Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : XH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 316

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : X. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 26 décembre 2022 (GE-22-2932)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 20 mars 2023
Numéro de dossier : AD-23-114

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Décision

[1] Je refuse à la prestataire la permission de faire appel parce que sa cause n’est pas défendable. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La prestataire, X. H., travaillait pour un fonds d’investissement. Le 31 janvier 2022, son employeur l’a congédiée après qu’elle a refusé de confirmer qu’elle s’était fait vacciner contre la COVID-19. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle n’avait pas à verser de prestations d’assurance-emploi à la prestataire parce que le non‑respect de la politique de vaccination de son employeur constituait une inconduite.

[3] La division générale du Tribunal a rejeté l’appel de la prestataire. Elle a conclu que la prestataire avait enfreint délibérément la politique de vaccination de son employeur. Elle a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique entraînerait probablement son renvoi.

[4] La prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale. Elle soutient que la division générale a fait les erreurs suivantes :

  • Elle a ignoré le fait que rien dans la loi n’obligeait son employeur à établir et à appliquer une politique de vaccination contre la COVID-19.
  • Elle a ignoré le fait que son employeur lui a imposé une nouvelle condition d’emploi sans son accord.
  • Elle a ignoré les protections garanties par la Déclaration canadienne des droits.
  • Elle a ignoré le fait qu’elle travaillait à son domicile et ne représentait donc aucune menace pour ses collègues.

[5] Avant que l’appel de la prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 1. Une chance raisonnable de succès est l’équivalent d’une cause défendableNote de bas de page 2. Si la prestataire n’a aucun argument défendable, l’affaire prend fin sur‑le‑champ.

Question en litige

[6] Est-il possible de soutenir que la division générale a fait une erreur lorsqu’elle a conclu que le refus de se faire vacciner contre la COVID-19 constituait une inconduite de la part de la prestataire?

Analyse

[7] J’ai examiné la décision de la division générale ainsi que le droit applicable et les éléments de preuve qui l’ont menée à cette décision. J’ai conclu que la prestataire n’a aucun argument défendable.

On ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve

[8] La prestataire maintient qu’elle n’a rien fait de mal en refusant de se faire vacciner. Elle fait valoir que recevoir une dose de vaccin n’a jamais été une condition d’emploi pour elle. Elle affirme que rien dans la loi n’obligeait son employeur à mettre en œuvre une politique de vaccination obligatoire.

[9] Je ne vois pas comment ces arguments pourraient être retenus étant donné les dispositions juridiques sur l’inconduite. La prestataire a présenté les mêmes observations à la division générale, qui a examiné les éléments de preuve disponibles avant de tirer les conclusions suivantes :

  • L’employeur de la prestataire était libre d’établir et d’appliquer la politique de vaccination comme il l’entendait.
  • L’employeur de la prestataire a adopté et communiqué une politique de vaccination obligatoire qui était claire et exigeait que le personnel fournisse une preuve de vaccination.
  • La prestataire savait que le non-respect de la politique à compter d’une certaine date entraînerait la perte de son emploi.
  • La prestataire a refusé de façon intentionnelle de se faire vacciner dans les délais raisonnables fixés par son employeur.
  • La prestataire n’a pas réussi à convaincre son employeur que l’une des exceptions permises par la politique s’appliquait à elle.

[10] Ces conclusions semblent refléter fidèlement le témoignage de la prestataire ainsi que les documents au dossier. La division générale a conclu que la prestataire était coupable d’inconduite parce que ses faits et gestes étaient délibérés et, comme on pouvait s’y attendre, ils ont mené à son congédiement. La prestataire croyait peut-être que son refus de se faire vacciner ne faisait pas de mal à son employeur, mais ce n’était pas à elle d’en décider.

On ne peut pas soutenir que la division générale a mal interprété la loi

Une inconduite est tout geste intentionnel qui est susceptible d’entraîner la perte d’un emploi

[11] La prestataire soutient qu’elle n’a rien fait de mal en refusant de divulguer son statut vaccinal. Elle laisse entendre qu’en la forçant à le dévoiler sous la menace d’un congédiement, son employeur a porté atteinte à ses droits. Elle affirme qu’elle n’aurait pas dû être exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle essayait tout simplement de protéger sa santé.

