Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1700

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : L. M.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (476385) datée du 12 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Les 21 et 29 septembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 7 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1954

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a prouvé que la prestataire a été suspendue et a ensuite perdu son emploi en raison d’une inconduite. Autrement dit, elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension et son congédiement.

[3] Cela signifie que la prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi (parce qu’elle a été suspendue), et qu’elle a été exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (parce qu’elle a perdu son emploi)Note de bas page 1.

Aperçu

[4] La prestataire a perdu son emploi dans le domaine des soins de santé. Son employeur avait une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19. Son employeur affirme qu’elle a été mise en congé sans solde et a ensuite été congédiée parce qu’elle n’était pas vaccinée contre la COVID-19Note de bas page 2. Autrement dit, parce qu’elle n’a pas respecté sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[5] La prestataire ne conteste pas cette conclusion.

[6] Toutefois, elle affirme que le refus de se faire vacciner et de fournir à son employeur une preuve de vaccination contre la COVID-19 ne constitue pas une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi (Loi). Son contrat et l’article 7 de la Loi ne disent pas qu’elle doit être vaccinée contre la COVID-19Note de bas page 3. Son employeur n’avait pas le droit de la suspendre et a manqué à son obligation de lui accorder des mesures d’adaptation. Et la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur était illégale parce que personne ne peut la forcer à se faire vacciner contre la COVID-19.

[7] La Commission a accepté le motif de suspension et de congédiement invoqué par l’employeur. Elle a donc décidé que la prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite et qu’elle était non admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter de la date à laquelle son employeur l’a suspendue.

Questions que j’ai examinées en premier

L’audience a été ajournée

[8] L’audience devant de la division d’appel a commencé le 21 septembre 2022.

[9] La prestataire a déclaré qu’elle n’avait pas reçu tous les documents dans son appel. Je n’avais aucune raison de douter de ce qu’elle a dit. Elle était prête à procéder à l’audience. Elle a été surprise lorsque je lui ai demandé si elle avait les documents GD3 et GD4Note de bas page 4. Et elle a cherché attentivement dans ses courriels pendant que j’examinais les dossiers du Tribunal.

[10] J’ai donc décidé d’ajourner l’audience.

[11] Il aurait été injuste pour elle de procéder à l’audience. Elle n’aurait pas été en mesure de présenter la meilleure preuve possible parce qu’elle n’avait pas pris connaissance des documents GD3 et GD4.

[12] Après que j’ai ajourné l’audience, le Tribunal lui a envoyé les documents GD3 et GD4. Et elle a confirmé les avoir reçus.

[13] L’audience a été reportée et s’est déroulée le 29 septembre 2022.

Question en litige

[14] La prestataire a-t-elle été suspendue, puis a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[15] Pour répondre à cette question, je dois trancher deux questions.

  • D’abord, je dois déterminer la raison pour laquelle la prestataire a été suspendue de son emploi et la raison pour laquelle elle a perdu son emploi.
  • Ensuite, je dois décider si ces raisons sont considérées comme des inconduites au sens de la loi.

Analyse

Raison pour laquelle la prestataire a été suspendue et a perdu son emploi

[16] Je conclus que la prestataire a été suspendue parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Son employeur et elle sont d’accord à ce sujet. Et aucune preuve n’indique le contraireNote de bas page 5.

[17] Je conclus que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Son employeur et elle sont d’accord à ce sujet. Et aucune preuve n’indique le contraireNote de bas page 6.

Le motif de la suspension et du congédiement est une inconduite au sens de la Loi

[18] Je conclus que le motif de la suspension et du congédiement de la prestataire est une inconduite au sens de la loi.

Inconduite, inadmissibilité et exclusions au sens de la Loi

[19] Il y a inconduite au sens de la loi si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur. Et elle savait ou aurait dû savoir que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit suspendue ou congédiéeNote de bas page 7.

[20] Il y a inconduite lorsque la conduite de la prestataire est délibérée. Cela signifie que sa conduite était consciente, voulue ou intentionnelle ou d’une insouciance frôlant le caractère délibéréNote de bas page 8. Elle n’avait pas à avoir une intention coupable. Autrement dit, elle n’a pas à vouloir faire quelque chose de malNote de bas page 9.

[21] Il doit y avoir un lien de causalité entre l’inconduite de la prestataire et son emploi. Autrement dit, l’inconduite doit constituer un manquement à une obligation expresse ou implicite découlant de son contrat de travail, et elle a été suspendue et a perdu son emploi en raison d’une inconduite et non pour une autre raisonNote de bas page 10.

[22] La Commission doit prouver qu’il y a eu inconduite selon la prépondérance des probabilités. Elle doit donc démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a été suspendue et a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 11.

La preuve et les arguments

[23] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que la prestataire n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 mise en place par l’employeur conformément l’obligation provinciale. Elle était au courant de cette politique de vaccination. Et elle savait que son employeur pouvait la suspendre ou la congédier si elle ne se faisait pas vacciner et n’en fournissait pas la preuve. Elle a délibérément choisi de ne pas se faire vacciner.

[24] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite. Aucune disposition de son contrat ni aucun article de la Loi ne prévoit qu’elle doit se faire vacciner contre la COVID-19. Son employeur a manqué à son obligation de lui accorder des mesures d’adaptation et n’avait aucun droit légal de la suspendre. Et la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur était illégale parce que personne ne peut la forcer à se faire vacciner contre la COVID-19.

