Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : HM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 235

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : H. M.
Représentant : S. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (0) datée du 7 novembre 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 février 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 22 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-3635

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec la prestataire.

[2] La prestataire a démontré qu’elle avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations d’assurance-emploi. Autrement dit, la prestataire a fourni une explication acceptable selon la loi. Cela signifie que les déclarations de la prestataire peuvent être traitées comme si elles avaient été faites plus tôt.

Aperçu

[3] En général, pour recevoir des prestations d’assurance-emploi, une personne doit présenter une déclaration pour chaque semaine pendant laquelle elle n’a pas travaillé et qu’elle souhaite recevoir des prestationsNote de bas de page 1. Il faut faire des déclarations à la Commission de l’assurance-emploi du Canada aux deux semaines. Habituellement, les déclarations sont faites en ligne et il y a des dates limites pour les soumettreNote de bas de page 2.

[4] La prestataire avait une demande ouverte de prestations d’assurance-emploi lorsqu’elle a cessé de travailler en mai 2021Note de bas de page 3. Même si elle aurait pu recevoir des prestations d’assurance-emploi, elle n’a rempli aucune déclaration de l’assurance-emploi à ce moment-là.

[5] La prestataire est retournée au travail le 9 août 2021. Elle a ensuite quitté le travail et demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi le 21 octobre 2021. Elle a demandé de recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi du 7 mai 2021 au 9 août 2021.

[6] Pour en obtenir, la prestataire doit prouver qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à soumettre ses déclarations du 7 mai 2021 au 9 août 2021.

[7] La Commission a décidé que la prestataire n’avait pas de motif valable et elle a rejeté sa demande. Elle affirme que c’est parce que la prestataire n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans sa situation pour s’informer de ses droits et ses obligations au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[8] La prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. Elle dit que son époux et elle ont communiqué avec Service Canada en juin 2021 pour discuter des options de prestations d’assurance-emploi de la prestataire parce qu’elle voulait tomber enceinte et qu’elle souhaitait maximiser ses prestations de maternité et ses prestations parentales. C’est sur l’avis de l’agent de Service Canada qu’elle n’a pas rempli les déclarations de demande de prestations d’assurance-emploi du 9 mai au 9 août 2021.

Questions que j’ai examinées en premier

L’appel de la prestataire a été renvoyé à la division générale

[9] En juillet 2022, la prestataire a d’abord fait appel de la décision de la Commission de ne pas antidater ses déclarations à la division générale du Tribunal, mais celle-ci a rejeté l’appel de la prestataireNote de bas de page 4.

[10] La prestataire a donc porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel du Tribunal. La membre de la division d’appel a conclu que l’appel de la prestataire n’aurait pas dû être rejeté parce que la division générale croyait qu’elle traitait une demande initiale de prestations d’assurance-emploi alors qu’elle traitait en fait une demande de renouvellement de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 5.

[11] La division d’appel a ordonné à la prestataire [sic] de retourner à la division générale pour une nouvelle audience afin de décider si sa demande tardive de prestations régulières d’assurance-emploi du 9 mai au 9 août 2021, ou une partie de cette période, pouvait être acceptée.

[12] La présente décision découle de la nouvelle audience.

L’audience s’est déroulée avec une interprète

[13] La langue maternelle de la prestataire et de son représentant n’est ni le français ni l’anglais. À l’audience, ils ont donc communiqué en partie en anglais et en partie avec l’aide d’une interprète. Celle-ci a affirmé qu’elle traduirait les déclarations de la prestataire et de son représentant avec exactitude et au meilleur de ses capacités.

La période de retard

[14] Je conclus que la période de retard s’étend du 9 mai 2021 au 21 octobre 2021.

[15] La Commission a décidé que la période de retard allait du 9 mai 2021 au 29 novembre 2021.

