Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 336

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : L. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (478352) datée du 9 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 29 novembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 10 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-2167

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Décision

[1] Je rejette l’appel de L. H.

[2] Elle n’a pas respecté la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19. Et celui-ci l’a congédiée pour cette raison.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé qu’elle a perdu son emploi pour une raison que la Loi sur l’assurance-emploi considère comme une inconduite. Autrement dit, elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi.

[4] Par conséquent, elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[5] C’est ce que la Commission a décidé. Elle a donc rendu la bonne décision dans la demande d’assurance-emploi.

Aperçu

[6] La prestataire, qui est infirmière autorisée, a perdu son emploi de coordonnatrice des soins au X (employeur)Note de bas de page 1.

[7] L’employeur de la prestataire a déclaré l’avoir congédiée parce qu’elle ne s’est pas conformée à sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[8] La prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé.

[9] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a donnée. Elle a décidé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission l’a donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[10] La prestataire affirme qu’il n’y a eu aucune inconduite de sa part. Les prestations d’assurance-emploi ne devraient pas lui être refusées pour inconduite parce que son employeur a fait preuve de discrimination médicale à son égard. Elle subit encore de graves effets secondaires à long terme découlant de certains vaccins qu’elle a reçus. Elle a fait attention et a suivi le processus de son employeur pour demander une exemption médicale. Pourtant, son employeur l’a congédiée alors qu’elle attendait toujours de voir une ou un spécialiste au sujet d’un problème de santé auto-immunitaire. Elle estime que son employeur a adopté des [traduction] « mesures extrêmes » à partir de la directive no 6Note de bas de page 2.

[11] Je dois décider si la raison pour laquelle la prestataire a perdu son emploi est une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.

Question en litige

[12] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[13] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite.

[14] Je dois décider deux choses :

  • pour quelle raison la prestataire a perdu son emploi;
  • si la Loi sur l’assurance-emploi considère cette raison comme une inconduite.

Raison de la perte d’emploi

[15] J’estime que l’employeur a congédié la prestataire parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination qu’il avait mise en place.

[16] La prestataire et la Commission sont d’accord sur ce point.

[17] D’ailleurs, c’est ce que la prestataire a écrit dans sa demande d’assurance-emploiNote de bas de page 3. C’est ce qu’elle a dit à la Commission et ce qu’elle a déclaré à l’audienceNote de bas de page 4.

[18] C’est aussi ce que l’employeur a dit à la Commission et écrit dans la lettre de cessation d’emploi de la prestataireNote de bas de page 5. De plus, l’employeur a inscrit le code M (congédiement ou suspension) sur son relevé d’emploiNote de bas de page 6.

[19] Je n’ai aucune raison de douter de ce que la prestataire ou son employeur dit (lorsqu’il a parlé à la Commission et lorsqu’il a produit le relevé d’emploi et la lettre de cessation d’emploi). Et aucune preuve ne contredit ce qu’avancent la prestataire et son employeur.

La raison de la perte d’emploi est une inconduite selon la loi

[20] Le refus de la prestataire de se conformer à la politique vaccinale de son employeur constitue une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.

Ce qu’est une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi

[21] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. C’est plutôt l’ensemble des décisions des tribunaux qui établissent le critère juridique relatif à l’inconduite. Ce critère m’indique les types de faits et de questions de droit que je dois prendre en considération pour rendre ma décision.

[22] La Commission doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 7.

[23] Je dois me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait et me demander si cela constitue une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8. Je ne suis pas responsable de décider si la politique de l’employeur ou la suspension et le congédiement étaient raisonnablesNote de bas de page 9.

[24] Il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable. Autrement dit, il n’est pas nécessaire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal pour que je décide que sa conduite est une inconduiteNote de bas de page 10. Pour constituer une inconduite, sa conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 11. L’inconduite peut aussi se présenter comme une conduite si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 12.

[25] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 13.

[26] Je peux seulement décider s’il y a eu inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas trancher l’affaire en fonction d’autres loisNote de bas de page 14. Par exemple, je ne peux pas décider si la prestataire a été congédiée injustement selon le droit du travail ou si son employeur a enfreint une convention collectiveNote de bas de page 15. Il ne m’appartient pas non plus de décider si son employeur l’a discriminée ou s’il aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément aux droits de la personneNote de bas de page 16. Et je ne peux pas décider si son employeur a porté atteinte à sa vie privée ou à d’autres droits dans le contexte du travail ou autre.

Ce que disent la Commission et la prestataire

[27] La Commission et la prestataire s’entendent sur les faits de base. La Commission doit prouver ces faits pour démontrer que la conduite de la prestataire constitue une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.

[28] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi parce que la preuve montreNote de bas de page 17 :

  • que l’employeur a adopté une politique de vaccination contre la COVID-19 et en a informé tout le personnelNote de bas de page 18;
  • que la politique de vaccination comportait deux échéances :
    • le 9 septembre 2021, où la prestataire devait communiquer son statut vaccinal;
    • le 30 octobre 2021, où elle devait être entièrement vaccinée contre la COVID-19 et fournir une preuve à son employeur, ou obtenir une exemptionNote de bas de page 19;
  • que la prestataire savait ce qu’elle devait faireNote de bas de page 20;
  • qu’elle savait que son employeur pouvait la mettre en congé sans solde ou la congédier si elle ne se faisait pas vacciner et ne présentait aucune preuve ou si elle n’obtenait aucune exemption dans le délai prescritNote de bas de page 21;
  • qu’elle a demandé une exemption, mais que son employeur a rejeté sa demande (la personne responsable de la santé et de la sécurité au travail a examiné sa situation et communiqué avec son médecin de famille, qui n’a pas dit qu’elle satisfaisait aux critères d’exemption)Note de bas de page 22;
  • qu’elle n’a pas été entièrement vaccinée et n’a pas fourni de preuve à son employeur dans le délai prescrit, ce qui est un refus délibéré et voulu de se conformer à la politique de vaccinationNote de bas de page 23;
  • que son employeur l’a congédiée parce qu’elle n’a pas respecté sa politique de vaccinationNote de bas de page 24.