La Commission a démontré qu’il y a eu inconduite

[25] Je conclus que la Commission a démontré que la prestataire a été suspendue et a ensuite perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[26] La Commission et la prestataire s’entendent sur les faits essentiels. Les affirmations de la prestataire à la Commission et à l’audience appuient la décision de révision de la Commission et sa position dans le présent appel.

[27] L’employeur avait mis en place une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19, qu’il a fournie à la CommissionNote de bas page 12. L’employeur était tenu de mettre en place la politique conformément au décret du médecin hygiéniste de la Colombie-Britannique daté du 14 octobre 2021Note de bas page 13.

[28] L’employeur a d’abord informé ses employés de la politique lors d’une réunion en septembre 2021 et a fait un suivi dans un courriel à tout le personnel en octobre 2021Note de bas page 14.

[29] Conformément à la politique de vaccination, la prestataire avait l’obligation de recevoir une première dose d’un vaccin contre la COVID-19 avant le 26 octobre 2021. Elle devait également en aviser son employeur. Les employés qui ont choisi de ne pas être vaccinés pouvaient être mis en congé sans solde et s’exposaient à un licenciement.

[30] La prestataire a dit à la Commission qu’elle était au courant de la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de l’employeur. Et elle connaissait les conséquences du non-respect de la politiqueNote de bas page 15.

[31] Le 25 octobre 2021, l’employeur a placé la prestataire en congé sans solde pour une période de trois semaines. Dans sa lettre, l’employeur indique que si elle ne reçoit pas une première dose de vaccin contre la COVID-19 au cours des trois semaines, son emploi pourrait prendre fin le 15 novembre 2021. La lettre prévoit une exception pour les employés en attente d’une décision concernant un report ou une demande d’exemption pour des raisons médicalesNote de bas page 16.

[32] La prestataire n’a pas reçu une première dose de vaccin contre la COVID-19. Et elle n’a pas demandé de report ou d’exemption pour des raisons médicales.

[33] Son employeur l’a licenciée le 15 novembre 2021 parce qu’elle n’avait pas reçu une première dose de vaccin ou demandé un report ou une exemption pour des raisons médicalesNote de bas page 17.

[34] Compte tenu de ces éléments de preuve, je conclus que l’employeur a suspendu la prestataire, puis l’a congédiée parce qu’elle a volontairement manqué à son obligation de se faire vacciner conformément à la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur. Il s’agit d’une inconduite au sens de la loi.

Les arguments de la prestataire

[35] La prestataire affirme que la disposition « Conditions requises pour recevoir des prestations » de la Loi ne prévoit pas que les prestataires doivent se faire vaccinerNote de bas page 18.

[36] Cela est vrai. Toutefois, vous ne pouvez pas interpréter cette disposition de la Loi de façon isolée. Il faut l’interpréter conjointement avec les autres dispositions. D’autres dispositions rendent les prestataires inadmissibles aux prestations régulières d’assurance-emploi ou les excluent du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Son appel porte sur l’inadmissibilité et l’exclusion pour inconduite. Je ne peux donc pas accepter son argument au sujet de la Loi.

[37] La prestataire affirme également qu’il ne s’agissait pas d’une inconduite parce que la vaccination contre la COVID-19 n’était pas une obligation explicite ou implicite prévue dans son contrat de travail.

[38] Je ne suis pas d’accord. Je conclus que la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur (fondée sur le décret provincial de santé publique) a fait de la vaccination contre la COVID-19 une condition de son emploi. En d’autres termes, elle est devenue une condition implicite de son contrat.

[39] La prestataire affirme également que son refus de se faire vacciner n’est pas une inconduite pour les raisons suivantesNote de bas page 19 :

  • son employeur avait l’obligation de lui fournir des mesures d’adaptation et ne l’a pas fait;
  • un employeur ne peut pas mettre un employé en congé, l’employé doit en faire la demande conformément à un arrêt de la Cour suprême du Canada;
  • le Canada ne force pas les gens à se faire vacciner en raison de la Constitution;
  • le fait de contraindre une personne à se faire vacciner contre la COVID-19 constitue une agression et de la torture selon le Code criminel;
  • un employeur ne peut obliger un employé à participer à un programme de surveillance médicale.

[40] Je ne peux pas tenir compte de ces arguments parce qu’ils portent sur le caractère raisonnable ou la légalité de la politique et des décisions de son employeur. Les tribunaux ont clairement dit que lorsque le Tribunal examine l’inconduite au sens de la Loi, il ne devrait pas se demander si la décision de l’employeur de suspendre ou de congédier l’employé était justifiée ou si la sanction était raisonnable ou appropriéeNote de bas page 20.

[41] À titre d’employée syndiquée, la prestataire et son syndicat pourraient présenter ces arguments dans un grief contre son employeur.

La prestataire a été suspendue et a perdu son emploi en raison d’une inconduite

[42] Compte tenu des motifs qui précèdent, je conclus que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite du 25 octobre 2021 au 14 novembre 2021. Je conclus également qu’elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite à compter du 15 novembre 2021.

Conclusion

[43] La Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue et a ensuite perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi la prestataire est non admissible, puis exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[44] L’appel est rejeté.

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