Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 256

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : D. M.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 5 janvier 2023
(GE-22-2551)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 9 mars 2023
Numéro de dossier : AD-23-74

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Décision

[1] Je refuse d’accorder au prestataire la permission de faire appel parce qu’il n’a pas de cause défendable. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le prestataire, D. M., fait appel d’une décision de la division générale lui refusant des prestations d’assurance-emploi.

[3] Le prestataire travaillait comme coordonnateur pour un organisme communautaire de soins et de soutien. Le 1er novembre 2021, son employeur a mis fin à son emploi après qu’il a refusé de se faire vacciner contre la COVID-19. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle n’avait pas à verser de prestations d’assurance-emploi au prestataire parce que le non-respect de la politique de vaccination de son employeur constituait une inconduite.

[4] La division générale du Tribunal a tenu une audience par téléconférence et a rejeté l’appel du prestataire. Elle a conclu que le prestataire avait délibérément enfreint la politique de vaccination de son employeur. Elle a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique entraînerait probablement son congédiement.

[5] Le prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale. Il soutient que la division générale a commis les erreurs de fait suivantes :

  • Elle n’a pas tenu compte de la raison pour laquelle le prestataire ne voulait pas se faire vacciner : il essayait seulement de protéger sa santé après qu’une crise cardiaque survenue en 2016 l’a laissé avec une insuffisance cardiaque.
  • Elle a conclu que la directive no 6 exigeait que l’employeur du prestataire impose une obligation vaccinaleNote de bas de page 1. En fait, la directive no 6 n’oblige personne à se faire vacciner et, de toute façon, ne remplace pas son contrat de travail et sa convention collective, qui lui donnent tous deux le droit de refuser la vaccination.

[6] Avant que le prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider si son appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2. Avoir une chance raisonnable de succès est la même chose qu’avoir une cause défendableNote de bas de page 3. Si le prestataire n’a pas de cause défendable, l’affaire prend fin maintenant.

Question en litige

[7] Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur en concluant que le refus du prestataire de se faire vacciner contre la COVID-19 constituait une inconduite?

Analyse

[8] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que le droit et les éléments de preuve qu’elle a utilisés pour en arriver à cette décision. J’ai conclu que le prestataire n’a pas de cause défendable.

Il n’y a aucune raison de penser que la division générale a mal interprété la loi

Il y a inconduite lorsqu’un employé enfreint délibérément les règles de son employeur

[9] Le prestataire soutient qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que rien dans son contrat de travail ou sa convention collective ne l’obligeait à se faire vacciner contre la COVID-19. Il laisse entendre qu’en le forçant à le faire sous la menace d’un congédiement, son employeur a porté atteinte à ses droits.

[10] Je ne vois pas le bien-fondé de cet argument.

[11] Voici comment la division générale a défini une inconduite :

[P]our qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle est consciente, voulue ou intentionnelle. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibérée. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal).

Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 4.

[12] Ces paragraphes montrent que la division générale a bien résumé le droit relatif à l’inconduite. La division générale a également conclu que l’employeur du prestataire était libre d’établir une politique exigeant que tout son personnel soit vaccinéNote de bas de page 5.

La division générale avait le droit d’évaluer les conditions d’emploi du prestataire comme elle l’entendait

[13] Le prestataire soutient que son contrat de travail et sa convention collective le dispensaient de l’obligation de se faire vacciner contre la COVID-19. Toutefois, le prestataire avait présenté le même argument à la division générale, qui avait conclu qu’il n’était pas fondé.

[14] Le prestataire est clairement en désaccord avec l’interprétation faite par la division générale de son contrat de travail et de sa convention collective. Toutefois, cela ne suffit pas à justifier l’annulation de la décision de la division générale. En effet, la division d’appel donne habituellement à la division générale une certaine latitude dans la façon dont elle soupèse et évalue la preuve disponible. Dans la présente affaire, la division générale a tiré les conclusions suivantes :

  • La politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur n’a pas enfreint la convention collective ni modifié unilatéralement les conditions d’emploi du prestataire.
  • La convention collective donnait aux employés le droit de refuser de se faire vacciner contre la grippe, mais elle ne leur permettait pas de refuser tous les vaccins.
  • Même si la directive no 6 n’exigeait pas un congédiement en cas de non-conformité, l’employeur avait une grande latitude pour s’assurer que son personnel respectait sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[15] En l’absence d’une erreur de fait commise de façon « abusive ou arbitraire » ou d’une erreur commise « sans tenir compte des éléments de preuve », je ne vois aucune raison de modifier les conclusions de la division générale sur ces points.

