Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 310

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : R. A.
Représentant : J. K.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 23 novembre 2022 (GE-22-2664)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Date de la décision : Le 18 mars 2023
Numéro de dossier : AD-22-970

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse, R. A. (prestataire), a été congédiée. Son employeuse a adopté une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19. La prestataire a demandé une exemption pour des raisons religieuses, sans succès. Par la suite, l’employeuse a congédié la prestataire parce qu’elle ne s’était pas conformée à la politique.

[3] La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a décidé que la raison du congédiement était une inconduite. Elle a exclu la prestataire du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. La prestataire a demandé la révision de son dossier et la Commission a maintenu sa décision.

[4] La prestataire a porté la décision de la Commission en appel à la division générale du Tribunal. Celle-ci a rejeté l’appel. Elle a conclu que la prestataire avait perdu son emploi parce qu’elle ne respectait pas la politique de vaccination de l’employeuse. La Commission a conclu que ses faits et gestes étaient intentionnels et qu’elle aurait dû savoir qu’elle pouvait se faire renvoyer.

[5] La prestataire veut maintenant porter la décision de la division générale en appel devant la division d’appel, mais elle a besoin d’une permission pour que son appel aille de l’avant. Elle avance que la division générale a fait des erreurs de droit et que sa décision est fondée sur des erreurs de fait importantes.

[6] Je dois décider si la division générale a commis une erreur révisable qui pourrait donner à l’appel une chance de succès. Je refuse la permission de faire appel, car l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[7] Voici les questions à régler :

  1. a) Est-il possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait été congédiée pour non-respect de la politique?
  2. b) Est-il possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait lorsqu’elle a déclaré que la prestataire croyait que toutes les demandes d’exemption seraient approuvées?
  3. c) Est-il possible de soutenir que la division générale a fait une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle pouvait se faire congédier?
  4. d) Est-il possible de soutenir que la division générale a fait une erreur de droit parce qu’elle n’a pas vérifié si la prestataire a manqué à une obligation résultant expressément ou implicitement de son contrat de travail?

Je refuse la permission de faire appel

[8] Dans le cadre d’une demande de permission de faire appel, le critère juridique que la prestataire doit remplir est peu rigoureux : y a-t-il un moyen (argument) qui permettrait de soutenir que l’appel a une chance de succèsNote de bas de page 1?

[9] Pour trancher cette question, je me suis demandé si la division générale avait peut-être fait une ou plusieurs des erreurs pertinentes (appelées « moyens d’appel ») qui figurent dans la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement socialNote de bas de page 2.

[10] Un appel n’est pas une nouvelle occasion de débattre de la demande originale. En fait, je dois plutôt décider si :

  1. a) la procédure de la division générale était inéquitable;
  2. b) la division générale a oublié de trancher une question alors qu’elle aurait dû le faire ou si elle a tranché une question alors qu’elle n’aurait pas dû le faire;
  3. c) la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 3;
  4. d) la division générale a fait une erreur de droitNote de bas de page 4.

[11] Avant que l’appel de la prestataire puisse passer à la prochaine étape, je dois être convaincue qu’au moins un des moyens d’appel ci-dessus lui donne une chance raisonnable de succès. Par « une chance raisonnable de succès », on entend qu’en faisant valoir ses arguments, la prestataire pourrait gagner sa cause. Je dois aussi tenir compte des autres moyens d’appel possibles, ceux que la prestataire n’a pas cernés avec précisionNote de bas de page 5.

La division générale n’a pas fondé sa décision sur des erreurs de fait

[12] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait perdu son emploi parce qu’elle n’avait pas respecté la politique de son employeuse sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19Note de bas de page 6.

[13] Selon la prestataire, la division générale a commis une autre erreur de fait lorsqu’elle a conclu que la prestataire croyait que son employeuse approuverait automatiquement toutes les demandes d’exemption. Elle fait valoir qu’elle croyait que son employeuse respecterait la loi et remplirait son obligation d’offrir des mesures d’adaptationNote de bas de page 7.

[14] La prestataire soutient que son employeuse a rejeté sa demande de mesures d’adaptation sans motif avant de la congédier. Elle affirme que la division générale n’a pas tenu compte de cet argument et qu’elle a plutôt conclu que son congédiement était dû au non-respect de la politique de vaccination. Elle dit s’être conformée à la politique en présentant une demande de mesures d’adaptation de bonne foi.

[15] La division générale a conclu que la raison du congédiement de la prestataire était le non-respect de la politique de l’employeuse sur la vaccination obligatoireNote de bas de page 8. Elle a reconnu que la prestataire n’était pas d’accord et soutenait qu’elle avait été congédiée parce que son employeuse avait rejeté sa demande d’exemption religieuseNote de bas de page 9.

[16] La division générale s’est appuyée sur la lettre de congédiement au dossier. Celle-ci mentionne clairement que la prestataire a été congédiée parce qu’elle n’a pas respecté la politique. La division générale a conclu que rien ne prouvait la position de la prestataire, c’est-à-dire qu’elle avait été congédiée parce que l’employeuse avait rejeté sa demande d’exemption religieuseNote de bas de page 10.

