Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 257

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (489691) datée du 30 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Audrey Mitchell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 décembre 2022
Personne présente à l’audience :
Partie appelante
Date de la décision : Le 5 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-2551

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi. Son employeur affirme qu’il a été congédié parce qu’il a agi contre sa politique de vaccination : il n’a pas voulu dire s’il s’était fait vacciner.

[4] Bien que le prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé, il affirme qu’agir contre la politique de vaccination n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[6] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] La loi prévoit qu’une partie prestataire ne peut pas recevoir des prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison de son inconduite. Cela s’applique si son employeur l’a congédiée ou suspendueNote de bas de page 2.

[8] Pour décider si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[9] J’estime que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a agi contre la politique de vaccination de son employeur.

[10] Le prestataire affirme qu’il a refusé de se faire vacciner contre la COVID-19. Son employeur l’a donc congédié pour non-respect de sa politique.

[11] La Commission affirme que le prestataire ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur lorsqu’il a refusé d’attester son statut vaccinal. Elle a conclu que cela lui a fait perdre son emploi.

[12] Le prestataire ne conteste pas la raison pour laquelle son employeur l’a congédié. Même s’il pense que l’employeur a violé ses droits, je conclus que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[13] Selon la loi, la raison du congédiement du prestataire est une inconduite.

[14] La Loi sur lassurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Par contre, la jurisprudence (l’ensemble des décisions que les tribunaux ont rendues) aide à décider si le congédiement du prestataire est le résultat d’une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi. La jurisprudence établit le critère juridique lié à l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en compte quand on examine la question de l’inconduite.

[15] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 5.

[16] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 6.

[17] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 7. Je dois plutôt me concentrer sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[18] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Mon rôle n’est pas de décider si des lois offrent d’autres options au prestataire. Je n’ai pas à décider si son employeur l’a injustement congédié ou aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 9. Je peux seulement évaluer une chose : si ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[19] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 10.

[20] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’il n’a pas agi de façon délibérée, négligente ou insouciante, et qu’il n’a pas agi avec une indifférence flagrante. Il soutient que son employeur a agi de façon déraisonnable.

[21] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire savait que le fait de se faire vacciner contre la COVID-19 était une condition pour conserver son emploi. Elle affirme qu’il a pris la décision consciente et délibérée de refuser de se faire vacciner, ce qui a entraîné son congédiement.

[22] J’estime que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire savait qu’il pouvait perdre son emploi s’il ne respectait pas la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Cependant, il a choisi de ne pas se faire vacciner même après que son employeur a rejeté sa demande de mesures d’adaptation.

[23] L’employeur du prestataire a émis une politique de vaccination contre la COVID-19 qui est entrée en vigueur le 7 septembre 2021. La politique précise ce qui suit :

  • Tous les employés doivent se faire vacciner contre la COVID-19.
  • Les employés doivent présenter une preuve de vaccination.
  • Les exceptions à l’obligation de se faire vacciner comprennent une raison médicale valable et des motifs valables liés aux droits de la personne.
  • Les employés qui vont à l’encontre de la politique feront l’objet de mesures disciplinaires progressives pouvant aller jusqu’au congé sans solde ou au congédiement.

[24] Le 2 septembre 2021, l’employeur du prestataire a envoyé un courriel au sujet de sa politique de vaccination. Le courriel comprend les éléments de la politique mentionnés ci-dessus. Le prestataire a confirmé à l’audience qu’il avait reçu ce courriel.

[25] Le prestataire a demandé à son employeur de l’exempter de la prise du vaccin contre la COVID-19. L’employeur a rejeté la demande du prestataire. Le prestataire a déclaré qu’il est évident que son employeur n’a pas examiné sa demande. Il affirme cela, car la lettre de l’employeur rejetant sa demande fait référence à des motifs liés aux droits de la personne. Le prestataire affirme avoir demandé une exemption fondée sur la Charte des droits et libertés (Charte).

[26] La lettre que l’employeur a envoyée au prestataire dans laquelle il a rejeté sa demande d’exemption lui rappelle les conséquences du non-respect de la politique de vaccination contre la COVID-19.

[27] L’employeur a envoyé au prestataire une autre lettre datée du 1er octobre 2021 pour l’informer que, comme il n’avait pas déclaré son statut vaccinal, il contrevenait à sa politique de vaccination. Il a avisé le prestataire qu’il le mettait en congé sans solde. Le prestataire a déclaré avoir reçu cette lettre.

[28] L’employeur du prestataire lui a envoyé une lettre datée du 18 octobre 2021. La lettre précise que le prestataire n’avait pas mis à jour son statut vaccinal. L’employeur a avisé le prestataire que s’il ne se conformait pas à sa politique au plus tard le 31 octobre 2021, il serait congédié. Le prestataire a déclaré avoir reçu cette lettre. Il a perdu son emploi le 1er novembre 2021.

[29] D’après le témoignage du prestataire, je conclus qu’il connaissait la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur, ainsi que les délais et les conséquences d’une telle politique. J’estime que l’employeur a clairement exposé dans ses lettres ce qui était requis et ce qui se passerait si le prestataire ne déclarait pas son statut vaccinal et à quel moment cela se produirait.

[30] Le prestataire a dit que l’employeur n’avait jamais répondu à sa demande d’exemption fondée sur la Charte. Il a déclaré qu’après avoir présenté sa demande fondée sur la Charte, l’employeur lui a demandé de commencer à passer des tests de dépistage de la COVID-19 et lui a également fait part d’un site Web où il pouvait télécharger les résultats des tests. Il affirme que, par conséquent, il croyait que l’employeur avait approuvé sa demande d’exemption.

