Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 267

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante :
Représentante :
Commission de l’assurance-emploi du Canada
Josée Lachance
Partie intimée : A. D.

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 12 octobre 2022 (GE-22-1975)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 9 février 2023
Personnes présentes à l’audience : Représentante de la partie appelante
L’intimé
Date de la décision : Le 10 mars 2023
Numéro de dossier : AD-22-802

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Décision

[1] J’accueille le présent appel. La division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a décidé que l’intimé avait droit aux prestations d’assurance-emploi. Pour corriger cette erreur, je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je conclus que l’intimé est exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a refusé une offre de reprendre son emploi.

Aperçu

[2] Le prestataire est un conducteur d’autobus scolaire. En septembre 2021, il s’est rendu à une réunion organisée par X, l’entreprise pour laquelle il avait travaillé au cours des années scolaires précédentes. L’entreprise lui a offert un parcours pour la session suivante, mais il l’a refusé parce que cela ne lui donnerait pas assez d’heures.

[3] À ce moment-là, le prestataire recevait des prestations régulières d’assurance-emploi. Deux mois plus tard, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a pris connaissance de l’offre et a décidé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification. La Commission l’a exclu et lui a demandé de rembourser une partie des prestations qu’il avait reçues.

[4] Le prestataire a porté la décision de la Commission en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Il a dit qu’il n’avait jamais quitté volontairement son emploi parce qu’il n’avait jamais accepté cet emploi.

[5] La division générale a tenu une audience par téléconférence. Elle était d’accord avec le prestataire. Elle a accepté le témoignage du prestataire selon lequel il n’aurait pas pu quitter son emploi parce qu’il n’y avait jamais accepté de travailler. Elle a également souligné que le prestataire n’avait jamais conduit ce parcours.

[6] La Commission a demandé la permission de faire appel de la décision de la division générale. Elle a prétendu que la division générale avait commis les erreurs suivantes :

  • Elle a fondé sa décision sur une conclusion erronée, à savoir que le prestataire n’avait pas quitté volontairement son emploi.
  • Elle a commis une erreur de droit lorsqu’elle a mal appliqué l’article 29(b.1) de la Loi sur l’assurance-emploi, lequel prévoit que le départ volontaire est assimilé au refus d’une offre d’emploi.

[7] En novembre, j’ai donné à la Commission la permission de faire appel parce que je croyais qu’elle avait soulevé un argument défendable. Le mois dernier, j’ai tenu une audience par téléconférence pour discuter plus en profondeur de ses allégations.

[8] Maintenant que j’ai entendu les observations des deux parties, j’ai conclu que la décision de la division générale ne peut pas être maintenue.

Question en litige

[9] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. Le prestataire doit démontrer que la division générale a fait l’une des choses suivantes :

  • elle a agi de façon injuste;
  • elle a outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • elle a mal interprété la loi;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

[10] Dans le présent appel, je devais décider si l’une ou l’autre des allégations de la Commission relevait d’un ou de plusieurs des moyens d’appel susmentionnés et, dans l’affirmative, si elles étaient fondées.

Analyse

[11] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que le droit et les éléments de preuve qu’elle a utilisés pour en arriver à cette décision. Je suis d’accord avec la Commission pour dire que la division générale a commis des erreurs de fait et de droit.

La division générale a commis une erreur de fait en concluant quele prestataire n’avait pas quitté volontairement son emploi

[12] Les éléments de preuve disponibles ont établi les faits suivants :

  • Le prestataire a travaillé pour X du 4 septembre au 18 décembre 2020, date à laquelle il a été mis à pied en raison d’un manque de travail.
  • En janvier 2021, il a repris son emploi et a continué à travailler jusqu’à la fin de l’année scolaire en juin 2021.
  • En septembre 2021, au début de l’année scolaire, le prestataire a assisté à une rencontre dite [traduction] « de démarrage », où un parcours lui a été offert.
  • Cependant, il a refusé le parcours parce que cela ne lui donnerait pas assez d’heures et parce qu’il ne pouvait pas gagner assez d’argent pour vivre.
  • Il y avait un autre parcours plus long, mais il ne se sentait pas à l’aise de le prendre vu qu’il y avait plus d’arrêts et il trouvait qu’il ne se débrouillait pas assez bien en anglaisNote de bas de page 2.
  • Bien qu’il ait été payé pour les quatre heures qu’il a assisté à la réunion de démarrage, il n’a pas conduit de parcours pour X cette session-là.

[13] À la lumière de cette preuve, la division générale aconclu que le prestataire n’avait pas quitté volontairement son emploi. En effet, la division générale a conclu que le prestataire n’aurait pas pu quitter son emploi puisqu’il ne l’a jamais acceptéNote de bas de page 3.

[14] Toutefois, la division générale n’a jamais considéré le fait que le prestataire puisse continuer d’être un employé saisonnier de X jusqu’au moment de refuser une offre d’emploi, comme celle de septembre 2021. À ce moment-là, il avait le choix de rester ou de partir. Il a décidé de partir, comme l’indique un relevé d’emploi que X a produit indiquant qu’il avait [traduction] « démissionnéNote de bas de page 4 ».

