Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1697

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (474369) datée du 13 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Amanda Pezzutto
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 21 septembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 29 septembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1811

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Décision

[1] D. M. est le prestataire dans cette affaire. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a rendu plusieurs décisions concernant son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi. Le prestataire porte ces décisions en appel au Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Je rejette l’appel du prestataire sur les deux questions en litige. Je conclus qu’il a cessé de travailler parce que son employeur l’a suspendu en raison d’une inconduite. Il n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi pendant sa suspension.

[3] Je conclus également que le prestataire n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler.

Aperçu

[4] L’employeur du prestataire a instauré une politique de vaccination. Cette politique prévoyait que tous les employés devaient être vaccinés contre la COVID-19 avant la date limite fixée. Le prestataire ne s’est pas fait vacciner avant la date limite et n’a pas demandé à l’employeur d’être exempté de la politique. L’employeur l’a donc mis en congé sans solde à compter du 12 novembre 2021. Le prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi, mais la Commission a refusé de lui en verser.

[5] La Commission affirme que l’employeur a suspendu le prestataire en raison d’une inconduite. Elle dit que le prestataire savait qu’il ne pouvait pas continuer à travailler s’il ne se conformait pas à la politique de vaccination.

[6] La Commission soutient également que le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler. Elle dit que le prestataire n’essaie pas de trouver un emploi parce qu’il attend de retourner à son emploi.

[7] Le prestataire n’est pas d’accord avec les décisions de la Commission. Il dit qu’il peut décider lui-même d’accepter ou de refuser un traitement médical et qu’il a choisi de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19. Il affirme qu’il travaillait à domicile et que l’employeur aurait pu lui offrir des mesures d’adaptation.

[8] Le prestataire ajoute qu’il n’était pas logique qu’il cherche du travail parce qu’il avait encore un emploi. Il affirme qu’il était prêt à retourner au travail dès que son employeur le rappellerait.

Question en litige

[9] Je dois trancher deux questions. Premièrement, je dois décider si l’employeur du prestataire l’a suspendu en raison d’une inconduite. Pour répondre à cette question, je dois voir si le prestataire a cessé de travailler parce qu’il a été suspendu. Je dois ensuite décider pourquoi le prestataire a cessé de travailler et si ses gestes constituaient une inconduite au sens de la loi.

[10] Deuxièmement, je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il était disponible pour travailler.

Analyse : inconduite

L’employeur a-t-il suspendu le prestataire?

[11] Le prestataire affirme que l’employeur ne l’a pas suspendu, mais qu’il l’a mis en congé administratif sans solde.

[12] La Commission affirme que le congé sans solde équivaut à une suspension.

[13] Je suis d’accord avec la Commission. Je conclus que le congé sans solde du prestataire équivaut à une suspension.

[14] Le prestataire a toujours dit qu’il n’avait pas choisi de quitter son emploi. Il n’a pas demandé de congé à l’employeur. Il est donc clair qu’il n’a pas quitté volontairement son emploi.

[15] De plus, il est clair que l’employeur n’a pas congédié le prestataire. En fait, le prestataire a dit à l’audience qu’il était retourné au travail en juin 2022. Il n’a donc pas perdu son emploi de façon permanente.

[16] L’employeur a mis le prestataire en congé sans solde parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination. En d’autres termes, le prestataire a perdu temporairement son emploi parce qu’il ne suivait pas la politique de l’employeur. La Commission dit que cela équivaut à une suspension, et je suis d’accord.

[17] Je conclus donc que le prestataire a cessé de travailler parce qu’il a été suspendu.

Pourquoi l’employeur a-t-il suspendu le prestataire?

[18] Le prestataire affirme qu’il a cessé de travailler en raison de la politique de vaccination. Il dit qu’il n’était pas vacciné contre la COVID-19 à la date limite fixée par l’employeur.

[19] La Commission est d’accord. Elle soutient que l’employeur a suspendu le prestataire parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination.

[20] Le prestataire et la Commission s’entendent sur la raison pour laquelle il a cessé de travailler. Il n’a pas respecté la politique de vaccination de l’employeur et celui-ci l’a donc suspendu. Il n’y a rien dans le dossier d’appel qui me fasse penser que le prestataire a cessé de travailler pour une autre raison.

[21] Je dois maintenant décider si les gestes du prestataire – son refus de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur – constituent une inconduite au sens de la loi.

Le prestataire a-t-il été suspendu en raison d’une inconduite au sens de la loi?

[22] Je conclus que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite au sens de la loi.

[23] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 1. Par inconduite, on entend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 2. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 3.

[24] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit suspenduNote de bas de page 4.