[31] Le prestataire a envoyé ses résultats aux tests de dépistage de la COVID-19. Il montre 5 résultats de tests effectués entre le 16 septembre et le 1er octobre 2021. Le prestataire a déclaré que peu de temps après, l’employeur a déconnecté son ordinateur.

[32] Je juge que le témoignage du prestataire selon lequel il croyait que l’employeur avait approuvé sa demande d’exemption en raison des tests n’est pas raisonnable. Le prestataire a bel et bien mentionné la Charte dans sa demande d’exemption. Cependant, la politique de l’employeur prévoit des exemptions médicales et des exemptions valides en vertu du Code des droits de la personne de la province. L’employeur a jugé que la demande du prestataire ne répondait pas aux critères de sa politique.

[33] Je comprends que le prestataire n’est pas d’accord avec la décision de l’employeur concernant sa demande d’exemption. Je n’ai aucune raison de douter que l’employeur du prestataire lui ait demandé de télécharger les résultats de ses tests de dépistage de la COVID-19. Le premier résultat de test qu’il a envoyé à la Commission a été téléchargé le 16 septembre 2021. Cependant, la lettre de l’employeur rejetant sa demande d’exemption est datée du 24 septembre 2021. Selon la preuve du prestataire, c’est peu de temps après que l’employeur a déconnecté son ordinateur. Par conséquent, je juge peu probable que le fait que l’employeur ait demandé au prestataire de télécharger ses résultats de tests signifiait dire qu’il avait approuvé la demande d’exemption du prestataire.

[34] Le prestataire a déclaré que rien dans sa lettre d’offre d’emploi n’indique qu’il doit être vacciné. Il a dit que la vaccination ne faisait pas partie de son contrat de travail initial ni de sa convention collective. Le prestataire soutient que son employeur a enfreint la convention collective parce qu’il a modifié unilatéralement les conditions de son contrat.

[35] Dans la politique de vaccination contre la COVID-19 que l’employeur du prestataire a mise en œuvre, il est indiqué qu’elle a été mise en œuvre conformément à la directive no 6. Dans sa note de service datée du 2 septembre 2021, l’employeur déclare qu’au titre de la directive no 6 de la province, il [traduction] « est responsable de l’élaboration, de la mise en œuvre, du suivi et de la mise à jour d’une politique de vaccination contre la COVID-19 pour s’assurer que les employés sont vaccinés contre la COVID-19 ou subissent régulièrement des tests de dépistage ». Chacune des lettres que l’employeur a envoyées au prestataire fait référence à la directive.

[36] Le prestataire a envoyé à la Commission une copie de la directive no 6 de la provinceNote de bas de page 11. Dans celle-ci, le médecin hygiéniste en chef de la province ordonne aux hôpitaux d’exiger une preuve de vaccination complète, d’exemption médicale, de participation à une séance de formation ou de participation à un essai clinique autorisé de vaccin contre la COVID-19.

[37] Le prestataire fait expressément référence à l’article 25 de sa convention collective. Cet article traite de la vaccination contre la grippe et fait référence à une recommandation d’un médecin hygiéniste. On y dit que les employés ont le droit de refuser toute vaccination requise.

[38] Je n’accepte pas l’argument du prestataire selon lequel son employeur a enfreint sa convention collective et modifié unilatéralement ses conditions d’emploi. Bien que sa convention collective traite du processus lié au vaccin antigrippal basé sur une recommandation du médecin hygiéniste, je conclus que l’employeur du prestataire était tenu par la loi de suivre la directive no 6 émise par le médecin hygiéniste en chef de la province. C’est ce que l’employeur a fait.

[39] Le prestataire a raison de dire que la directive no 6 n’obligeait pas son employeur à le congédier. Cependant, je juge que l’employeur était libre de décider de la façon dont il s’assurerait que ses employés se conformaient à sa politique de vaccination contre la COVID-19. L’employeur a envoyé des lettres au prestataire après avoir communiqué sa politique aux employés. Les lettres avisaient le prestataire des conséquences auxquelles il ferait face s’il allait à l’encontre de la politique. Mais le prestataire a choisi de ne pas fournir son statut vaccinal à son employeur.

[40] Le prestataire a dit que les mesures de santé et de sécurité prises par son employeur pendant la pandémie fonctionnaient. Il a dit que l’employeur aurait pu continuer à faire ce qu’il faisait avant que les vaccins ne soient disponibles. Le prestataire a également fait référence à un problème de santé que son employeur connaissait, mais dont il n’a pas tenu compte.

[41] Je comprends que le prestataire n’est pas d’accord avec l’exigence de son employeur de se faire vacciner contre la COVID-19 sous peine de congédiement. Je ne doute pas qu’il a un problème de santé et qu’il s’inquiète de la façon dont le vaccin l’affecterait s’il le prenait. Cependant, j’estime que cela ne signifie pas pour autant que le prestataire n’était pas tenu de se conformer à la politique.

[42] Je conclus que le geste du prestataire, soit de ne pas respecter la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur, était délibéré. Il a fait le choix conscient, délibéré et intentionnel de ne pas déclarer son statut vaccinal. Il l’a fait en sachant que son employeur le congédierait probablement. Pour ces raisons, je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite.

Alors, le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[43] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[44] En effet, les actions du prestataire ont mené à son congédiement. Il a agi délibérément. Il savait que son refus de dire s’il s’était fait vacciner pouvait entraîner la perte de son emploi.

Conclusion

[45] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[46] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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