[15] Je suis d’avis que la division générale a mal interprété les circonstances dans lesquelles le prestataire a quitté son emploi. Il s’agit d’une conclusion de fait erronée, tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

La division générale a commis une erreur de droit en ignorant la définition juridique du départ volontaire

Le départ volontaire comprend le refus d’une offre de reprendre un emploi

[16] La Commission soutient que la division générale a ignoré une disposition de la Loi sur l’assurance-emploi qui définit ce que signifie quitter volontairement son emploi. Elle renvoie à l’article 29(b.1), lequel précise que le fait de quitter volontairement un emploi comprend ce qui suit :

  1. (i) le refus d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin;
  2. (ii) le refus de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où l’emploi est censé reprendre;
  3. (iii) le refus de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert [...].

La décision de la division générale n’a pas abordé la définition du départ volontaire

[17] Dans sa décision, la division générale a manifesté sa compréhension de la loi comme suit : « Le critère juridique pour décider si une personne a quitté volontairement son emploi est celui qui consiste à savoir si elle avait le choix de conserver ou de quitter son emploiNote de bas de page 5 ».  

[18] Toutefois, la division générale n’a pas mentionné l’article 29(b.1) de la Loi sur l’assurance-emploi qui, comme mentionné ci-dessus, précise et élargit le sens du départ volontaire. La division générale a ensuite présumé que le prestataire n’était plus employé à X lorsqu’il a assisté à la réunion de démarrage de septembre 2021. Elle a également conclu qu’étant donné qu’il n’avait jamais accepté la réduction des heures de travail de X, « il n’occupait pas d’emploiNote de bas de page 6 ».

[19] La division générale n’a pas examiné la question de savoir si le prestataire s’inscrivait dans l’une ou l’autre des circonstances décrites aux articles 29(b.1)(i) ou (ii) de la Loi sur l’assurance-emploi. En omettant de le faire, la division générale a commis une erreur de droit.

La division générale n’a pas examiné sile prestataire était fondé à quitter son emploi

[20] Comme nous l’avons vu, la division générale a conclu à tort que le prestataire n’avait pas quitté son emploi. Cela l’a amenée à conclure, encore une fois à tort, qu’il n’était pas nécessaire d’examiner si le prestataire avait quitté volontairement son emploi.

[21] Ces erreurs ont donné lieu à une troisième erreur potentielle. Une fois qu’il est établi qu’une partie prestataire a quitté volontairement son emploi, il importe de décider si elle était fondée à quitter cet emploi conformément à l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi. La division générale n’a pas jugé nécessaire de poser cette question. C’était une erreur.

[22] Je ne vais pas décider si le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi. Je laisserai la division générale trancher cette question lors d’une audience ultérieure. Pour l’instant, cependant, il semble que le départ du prestataire n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Il aurait pu demander un parcours plus long. Il aurait pu accepter le parcours offert et le conduire jusqu’à ce qu’il trouve un autre emploi mieux rémunéré. La Cour d’appel fédérale a déclaré que le fait de quitter son emploi pour chercher un meilleur emploi mieux rémunéré ne constitue pas un motif valableNote de bas de page 7.

Réparation

[23] Lorsque la division générale fait une erreur, la division d’appel peut la corriger de l’une des deux façons suivantes : i) elle peut renvoyer l’affaire à la division générale pour une nouvelle audience, ou ii) elle peut rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 8.

[24] Le Tribunal doit procéder aussi rapidement que l’équité le permet. Normalement, je serais enclin à rendre la décision que la division générale aurait dû rendre et à trancher cette affaire sur le fond, mais je ne pense pas que le dossier soit assez complet pour me permettre de le faire.

[25] J’ai écouté l’enregistrement audio complet de l’audience de la division générale. J’ai entendu le témoignage du prestataire concernant de nombreux sujets pertinents, y compris la nature de son emploi de conducteur d’autobus et les raisons pour lesquelles il a refusé les parcours que X lui a offerts en septembre 2021. Toutefois, je n’ai pas entendu le membre de la division générale demander au prestataire s’il avait envisagé d’autres solutions que de refuser les parcours. Il s’agit d’un sujet important dans toute affaire d’exclusion de l’assurance-emploi, et cette lacune dans le dossier me fait hésiter à décider moi-même du bien-fondé de cette affaire.

[26] Contrairement à la division d’appel, le mandat principal de la division générale est de soupeser la preuve et de tirer des conclusions de fait. Par conséquent, elle est mieux placée que moi pour entendre le témoignage du prestataire sur ce sujet important et explorer les pistes d’enquête qui peuvent en découler. Dans le cas présent, j’estime que la meilleure option est de renvoyer l’affaire à la division générale pour la tenue d’une nouvelle audience.

Conclusion

[27] Pour les motifs susmentionnés, je conclus que la division générale a commis des erreurs de fait et de droit en décidant que le prestataire avait droit aux prestations d’assurance-emploi. Comme le dossier n’est pas assez complet pour me permettre de trancher la présente affaire sur le fond, je le renvoie à la division générale pour qu’elle tienne une nouvelle audience.

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