Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1717

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (476928) datée du 30 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 25 octobre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 18 novembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2186

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler. Par conséquent, il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que le prestataire était inadmissible aux prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 7 juin 2021, parce qu’il n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir ce type de prestations, la partie prestataire doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue, c’est-à-dire que la partie prestataire doit être à la recherche d’un emploi.

[4] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il était disponible pour travailler. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était disponible pour travailler.

[5] La Commission affirme que le prestataire n’était pas disponible parce qu’il suivait un programme d’études à temps plein. Il a quitté deux emplois pour suivre ce programme et cherchait seulement du travail qu’il pouvait faire en dehors de son horaire de cours.

[6] Le prestataire n’est pas d’accord. Il soutient qu’il voulait travailler à temps plein pendant ses études et qu’il cherchait activement un emploi convenable.

Questions que je dois examiner en premier

Demande du prestataire d’être diriger vers une formation

[7] À l’audience, le prestataire a déclaré qu’il avait demandé à la Commission d’être dirigé vers sa formationNote de bas de page 1. En mars 2022, il a parlé au personnel de la Commission, qui l’a aidé à faire une demande pour un programme qui lui permettrait de faire des études et de recevoir des prestations d’assurance-emploi en même temps.

[8] Après l’audience, j’ai interrogé la Commission sur la demande du prestataire. En premier lieu, la Commission a répondu qu’elle n’avait aucun document à l’appui de la conversation avec le prestataire de mars 2022 ni aucune preuve que le prestataire avait demandé d’être dirigé vers sa formationNote de bas de page 2.

[9] Par la suite, la Commission a fait des observations supplémentaires reconnaissant qu’elle avait parlé au prestataire le 16 mars 2022. Elle a dit qu’il était possible que le prestataire ait présenté une demande au programme d’éducation permanente à ce moment-làNote de bas de page 3, mais que même s’il l’avait fait, il ne remplissait pas les conditions d’admissibilité du programmeNote de bas de page 4.

[10] J’accepte les observations des deux parties. Je crois que le prestataire a demandé à la Commission d’être dirigé vers sa formation en mars 2022. Mais la Commission a décidé qu’il ne pouvait pas l’être. Je conclus donc que le prestataire n’a pas été dirigé vers son programme de formation.

Question en litige

[11] Le prestataire était-il disponible pour travailler?

Analyse

[12] Deux articles de loi différents exigent que la partie prestataire démontre qu’elle était disponible pour travailler. La Commission a décidé que le prestataire était inadmissible selon ces deux articles. Il doit donc répondre aux critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[13] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 5. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce que signifie « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 6 ». Je vais examiner ces critères ci-dessous.

[14] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit que la partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 7. La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 8. Je vais examiner ces éléments plus loin.

[15] La Commission a établi que le prestataire était inadmissible aux prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler selon ces deux articles de loi.

[16] Je vais maintenant examiner moi-même ces deux articles pour décider si le prestataire était disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[17] Le droit énonce les critères que je dois prendre en considération pour décider si les démarches du prestataire étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 9. Je dois vérifier si ces démarches étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi convenable. Autrement dit, le prestataire doit avoir continué à chercher un emploi convenable.

[18] Je dois évaluer les démarches du prestataire pour se trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte, commeNote de bas de page 10 :

  • évaluer les possibilités d’emploi;
  • faire du réseautage;
  • communiquer avec des employeurs éventuels;
  • présenter des demandes d’emploi.

[19] La Commission affirme que le prestataire n’en a pas fait assez pour essayer de trouver un emploi.

[20] Le prestataire n’est pas d’accord. Il travaille dans le secteur de la santé. Il occupait deux emplois avant de commencer son programme d’études. Il a quitté ces emplois parce que les horaires de travail étaient incompatibles avec ses cours. Cependant, il a commencé activement à chercher un autre emploi en soins de santé qu’il pouvait occuper en dehors de son horaire de cours.

[21] Le prestataire a déclaré qu’il faisait régulièrement des recherches sur plusieurs sites Web d’emplois. Il s’est aussi inscrit à un système de notifications pour l’avertir des nouveaux emplois affichés. Il a demandé à ses ex-employeurs s’ils avaient des emplois qui conviendraient à son horaire. Il a également parlé à d’autres connaissances dans le secteur des soins de santé pour s’informer des possibilités d’emploi.

[22] Le prestataire a dit qu’il était difficile de trouver un emploi qui conviendrait à son horaire de cours. Il cherchait des emplois qui offraient des quarts de travail de soir seulement, de nuit seulement ou pour toute la fin de semaine. Cependant, il a expliqué que ces emplois n’étaient pas offerts en raison de restrictions syndicales sur l’établissement des horaires. Certains emplois exigeaient des quarts de 12 heures pendant deux jours consécutifs suivis de deux jours de congé. Ces conditions compliqueraient la conciliation avec les études du prestataire.