[29] La prestataire affirme que sa conduite n’est pas une inconduiteNote de bas de page 25. Elle dit que son employeur a adopté des [traduction] « mesures extrêmes » à partir de la directive no 6. Elle n’est pas d’accord avec les critères d’exemption médicale et conteste qu’elle doive fournir à son employeur des renseignements personnels sur sa santé.

[30] À l’audience, elle a déclaré qu’elle n’était pas d’accord avec la position de la Commission selon laquelle sa conduite était intentionnelle ou insouciante au point d’être délibérée. Elle dit avoir fait tout ce qu’elle pouvait pour garder son emploi. Elle a suivi toutes les étapes du processus d’exemption médicale. Et finalement, son employeur l’a forcée à choisir entre garder son emploi et ne pas se faire vacciner. Elle a choisi de ne pas se faire vacciner avant la date limite parce qu’elle attendait de voir une ou un spécialiste au sujet d’un problème de santé auto-immunitaire.

La Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi

[31] J’accepte la preuve de la prestataire et la preuve de la Commission, et je les crois pour les raisons suivantes.

[32] Je n’ai aucune raison de douter de la preuve de la prestataire (sa demande d’assurance-emploi, sa demande de révision, son avis d’appel et son témoignage à l’audience). Son histoire est demeurée essentiellement la même depuis sa demande d’assurance-emploi jusqu’à l’audience.

[33] Et ce qu’elle a dit correspond aux énoncés de la politique de vaccination et à ce que son employeur a écrit dans la lettre de cessation d’emploi et dans le relevé d’emploi.

[34] J’accepte la preuve de la Commission parce qu’elle concorde avec la preuve de la prestataire. Et aucune preuve ne contredit la preuve de la Commission.

[35] Selon les éléments de preuve que j’ai acceptés, je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce qu’elle a démontré que la prestataire :

  • connaissait la politique de vaccination;
  • savait qu’elle devait se faire entièrement vacciner et fournir une preuve (ou obtenir une exemption) dans le délai prescrit;
  • savait que son employeur pouvait la congédier si elle n’était pas vaccinée;
  • a demandé une exemption, que son employeur a refusée;
  • a décidé de façon consciente, voulue et intentionnelle de ne pas se faire vacciner avant la date limite;
  • a été congédiée parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination.

Autre argument de la prestataire : son employeur a fait preuve de discrimination médicale à son égard

[36] La prestataire a déclaré que son employeur l’avait discriminée lorsqu’il l’a mise en congé sans solde, puis congédiéeNote de bas de page 26. Selon elle, c’est une forme de [traduction] « discrimination médicale » parce qu’elle a un problème de santé auto-immunitaire et des effets secondaires à long terme découlant du vaccin contre la grippe H1N1.

[37] La prestataire fait valoir qu’elle avait le droit de ne pas se faire vacciner au moins jusqu’à ce qu’elle puisse consulter une ou un spécialiste pour savoir si la vaccination contre la COVID-19 était sûre pour elle. Son employeur aurait dû s’adapter à sa situation médicale particulière, comme il l’avait déjà fait lorsqu’il établissait les horaires. La prestataire était prête à porter un équipement de protection individuelle et à ne pas venir travailler si elle se sentait malade. Cependant, l’employeur a décidé de s’en tenir aux exemptions médicales restreintes de la directive no 6 et à la date limite qu’il avait fixée pour la vaccination complète. Il a fait preuve de discrimination à l’égard de la prestataire en lui imposant un congé sans solde et en la congédiant avant qu’elle consulte une ou un spécialiste.

[38] J’accepte ce que la prestataire a écrit dans ses documents, ce qu’elle a dit à la Commission et ce qu’elle a déclaré à l’audience au sujet de sa situation médicale. Aucune preuve ne contredit ce qu’elle a dit et écrit. Je n’ai donc aucune raison de douter de sa preuve sur ce point.

[39] J’estime que la prestataire pourrait avoir gain de cause avec son argument sur la discrimination médicale si l’on appliquait la loi sur les droits de la personne. Malheureusement, je ne peux pas tenir compte de cet argument dans son appel en assurance-emploiNote de bas de page 27. Je dois vérifier s’il y a eu inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi précisément. Mon rôle n’est pas d’examiner si la politique vaccinale de l’employeur, si son application à la situation de la prestataire ou si la sanction imposée a porté atteinte à ses droits garantis par la loi sur les droits de la personne.

[40] Les tribunaux ont souligné à juste titre qu’une partie prestataire a d’autres moyens juridiques pour faire valoir des arguments relatifs aux droits de la personneNote de bas de page 28. La prestataire invoque la discrimination médicale dans un grief qu’elle a déposé contre son employeurNote de bas de page 29.

Résumé de ma conclusion sur l’inconduite

[41] Après avoir examiné et soupesé tous les documents et témoignages, je conclus que la Commission a démontré que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.

Conclusion

[42] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.

[43] C’est pourquoi la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[44] Par conséquent, la Commission a rendu la bonne décision dans la demande d’assurance-emploi.

[45] Je rejette donc l’appel.

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