[16] Le représentant de la prestataire, qui a affirmé avoir déposé des éléments de preuve, a déclaré que la prestataire et lui ont demandé des prestations d’assurance-emploi par téléphone le 21 octobre 2021. Il a dit que c’est au cours de ce processus de demande qu’un agent de Service Canada lui a parlé de demander des prestations pour mai [2021]. Le représentant de la prestataire a dit que la prestataire et lui avaient demandé, au cours du processus de demande du 21 octobre 2021, de recevoir des prestations du 9 mai au 9 août 2021.

[17] Le représentant de la prestataire a dit que le compte rendu d’une conversation que la prestataire avait eue avec un agent de Service Canada le 29 novembre 2021 disait qu’elle avait vérifié ce qui s’était passé avec l’antidatation de ses déclarations.

[18] Je reconnais qu’il n’y a aucun document indiquant qu’une demande d’antidatation des déclarations a été faite le 21 octobre 2021. Toutefois, l’absence d’un document dans le dossier d’appel ne signifie pas que la conversation n’a pas eu lieu.

[19] J’accepte le témoignage du représentant de la prestataire selon lequel la prestataire et lui ont demandé que les déclarations du 9 mai au 9 août 2021 soient antidatées au cours du processus de demande d’octobre 2021. Il a livré son témoignage sous serment, et j’ai pu lui poser des questions à ce sujet. Il a dit qu’ils ont d’abord appris que les déclarations pouvaient être antidatées pendant le processus de demande d’octobre 2021 et il a demandé que les déclarations soient antidatées pendant cette conversation. Par conséquent, je conclus que la période de retard s’étend du 9 mai 2021 au 21 octobre 2021.

Question en litige

[20] La prestataire avait-elle un motif valable justifiant son retard à demander des prestations d’assurance-emploi?

Analyse

[21] La prestataire veut que ses déclarations pour des prestations d’assurance-emploi soient traitées comme si elles avaient été faites du 9 mai 2021 au 9 août 2021. C’est ce qu’on appelle « antidater » les déclarations.

[22] Pour faire antidater une demande, la prestataire doit prouver qu’elle avait un motif valable justifiant son retard pendant toute la période écouléeNote de bas de page 6. La prestataire doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle avait un motif valable justifiant son retard.

[23] De plus, pour démontrer qu’elle avait un motif valable, la prestataire doit prouver qu’elle a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 7. Autrement dit, elle doit démontrer qu’elle a agi de façon aussi raisonnable et prudente que n’importe qui d’autre l’aurait fait dans une situation semblable.

[24] La prestataire doit aussi démontrer qu’elle a vérifié assez rapidement si elle avait droit aux prestations et quelles obligations la loi lui imposaitNote de bas de page 8. Cela signifie que la prestataire doit démontrer qu’elle a essayé de s’informer de ses droits et responsabilités dès que possible et du mieux qu’elle pouvait. Si la prestataire n’a pas fait ces démarches, elle doit démontrer qu’il y avait des circonstances exceptionnelles qui expliquent pourquoi elle ne l’a pas faitNote de bas de page 9.

[25] La prestataire doit démontrer qu’elle a agi de cette façon pendant toute la période du retardNote de bas de page 10. Cette période s’étend du jour où elle veut que ses déclarations soient antidatées au jour où elle a réellement présenté la demande. Ainsi, pour la prestataire, comme je l’ai décidé plus haut, la période de retard s’étend du 9 mai 2021 au 21 octobre 2021.

[26] Le représentant de la prestataire, ayant fait une déclaration solennelle avant de témoigner, est l’époux de la prestataire. Il a dit qu’elle travaillait et qu’elle avait été mise à pied en octobre 2020. Elle a demandé des prestations d’assurance-emploi le 29 octobre 2020 et sa demande a été accueillie. La prestataire est ensuite retournée travailler le 28 décembre 2020.

[27] Le représentant de la prestataire a déclaré qu’en 2021, la prestataire et lui prévoyaient de fonder une famille. La prestataire cherchait un travail qui ne serait pas aussi exigeant sur le plan physique que le travail qu’elle faisait. Elle a arrêté de travailler le 8 mai 2021. Le représentant de la prestataire a dit que la prestataire et lui pensaient qu’elle serait en mesure de trouver du travail rapidement. Après quelques semaines, ils se sont rendu compte qu’il n’était pas facile d’obtenir un nouvel emploi.