[23] En fin de compte, le prestataire n’a postulé à aucun emploi parce qu’il n’en a trouvé aucun qui conviendrait à son horaire. Lorsque ses prestations d’assurance-emploi ont pris fin en juin 2022, il a repris son ancien emploi sur une base occasionnelle. Il est appelé à faire certains quarts de travail et accepte les heures selon ses disponibilités.

[24] Le prestataire affirme que ses démarches étaient suffisantes pour prouver qu’il était disponible pour travailler.

[25] J’estime que le prestataire a fait des démarches raisonnables et soutenues pour trouver du travail à compter du 7 juin 2021. Il regardait régulièrement les offres sur plusieurs sites Web d’emplois. Il a fait du réseautage avec d’autres personnes aux études et a communiqué avec son ex-employeur pour s’informer des possibilités d’emplois. Je suis convaincue que ses démarches visaient à trouver un emploi convenable dans le secteur des soins de santé.

[26] Le prestataire a prouvé que ses démarches pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnables.

Capable de travailler et disponible à cette fin

[27] La jurisprudence établit trois éléments à examiner quand je dois décider si le prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable. Le prestataire doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 11 :

  1. a)  il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert;
  2. b)  il a fait des démarches pour trouver un emploi convenable;
  3. c)  il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire trop limiter) ses chances de retourner travailler.

[28] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite du prestataireNote de bas de page 12.

Vouloir retourner travailler

[29] Le prestataire n’a pas démontré qu’il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.

[30] Le prestataire occupait deux emplois. Il les a quittés les deux pour étudier à compter de mars 2021.

[31] J’estime que la conduite du prestataire lorsqu’il a quitté ses emplois pour étudier ne démontre pas qu’il voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui serait offert. Son choix indique que sa priorité était ses études et non le retour au travail aussitôt que possible.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[32] Le prestataire n’a pas fait assez de démarches pour trouver un emploi convenable.

[33] Pour examiner ce deuxième élément, j’ai tenu compte de la liste d’activités de recherche d’emploi que j’ai mentionnée plus haut. À noter que cette liste me sert seulement de point de repèreNote de bas de page 13.

[34] Le prestataire consultait régulièrement plusieurs sites Web de recherche d’emploi pour trouver du travail. Il s’est aussi inscrit à un système de notifications pour l’avertir des nouveaux emplois affichés. Il a fait du réseautage en matière d’emplois avec d’autres personnes aux études. Il a également communiqué avec son ex-employeur pour s’informer des emplois. Il n’a postulé à aucun emploi parce qu’il n’en a pas trouvé qui offrait un horaire qui conviendrait à ses cours.

[35] Je crois que le prestataire a fait des démarches pour trouver du travail. Cependant, ces démarches étaient limitées. Et comme il cherchait seulement du travail à faire en dehors de son horaire de cours, il n’a postulé à aucun emploi.

[36] Les démarches du prestataire ne suffisent pas à démontrer qu’il essayait de trouver un emploi convenable aussitôt que possible parce qu’il n’a postulé à aucun emploi. En agissant ainsi, le prestataire ne pouvait pas obtenir un emploi convenable.

Éviter de limiter indûment ses chances de retourner travailler

[37] Le prestataire a établi des conditions personnelles qui auraient pu trop limiter ses chances de retourner travailler.

[38] La Commission affirme que le prestataire a établi une condition personnelle parce qu’il était seulement prêt à accepter un emploi qui n’allait pas nuire à son horaire de cours.

[39] Le prestataire a convenu qu’il cherchait seulement du travail à faire en dehors de son horaire de cours. Mais il a ajouté que s’il avait trouvé un emploi et que celui-ci entrait en conflit avec son horaire de cours, il aurait fait de son mieux pour s’adapter.

[40] À l’audience, le prestataire a déclaré que son ex-employeur avait beaucoup d’emplois à temps plein à offrir, mais que les heures ne convenaient pas à son horaire de cours. C’était la même chose pour tous les postes qu’il a trouvés en soins de santé. Il n’y avait aucun emploi dont l’horaire était seulement de soir ou seulement de nuit. Il n’a postulé à aucun emploi parce que les horaires de travail ne cadraient pas avec ses cours.

[41] Je pense que les obligations relatives aux études du prestataire constituent une condition personnelle qui aurait pu limiter indûment ses chances de retourner travailler. Ces obligations réduisent beaucoup le nombre d’emplois auxquels il pouvait postuler ou qu’il pouvait accepter, car tout emploi devait convenir à son horaire de cours.

[42] Le prestataire a démontré que ses obligations avaient déjà eu une incidence sur son travail, puisqu’il a quitté ses emplois pour suivre son programme d’études. Il a aussi reconnu que ses obligations ont réduit le nombre d’emplois auxquels il pouvait postuler, car il avait trouvé d’autres emplois convenables pour travailler à temps plein.