[17] On ne peut pas soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante lorsqu’elle a tiré cette conclusion. Elle a soupesé la position de la prestataire par rapport à la preuve documentaire au dossier, plus précisément la lettre de congédiement.

[18] La prestataire avance que la division générale a ignoré le fait que sa demande de mesures d’adaptation avait été rejetée sans raison. Le dossier dont disposait la division générale contenait une lettre de l’employeuse qui expliquait pourquoi elle avait décidé de ne pas accueillir la demande d’exemption religieuseNote de bas de page 11.

[19] La lettre rejetant la demande d’exemption religieuse informe la prestataire qu’elle devait être entièrement vaccinée, comme l’exigeait la politique. Elle a perdu son emploi environ trois semaines plus tard, et la lettre indiquait que c’était parce qu’elle ne respectait pas la politique.

[20] Je juge que la conclusion de la division générale selon laquelle la prestataire a été congédiée pour non-respect de la politique de vaccination de l’employeuse est appuyée par la preuve. On ne peut pas soutenir que la division générale n’a pas tenu compte du fait que la demande d’exemption religieuse de la prestataire a été rejetée sans explication et que c’était la raison de son congédiement.

[21] La prestataire avance aussi que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu que la prestataire croyait que l’employeuse approuverait toutes les demandes d’exemption. Selon la prestataire, aucun élément de preuve ne permettait à la division générale de dire une telle chose. Elle explique qu’elle croyait que son employeuse respecterait la loi.

[22] J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale. La prestataire a témoigné sur ses conversations avec son employeuse au sujet de ses croyances religieuses. Elle a aussi parlé de l’atmosphère qui régnait au travail lorsque la politique a été mise en place. La prestataire a dit : [traduction] « Ils nous assuraient que tout irait bien si l’on avait une raison religieuseNote de bas de page 12. »

[23] Dans sa décision, la division générale a résumé le témoignage de la prestataireNote de bas de page 13. Elle souligne que celle-ci a déclaré s’être conformée à la politique de l’employeuse lorsqu’elle a présenté une demande d’exemption religieuseNote de bas de page 14. La décision précise aussi que la prestataire a déclaré qu’elle s’attendait à ce que sa demande soit approuvée parce que l’employeuse avait assuré à son personnel que les demandes seraient approuvéesNote de bas de page 15.

[24] Après avoir résumé la preuve, la division générale expose les raisons pour lesquelles elle a jugé qu’il y avait eu inconduite. Elle a conclu que la prestataire connaissait la politique de vaccination et ce qu’elle devait faire pour s’y conformerNote de bas de page 16. Elle a conclu que ses faits et gestes étaient intentionnels parce qu’elle a pris la décision consciente de ne pas respecter la politique après le refus de l’exemption religieuseNote de bas de page 17.

[25] La division générale reconnaît que la prestataire croyait que toutes les demandes d’exemption seraient approuvées. Elle a conclu qu’il n’y avait cependant aucune preuve de cela. Elle a aussi fait remarquer que, selon la politique, l’employeuse enquêterait sur les demandes d’exemption avant de rendre une décisionNote de bas de page 18.

[26] Ensuite, la division générale reconnaît l’argument voulant que la prestataire croyait que sa demande serait approuvée sur la base des éléments de preuve qu’elle a fournis. La division générale a conclu que cet argument n’était pas pertinent, car elle devait se concentrer sur ce que la prestataire avait fait et sur la question de savoir si elle savait que ses faits et gestes pouvaient mener à son congédiementNote de bas de page 19.

[27] La division générale a conclu qu’après le rejet de sa demande d’exemption, la prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle pouvait se faire congédier si elle ne respectait pas la politique. Elle a reconnu que la prestataire ne pensait pas qu’elle perdrait son emploi, mais elle a conclu que la preuve montre qu’elle aurait dû le savoirNote de bas de page 20.

[28] Je juge qu’il est impossible de soutenir que la division générale a fait une erreur quand elle a déclaré que la prestataire croyait que toutes les demandes d’exemption seraient approuvées. Cette déclaration fait suite à un résumé de la preuve de la prestataire et n’est pas incompatible avec son témoignage.

[29] Toute conclusion de fait erronée à laquelle la division générale est peut-être arrivée doit avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Je juge que cela ne constitue pas une erreur de fait et, même si c’était une erreur de fait, il est impossible de soutenir qu’elle a joué un rôle important dans la décision de la division générale.

La division générale n’a fait aucune erreur de droit

[30] Selon la prestataire, la division générale a fait deux erreurs de droit dans sa décision.

[31] Premièrement, elle affirme que la division générale n’a pas cerné la véritable raison de son congédiement, puis qu’elle a fait une erreur lorsqu’elle a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeuse. La prestataire soutient que la conduite en question est la présentation de sa demande de mesures d’adaptation en matière de droits de la personne, qui a été rejetée de façon déraisonnableNote de bas de page 21.