[25] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduiteNote de bas de page 5.

[26] La Commission affirme que le prestataire a cessé de travailler en raison d’une inconduite. Elle dit qu’il a agi délibérément en refusant de suivre la politique de vaccination. Elle ajoute qu’il savait que l’employeur le suspendrait s’il ne respectait pas la politique de vaccination.

[27] Le prestataire n’est pas d’accord. Il affirme que ses gestes ne constituent pas une inconduite. Il soutient qu’il est en congé administratif parce qu’il a refusé un traitement médical. Il dit qu’il peut faire ses propres choix au sujet du vaccin contre la COVID-19. Il affirme qu’il travaillait de la maison et qu’il n’était donc pas un risque pour quiconque dans son milieu de travail.

[28] Le prestataire et la Commission sont d’accord sur de nombreux faits fondamentaux concernant la politique de vaccination de l’employeur. Le prestataire a convenu que son employeur avait une politique de vaccination. Il en a pris connaissance en août 2021. L’employeur s’attendait à ce que le prestataire fournisse une preuve de vaccination contre la COVID-19 au plus tard le 15 novembre 2021. Le prestataire n’a pas demandé d’exemption à la politique et ne s’est pas fait vacciner avant la date limite. La politique de l’employeur prévoyait que tout employé qui ne s’y conformerait pas serait mis en congé sans solde. Le prestataire a convenu qu’il connaissait les conséquences du non-respect de la politique de vaccination.

[29] Rien dans le dossier d’appel ne me fait douter de ces faits, alors j’accepte la preuve du prestataire et de la Commission concernant la politique de vaccination, la date limite et les conséquences en cas de non-respect.

[30] Et si j’accepte ces faits, je dois conclure que le prestataire a cessé de travailler en raison d’une inconduite. Il a délibérément choisi de refuser le vaccin contre la COVID-19. Il savait que ses actions signifiaient qu’il ne respectait pas la politique de vaccination de l’employeur et que l’employeur le suspendrait s’il ne la respectait pas.

[31] Le prestataire a présenté des arguments sur des questions qui ne relèvent pas de ma compétence. Je ne peux pas décider si la politique de l’employeur était raisonnable, si la vaccination contre la COVID-19 est sécuritaire ou efficace ou si l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptationNote de bas de page 6.

[32] Le prestataire peut déposer une plainte auprès d’une commission des droits de la personne ou de son syndicat s’il pense que l’employeur a violé ses droits ou sa convention collective. Cependant, mon seul rôle est de rendre des décisions sur l’admissibilité du prestataire aux prestations d’assurance-emploi.

[33] Je conclus que le prestataire a cessé de travailler en raison d’une inconduite. Il n’est donc pas admissible aux prestations d’assurance-emploi pendant sa suspensionNote de bas de page 7.

Analyse : disponibilité

[34] Il y a deux articles de loi qui exigent que les prestataires démontrent leur disponibilité pour travailler.

[35] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi dit que les prestataires doivent prouver qu’ils font des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 8. Le Règlement sur l’assurance-emploi donne des exemples qui aident à expliquer ce qui constitue des « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 9 ».

[36] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit que les prestataires doivent prouver qu’ils sont « capables de travailler et disponibles à cette fin », mais incapables d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 10. La jurisprudence donne trois éléments que les prestataires doivent prouver pour démontrer qu’ils sont « disponibles » en ce sensNote de bas de page 11.

[37] Les prestataires doivent prouver qu’ils sont disponibles pour travailler selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’ils doivent démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’ils sont disponibles pour travailler.

[38] La Commission affirme avoir utilisé les deux articles de loi pour refuser les prestations d’assurance-emploi. Je vais donc les examiner pour décider si le prestataire a prouvé sa disponibilité pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[39] La Commission affirme qu’elle a utilisé cet article pour évaluer l’admissibilité du prestataire aux prestations d’assurance-emploi.

[40] Cependant, la division d’appel dit que je dois être prudent lorsque j’examine cette partie de la loi. Elle affirme que je dois être certaine que la Commission a bel et bien évalué les démarches de recherche d’emploi du prestataire et l’a averti si elle pensait qu’il n’en faisait pas assez pour trouver un emploiNote de bas de page 12.

[41] La lettre de décision de la Commission ne fait pas référence aux démarches de recherche d’emploi du prestataire. Je reconnais que la Commission a interrogé le prestataire sur celles-ci pendant le processus de révision, mais les comptes rendus des conversations ne me montrent pas que la Commission ait déjà dit au prestataire qu’elle utilisait cette partie de la loi pour évaluer son admissibilité aux prestations d’assurance‑emploi.

