Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TV c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 275

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à la permission de faire appel

Partie demanderesse : T. V.
Représentant : J. V.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 27 décembre 2022 (GE-22-2624)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 14 mars 2023
Numéro de dossier : AD-23-88

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Décision

[1] Je refuse à la prestataire la permission de faire appel parce qu’elle n’a pas de cause défendable. Le présent appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La prestataire, T. V., fait appel d’une décision de la division générale lui refusant des prestations d’assurance-emploi.

[3] La prestataire travaillait comme instructrice en aquagym et en conditionnement physique dans un centre communautaire. Le 13 octobre 2021, la municipalité l’a mise en congé sans solde parce qu’elle a refusé de fournir la preuve qu’elle avait reçu le vaccin contre la COVID-19. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle n’avait pas à verser de prestations d’assurance-emploi à la prestataire parce que le non-respect de la politique de vaccination de son employeur constituait une inconduite.

[4] La division générale était d’accord avec la Commission. Elle a conclu que la prestataire avait délibérément enfreint la politique de vaccination de son employeur. Elle a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique entraînerait probablement des mesures disciplinaires.

[5] La prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale. Elle soutient qu’elle n’a pas commis d’inconduite et que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  • Elle a ignoré le fait que son employeur lui a imposé une nouvelle condition d’emploi sans son consentement.
  • Elle n’a pas suivi le raisonnement d’une affaire récente appelée A.L.
  • Elle n’a pas tenu compte des droits garantis par la Déclaration canadienne des droits.

[6] Avant que l’appel de la prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 1. Avoir une chance raisonnable de succès est la même chose qu’avoir une cause défendableNote de bas de page 2. Si la prestataire n’a pas de cause défendable, l’affaire prend fin maintenant.

Question en litige

[7] Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le refus de la prestataire de divulguer son statut vaccinal constituait une inconduite?

Analyse

[8] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que le droit et les éléments de preuve qu’elle a utilisés pour en arriver à cette décision. J’ai conclu que la prestataire n’a pas de cause défendable.

La division générale n’a pas ignoré ou mal compris la preuve

[9] La prestataire soutient que se faire vacciner n’a jamais été une condition de son emploi. Elle soutient que le fait que son employeur a insisté pour qu’elle se fasse vacciner ou qu’elle fasse des tests de dépistage constituait une violation de son contrat de travail.

[10] Je ne vois pas comment ces arguments peuvent obtenir gain de cause étant donné la loi sur l’inconduite. La prestataire a présenté les mêmes arguments à la division générale, laquelle a examiné la preuve disponible et a tiré les conclusions suivantes :

  • L’employeur de la prestataire était libre d’établir et d’appliquer une politique de vaccination comme il l’entendait.
  • L’employeur de la prestataire a adopté et communiqué une politique de vaccination obligatoire claire, exigeant que les employés fournissent la preuve qu’ils avaient été vaccinés.
  • La prestataire a intentionnellement refusé de divulguer son statut vaccinal, et de se soumettre à des tests de dépistage réguliers.
  • La prestataire savait que si elle ne se conformait pas à la politique de son employeur dans un certain délai, cela entraînerait des [traduction] « conséquences relatives à son emploi », y compris une réelle possibilité de suspension.

[11] Ces conclusions semblent refléter fidèlement le témoignage de la prestataire ainsi que les documents au dossier. La division générale a conclu que la prestataire était coupable d’inconduite parce que ses gestes étaient délibérés et qu’ils ont mené de façon prévisible à son congédiement. La prestataire croyait peut-être que son refus de se faire vacciner ne faisait pas de mal à son employeur, mais il ne lui revenait pas de décider celaNote de bas de page 3.

On ne peut pas soutenir que la division générale a mal interprété la loi

On entend par inconduite toute action intentionnelle et susceptible d’entraîner la perte d’un emploi

[12] La prestataire soutient qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’elle n’avait pas l’obligation de divulguer son statut vaccinal à son employeur. Elle affirme qu’en la forçant à le faire sous menace de suspension ou de congédiement, son employeur a porté atteinte à ses droits et l’a traitée injustement.

[13] Je ne vois pas le bien-fondé de cet argument.

[14] La division générale a défini l’inconduite comme suit :

Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée. Il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loi.

Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit suspendue ou congédiée pour cette raisonNote de bas de page 4.

[15] Ces paragraphes montrent que la division générale a bien résumé le droit relatif à l’inconduite. La division générale a ensuite conclu qu’elle n’a pas le pouvoir de décider si les politiques d’un employeur sont raisonnables, justifiables ou même légales.

