Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 325

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (509019) datée du 10 septembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 13 décembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 4 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-3173

Sur cette page

Décision

[1]   L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2]   La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3]   L’employeur du prestataire a adopté une politique qui exigeait que tous ses employés soient entièrement vaccinés contre la COVID-19 ou qu’ils obtiennent une exemption de vaccination. Les employés qui n’étaient pas vaccinés ou exemptés devaient obtenir un résultat négatif à un test de dépistage rapide de la COVID-19 toutes les deux semaines. Le prestataire n’était pas vacciné et n’avait pas obtenu d’exemption à la date requise. Il a également refusé de subir des tests de dépistage rapide de la COVID-19.

[4]   L’employeur du prestataire l’a mis en congé le 28 octobre 2021. Ce congé a été prolongé jusqu’au 14 décembre 2021. Le prestataire a ensuite été suspendu à compter de cette date et congédié le 26 janvier 2022 pour ne pas s’être conformé à la politique de vaccination de son employeur.

[5]   La Commission a accepté les raisons que l’employeur a fournies pour expliquer pourquoi le prestataire ne travaillait plus. Elle a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission a donc conclu qu’il était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6]   Le prestataire n’est pas d’accord avec la Commission. Il n’est pas d’accord avec l’utilisation du mot « inconduite » pour décrire ses gestes. Il dit qu’il n’a pas commis d’inconduite. Il a demandé d’être exempté de la vaccination pour des raisons religieuses, mais sa demande a été rejetée. Il fait valoir qu’il devrait être admissible aux prestations d’assurance-emploi parce que la décision de la Commission de les lui refuser n’est pas conforme à l’objectif de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2.

Questions que je dois examiner en premier

L’employeur n’est pas mis en cause dans l’appel

[7]   Parfois, le Tribunal envoie une lettre à l’employeur d’une partie prestataire pour lui demander s’il souhaite être mis en cause dans l’appel. Dans la présente affaire, le Tribunal a envoyé une lettre à l’employeur. L’employeur n’a pas répondu à la lettre.

[8]   Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas mettre l’employeur en cause dans l’appel parce que rien dans le dossier n’indique que ma décision pourrait lui imposer des obligations juridiques.

Le prestataire n’était pas en congé du 28 octobre 2021 au 14 décembre 2021

[9]   Dans le contexte de la Loi sur l’assurance-emploi, une période de congé volontaire requiert l’accord de l’employeur et de la partie prestataire. Ceux-ci doivent aussi s’être entendus sur une date de finNote de bas de page 3.

[10] L’employeur du prestataire l’a mis en congé sans solde à compter du 28 octobre 2021. Il l’a par la suite suspendu le 14 décembre 2021, puis congédié le 26 janvier 2022.

[11] Aucun élément de preuve dans le dossier d’appel ne montre que le prestataire a demandé ou accepté de prendre une période de congé sans solde.

[12] L’article de la Loi sur l’assurance-emploi relatif à l’inadmissibilité d’une partie prestataire suspendue fait référence aux actes de celle-ci qui ont entraîné sa suspension. Il dit qu’une partie prestataire suspendue en raison d’une inconduite n’est pas admissible aux prestationsNote de bas de page 4.

[13] Comme je l’explique ci-dessous, la preuve démontre que c’est la conduite du prestataire, soit son refus de respecter la politique de vaccination, qui l’a amené à ne pas travailler à compter du 28 octobre 2021. Je suis convaincue qu’aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi, la situation du prestataire, c’est-à-dire sa période de congé sans solde du 28 octobre 2021 au 14 décembre 2021, peut être considérée comme une suspension.

Question en litige

[14] Le prestataire a-t-il été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite?

Analyse

[15] La loi dit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique tant en cas de congédiement que de suspensionNote de bas de page 5.

[16] Pour décider si le prestataire a été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois examiner pour quelle il a été suspendu puis congédié. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu puis congédié?

[17] Je conclus que le prestataire a été suspendu puis congédié parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination de l’employeur.

[18] L’employeur du prestataire a adopté une politique qui exigeait que tous les employés aient reçu deux doses de vaccin contre la COVID-19 au plus tard le 31 octobre 2021. Les employés qui n’avaient pas fourni de preuve de vaccination à cette date étaient mis en congé. Les employés pouvaient demander une exemption pour des motifs de distinction illicites, par exemple pour des raisons médicales ou religieuses. Les employés qui n’avaient pas obtenu d’exemption de vaccination ou qui n’étaient pas entièrement vaccinés devaient subir des tests de dépistage rapide de la COVID-19 deux fois par semaine à leurs frais. Les employés qui ne se conformaient pas aux exigences de dépistage étaient jugés inaptes au travail et mis en congé sans solde. L’employeur se réservait le droit de congédier les employés qui s’absentaient du travail volontairement ou involontairement lorsque cela était justifié.

[19] Le prestataire a déclaré qu’il a demandé une exemption de vaccination pour des raisons religieuses. Sa demande d’exemption a été rejetée. Le prestataire a affirmé qu’il avait certains problèmes de santé, mais qu’il n’avait pas demandé d’exemption pour des raisons médicales. Il a dit qu’il avait refusé de se faire dépister pour la COVID-19 parce qu’il était en parfaite santé. Il estime qu’il était discriminatoire que seuls les employés non vaccinés soient obligés de subir des tests de dépistage.

[20] La preuve montre que le prestataire a été suspendu puis congédié parce qu’il n’a pas respecté l’exigence de son employeur de subir des tests de dépistage de la COVID-19.

La raison de la suspension et du congédiement du prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[21] Oui, la raison de la suspension et du congédiement ultérieur du prestataire est une inconduite selon la loi. Voici les raisons pour lesquelles je tire cette conclusion.