[32] La prestataire affirme qu’elle ne pouvait pas raisonnablement savoir qu’elle pouvait se faire congédier parce qu’elle s’est effectivement conformée à la politique en demandant une exemption fondée sur ses croyances religieuses.

[33] Comme je l’ai expliqué plus haut, j’ai conclu que la division générale n’a pas commis d’erreur de fait quand elle a décidé que la prestataire avait été congédiée pour non-respect de la politique de vaccination de l’employeuse. La division générale a expliqué pourquoi elle a conclu qu’après le rejet de sa demande d’exemption, la prestataire aurait dû savoir qu’elle pouvait se faire renvoyer si elle ne respectait pas la politique.

[34] Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire s’appuie sur l’analyse présentée dans deux autres décisions de la division généraleNote de bas de page 22. Elle soutient que la division générale aurait tiré la même conclusion que dans ces deux affaires si elle avait effectué l’analyse appropriée pour décider que la prestataire a été congédiée en raison du rejet de sa demande d’exemption religieuse.

[35] La division générale a abordé ces décisions dans son analyse. Elle a conclu que les faits dans ces affaires étaient différents et elle a souligné les différences dans chaque affaire. Elle a affirmé qu’elle n’était pas obligée de suivre ces décisions, puis elle a expliqué pourquoi elle ne leur accordait pas beaucoup d’importanceNote de bas de page 23.

[36] On ne peut pas soutenir que la division générale a fait une erreur de droit parce qu’elle aurait mal cerné la conduite en cause au moment de vérifier si la prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle pouvait perdre son emploi.

[37] La prestataire soutient que la division générale a aussi fait une erreur de droit parce qu’elle n’a pas vérifié si la prestataire a manqué à une obligation résultant de façon expresse ou implicite de son contrat de travail.

[38] Au moment de présenter les observations de la prestataire à la division générale, son représentant a déclaré que le critère de l’inconduite est de savoir si la conduite est délibérée et si les prestataires savaient ou auraient dû savoir que leur conduite pouvait entraîner leur congédiementNote de bas de page 24.

[39] Les observations de la prestataire portaient surtout sur la question de sa conduite. Devant la division générale, personne n’a soutenu que sa convention collective ne contenait aucun énoncé autorisant de façon explicite la vaccination obligatoire. La prestataire invoque une décision que la division générale a rendue après celle rendue dans la présente affaireNote de bas de page 25. Elle fait valoir que la loi n’autorise pas l’employeuse à imposer de façon unilatérale une nouvelle condition essentielle à l’emploi.

[40] Dans l’affaire invoquée par la prestataire, il a été prouvé que la convention collective comprenait des dispositions précises sur la vaccination. Dans la présente affaire, aucun des éléments de preuve ne porte sur la convention collective de la prestataire et l’argument sur lequel elle s’appuie maintenant n’a pas été soulevé.

[41] La division générale a correctement énoncé les principes de droit traitant de l’inconduite. Ce n’était pas une erreur de sa part de ne pas aborder spécifiquement un argument n’ayant pas été soulevé. Dans ses observations devant la division générale, le représentant de la prestataire a déclaré à juste titre qu’il n’appartient pas au Tribunal de décider si la convention collective a été violéeNote de bas de page 26.

[42] La division générale a bien résumé les dispositions juridiques sur l’inconduiteNote de bas de page 27. Elle a ensuite conclu à juste titre qu’elle n’a pas le pouvoir de décider si les politiques d’une employeuse ou d’un employeur sont raisonnables, justifiables ou même légalesNote de bas de page 28. Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 29.

[43] Il appartient à d’autres tribunaux de décider si la politique de l’employeuse était équitable, si elle violait le contrat de travail de la prestataire ou si elle bafouait ses droits de la personne. Lorsqu’il est question des prestations d’assurance-emploi, les seules questions qui importent sont si la prestataire a enfreint la politique de son employeuse et, si la réponse est oui, si cette violation était délibérée et si l’on pouvait s’attendre à ce qu’elle entraîne un congédiement.

[44] La division générale a conclu que le critère de l’inconduite avait été rempli dans le cas de la prestataire. Elle a appliqué la loi comme il se doit et ses conclusions s’appuient sur la preuve.

[45] Je conclus qu’on ne peut pas soutenir que la division générale a fait des erreurs de droit ni qu’elle a fondé sa décision sur une erreur de fait. En plus d’avoir examiné les arguments de la prestataire, je me suis aussi penchée sur l’autre moyen d’appel. La prestataire n’a relevé aucune injustice sur le plan procédural ni aucune erreur de compétence, et je n’ai cerné aucune erreur de ce genre.

[46] La prestataire n’a relevé aucune erreur que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès. Par conséquent, je refuse la permission de faire appel.

Conclusion

[47] L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est refusée. Cela met donc un terme à l’appel.

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