L’inconduite ne se limite pas aux conditions d’emploi explicites

[16] La division générale a conclu que l’employeur du prestataire n’avait pas enfreint les conditions de son emploi. Toutefois, elle n’avait pas à tirer cette conclusion pour en arriver au même résultat. Selon la jurisprudence, aux fins de la détermination de l’admissibilité à l’assurance-emploi, les seules choses qui comptent sont de savoir si l’employeur a une politique et si l’employé l’a délibérément ignorée. La question de savoir si la politique est raisonnable ou même légale n’entre pas en ligne de compte.

[17] Dans l’affaire Lemire, la Cour d’appel fédérale a fait la déclaration suivante :

Il ne s’agit pas […] de décider si le congédiement est justifié ou non au sens du droit du travail, mais plutôt de déterminer selon une appréciation objective de la preuve s’il s’agit d’une inconduite telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu’elle serait susceptible de provoquer son congédiementNote de bas de page 6 […]

[18] Dans l’affaire Lemire, la Cour a jugé qu’un employeur était fondé à considérer comme une inconduite le fait qu’un de ses employés, chargé de la livraison de nourriture, ait mis sur pied une entreprise secondaire vendant des cigarettes aux clients. La Cour a conclu qu’il en était ainsi même si l’employeur n’avait pas de politique explicite contre ce type de comportement.

Une affaire récente donne aux employeurs une grande latitude pour mettre en œuvre des politiques relatives à la COVID-19

[19] Une décision récente a réaffirmé l’approche adoptée dans l’affaire Lemire en matière d’inconduite dans le contexte précis des mandats de vaccination contre la COVID-19. Comme dans la présente affaire, l’affaire Cecchetto impliquait le refus d’un prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeurNote de bas de page 7. La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé à traiter de ces questions :

[traduction]
Malgré les arguments du demandeur, il n’y a pas de fondement pour annuler la décision de la division d’appel parce qu’elle n’aurait pas évalué le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la directive no 6 ni rendu de décision à ce sujet. Ce genre de conclusion ne relevait pas du mandat ou de la compétence de la division d’appel ni de la division générale du Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 8.

[20] La Cour fédérale a convenu qu’en choisissant délibérément de ne pas se faire vacciner, Mr Cecchetto a perdu son emploi pour inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a déclaré qu’il existait d’autres moyens, dans le système juridique, par lesquels le prestataire pouvait faire valoir ses droits de la personne.

[21] Dans la présente affaire, comme dans l’affaire Cecchetto, les seules questions en litige sont de savoir si le prestataire a enfreint la politique de vaccination de son employeur et, dans l’affirmative, si cette infraction était délibérée et si elle était susceptible d’entraîner son congédiement. La division générale avait de bonnes raisons de répondre « oui » aux deux questions.

On ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve

[22] Le prestataire soutient que se faire vacciner n’a jamais été une condition de son emploi. Il affirme que l’imposition de la politique de vaccination par son employeur représentait une modification unilatérale de son contrat de travail faite sans son consentement.

[23] Encore une fois, je ne vois pas comment ces arguments peuvent avoir gain de cause étant donné le droit portant sur l’inconduite. Le prestataire a fait des observations semblables devant la division générale, qui a examiné la preuve disponible et a tiré les conclusions suivantes :

  • L’employeur du prestataire a adopté et communiqué une politique de vaccination obligatoire claire exigeant que les employés fournissent la preuve qu’ils avaient été vaccinés.
  • Le prestataire savait que le non-respect de la politique à compter d’une certaine date entraînerait la perte de son emploi.
  • Le prestataire a intentionnellement refusé de se conformer à la politique.
  • Le prestataire n’a pas été en mesure de démontrer que sa situation relevait de l’une des exceptions permises par la politique.

[24] Ces conclusions semblent refléter fidèlement le témoignage du prestataire ainsi que les documents au dossier. La division générale a conclu que le prestataire était coupable d’inconduite parce que ses actes étaient délibérés et qu’ils ont vraisemblablement mené à son congédiement. Le prestataire croyait peut-être que son refus de suivre la politique de vaccination de son employeur ne causait aucun préjudice à ce dernier, mais ce n’était pas à lui d’en décider.

Conclusion

[25] Je ne suis pas convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est donc refusée. Le présent appel n’ira pas de l’avant.

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