[28] Le représentant de la prestataire a dit que lorsque lui et la prestataire ont réalisé qu’elle ne pourrait pas trouver en emploi rapidement, ils ont communiqué avec Service Canada. Ils voulaient savoir comment demander des prestations d’assurance-emploi.

[29] Il a dit qu’ils avaient dit à l’agent de Service Canada qu’ils planifiaient une grossesse [et que] la prestataire cherchait un travail plus léger. Le représentant de la prestataire a affirmé que l’agent lui avait dit que si elle prévoyait de tomber enceinte, cela aurait une incidence sur les prestations d’assurance-emploi qu’ils recevraient plus tard.

[30] Le représentant de la prestataire a dit avoir communiqué avec Service Canada le 2 juin 2021. Il a fait parvenir au Tribunal un relevé des appels faits à partir de son téléphone cellulaire en juin 2021. Il a déclaré que le 2 juin 2021, la prestataire et lui ont téléphoné au 1-800-206-7218 pour demander des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 11. C’est au cours de cet appel téléphonique que l’agent lui a parlé de l’effet d’une demande sur les prestations d’assurance-emploi subséquentes.

[31] Le représentant de la prestataire a déclaré que celle-ci est retournée au travail le 9 août 2021. Elle a continué à travailler jusqu’au 15 octobre 2021, puis elle a demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi le 21 octobre 2021. La demande a été remplie au téléphone avec l’aide d’un agent de Service Canada.

[32] Le représentant de la prestataire a déclaré que lorsqu’ils ont téléphoné à l’agent de Service Canada en octobre 2021, celui-ci leur a parlé de l’antidatation de la demande pour la période de mai à août 2021. Il a dit que la prestataire et lui ont demandé si les prestations pour la période de mai à août 2021 avaient été antidatées au cours du processus de demande d’octobre 2021. Il a téléphoné de nouveau à la fin de novembre pour voir ce qui se passait avec la demande de mai à août 2021.

[33] La Commission affirme que la prestataire n’a pas de motif valable justifiant son retard à produire ses déclarations. Elle affirme que le 29 novembre 2021, elle a demandé que la période de prestations qu’elle avait commencée le 25 octobre 2020 soit renouvelée à compter du 9 mai 2021 puisqu’elle n’avait pas travaillé du 9 mai au 10 août 2021. La Commission affirme que la prestataire remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations le 9 mai 2021, mais qu’elle n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans sa situation pour vérifier ses droits et ses obligations au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. Plus précisément, elle affirme que la prestataire n’a fait aucun effort pour s’informer de la possibilité de présenter une demande de prestations dès qu’elle a quitté son emploi en mai 2021.

[34] Le représentant de la prestataire soutient que celle-ci avait un motif valable justifiant son retard à produire ses déclarations. Il a dit que la prestataire avait cessé de travailler en mai 2021 pour pouvoir trouver un travail moins exigeant sur le plan physique. Lui et la prestataire pensaient qu’elle trouverait rapidement un nouvel emploi. Lorsqu’ils se sont rendu compte que ça ne serait pas le cas, ils ont téléphoné à Service Canada le 2 juin 2022 pour s’informer de la possibilité d’obtenir des prestations d’assurance-emploi. Au cours de cette conversation, on leur a dit que si la prestataire demandait des prestations d’assurance-emploi maintenant, cela pourrait avoir une incidence sur ses prestations d’assurance-emploi à venir. Ils ont donc décidé d’attendre avant de demander des prestations d’assurance-emploi. La prestataire a obtenu un nouvel emploi le 9 août 2021 et n’a pas eu besoin de prestations d’assurance-emploi jusqu’au 15 octobre 2021, date à laquelle elle a arrêté de travailler de nouveau parce qu’elle a fait une fausse couche.