Alors, le prestataire était-il capable de travailler et disponible à cette fin?

[43] Selon mes conclusions sur les trois éléments à examiner, je suis d’avis que le prestataire n’a pas démontré qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable.

[44] Je sais que le prestataire a dit qu’il était disponible pour travailler. Mais ce n’est pas suffisant pour prouver la disponibilité selon la loi. En quittant son emploi pour étudier et en limitant sa recherche à des emplois qu’il pouvait occuper en dehors de son horaire de cours, le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler à compter du 7 juin 2021.

Autres arguments

La Commission pouvait-elle revenir en arrière et réexaminer les prestations du prestataire après les avoir versées?

[45] Oui. La Commission avait le pouvoir de réexaminer l’admissibilité du prestataire aux prestations.

[46] Le prestataire a dit qu’il devrait avoir droit aux prestations d’assurance-emploi parce que la Commission savait qu’il était aux études à temps plein lorsqu’elle a décidé initialement de lui verser des prestations.

[47] Il a déclaré qu’il suivait un programme d’études à temps plein dans sa demande et l’a répété dans ses déclarations d’assurance-emploi. Il a parlé à plusieurs membres du personnel de la Commission qui l’ont assuré qu’il était admissible aux prestations d’assurance-emploi pendant ses études. Il a été franc et honnête avec la Commission au sujet de ses études. La Commission ne devrait pas pouvoir annuler sa décision après lui avoir versé des prestations.

[48] Le prestataire souligne aussi les changements que le gouvernement fédéral a faits pour accroître l’accès à l’assurance-emploi en raison des répercussions de la COVID-19. Il fait valoir que ces changements doivent permettre une interprétation plus large de son admissibilité, alors qu’il étudiait pour faire avancer sa carrière en soins de santé.

[49] Il est vrai que le gouvernement fédéral a apporté des changements temporaires pour faciliter l’accès aux prestations pendant la pandémie de COVID-19. En mars 2020, le gouvernement a notamment réduit le nombre d’heures d’emploi assurable nécessaire pour être admissible aux prestations et augmenté certains montants de prestations d’assurance-emploi.

[50] Toutefois, dans le cadre de ces mesures temporaires, le gouvernement a également confirmé que les personnes qui étudient à temps plein ne peuvent pas toucher de prestations à moins de prouver qu’elles sont disponibles pour travaillerNote de bas de page 14. La loi prévoit aussi que la Commission a le pouvoir de réexaminer une demande à tout moment après le versement des prestations, afin de vérifier si la personne était disponibleNote de bas de page 15.

[51] Je reconnais que le prestataire s’est fait dire par plusieurs membres du personnel de la Commission qu’il était admissible aux prestations. Je ne doute pas qu’on lui ait donné cette information. Malheureusement, la Cour d’appel fédérale a établi que des renseignements erronés reçus de la Commission ne peuvent dégager une personne de l’application de la loiNote de bas de page 16. La Cour a également déclaré qu’il faut respecter la loi même si la Commission a commis des erreursNote de bas de page 17.

[52] Je suis liée par ces décisions. Je suis sensible à la situation du prestataire, mais je ne peux pas ordonner à la Commission de lui accorder des prestations d’assurance-emploi s’il n’y a pas droit.

Le prestataire doit-il rembourser les prestations?

[53] Oui. Le prestataire doit rembourser les prestations auxquelles il n’avait pas droit.

[54] Le prestataire a affirmé que s’il n’avait pas droit aux prestations, la Commission a commis une erreur en les lui versant. Il a été honnête au sujet de ses études dès le début de sa demande. Le personnel de la Commission lui a dit qu’il était admissible à ces prestations.

[55] La loi prévoit qu’une personne qui a touché des prestations auxquelles elle n’était pas admissible doit rembourser toute somme versée par la CommissionNote de bas de page 18.

[56] Je n’ai aucun doute que le prestataire a agi honnêtement dans tous ses échanges avec la Commission. Malheureusement, peu importe la responsabilité de la Commission dans le versement des prestations, le prestataire est tenu de rembourser la somme reçue.

[57] Je n’ai pas le pouvoir d’effacer ou d’annuler le trop-payé ni d’ordonner à la Commission de le faire. Ce pouvoir appartient à la CommissionNote de bas de page 19.

[58] Le prestataire peut demander à la Commission d’annuler son trop-payé. Si la Commission refuse, il peut faire appel à la Cour fédérale. Et si le remboursement lui cause des difficultés financières, il peut communiquer avec le Centre d’appels de la gestion des créances de l’Agence du revenu du Canada afin de s’informer sur les mesures offertes pour alléger sa dette.

Conclusion

[59] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler au sens de la loi. C’est pourquoi je conclus qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[60] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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