[12] Je ne vois pas le bien-fondé de cet argument.

[13] La division générale a défini l’inconduite ainsi :

[P]our qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. En d’autres termes, la conduite de la prestataire doit être consciente, voulue ou intentionnelle. Cela comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée. Il n’est cependant pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loi.

Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et que la possibilité d’être congédiée pour cette raison était bien réelleNote de bas de page 3.

[14] Ces paragraphes montrent que la division générale a bien résumé le droit relatif à l’inconduite. Ensuite, elle a conclu à juste titre qu’elle n’avait pas le pouvoir de décider si les politiques d’une employeuse ou d’un employeur sont raisonnables, justifiables ou même légalesNote de bas de page 4.

Les contrats de travail n’ont pas à définir l’inconduite de façon explicite

[15] La prestataire souligne que rien dans son contrat de travail ne l’obligeait à se faire vacciner contre la COVID-19. Cependant, la jurisprudence montre que là n’est pas la question. Ce qui importe, c’est de savoir si l’entreprise a une politique et si la personne employée l’a ignorée de façon délibérée. Dans sa décision, la division générale a formulé les choses ainsi :

Je dois m’attarder uniquement à la législation sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si d’autres lois donnent d’autres options à la prestataire. Il ne m’appartient pas de décider si la prestataire a été congédiée injustement ou si l’employeur aurait dû mettre en place des mesures d’adaptation raisonnables pour elleNote de bas de page 5.

[16] Dans l’affaire Lemire, la Cour d’appel fédérale a déclaré ceci :

Il ne s’agit pas, cependant, de décider si le congédiement est justifié ou non au sens du droit du travail, mais plutôt de déterminer selon une appréciation objective de la preuve s’il s’agit d’une inconduite telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu’elle serait susceptible de provoquer son congédiementNote de bas de page 6.

[17] Dans l’affaire Lemire, la Cour a conclu qu’un employeur avait raison de conclure qu’on parlait d’inconduite lorsqu’un employé affecté à la livraison de denrées alimentaires organisait en parallèle la vente de cigarettes à sa clientèle. La Cour a conclu que c’était le cas même si l’employeur n’avait pas de politique interdisant de façon explicite une telle conduite. Pour appuyer son appel, la prestataire a cité plusieurs affaires, mais elles portaient surtout sur des congédiements injustifiés ou des plaintes relatives aux droits de la personne qui n’ont rien à voir avec l’inconduite telle qu’elle est définie aux fins de l’assurance-emploi.

Une nouvelle affaire valide l’interprétation de la division générale

[18] Une décision récente a réaffirmé l’approche de la division générale à l’égard de l’inconduite dans le contexte particulier de l’obligation de se faire vacciner contre la COVID-19. Comme dans la présente affaire, l’affaire Cecchetto portait sur le refus d’un prestataire de se conformer à la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19Note de bas de page 7. La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle la loi n’autorise pas le Tribunal à régler ces questions :

[traduction]

Malgré les arguments du demandeur, le fait que la division d’appel n’a pas évalué le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la directive no 6 [la politique du gouvernement de l’Ontario sur la vaccination contre la COVID-19] ni rendu de décision à ce sujet ne justifie pas l’annulation de sa décision. Ce genre de conclusion ne relevait ni du mandat ni de la compétence du Tribunal de la sécurité sociale, que ce soit à la division d’appel ou à la division généraleNote de bas de page 8.

[19] La Cour fédérale a convenu que, comme il avait fait le choix délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de son employeur, M. Cecchetto avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a précisé que le système juridique offrait d’autres voies par lesquelles le prestataire aurait pu porter plainte pour atteinte aux droits de la personne.

[20] Dans la présente affaire, tout comme dans l’affaire Cecchetto, les seules questions qui comptent sont : la prestataire a‑t‑elle enfreint la politique de vaccination de son employeur et, si oui, l’infraction était‑elle délibérée et pouvait-on prévoir qu’elle soit susceptible d’entraîner sa suspension ou son congédiement? Dans la présente affaire, la division générale a bien fait de répondre « oui » aux deux questions.

Conclusion

[21] Pour les motifs que je viens d’expliquer, je ne suis pas convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, la permission de faire appel est refusée. Cela met donc un terme à l’appel.

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