Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 326

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Parties demanderesse : J. C.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 4 janvier 2023 (GE-22-3173)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 21 mars 2023
Numéro de dossier : AD-23-113

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Décision

[1] Je refuse au prestataire la permission de faire appel parce qu’il n’a pas présenté d’argument défendable. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le prestataire, J. C., travaillait comme préposé à l’entretien pour X. Le 28 octobre 2021, X a mis le prestataire en congé sans solde après qu’il a refusé de subir des tests de dépistage de la COVID-19 et de se faire vaccinerNote de bas de page 1. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle n’avait pas à verser de prestations d’assurance-emploi au prestataire parce que son refus de respecter la politique de vaccination de son employeur constituait une inconduite.

[3] La division générale du Tribunal a rejeté l’appel du prestataire. Elle a conclu qu’il avait délibérément enfreint la politique de vaccination de son employeur. Elle a estimé que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de suivre la politique de vaccination entraînerait probablement sa suspension ou son congédiement.

[4] Le prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale. Il soutient que la division générale n’a pas tenu compte des éléments de preuve selon lesquels il avait une raison légitime d’être exempté de la politique de vaccination obligatoire de son employeur.

Question en litige

[5]   Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. La partie prestataire doit démontrer que la division générale :

  • a agi de façon inéquitable;
  • a outrepassé sa compétence ou a refusé de l’exercer;
  • a mal interprété la loi;
  • a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 2.

[6] Avant que l’appel du prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 3. Une chance raisonnable de succès est l’équivalent d’un argument défendableNote de bas de page 4. Si le prestataire n’a pas présenté d’argument défendable, l’affaire est close.

[7] À cette première étape, je dois décider s’il est possible de soutenir que la division générale n’a pas tenu compte de la demande d’exemption religieuse du prestataire.

Analyse

[8] J’ai examiné la décision de la division générale ainsi que le droit et les éléments de preuve qu’elle a utilisés pour en arriver à cette décision. J’ai conclu que le prestataire n’a pas présenté d’argument défendable.

Il est impossible de soutenir que la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve

[9] Le prestataire a dit à la division générale que subir des tests de dépistage ou se faire vacciner n’avait jamais été une condition d’emploi. Il a insisté sur le fait que rien dans la loi n’exigeait que son employeur mette en œuvre une politique de vaccination obligatoire.

[10] Compte tenu du droit sur la question de l’inconduite, ces arguments ne pouvaient pas être retenus. Lorsque la division générale a examiné les éléments de preuve disponibles, elle a tiré les conclusions suivantes :

  • L’employeur du prestataire était libre d’établir et d’appliquer des politiques de vaccination et de dépistage comme il l’entendait.
  • L’employeur du prestataire a adopté et communiqué une politique claire exigeant des employés qu’ils fournissent une preuve qu’ils avaient été vaccinés ou, à défaut, qu’ils subissent des tests de dépistage réguliers.
  • Le prestataire savait qu’il perdrait son emploi s’il ne se conformait pas à la politique à une certaine date.
  • Le prestataire a intentionnellement refusé de se faire vacciner ou de subir des tests de dépistage dans les délais raisonnables exigés par son employeur.
  • Le prestataire n’a pas réussi à convaincre son employeur que l’une des exceptions permises par la politique s’appliquait à sa situation.

[11] Ces conclusions semblent refléter fidèlement le témoignage du prestataire ainsi que les documents au dossier. La division générale a conclu que le prestataire était coupable d’inconduite parce que ses actes étaient délibérés et qu’ils ont vraisemblablement mené à sa suspension et à son congédiement. Le prestataire croyait peut-être que son refus de suivre la politique ne causait aucun préjudice à son employeur, mais ce n’était pas à lui d’en décider.

Il est impossible de soutenir que la division générale a mal interprété la loi

On entend par inconduite toute action intentionnelle susceptible d’entraîner la perte d’un emploi

[12] Le prestataire a toujours soutenu qu’il n’avait rien fait de mal en refusant de se subir des tests de dépistage et de se faire vacciner. Il prétend que la division générale n’a pas abordé les éléments de preuve montrant qu’il remplissait les conditions requises pour bénéficier d’une exemption selon la politique.

[13] Je ne vois pas le bien-fondé de cet argument.

[14] D’après ce que je peux voir, la division générale a bel et bien abordé les éléments de preuve du prestataire selon lesquels il remplissait les conditions requises pour bénéficier d’une exemption. Toutefois, elle a décidé que la question de savoir s’il était admissible à une exemption était strictement une question entre lui et son employeur.

[15] La division générale a défini l’inconduite comme suit :

[…] pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle. Par inconduite, on entend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loi.

Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 5.

