Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 228

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Demanderesse : K. F.
Représentante ou représentant : F. L.
Défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 14 décembre 2022 (GE-22-2368)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 2 mars 2023
Numéro de dossier : AD-23-73

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Décision

[1] Je refuse à la prestataire la permission d’interjeter appel parce qu’elle n’a pas de cause défendable. Cet appel ne se poursuivra pas.

Aperçu

[2] La prestataire, K. F., interjette appel d’une décision de la division générale de lui refuser des prestations d’assurance‑emploi. 

[3] La prestataire travaille comme secrétaire médicale dans un hôpital. Le 30 octobre 2021, son employeur l’a mise en congé sans solde après son refus de se faire vacciner contre la COVID-19. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a décidé qu’elle n’était pas tenue de verser des prestations d’assurance‑emploi à la prestataire parce que son défaut de se conformer à la politique de vaccination de son employeur équivalait à une inconduite.

[4] La division générale du Tribunal a rejeté l’appel de la prestataire. Elle a conclu que la prestataire avait voulu enfreindre la politique de vaccination de son employeur. Elle a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir que le fait de ne pas tenir compte de la politique entraînerait probablement son congédiement.

[5] La prestataire demande maintenant la permission d’interjeter appel de la décision de la division générale. Elle fait valoir que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  • Elle a fait fi des protections contenues dans la Charte canadienne des droits et libertés, en particulier l’article 7, qui garantit la vie, la liberté et la sécurité de la personne.
  • Elle n’a pas tenu compte des preuves médicales — des notes du médecin la plaçant en congé de stress ou de maladie à compter du 28 octobre 2021 — démontrant que son licenciement était illégal.

[6] Avant que la prestataire puisse poursuivre, je dois décider si son appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 1. Avoir une chance raisonnable de succès équivaut à avoir une cause défendable en droitNote de bas de page 2. Si la prestataire n’a pas de cause défendable, cette affaire prend fin maintenant.

Question en litige

[7] Peut‑on soutenir que la division générale a commis une erreur en concluant que le refus de la prestataire d’accepter la vaccination contre la COVID-19 équivalait à une inconduite?

Analyse

[8] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que le droit et la preuve qu’elle a invoquée pour rendre cette décision. J’ai conclu que la prestataire n’a pas de cause défendable.

L’argument selon lequel la division générale a mal interprété la loi n’est pas fondé

[9] La prestataire fait valoir qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que rien dans la loi ne l’oblige à accepter de se faire vacciner contre la COVID-19. Elle laisse entendre qu’en l’obligeant à le faire sous la menace d’un congédiement, son employeur a porté atteinte à ses droits. Elle soutient qu’elle n’aurait pas dû être exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi, parce qu’elle n’a rien fait d’illégal.

[10] Je ne vois pas le bien-fondé de cette argumentation.

[11] La division générale définit l’inconduite de la façon suivante :

[P]our qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. En d’autres termes, la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelle. Cela comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée.

Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la Loi.

Il y a inconduite si [la] prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’en conséquence, son congédiement était une possibilité bien réelleNote de bas de page 3.

[12] Ces paragraphes montrent que la division générale a résumé avec exactitude le droit concernant l’inconduite. La division générale a ensuite conclu à juste titre qu’elle n’avait pas le pouvoir de décider si les politiques d’un employeur sont raisonnables, justifiables ou même légalesNote de bas de page 4.

[13] Une décision récente a réaffirmé ce principe dans le contexte particulier des mandats de vaccination contre la COVID-19. Comme dans la présente affaire, l’affaire Cecchetto concernaitle refus d’un prestataire de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeurNote de bas de page 5. La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé par la loi à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en effectuant le choix voulu de ne pas respecter la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi. La Cour a déclaré qu’il y avait d’autres moyens, en vertu du système juridique, par lesquels le demandeur pouvait faire valoir ses revendications en matière de droits de la personne.

[14] Il en va de même pour cette affaire. En l’espèce, comme dans l’affaire Cecchetto, les seules questions qui importent sont les questions de savoir si la prestataire avait enfreint la politique de vaccination de son employeur et, dans l’affirmative, si ce manquement était voulu et vraisemblablement susceptible d’entraîner son congédiement. Dans la présente affaire, la division générale avait de bonnes raisons de répondre « oui » aux deux questions. Tant que la prestataire disposait d’autres recours, il importait peu que la politique de vaccination de son employeur soit équitable ou légale, ou que les sanctions en cas de manquement à la politique soient indûment sévères.

L’argument selon lequel la division générale a ignoré ou mal compris la preuve n’est pas fondé

[15] La prestataire soutient que la vaccination n’a jamais été une condition de son emploi. Elle affirme qu’elle n’aurait jamais dû être congédiée parce qu’elle était déjà en congé de maladie. Elle prétend que la division générale a ignoré une note du médecin lui recommandant de prendre congé pour cause de stress.

[16] Je ne vois pas comment ces arguments peuvent prévaloir compte tenu de la loi relative à l’inconduite. La prestataire a fait valoir les mêmes arguments à la division générale, qui a examiné la preuve disponible et en est arrivée aux conclusions suivantes :

  • L’employeur de la prestataire était libre d’établir et d’appliquer une politique de vaccination comme il l’avait jugé bon.
  • L’employeur de la prestataire a adopté et communiqué une politique de vaccination obligatoire claire exigeant que le personnel fournisse une preuve qu’elle a été vaccinée.
  • La prestataire savait que le défaut de se conformer à la politique avant une certaine date entraînerait une perte d’emploi.
  • La prestataire a intentionnellement refusé de se faire vacciner dans les délais raisonnables exigés par son employeur.
  • La prestataire n’a pas convaincu son employeur qu’elle était visée par l’une des exceptions permises par la politique.

Ces conclusions semblent refléter fidèlement le témoignage de la prestataire ainsi que les documents au dossier. La division générale a conclu que la prestataire était coupable d’inconduite parce que ses actes étaient voulus et qu’ils ont vraisemblablement mené à son congédiement. La prestataire a peut-être cru que son refus de se faire vacciner ne causait aucun préjudice à son employeur, mais ce n’était pas à elle d’en décider.

[17] La prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte de la preuve selon laquelle elle a été congédiée alors qu’elle était en congé pour stress. Je ne suis pas d’accord. La division générale était manifestement au courant de cette preuve parce qu’elle s’y est reportée explicitement dans sa décisionNote de bas de page 6. Le problème pour la prestataire était que la division générale a conclu que la suspension de la prestataire, puis son congédiement, n’avait rien à voir avec le stress et qu’elle était plutôt directement liée à son refus de se faire vacciner. La prestataire estime évidemment que son employeur l’a traitée injustement, mais, encore une fois, il n’a jamais été du ressort de la division générale d’en tenir compte pour déterminer si elle s’était livrée à une inconduite.

Conclusion

[18] Pour les motifs qui précèdent, je ne suis pas convaincu que le présent appel a une chance raisonnable de succès. La permission d’en appeler est donc refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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