans le contexte des obligations vaccinales contre la COVID-19. Comme dans la présente affaire, l’affaire Cecchetto portait sur le refus d’un prestataire de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeurNote de bas de page 10. La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé par la loi à trancher ces questions. La Cour a convenu qu’en choisissant délibérément de ne pas suivre la politique de vaccination de son employeur, le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a déclaré qu’il existait d’autres moyens que le processus de demande de prestations d’assurance-emploi par lesquels le prestataire pouvait faire valoir ses droits fondamentaux ou ses allégations de congédiement abusif.

[19] Dans la présente affaire, comme dans l’affaire Cecchetto, les seules questions qui comptent sont de savoir si le prestataire a enfreint la politique de vaccination de son employeur et, dans l’affirmative, si cette infraction était délibérée et vraisemblablement susceptible d’entraîner son congédiement. Dans la présente affaire, la division générale avait de bonnes raisons de répondre « oui » à ces deux questions.

Il est impossible de soutenir que la division générale a ignoré des précédents contraignants

[20] Le prestataire s’appuie sur la décision récente de la division intitulée AL dans laquelle une prestataire a été jugée admissible à des prestations de l’assurance-emploi même si elle n’avait pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeurNote de bas de page 11. Le prestataire soutient que la membre de la division générale qui a été saisie de son dossier aurait dû suivre une analyse semblable à celle de la décision AL.

[21] J’estime que cet argument n’a aucune chance raisonnable de succès.

[22] Premièrement, la décision AL a été rendue le 15 novembre 2022, plusieurs semaines après que la division générale a rendu sa décision dans la présente instance. On ne peut pas reprocher à la membre qui a instruit l’appel du prestataire de ne pas avoir tenu compte d’un précédent qui n’existait pas encore.

[23] Deuxièmement, l’affaire AL, comme celle du prestataire, a été tranchée par la division générale. Il ne s’agit pas d’un précédent contraignant. Même si la membre qui a instruit l’appel du prestataire avait examiné la décision AL, elle n’aurait pas été obligée de la suivre.

[24] Finalement, la décision AL n’exempte pas totalement, comme le prestataire semble le croire, les prestataires de l’assurance-emploi des politiques de vaccination obligatoire de leurs employeurs. La décision AL concernait une prestataire dont la convention collective, semble-t-il, empêchait explicitement son employeur de la forcer à se faire vacciner. Selon mon examen du dossier, le prestataire n’a jamais mentionné de disposition comparable dans son propre contrat de travail. Dans sa décision récente Cecchetto où elle examiné la politique de vaccination obligatoire d’un employeur, la Cour fédérale a également pris en compte la décision AL et conclu qu’elle n’avait pas une large applicabilitéNote de bas de page 12.

Il est impossible de soutenir que la division générale a ignoré ou mal interprété des éléments de preuve

[25] Le prestataire soutient que la vaccination n’a jamais été une condition d’emploi. Il fait également valoir que son refus de se faire vacciner n’a pas nui aux intérêts de son employeur parce que travaillant à domicile, il n’avait aucun contact avec des clients ou d’autres collègues.

[26] Encore une fois, je ne vois pas comment ces arguments peuvent être retenus étant donné le droit sur la question de l’inconduite. Le prestataire a présenté les mêmes arguments à la division générale, qui a examiné la preuve disponible et en est arrivée aux conclusions suivantes :

  • L’employeur du prestataire était libre d’établir et d’appliquer une politique de vaccination comme il l’entendait.
  • L’employeur du prestataire a adopté et communiqué une politique de vaccination obligatoire claire exigeant des employés qu’ils fournissent la preuve qu’ils avaient été vaccinés.
  • Le prestataire savait qu’il perdrait son emploi s’il ne se conformait pas à la politique à une certaine date.
  • Le prestataire a intentionnellement refusé de se faire vacciner.
  • Le prestataire n’a pas tenté de démontrer que l’une des exceptions autorisées par la politique s’appliquait à sa situation.

[27] Ces conclusions semblent refléter fidèlement le témoignage du prestataire ainsi que les documents au dossier. La division générale a conclu que le prestataire était coupable d’inconduite aux fins de l’assurance-emploi, parce que ses gestes étaient délibérés et qu’ils ont vraisemblablement mené à son congédiement. Le prestataire a pu croire que son refus de se faire vacciner ne portait pas préjudice à son employeur, mais ce n’était pas à lui d’en décider.

Conclusion

[28] Je ne suis pas convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est donc refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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