[22] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et des tribunaux) nous montre comment établir si le prestataire a été suspendu pour une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle définit le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les éléments que je dois prendre en considération pour décider s’il y a eu inconduite.

[23] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 6. Par inconduite, on entend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 7. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 8.

[24] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 9.

[25] Les tribunaux ont déclaré que l’inconduite comprend le manquement à une obligation expresse ou implicite du contrat de travailNote de bas de page 10. Une violation délibérée d’une politique d’un employeur est considérée comme une inconduiteNote de bas de page 11.

[26] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 12. Je dois plutôt me concentrer sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploiNote de bas de page 13.

[27] Je dois me concentrer seulement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si d’autres lois ou la convention collective offrent d’autres options au prestataire. Je n’ai pas à décider si l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 14. Je peux examiner et trancher seulement une question : est-ce que le prestataire a commis ou non une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi?

[28] La Commission doit prouver que le prestataire a été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu puis congédié en raison d’une inconduiteNote de bas de page 15.

[29] La Commission dit avoir conclu que le refus du prestataire de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi parce que le refus de se conformer à une directive légitime et raisonnable constitue une inconduite. La Commission affirme que le fait que le prestataire n’ait pas été vacciné est une inconduite parce qu’il [traduction] « ne remplissait plus ses obligations envers son employeur ». De plus, la Commission affirme que le refus du prestataire de suivre la politique de l’employeur constitue une inconduite parce qu’il était conscient des conséquences que son choix aurait sur son emploi.

[30] Le prestataire a déclaré que la politique a été mise en place en novembre 2021. Avant cela, il n’avait rien à faire. Il n’est pas certain d’avoir réellement vu la politique. Il a demandé une exemption pour des raisons religieuses. Son pasteur a écrit une lettre appuyant sa demande. Il a envoyé sa demande d’exemption aux ressources humaines. Il a eu un entretien téléphonique avec les ressources humaines, qui, selon lui, même si elles ne sont pas des théologiennes et des théologiens, l’ont interrogé sur ses croyances. Son contremaître et son représentant syndical étaient également au téléphone pendant l’entretien. Le prestataire a déclaré qu’il a reçu une lettre de son employeur le 29 octobre 2021 lui indiquant que sa demande d’exemption ne satisfaisait pas aux exigences légales. Il devait être entièrement vacciné ou participer au programme de dépistage.

[31] Le prestataire a déclaré qu’il ne voulait pas subir de tests parce qu’il était en parfaite santé. Il pensait que c’était discriminatoire parce que seuls les employés non vaccinés devaient subir des tests. Le prestataire a dit à son employeur qu’il passerait des tests s’il était malade ou en mauvaise santé. Il a expliqué qu’il n’y avait aucune raison religieuse ou médicale justifiant son refus de subir des tests. Il les considérait comme une procédure médicale.

[32] Le prestataire a déclaré qu’il avait dit à son employeur que même s’il voulait le congédier, ses croyances étaient si fortes qu’il ne pouvait rien faire sans exemption religieuse. Le prestataire a dit que son syndicat avait déposé un grief en son nom. Il n’a pas déposé de plainte auprès de la commission des droits de la personne de sa province.

[33] Le prestataire a soutenu qu’il n’avait pas commis d’inconduite. Il a fait référence à une définition du mot inconduite tirée du Free Dictionary. Il ne croit pas que ce qu’il a fait y correspond. Il a soutenu que la Commission a discuté de ses croyances religieuses, mais que personne ne sait ce en quoi il droit. Il a demandé comment quelqu’un pouvait dire qu’il n’était pas admissible aux prestations parce que ses croyances et son statut vaccinal ne sont pas des motifs de distinction illicite. Il a dit que la Commission cherchait une raison de rejeter les demandes de toutes les personnes n’ont pas respecté les règles de vaccination.

[34] J’estime que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite, car elle a démontré que le prestataire a pris la décision consciente, voulue et intentionnelle de ne pas se conformer à la politique de l’employeur alors qu’il savait que cela pouvait l’amener à ne pas travailler. Voici les raisons pour lesquelles je tire cette conclusion.

[35] L’employeur du prestataire a mis en place une politique qui exigeait que tous les employés soient vaccinés contre la COVID-19 au plus tard le 28 octobre 2021 ou qu’ils obtiennent une exemption de vaccination pour des raisons médicales ou liées aux droits de la personne. La politique prévoyait que les employés qui n’étaient pas vaccinés ou exemptés devaient subir des tests de dépistage rapide de la COVID-19 deux fois par semaine. Le prestataire a demandé une exemption pour des raisons religieuses. Sa demande a été rejetée. Le prestataire a refusé de se faire tester pour la COVID-19 et a dit à son employeur que s’il voulait le congédier, il ne pouvait rien faire sans une exemption. D’après ces éléments de preuve, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, le prestataire savait qu’il devait être vacciné contre la COVID-19 au plus tard le 28 octobre 2021 ou obtenir une exemption, sans quoi il devait subir des tests de dépistage de la COVID-19 deux fois par semaine. Il n’était pas vacciné ni exempté au 28 octobre 2021. Il a ensuite dit à son employeur qu’il ne se ferait pas tester. Cela signifie que le prestataire a pris la décision consciente, voulue et intentionnelle de ne pas suivre la politique alors qu’il savait qu’il y avait une réelle possibilité qu’il soit suspendu (mis en congé sans solde), puis congédié et qu’il ne soit pas en mesure de respecter ses obligations envers son employeur. Par conséquent, je conclus que la Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et de la jurisprudence décrite ci-dessus.

Le prestataire a-t-il été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite?

[36] Selon mes conclusions précédentes, je conclus que le prestataire a été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite.

Conclusion

[37] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite. Le prestataire ne peut donc pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[38] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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