Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 371

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : L. H.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 10 janvier 2023 (GE-22-2167)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 21 mars 2023
Numéro de dossier : AD-23-151

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19. Elle n’a pas obtenu d’exemption médicale, alors elle a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission de l’assurance-emploi) a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. La prestataire a porté en appel la décision découlant de la révision de la Commission devant la division générale.

[4] La division générale a établi que la prestataire avait été congédiée après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Selon la division générale, la prestataire savait que l’employeur allait probablement la congédier dans ces circonstances. La division générale a conclu que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande à la division d’appel la permission de faire appel de la décision de la division générale.La prestataire affirme qu’elle a refusé de se faire vacciner pour des raisons de santé. Elle soutient que la vaccination contre la COVID-19 était volontaire en l’absence de lois fédérales et provinciales l’exigeant. Elle ajoute que la common law canadienne reconnaît depuis longtemps qu’une personne a le droit de contrôler ce qui arrive à son corps et qu’il s’agit d’un principe bien établi. Lorsqu’il est question d’accepter ou de refuser un traitement médical, la personne visée a le dernier mot. La prestataire est d’avis que l’exercice de ce droit ne devrait pas être considéré comme un acte fautif ou indésirable, c’est-à-dire une inconduite que la loi peut sanctionner.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social établit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Il s’agit des erreurs révisables suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a décidé d’une question qui dépassait sa compétence.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape qui vient avant l’examen sur le fond. C’est une première étape que la partie prestataire doit franchir, où la barre est moins haute que durant l’appel sur le fond. Lors de la demande de permission de faire appel, la partie prestataire n’a pas à prouver ce qu’elle avance. Elle doit plutôt montrer que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, elle doit établir qu’une erreur susceptible de révision a été commise et peut permettre à l’appel d’être accueilli.

[11] Alors, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés ci-dessus et qu’au moins un de ces motifs a une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[12] La prestataire affirme qu’elle a refusé de se faire vacciner pour des raisons de santé. Elle soutient que la vaccination contre la COVID-19 était volontaire en l’absence de lois fédérales et provinciales l’exigeant. Elle ajoute que la common law canadienne reconnaît depuis longtemps qu’une personne a le droit de contrôler ce qui arrive à son corps et qu’il s’agit d’un principe bien établi. Lorsqu’il est question d’accepter ou de refuser un traitement médical, la personne visée a le dernier mot. La prestataire est d’avis que l’exercice de ce droit ne devrait pas être considéré comme un acte fautif ou indésirable, c’est-à-dire une inconduite que la loi peut sanctionner.

[13] La division générale devait décider si la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[14] Dans la notion d’inconduite, ce n’est pas nécessaire que le comportement fautif découle d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit être délibéré ou, du moins, d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a délibérément décidé d’ignorer les répercussions de cet acte sur son travail.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger la sévérité de la sanction imposée par l’employeur ni de savoir s’il a mal agi en congédiant la prestataire de sorte que la fin d’emploi serait injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si la prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné son congédiement Note de bas de page 1.

[16] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que la prestataire avait été congédiée parce qu’elle avait refusé de suivre la politique. Elle avait été informée de la politique de l’employeur et aurait eu le temps de s’y conformer. Elle n’a pas obtenu d’exemption médicale. Son médecin a établi qu’elle était capable physiquement de recevoir le vaccin contre la COVID-19. Le refus de la prestataire était intentionnel. Elle a agi de façon délibérée. C’est la cause directe de son congédiement.

[17] La division générale a établi que la prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner son congédiement.

[18] La division générale a conclu, à partir de la preuve prépondérante, que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[19] Selon un principe bien établi, une violation délibérée de la politique d’un employeur est considérée comme une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2. On dit aussi que le non-respect d’une politique approuvée par un gouvernement ou une entreprise est une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[20] On s’entend pour dire qu’un employeur doit prendre toutes les précautions raisonnables pour veiller à la santé et à la sécurité de son personnel au travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi la directive no 6 donnée par le médecin hygiéniste en chef de l’Ontario pour mettre en œuvre une politique visant à préserver la santé de son personnel pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque la prestataire a été congédiéeNote de bas de page 4.

[21] Le Tribunal de la sécurité sociale n’a pas compétence pour décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[22] Il revient à une autre instance de décider si l’employeur aurait dû accueillir la demande d’exemption médicale de la prestataire ou si la politique violait les droits de la personne et les droits constitutionnels. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que la prestataire rechercheNote de bas de page 5.

[23] Récemment, la Cour fédérale a rendu une décision dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus du prestataire de suivre la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19.

[24] Le prestataire dans cette affaire a fait valoir que le refus de se soumettre à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a soutenu que rien ne prouvait que le vaccin était sûr et efficace. Le prestataire s’est senti discriminé en raison de son choix médical personnel. Il a affirmé qu’il avait le droit de préserver sa propre intégrité physique et que ses droits avaient été violés selon la loi canadienne et internationaleNote de bas de page 6.

[25] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas légalement autorisé à traiter ce genre de questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique vaccinale de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers son employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7. La Cour a précisé qu’il existe d’autres façons de faire avancer adéquatement les revendications du prestataire dans le système judiciaire.

[26] Dans l’affaire Paradis qui a été tranchée auparavant, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait eu aucune inconduite de sa part parce que la politique de son employeur avait violé ses droits au titre de la loi albertaine sur les droits de la personne (Alberta Human Rights Act). La Cour fédérale a établi que cette question relevait d’une autre instance.

[27] La Cour fédérale a déclaré qu’il existe d’autres moyens de sanctionner le comportement d’un employeur, qui permettent d’éviter que le programme d’assurance-emploi fasse les frais du comportement incriminé.

[28] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur d’accorder des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les affaires d’inconduite en assurance-emploi.

[29] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur a mal agi en congédiant la prestataire, de sorte que la fin d’emploi serait injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si la prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné son congédiement.

[30] La preuve prépondérante à la disposition de la division générale montre que la prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique que son employeur avait établie en réponse aux circonstances pandémiques exceptionnelles. C’est ce qui a entraîné son congédiement.

[31] La division générale ne semble avoir commis aucune erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[32] Je suis tout à fait conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre instance si une violation est établieNote de bas de page 9. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduite.

[33] La prestataire a fait référence à une décision de la division générale qu’elle croit semblable à sa situation. Dans cette affaire, la prestataire a réussi à recevoir des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 10. L. H. demande d’être admissible aux prestations de la même façon. Il est important de rappeler que la division d’appel n’est pas liée par la décision de la division généraleNote de bas de page 11. Les décisions de la Cour fédérale, elles, sont contraignantes, et la division d’appel les a suivies.

[34] Mentionnons aussi que les faits de l’affaire dont la prestataire parle sont différents, car la convention collective comportait des dispositions précises permettant de refuser toute vaccination. La prestataire de la présente affaire n’a fourni aucun élément de preuve de ce genre à la division générale. De plus, la décision de la division générale dont il est question a été rendue avant la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Cecchetto.

[35] Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire n’a relevé aucune erreur révisable, comme une erreur de compétence ou un manquement à un principe de justice naturelle de la part de la division générale. Elle n’a cerné aucune erreur de droit ni conclusion de fait erronée que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision.

[36] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[37] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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