[35] Je pense que la prestataire a vérifié assez rapidement ses droits et ses obligations au titre de la Loi sur l’assurance-emploi et qu’elle a démontré qu’elle avait un motif valable pour toute la période du retard.

[36] Le représentant de la prestataire a expliqué qu’après que la prestataire et lui-même ont compris qu’elle n’obtiendrait pas un emploi rapidement en mai 2021, ils ont téléphoné à Service Canada pour s’informer de la possibilité d’obtenir des prestations d’assurance-emploi. J’estime qu’une conversation avec Service Canada a eu lieu le 2 juin 2021. Je fonde cette conclusion sur le témoignage du représentant de la prestataire et sur le relevé de téléphone cellulaire fourni par le représentant de la prestataire, qui montre qu’un appel a été fait au numéro de téléphone de l’assurance-emploi de Service Canada.

[37] Il y a 24 jours entre le dernier jour de travail de la prestataire, soit le 8 mai 2021, et le 2 juin 2021. La preuve démontre que la prestataire et son représentant ont communiqué avec Service Canada 25 jours après que la prestataire a arrêté de travailler. À mon avis, cela signifie que la prestataire a vérifié assez rapidement quels étaient ses droits et ses obligations au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[38] Au cours de la conversation du 2 juin 2021, la prestataire a été informée par un agent de Service Canada que si elle demandait des prestations d’assurance-emploi en juin 2021, cela aurait une incidence sur ses prestations d’assurance-emploi ultérieures.

[39] J’estime que la prestataire a démontré qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à demander que ses déclarations soient antidatées comme si elles avaient été faites du 9 mai au 9 août 2021. La prestataire n’était pas enceinte en juin 2021, mais elle prévoyait de le devenir. On lui a dit que le fait de produire des déclarations pourrait avoir un effet sur ses prestations d’assurance-emploi subséquentes. Je conclus que la prestataire a agi comme une personne raisonnable se trouvant dans une situation semblable l’aurait probablement fait en retardant le dépôt de ses déclarations (en n’en déposant pas) parce qu’elle essayait d’obtenir le nombre maximal de semaines de prestations de maternité et de prestations parentales à une date ultérieure.

[40] De plus, la prestataire est retournée au travail le 10 août 2021 et a arrêté de travailler le 15 octobre 2021. Je conclus qu’elle a agi comme une personne raisonnable se trouvant dans une situation semblable l’aurait fait pendant cette période parce qu’elle n’aurait aucun besoin de demander que les déclarations du 9 mai au 9 août 2021 soient antidatées pendant qu’elle travaillait.

[41] La prestataire a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblables pendant toute la période du retard, soit du 9 mai 2021 au 21 octobre 2021. Elle a communiqué avec Service Canada dans le mois suivant sa mise au chômage pour s’informer de ses droits et de ses responsabilités. On lui a dit que le fait de remplir ses déclarations pourrait avoir une incidence sur ses prestations de maternité. Comme elle s’attendait à recevoir des prestations de maternité dans un proche avenir, il est raisonnable qu’elle ait décidé de ne pas remplir ses déclarations à ce moment-làNote de bas de page 12.

[42] Elle ne pouvait pas prédire qu’elle ferait une fausse couche. Lorsque cela s’est produit, elle a de nouveau communiqué avec Service Canada et on lui a dit qu’elle pouvait demander l’antidatation de ses déclarations de prestations d’assurance-emploi de mai à août 2021. Elle a immédiatement demandé l’antidatation de ces déclarations. À mon avis, c’est ce qu’une personne raisonnable et prudente aurait fait dans sa situation. Par conséquent, je conclus que la prestataire a démontré qu’elle avait un motif valable justifiant le retard de ses déclarations de prestations pour toute la période du retard.

Conclusion

[43] La prestataire a prouvé qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à produire ses déclarations de prestations pendant toute la période écoulée. Cela signifie que les déclarations de prestations peuvent être traitées comme si elles avaient été faites plus tôt.

[44] L’appel est accueilli.

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