[42] Je n’utiliserai donc pas cette partie de la loi pour rendre ma décision. Je ne pense pas que la Commission m’ait fourni suffisamment d’éléments de preuve démontrant qu’elle a vraiment utilisé cette partie de la loi pour évaluer l’admissibilité du prestataire aux prestations d’assurance-emploi.

[43] Cela ne veut pas dire que j’accueille l’appel du prestataire sur la question de la disponibilité. Je dois encore examiner la deuxième partie de la loi qui parle de la disponibilité pour travailler.

Capable de travailler et disponible à cette fin

[44] La deuxième partie de la loi qui traite de la disponibilité dit que les prestataires doivent prouver qu’ils sont capables de travailler et disponibles à cette fin, mais incapables d’obtenir un emploi convenable.

[45] La jurisprudence établit trois éléments que je dois examiner pour décider si le prestataire était disponible pour travailler. Cela signifie que je dois prendre une décision sur chacun des éléments suivants :

  1. Le prestataire doit prouver qu’il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert. Son attitude et ses actions doivent montrer que c’est ce qu’il voulait.
  2. Le prestataire doit prouver qu’il a des efforts raisonnables pour trouver un emploi convenable.
  3. Le prestataire doit prouver qu’il n’a pas établi de conditions personnelles qui pouvaient l’empêcher de trouver un emploi. S’il a limité sa recherche d’emploi, il doit prouver que ces limites étaient raisonnablesNote de bas de page 13.

Désir de retourner travailler

[46] Le prestataire a déclaré qu’il voulait travailler. Il voulait retourner travailler chez son employeur habituel. À l’audience, il a dit qu’il était retourné au travail en juin 2022.

[47] La Commission n’a pas présenté beaucoup d’arguments sur ce point et je n’ai aucune raison de douter des déclarations du prestataire. Alors, je le crois. Je crois qu’il voulait travailler.

Efforts pour trouver un emploi convenable

[48] Le prestataire a déclaré à la Commission qu’il ne cherchait pas de travail. Il a dit qu’il avait déjà un emploi et qu’il attendait simplement de retourner au travail.

[49] Il a affirmé la même chose à l’audience. Il a dit qu’il n’essayait pas de trouver un emploi, mais qu’il voulait retourner travailler chez son employeur habituel.

[50] Le prestataire a dit qu’il avait parlé à certains recruteurs, mais qu’il n’avait pas communiqué avec eux. C’était plutôt eux qui avaient communiqué avec lui. À l’audience, lorsque je lui ai demandé de décrire les gestes qu’il a posés pour essayer de trouver un emploi, il a répondu qu’il n’avait fait aucun effort de recherche d’emploi.

[51] Les prestataires doivent chercher un emploi pour prouver leur disponibilité et être admissibles aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 14. Si le prestataire ne cherchait pas de travail, il n’a pas démontré qu’il répondait aux exigences de cet élément.

Limitation indue des chances de retourner au travail

[52] Le prestataire a dit à la Commission qu’il ne cherchait pas de travail parce qu’il attendait de retourner travailler chez son employeur habituel. Il a affirmé qu’il n’avait pas l’intention de chercher du travail auprès d’autres employeurs parce qu’il voulait reprendre son emploi habituel.

[53] Je conclus donc que le prestataire a établi une condition personnelle qui limitait sa recherche d’emploi. Il ne cherchait pas de travail auprès d’autres employeurs, seulement auprès de son employeur habituel. Cependant, le prestataire ne pouvait pas travailler pour son employeur habituel à cause de la politique de vaccination. Je conclus donc que le prestataire a établi une condition personnelle qui limitait ses chances de retourner au travail. En effet, il ne pouvait pas retourner chez son employeur habituel jusqu’à ce qu’il lève sa politique de vaccination en juin 2022.

Le prestataire était-il donc capable de travailler et disponible à cette fin?

[54] Je conviens que le prestataire voulait retourner sur le marché du travail. Cependant, il n’a pas fait d’efforts raisonnables pour trouver un emploi. J’estime également qu’il a établi des conditions personnelles qui ont limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. En effet, il ne voulait travailler que pour son employeur habituel. Il n’essayait pas de trouver du travail chez un autre employeur.

[55] Je conclus donc que le prestataire n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler.

Conclusion

[56] Je rejette l’appel du prestataire sur les deux questions. Il a cessé de travailler parce que son employeur l’a suspendu. Et je juge que l’employeur l’a suspendu en raison d’une inconduite au sens de la loi. Je conclus également que le prestataire n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler. Par conséquent, il n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi à compter du 15 novembre 2021.

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