Assurance-emploi (AE)

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Citation : MJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 424

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. J.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (515904) datée du 30 août 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Manon Sauvé
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 17 janvier 2023
Personne présente à l’audience : L’appelant
Date de la décision : Le 25 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-3177

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Depuis plus d’une trentaine d’années, le prestataire travaille à titre de courrier pour une entreprise de livraison.

[4] Le prestataire s’est absenté de son travail en raison d’une maladie à partir du 24 novembre 2021. Pendant cette période, il est informé, par son employeur, qu’il doit respecter la politique de vaccination s’il veut revenir au travail après son congé de maladie.

[5] Le prestataire refuse de suivre la politique de son employeur. Il est suspendu sans solde à partir du 19 mars 2022. Le 4 avril 2022, il est de nouveau en arrêt de travail en raison d’une maladie.

[6] Il présente une demande à la Commission pour recevoir des prestations régulières. La Commission refuse de lui verser des prestations d’assurance-emploi régulières, parce qu’il a été suspendu en raison de son inconduite. En effet, le prestataire savait ou devait savoir qu’il serait suspendu en refusant de respecter la politique de vaccination de son employeur.

[7] Le prestataire n’est pas d’accord avec la Commission. Il a refusé de se faire vacciner en raison de ses problèmes de santé. Il a le droit de refuser, l’employeur ne peut pas lui imposer de se faire vacciner.  De plus, depuis le 20 juin 2022, la politique de vaccination a été modifiée.

Question en litige

[8] Le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite ?

Analyse

[9] Pour décider si le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison le prestataire a été suspendu de son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi ?

[10] Je retiens que le prestataire travaille pour une entreprise de livraison. Il s’est absenté de son travail en raison d’une maladie ou d’une blessure du 25 novembre 2022 au 18 mars 2022.

[11] Pendant son congé, l’employeur met en œuvre une politique de vaccination en raison de la pandémie de la COVID-19. Le prestataire est informé de l’obligation de se faire vacciner avant le mois de janvier 2022 et des conséquences en cas de refus.

[12] Le prestataire refuse de se faire vacciner avant de retourner au travail. Il est suspendu de son emploi à partir du 19 mars 2022.

[13] Je suis d’avis que le prestataire a été suspendu pour cette raison.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite selon la loi ?

[14] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 2. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 3. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupableNote de bas de page 4.

[15] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu pour cette raisonNote de bas de page 5.

[16] La Commission doit prouver que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 6.

[17] Selon la Commission, le refus du prestataire de se soumettre à la politique de vaccination de son employeur constitue de l’inconduite. Il savait ou devait savoir qu’il serait suspendu en ne se conformant pas à la politique.

[18] Le prestataire soutient qu’il a refusé de se faire vacciner en raison de ses problèmes de santé.

[19] De plus, le prestataire soulève plusieurs arguments pour démontrer qu’il ne s’agit pas d’un geste d’inconduite :

  • La politique de l’employeur est illégale et ne respecte pas la Charte canadienne des droits et libertés
  • Il a un bon jugement et certains vaccins posent des problèmes, dont des risques de thromboses
  • Son employeur a fait de fausses déclarations en le mettant en congé et en l’accusant d’inconduite

[20] Je vais commencer par disposer de certains arguments du prestataire avant de décider si son refus de se conformer à la Politique de vaccination de son employeur constitue une inconduite.

[21] Concernant la légalité de la politique de son employeur, ses droits en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que l’absence d’obligation vaccinale dans son contrat de travail ; le Tribunal n’a pas le pouvoir de trancher ces questions. Il existe des instances spécialisées pour ces enjeuxNote de bas de page 7.

[22] Par ailleurs, le prestataire soutient qu’il la politique de son employeur a été changé à partir du 20 juin 2022.

[23] Je dois tenir compte des faits au moment de la suspension, soit que la vaccination est obligatoire.

[24] Également, je n’ai pas à décider si la politique de l’employeur est justifiée ou raisonnable. Ce n’est pas le comportement de l’employeur que je dois analyser, mais le geste du prestataireNote de bas de page 8. Toutefois, il est vrai que je dois tenir compte du contexteNote de bas de page 9.

[25] Dans l’arrêt NelsonNote de bas de page 10, la Cour a effectivement tenu compte du contexte. Ainsi, la prestataire travaille à titre de réceptionniste pour une Première nation. Elle vit également dans la réserve. L’employeur a adopté une politique visant à interdire la consommation d’alcool au travail et dans la réserve, afin de traiter le problème de consommation d’alcool et de drogue de la population. La prestataire a consommé de l’alcool à son domicile. Elle a été congédiée. En fait, la Première nation avait intérêt à maintenir sa crédibilité et donner l’exemple dans la lutte contre les problèmes de consommation.

[26] La Cour d’appel fédérale a également rappelé qu’il importe peu que la politique ne soit pas stipulée dans le contrat de travail, il peut s’agir d’une condition morale, ou matérielle explicite ou impliciteNote de bas de page 11.

[27] Qui plus est, la Cour d’appel fédérale a statué que les tribunaux doivent mettre l’accent sur la conduite du prestataire, et non sur celle de l’employeur. La question n’est pas de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de sorte que ce congédiement serait injustifié, mais bien de savoir si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné la perte de son emploiNote de bas de page 12.

[28] Toujours dans l’arrêt NelsonNote de bas de page 13, la Cour d’appel fédérale réitérait qu’il faut appliquer une appréciation objective comme l’exige la Loi. En effet, « il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié ».

[29] Dans la présente affaire, le gouvernement du Canada a adopté un ensemble de mesures pour contrer la pandémie de COVID-19, dont une politique de vaccination qui s’applique au prestataire.

[30] Il a choisi de ne pas se faire vacciner. Je constate qu’il n’a pas fourni d’exemption médicale ni religieuse. Il savait ou devait savoir qu’il serait suspendu pour cette raison.

[31] Je suis d’avis que l’inconduite peut prendre différentes formes dont le non-respect d’une politique de vaccination qui est une condition essentielle au maintien en emploiNote de bas de page 14. Ce qui est le cas de la prestataire.

[32] Le prestataire a fait le choix personnel de ne pas se faire vacciner. Il connaissait les conséquences de son geste : la suspension sans solde. Il a provoqué sa situation de chômage délibérément.

[33] Je suis donc d’avis que la Commission a démontré que le prestataire a été suspendu en raison de son inconduite.

Alors, le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite ?

[34] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[35] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi régulières à partir du 19 mars 2022.

[36] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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