[16] Ces paragraphes montrent que la division générale a bien résumé le droit relatif à la question de l’inconduite. La division générale a ensuite conclu à juste titre que pour évaluer l’admissibilité du prestataire à l’assurance-emploi, elle n’avait pas le pouvoir de décider si les politiques d’un employeur sont raisonnables, justifiables ou même légales.

Les contrats de travail n’ont pas à définir explicitement le terme inconduite

[17] Le prestataire soutient que rien dans son contrat de travail ne l’obligeait à se faire vacciner contre la COVID-19. Cependant, la jurisprudence dit que la question n’est pas là. Ce qui importe, c’est de savoir si l’employeur a une politique et si l’employé l’a délibérément ignorée. Dans sa décision, la division générale s’est exprimée en ces termes :

Je dois me concentrer seulement sur la Loi sur l’assurance‑emploi. Je ne peux pas décider si d’autres lois ou la convention collective offrent d’autres options au prestataire. Je n’ai pas à décider si l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 6.

[18] Le prestataire maintient qu’il s’oppose à la vaccination en raison de ses convictions religieuses profondes. Il accuse la division générale d’avoir ignoré cette objection ainsi que les éléments de preuve selon lesquels il remplissait les conditions requises pour bénéficier d’une exemption selon la politique de vaccination de son employeur.

[19] Toutefois, la division générale n’a pas ignoré la tentative du prestataire d’obtenir une exemption pour des raisons religieuses. Dans sa décision, la division générale a écrit ce qui suit  :

[Le prestataire] a demandé une exemption religieuse. Son pasteur a écrit une lettre appuyant sa demande. Il a envoyé sa demande d’exemption aux ressources humaines. Il a eu un entretien téléphonique avec les ressources humaines, qui, selon lui, même si elles ne sont pas des théologiennes et des théologiens, l’ont interrogé sur ses croyances. Son contremaître et son représentant syndical étaient également au téléphone pendant l’entretien. Le prestataire a déclaré qu’il a reçu une lettre de son employeur le 29 octobre 2021 lui indiquant que sa demande d’exemption ne satisfaisait pas aux exigences légalesNote de bas de page 7.

[20] Le prestataire peut trouver cela injuste, mais la division générale ne pouvait pas examiner ce que son employeur a fait ou n’a pas fait. La division générale devait plutôt se concentrer sur le comportement du prestataire et sur la question de savoir si ce comportement constituait une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi et la jurisprudence connexe.

[21] Dans l’affaire Lemire, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

Il ne s’agit pas, cependant, de décider si le congédiement est justifié ou non au sens du droit du travail, mais plutôt de déterminer selon une appréciation objective de la preuve s’il s’agit d’une inconduite telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu’elle serait susceptible de provoquer son congédiementNote de bas de page 8.

[22] La Cour fédérale a ensuite estimé qu’un employeur était fondé à qualifier d’inconduite le fait qu’un de ses employés chargés de la livraison de nourriture ait exploité une entreprise parallèle de vente de cigarettes. La Cour a conclu qu’il en était ainsi même si l’employeur n’avait pas de politique explicite à l’encontre d’une telle conduite.

Une nouvelle affaire confirme l’interprétation de la loi par la division générale

[23] Une décision récente a réaffirmé l’approche de la division générale à l’égard de la question de l’inconduite dans le contexte précis des obligations vaccinales contre la COVID-19. Comme dans la présente affaire, l’affaire Cecchetto portait sur le refus d’un prestataire de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeurNote de bas de page 9. La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé par la loi à trancher ces questions :

[traduction]

Malgré les arguments du demandeur, il n’y a aucun fondement pour infirmer la décision de la division d’appel parce qu’elle n’a pas évalué le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la directive no6 [la politique du gouvernement de l’Ontario sur la vaccination contre la COVID-19] ni rendu de décision à ce sujet. Ce genre de conclusion ne relevait pas du mandat ou de la compétence de la division d’appel ou de la division générale du Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 10.

[24] La Cour fédérale a convenu qu’en choisissant délibérément de ne pas suivre la politique de vaccination de son employeur, M. Cecchetto avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a déclaré qu’il y avait d’autres façons pour le prestataire de faire valoir ses allégations de congédiement abusif et ses revendications en matière de droits de la personne dans le cadre du système juridique.

[25] Dans la présente affaire, comme dans l’affaire Cecchetto, les seules questions qui comptent sont de savoir si le prestataire a enfreint la politique de vaccination de son employeur et, dans l’affirmative, si cette infraction était délibérée et vraisemblablement susceptible d’entraîner sa suspension ou son congédiement. La division générale avait de bonnes raisons de répondre « oui » aux deux questions.

Conclusion

[26] Pour les raisons que je viens d’énumérer, je ne suis pas convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est donc refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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