Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 312

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à la demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : J. P.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 29 décembre 2022 (GE-22-2514)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 20 mars 2023
Numéro de dossier : AD-23-122

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission de l’assurance-emploi du Canada) a décidé que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après une révision qui s’est avérée défavorable, le prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi à la suite de son refus de se conformer à la politique de l’employeur. Elle a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel.Il soutient que la politique de l’employeur ne l’emporte pas sur les lois fédérales et provinciales. Il fait valoir que ces lois n’ont pas été modifiées. Il a donc droit à la vie privée.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social établit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs susceptibles de révision sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une certaine façon.
  2. 2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher; ou encore, elle s’est prononcée sur une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. C’est une étape que la partie prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui qu’elle devra assumer lors de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur susceptible de révision. Autrement dit, il doit démontrer qu’il est possible de soutenir qu’il y a eu une erreur susceptible de révision pouvant faire en sorte que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés ci-dessus et qu’au moins un des motifs donne à l’appel une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient que la politique de l’employeur ne l’emporte pas sur les lois fédérales et provinciales. Il fait valoir que ces lois n’ont pas été modifiées. Il a donc droit à la vie privée.

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite ne veut pas nécessairement dire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou, à tout le moins, être d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé d’ignorer les répercussions de ses actes sur son rendement au travail.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction imposée par l’employeur ni de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de telle manière que sa suspension était injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension Note de bas de page 1.

[16] Après avoir examiné la preuve, la division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu parce qu’il avait refusé de respecter la politique. On l’avait informé de la politique de l’employeur et on lui a donné le temps de s’y conformer. Le prestataire a refusé intentionnellement, ce qui était délibéré. Il s’agissait de la cause directe de sa suspension.

[17] La division générale a estimé que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension.

[18] La division générale a conclu, à partir de la preuve prépondérante, que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi qu’une violation délibérée d’une politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2 Le non-respect d’une politique approuvée par un gouvernement ou une industrie est aussi considéré comme une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 3.

[20] Personne ne conteste le fait qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés dans leur milieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a mis en œuvre sa politique de protection de la santé de tous les fonctionnaires pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspenduNote de bas de page 4.

[21] Il n’appartient pas au Tribunal de décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[22] La question de savoir si l’employeur a omis de prendre des mesures d’adaptation pour le prestataire en ne lui permettant pas de travailler de la maison, si la politique a enfreint son contrat de travail ou violé ses droits fondamentaux et constitutionnels relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation qu’il demandeNote de bas de page 5.

[23] La Cour fédérale a rendu une décision récemment dans l’affaire Cecchetto concernant la question de l’inconduite et le refus d’une partie prestataire de respecter la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a affirmé qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire s’est senti discriminé en raison de son choix médical personnel. Il a soutenu qu’il était maître de sa propre intégrité physique et qu’on avait porté atteinte aux droits qui lui étaient garantis par le droit canadien et internationalNote de bas de page 6.

[24] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé par la loi à trancher ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas respecter la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers ce dernier et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7. La Cour a déclaré qu’il existe d’autres moyens par lesquels les demandes du prestataire peuvent progresser adéquatement dans le cadre du système juridique.

[25] Dans l’affaire Paradis mentionnée ci-dessus, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite parce que la politique de l’employeur violait ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act [loi albertaine sur les droits de la personne]. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[26] La Cour fédérale a déclaré que pour sanctionner le comportement d’un employeur, une partie prestataire a d’autres recours qui permettent d’éviter que le régime d’assurance-emploi fasse les frais du comportement en cause.

[27] Dans la décision Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur de fournir des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite liés à l’assurance-emploi.

[28] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de déterminer si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée, mais plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension.

[29] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que le prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas respecter la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension.

[30] Je ne vois aucune erreur susceptible de révision commise par la division générale lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[31] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établieNote de bas de page 9. Cela ne change rien au fait qu’au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[32] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès sur la question de l’inconduite.

Conclusion

[33] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

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