Les contrats de travail n’ont pas à définir explicitement l’inconduite

[16] La prestataire soutient que rien dans son contrat de travail ne l’obligeait à se faire vacciner contre la COVID-19. Toutefois, selon la jurisprudence, cela n’est pas la question en litige. Ce qui importe, c’est de savoir si l’employeur a une politique et si l’employé l’a délibérément ignorée. Dans sa décision, la division générale a formulé les choses ainsi :

Je reconnais que la prestataire a également soutenu que l’employeur a modifié son contrat d’embauche lorsqu’il a présenté sa politique de vaccination. Toutefois, la question de savoir si la politique de vaccination de l’employeur était juste ou raisonnable ne relevait pas de ma compétence. Bref, la prestataire avait d’autres moyens de présenter ces argumentsNote de bas de page 5.

[17] Dans l’arrêt Lemire, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

Il ne s’agit pas, cependant, de décider si le congédiement est justifié ou non au sens du droit du travail, mais plutôt de déterminer selon une appréciation objective de la preuve s’il s’agit d’une inconduite telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu’elle serait susceptible de provoquer son congédiementNote de bas de page 6.

[18] La Cour a conclu que l’employeur avait raison de décider qu’il s’agissait d’une inconduite lorsqu’un de ses employés livreurs de denrées alimentaires a mis sur pied une entreprise secondaire vendant des cigarettes aux clients. La Cour a conclu qu’il s’agissait d’une inconduite même si l’employeur n’avait pas de politique explicite contre une telle conduite.

Une nouvelle affaire valide l’interprétation de la loi par la division générale

[19] Une décision récente a confirmé cette interprétation de l’inconduite dans le contexte spécifique des exigences relatives à la vaccination obligatoire contre la COVID-19. Comme dans la présente affaire, Cecchetto portait sur le refus d’un prestataire de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeurNote de bas de page 7. La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions par la loi :

[traduction]
Malgré les arguments du demandeur, il n’y a aucun fondement pour infirmer la décision de la division d’appel parce qu’elle n’aurait pas évalué le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la directive 6 [la politique du gouvernement de l’Ontario sur le vaccin contre la COVID-19] ni rendu de décision à ce sujet. Ce genre de conclusion ne relevait pas du mandat ou de la compétence de la division d’appel ni de la division générale du Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 8.

[20] La Cour fédérale a convenu qu’en choisissant délibérément de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, M. Cecchetto avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a déclaré qu’il y avait d’autres façons pour le prestataire de faire valoir ses droits de la personne ou de régler sa réclamation pour congédiement injustifié dans le contexte du système juridique.

[21] Dans la présente affaire, comme dans l’arrêt Cecchetto, les seules questions qui comptent sont de savoir si la prestataire a enfreint la politique de vaccination de son employeur et, dans l’affirmative, si cette infraction était délibérée et si elle était susceptible d’entraîner sa suspension ou son congédiement. En l’espèce, la division générale avait de bonnes raisons de répondre « oui » aux deux questions.

La division générale n’a pas ignoré un précédent qu’elle était tenue de suivre

[22] La prestataire s’appuie sur la décision récente de la division générale intitulée A.L. Dans cette décision, le membre a conclu qu’une prestataire avait droit à des prestations de l’assurance-emploi même si elle n’avait pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeurNote de bas de page 9. La prestataire en l’espèce semble suggérer que le membre de la division générale qui a instruit son affaire aurait dû suivre une analyse semblable à celle de A.L.

[23] J’estime que cet argument n’a aucune chance raisonnable de succès.

[24] Premièrement, la prestataire ne semble pas avoir soulevé la question de la décision A.L. devant la division généraleNote de bas de page 10. On ne peut donc pas reprocher au membre qui a instruit l’appel de la prestataire de ne pas avoir tenu compte d’un précédent qui ne lui a pas été présenté.

[25] Deuxièmement, l’affaire A.L., comme l’affaire de la prestataire, a été tranchée par la division générale. Même si le membre qui a instruit l’appel de la prestataire avait examiné la décision A.L., il n’aurait pas été tenu de la suivre. Les membres de la division générale sont liés par les décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale, mais ils ne le sont pas par les décisions de leurs pairs.

[26] Finalement, la décision A.L. n’accorde pas aux prestataires de l’assurance-emploi une exemption générale des politiques de vaccination obligatoire de leur employeur, comme la prestataire semble le croire. Il semble que la prestataire dans la décision A.L. avait une convention collective qui empêchait explicitement son employeur de la forcer à se faire vacciner. Ayant examiné le dossier, je n’y vois rien qui indique que la prestataire bénéficiait d’une comparable disposition dans son propre contrat de travail. L’arrêt récent Cecchetto de la Cour fédérale a tenu compte des exigences de l’employeur en matière de vaccination; il a également examiné la décision intitulée A.L. et a conclu qu’elle n’était pas applicable de façon généraleNote de bas de page 11.

Conclusion

[27] Je ne suis pas convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, la permission de faire appel est refusée. Cela signifie que l’appel n’ira pas de l’avant. Neil Nawaz Membre de la division d’appel

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